L’accessoire et l’essentiel
Par Pierre Péji
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À propos de ce livre électronique
Le monde romain et le monde grec ont disparu. Quant au nôtre, les constructions se poursuivent, conservent certains acquis essentiels et s’accommodent. La nature ayant horreur du vide, quelles actions allons-nous mener pour le combler ? Nos valeurs, directement issues de notre civilisation judéo-chrétienne, portées par une Europe conquérante durant des siècles, restent pourtant potentiellement adaptables car compatibles avec d’autres et avec certaines spiritualités.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Dans le cadre de diverses activités de médiation, Pierre Péji trouve indispensable de rappeler quelques fondamentaux nous concernant. L’avenir se construit par le dialogue dans le respect mutuel.
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Aperçu du livre
L’accessoire et l’essentiel - Pierre Péji
Introduction
En ce temps-là, les semaines étaient rythmées par un rituel immuable : la messe du dimanche matin.
Ni ennuyeuse, ni distrayante, ni amusante, une habitude tout simplement. L’occasion de se vêtir de manière soignée, en signe de respect pour le Seigneur que nous allions invoquer, prier, saluer. Mais peut-être aussi l’opportunité d’afficher un modèle familial accompli, conforme aux valeurs en vigueur, une famille traditionnelle donc, tout simplement dans ce qu’elle peut avoir de rassurant ou d’attrayant à reproduire.
L’occasion aussi, notre place dans la Collégiale étant traditionnellement toujours la même (comme les gamins en classe qui instinctivement gardent la place qu’ils ont choisie ou que le hasard leur a attribuée le jour de la rentrée), de revoir face à nous comme un effet de miroir de l’autre côté du transept, le même modèle familial « endimanché », composé d’un père assez imposant et de ses filles – de belles brunes – plutôt attrayantes et qui ne nous laissaient pas indifférents…
Une pièce d’orgue en entrée, lectures diverses, homélie censée commenter l’Évangile du jour mais souvent truffée de quelques niaiseries ou banalités faciles sur l’amour de Dieu et nos devoirs à son égard.
Bien sûr, le prêtre n’est qu’un homme, et tous ne naissent pas orateurs, Bossuet, Bourdaloue, Fénelon ou Robert Badinter… Durant toute la messe, passage et repassage du « suisse » en habit bleu avec queue de pie de laquais du XVIIIe siècle, coiffé d’un magnifique bicorne, et dans une main une canne à pommeau d’argent avec laquelle il frappait le sol aux moments héroïques de la cérémonie pour marquer un changement de position suivant le déroulement du rituel (debout, à genoux, assis sans bouger…).
L’homme avait pour fonction ancestrale de maintenir l’ordre durant l’office, vestige toujours présent et actif d’une époque révolue où les églises, quelques siècles auparavant, étaient de grands espaces sans banc ni chaise, où l’on circulait, discutait, riait, échangeait car la messe était dite pour Dieu et non pour les hommes qui assistaient sans participer en fait, l’officiant tournant le dos aux fidèles. Vatican II n’avait pas encore sévi…
Ce bon Suisse donc nous faisait un peu peur et incarnait l’autorité avec une hallebarde aussi qui nous fascinait : l’impression de vivre au temps béni, pensions-nous, des chevaliers…
À la fin de la messe parfois, car la paroisse avait la chance d’avoir pour organiste un homme de très grand talent – l’abbé Rosenblatt – nous avions droit pour accompagner la sortie d’un office de fête à la « Pièce héroïque de Franck », bruissante, assourdissante presque, inspirante et héroïque en tout cas. Elle fascinait mon père et je dois avouer que je partageais en silence secrètement cette émotion. Un grand moment donc, pourtant incompréhensible pour le plus grand nombre. Pour beaucoup visiblement ce n’était que du bruit, sauf pour les initiés : le public se ruait littéralement alors hors de l’église, soit pour fuir ce qu’il considérait ou percevrait comme une souffrance insupportable, soit pour se précipiter encore plus rapidement chez soi ou chez sa belle-mère pour enfin pouvoir passer à table et faire ainsi honneur à tous les mets dont l’odeur imaginée avait meublé les rêvasseries ou troublé voire perturbé la prière et l’égrégore durant l’office.
C’est vrai aussi, ils seront donc bien évidemment pour cela pardonnés, qu’à l’époque il était recommandé d’arriver à la messe l’estomac creux pour ceux qui avaient l’intention de communier, bien que le jeûne eucharistique ait été réduit en 1964 par le pape Paul VI à une heure. Inimaginable aujourd’hui, et pourtant !
On ne mélangeait pas les torchons et serviettes…
Je n’étais pas très croyant, sans être vraiment agnostique, mais dans tous les cas réservé sur l’intérêt que pourrait avoir Dieu sur la marche du monde, et encore plus surtout sur ma vie, mon existence, ma raison d’être. Bien évidemment, cela ne m’empêchait pas de conserver secrètement quelques petites superstitions toujours vivantes en moi aujourd’hui.
Il m’arrivait d’ailleurs plus que régulièrement de quitter l’église durant la messe à laquelle nous assistions en famille parfois l’été à Munster, où nous nous arrêtions le dimanche matin avant de monter marcher en famille sur la crête vosgienne ; je profitais de ces discrètes sorties et escapades pour aller à la découverte des ruelles du village et revenais lorsque les cloches annonçaient la fin de l’office. Je savais que mes parents appréciaient moyennement mon comportement, mais sans jamais me faire un reproche quelconque, espérant sans doute qu’une grâce divine me ramènerait un jour sur la bonne voie.
Enfin, tout