Sir Walter Tyrrel: Une épopée médiévale anglo-normande
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À propos de ce livre électronique
Serge Van Den Broucke
SERGE VAN DEN BROUCKE est journaliste, écrivain et traducteur spécialisé dans le patrimoine historique, ancien rédacteur en chef de revues professionnelles d'architecture, auteur de centaines d'articles dans des publications nationales et internationales de renom et de plusieurs livres, valorisant les richesses artistiques, culturelles et spirituelles de l'Europe à travers les siècles.
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Aperçu du livre
Sir Walter Tyrrel - Serge Van Den Broucke
Tous mes remerciements à la British Library de Londres
et à tous ceux qui m’ont permis de faire revivre
ce roman historique anglais méconnu.
Sommaire
INTRODUCTION : A la recherche d’un roman oublié
CHAPITRE I : LA COUR
CHAPITRE II : LE CLOÎTRE
CHAPITRE III : LA FORÊT
CHAPITRE IV : LA VILLE
CHAPITRE V : LE PÈLERIN
CHAPITRE VI : LE CAMPEMENT
CHAPITRE VII : LE CONSEIL
CHAPITRE VIII : LE COUVENT
INTRODUCTION
A la recherche d’un roman oublié
Qui sait combien d’œuvres littéraires oubliées dorment dans les profondeurs des grandes bibliothèques ? Qui sait combien d’auteurs, qui ont sans doute eu jadis leur heure de gloire et séduit un vaste lectorat, sont tombés dans le puits sans fond de l’abandon et de l’indifférence ?
De combien d’ouvrages à succès, aujourd’hui portés aux nues par les medias, se souviendra-t-on dans cent ans, peut-être même cinquante ? L’histoire de la littérature, comme celle de tous les arts, est parfois plus le fruit du hasard que de celui de la pérennité et de la reconnaissance des talents. Des textes peuvent passer de mode, ils peuvent être perdus, ou épuisés, ou délaissés, voire interdits et détruits par la censure des régimes en place selon l’époque, sans que leur qualité intrinsèque soit forcément en cause.
Il y a quelque chose de fascinant à songer à tous ces romans, tragiques ou légers, terribles ou désopilants, qui ont su à un moment ravir l’imagination des lecteurs, les faire frémir d’angoisse ou éclater de rire, et qui, maintenant, s’apparentent à ces artefacts archéologiques que l’on devine sous le sable, mais auxquels on ne peut plus accéder, à moins d’avoir la curiosité et la persévérance d’effectuer des fouilles. Les splendides institutions que sont la British Library de Londres, la Bodleian d’Oxford, ou encore la Wren du Trinity College de Cambridge, parmi bien d’autres, sont donc autant de formidables terrains d’investigation pour l’explorateur dont la littérature et la civilisation britanniques sont les passions. Et on peut souvent y retrouver, avec beaucoup de patience et d’amour des livres – avec aussi, il faut le dire, un peu de chance – des trésors engloutis qui, rendus à la lumière de notre siècle, brillent encore de l’éclat des temps où ils furent créés.
En juillet 1838, juste un an après l’accession au trône de la toute jeune reine Victoria et un mois après son couronnement (28 juin 1838), parut à Londres chez l’éditeur Saunders & Otley, un volume intitulé Historical Tales of the Southern Counties. Il regroupait trois romans historiques médiévaux : The Sea Kings, dont l’action se déroule à l’époque du roi Alfred le Grand ; William of Normandy dont le héros, comme l’indique le titre, n’est autre que le Conquérant lui-même ; et Sir Walter Tyrrel, que nous présentons ici. Les trois textes ont été écrits par le même auteur… mais celui-ci est anonyme. On sait simplement qu’il s’agit d’un « jeune écrivain », et il semble que ce soit sa première œuvre. En réalité, les choses sont peut-être plus complexes. En effet, pour étrange que cela puisse peut-être nous paraître aujourd’hui, l’anonymat était loin d’être exceptionnel dans la littérature anglaise du XIXe siècle, et pas seulement pour d’éventuelles raisons de sécurité dans le cas de pamphlets ou d’écrits scabreux. Bien au contraire, c’était l’une des caractéristiques les plus communes de la condition d’écrivain, tout comme l’usage de pseudonymes. Par une forme de modestie qui confinait à l’obsession, Charles Dodgson était terrorisé à l’idée que l’on puisse découvrir qu’il se cachait sous l’identité de Lewis Carroll, l’auteur d’Alice's Adventures in Wonderland et de Through the Looking-Glass. Quand Jane Austen parvint enfin à faire publier Sense and Sensibility, en 1811, le livre parut avec comme seul nom d’auteur la mention « By a Lady », un stratagème alors très fréquent. Certaines romancières choisissaient un nom de plume masculin, la littérature n’étant pas toujours considérée comme une occupation très honnête pour une femme de qualité, comme les sœurs Brontë qui utilisèrent les pseudonymes Currer, Ellis et Acton Bell. Et inversement, des écrivains parfois très connus optaient pour des identités féminines, comme William Sharp qui, après avoir récolté de nombreux lauriers pour ses écrits sous son vrai nom, entama une seconde carrière secrète absolument fulgurante en tant que Fiona MacLeod.
Ceux qui publiaient totalement incognito, ayant pour seul patronyme « Anonymous », étaient légion. Un nombre absolument considérable de livres publiés en Angleterre aux époques georgienne et victorienne paraissait sans nom d’auteur. Plus de la moitié de tous les livres, en fait. Et cela n’avait rien à voir avec le mérite du roman, ou du poème. Même des géants de la littérature utilisaient ce subterfuge. Parmi les intellectuels, les critiques, et les simples lecteurs assidus se développait alors une sorte de jeu, tant à travers la presse qu’à l’occasion d’interminables discussions dans les salons feutrés de la bonne société, qui consistait à tout faire pour tenter de découvrir l’identité réelle d’un écrivain. Ces enquêtes étaient souvent passionnées, et l’auteur invisible, indécelable, s’en offusquait ou s’en amusait en cachette, selon sa personnalité ou ses motivations.
Saunders & Otley était une maison d’édition prolifique ayant pignon sur rue, avec en catalogue un nombre impressionnant d’ouvrages, dont beaucoup entraient dans un genre spécial appelé silver-fork, caractéristique des années 1820 à 1840, décrivant des romans qui peignaient la vie des aristocrates et des classes les plus élevées de la société. William Saunders et Edward John Otley s’étaient installés au numéro 50 de Conduit Street, où ils éditaient tous leurs livres, tout en maintenant également une activité de bibliothèque de prêt. Les romancières étaient aussi nombreuses que les romanciers : au début de l’année 1837, ils publièrent le tout dernier roman de Mary Shelley, Falkner, et il y avait chez eux pléthore de talents féminins (Agnes Strictland, Elizabeth Strutt, Arabella Shore, Frances Trollope, etc). Saunders & Otley, établissement fondé en 1824, fut en activité jusqu’en 1871. Ils installèrent même un bureau à New York, en 1836. Là-bas, ils furent particulièrement dynamiques et entreprenants pour faire respecter les droits des auteurs britanniques. En 1838, année de publication de Sir Walter Tyrrel, ils firent paraître quinze titres, dont Alice, roman du célèbre Edward Bulwer-Lytton, l’auteur des Derniers jours de Pompéi.
Le roman historique anglais, en tant que genre littéraire qui transmet l’Histoire par le biais d’une narration fictionnelle, ou qui fait revivre des faits historiques avérés en y croisant les destinées de personnages de fiction avec celles de protagonistes bien réels, est riche d’une longue tradition. On considère généralement que c’est le grand sir Walter Scott qui, avec la publication de Waverley en 1814, a posé la première pierre de cette expression artistique qui devint rapidement abondante et fut le terreau fertile sur lequel s’épanouit le talent de beaucoup d’écrivains majeurs, dont Charles Dickens avec A Tale of Two Cities, et sir Arthur Conan Doyle avec The White Company, entre autres.
Quand on voit aujourd’hui l’impressionnant monument commémoratif, haut de plus de 61 mètres, érigé dans les années 1840 à Edimbourg en l’honneur de Walter Scott, il est difficile d’imaginer que l’auteur d’œuvres aussi majeures qu’Ivanhœ (1819) et Quentin Durward (1823) publiait anonymement, n’ayant accepté de reconnaître la paternité de Waverley et des autres titres qu’en 1827, et encore avec réticence. Ses raisons semblent avoir été multiples, entre des difficultés personnelles à assumer le statut d’écrivain, et l’idée que l’écriture de romans ne convenait guère à un homme de loi, sa profession officielle qu’il n’exerça pourtant que bien peu.
L’intrigue de Sir Walter Tyrrel se déroule au tout début du XIIe siècle, précisément en l’an 1100, en Angleterre et en Normandie. On y retrouve les fils de Guillaume le Conquérant, à commencer par Guillaume II dit le Roux, ou Rufus, ou encore, pour les anglais, le Roi Rouge. Son meurtre accidentel dans la New Forest par la flèche de Walter Tyrrel (parfois orthographié Tyrrell ou même Tirel) constitue le cœur du drame, et le déclencheur de toutes les aventures du héros. Walter Tyrrel, dont certains situent la naissance dans la ville de Tonbridge, dans le Kent, mais d’autres en France, était un noble d’ascendance normande, seigneur de Poix, en Picardie, et de Langham, dans le comté d’Essex. Beaucoup de zones d’ombre obscurcissent encore sa biographie, et on en est réduit à des conjectures. En tous cas, si tous les personnages principaux du livre ont bel et bien réellement existé, de même que la trame du récit, de nombreux rôles secondaires viennent compléter et pimenter cette fresque épique souvent spectaculaire pleine d’humanité et de bons sentiments, et parfois saupoudrée d’humour. Il s’agit cependant d’un roman, et pas nécessairement d’une étude scrupuleuse où tout devrait être pris pour argent comptant dans les moindres détails : c’est dire que l’auteur, en redonnant vie avec enthousiasme à tous les acteurs de ces péripéties,