Les pirates du Mississippi
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Friedrich Gerstäcker
Friedrich Gerstäcker (geb. 1816 in Hamburg, gest. 1872 in Braunschweig) war ein deutscher Schriftsteller, der vor allem durch seine Reiseerzählungen aus Nord- und Südamerika, Australien und der Inselwelt des indischen Ozeans bekannt war. Zu seinen bekanntesten Werken zählen „Die Regulatoren von Arkansas“ (1846) und „Die Flußpiraten des Mississippi“ (1847). Daneben veröffentlichte er eine Vielzahl von spannenden Abenteuerromanen und -erzählungen, aber auch Dorfgeschichten aus der deutschen Heimat. In seinen Erzählungen verstand er es die Landschaften und kulturelle Verhältnisse anschaulich darzustellen, so dass noch heute ein überwiegend jugendliches Publikum seine bekannten Romane liest. Seine Erzählungen und Romane regten im Nachgang zahlreiche Nachahmer an, zu denen auch Karl May zählte. Er profitierte sehr stark von den Schilderungen Gerstäckers, da er weniger in der Welt herumgekommen war und aus eigenen Erlebnissen zu berichten hatte. Insgesamt hinterließ Friedrich Gerstäcker ein monumentales 44-bändiges Gesamtwerk. (Amazon)
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Aperçu du livre
Les pirates du Mississippi - Friedrich Gerstäcker
Friedrich Gerstäcker
Les pirates du Mississippi
EAN 8596547431787
DigiCat, 2022
Contact: [email protected]
Table des matières
PRÉFACE
I. Une tombe au milieu des bois.
II. L’émeute en plein vent.–Discussions politiques.
III. Les habitués de l’hôtel de l’Union.
IV. Une soirée de famille.
V. L’île mystérieuse.
VI. Les pirates et leur capitaine.
VII. La belle Georgina.
VIII. Conversation secrète au milieu d’un marais.
IX. Le double piège.
X. L’habitation des Lively.
XI. L’embtiscade.
XII La chasse aux voleurs.
XIII. Capture du mulâtre Dan.
XIV. L’orgie et la fuite de Mary.
XV. Le long du Mississipi.
XVI. L’épée de Damoclès.
XVII. Les révélations du mulâtre.
XVIII. Départ d’Edgeworth.–Le fugitif.
XIX. Ruses de ménage,
XX. Trois contre... tous!
XXI. L’amie de la pauvre folle.
XXII. La taverne de l’Ours Gris.
XXIII. L’arrestation d’un innocent.
XXIV. La carabine enclouée.
XXV. L’amarre,
XXVI. Les pirates à l’œuvre.
XXVII. La vengeance d’une femme.
XXVIII Les aventures d’O’Toole.
XXIX. Le seamboat Black - Hawk.
XXX. Deux loups contre une louve.
XXXI. Le Squire sous la forme de Janus.
XXXII. L’enquête.
XXXIII. Indécision.
XXXIV. A cheval! à cheval!
XXXV. Le capitaine et son lieutenant
XXXVI. Bataille.
XXXVII. Conclusion.
PRÉFACE
Table des matières
Dans les contrées encore sauvages qui bordent le fleuve géant du Mechescebé, pays où la civilisation est encore à peu pès inconnue, on rencontre des hommes aux. mœurs grossières, au caractère audacieux, qui ne reculent devant aucun crime, lorsqu’il s’agit d’arriver à leur but, celui de derenir riches,
La facilité de fuir dans les prairies indiennes et de se lérober ainsi à la justice des hommes, en admettant qu’elle ixiste aux États-Unis où presque tous les crimes se rachèent avec de l’argent, a fait choisir aux forbans de tous les pays les rives fangeuses du Père de Eaux pour théâtre de leurs exploits.
Il y a peu d’années encore, avant l’époque où les bateaux a vapeur sillonnaient le Mississipi, le commerce de l’intérieur des États riverains se faisait seulement à l’aide de bateaux plats nommés arches de Noé par les Américains, le quelques vastes chaloupes, de schooners et de brigs.
Il ne fallait pas songer alors, pas plus qu’aujourd’hui, à Aventurer le long des rives du fleuve pour y conduire une harrette chargée de marchandises. On eût infailliblement léri dans les marécages et dans les fondrières qui s’ourent et se referment sous les pieds du voyageur. C’était donc par la navigation seulement que les commerçants des États-Unis et les fermiers pouvaient trouver un débouché i leurs produits et à leurs marchandises.
Il y a quelques années, une des villes du Mississipi, qu est de nos jours connue sous le no94, et que les navigateur appellent l’île Stak ou le Crow-Nest (le nid de corbeaux) servait de refuge à une bande de voleurs et de fabricants des billets de banque. Non-seulement ils faisaient le métie de pirates sur le grand chemin liquide du Mississipi mais encore ils se dispersaient dans le pays, et, à force d’échanger des faux billets avec le public, ils rapportaien dans leur caverne, abritée par une végétation luxuriante et impénétrable, une ample moisson de dollars et de marchandises.
Ces mécréants étaient parvenus, à l’aide de la corruption comme aussi par intimidation, à affilier à leur bande un certain nombre d’individus qui occupaient un rang et une position honorables dans les villes et les bourgades près desquelles ils résidaient. Il leur était donc facile de cachei leurs méfaits et d’échapper aux rigueurs de la loi, toutes les fois qu’ils étaient surpris en flagrant délit, car le juge du comté, le shériff et le geôlier même faisaient partie de l’association et prêtaient la main à l’évasion des prévenus.
A deux reprises différentes pourtant le gouvernement de Washington s’émut de cet état de choses: ce fut en184C et en1847. Le succès des pirates, leur impunité les avaien rendus moins prudents; ils s’étaient ralentis dans leur système d’astuce. Il fut donc facile de découvrir ce nid d’ corbeaux, et, afin de faire un exemple, on en pendit envi ron une trentaine aux arbres du rivage témoins de le un exploits sanguinaires.
Malheureusement quelques-uns des plus audacieux bans dits étaient parvenus à s’échapper; ils se rassemblèrent dans e Texas, et là, ayant organisé une troupe recrutée parmi ous les mécréants du pays, il rentrèrent sur le territoire Américain et s’établirent dans l’île no61, dont il est quesion dans ce volume.
Quelque temps après, lorsque les crimes de cette nourelle association de brigands eurent jeté l’alarme dans les États mitoyens, les fermiers formèrent entre eux une ligue, afin de se rendre justice eux-mêmes, puisque les juges des : omtés étaient ou trop faibles ou trop impuissants pour détruire le mal. Les Régulateurs procédaient à l’aide de cette condamnation expéditive que l’on appelle la loi de Lynch, c’est-à-dire qu’à l’exemple du premier fondateur de cette justice sommaire, un nommé Lynch, dès qu’on s’était emparé d’un voleur, on lui donnait un quart d’heure pour se réconcilier avec Dieu, si cela était possible, puis on le lançait dans l’éternité, à l’aide d’une corde de chanvre ou d’une lanière de cuir. Le premier venu remplissait l’office de trois Échelles, autrement dit du bourreau, et on se faisait une gloire, parmi les Régulateurs, d’avoir pendu un, deux, trois, six ou dix individus et même davantage.
La ligue des fermiers parvint ainsi à s’emparer des habitants de l’île no61et surtout du célèbre John Murray, le chef de ces terribles pirates, qui fut conduit à Saint-Louis, jugé sérieusement, condamné à la potence par des juges incorruptibles (à qui probablement on n’offrit pas assez d’argent pour les acheter); et enfin exécuté dans la prison de la ville.
Les complices de Murray n’étaient point venus visiter l’a geôle de Saint-Louis: les Régulateurs croyant plus prudent de se rendre justice eux-mêmes, les avaient tous appendus, les uns aux arbres de l’île no61les autres à des pote aux dressés à cet effet sur les quais d’Héléna, de Memphis, d Fourche-la-Fave, et des autres villages bâtis sur les bords du Mississipi.
De nos jours encore, il paraît que les pirates américain ont reparu sur les eaux du fleuve majestueux. Il y a six mois à peine, les journaux des États-Unis mentionnaient les crimes de forbans dont l’asile était encore inconnu, et l’on citait surtout le nombre incalculable de faux billets de banque répandus dans tous les États de l’Ouest. Là s’arrêtent les documents qui sont parvenus en mes mains.
Cet avant-propos m’a paru nécessaire pour initier le lecteur à l’étrange étude de mœurs que je lui offre aujourd’hui. L’auteur de cet ouvrage, M. Frédérick Gafstaëoker, est un Allemand de Gobourg qui a déjà produit plusieurs ouvrages parmi lesquels je citerai: Un voyage dans le Far-West, un autre roman dont l’action se passe en Australie, intitulé: Les deux convicts, et deux autres volumes dont le titre est: La flèche empennèe et La vie d’un matelot; qui tous quatre sont devenus nôtre propriété par le bon Vouloir de notre: nouvel ami. L’imagination de Gerstaëéker ne lui fait jamais défaut, et son nom marquera bientôt dans la littérature européenne, car l’auteur des Pirates du Mississipi, une fois-connu en France, deviendra infailliblement un des romanciers les plus populaires de notre époque.
BÉNÉDICT H. RÉVOIL
Paris, 15septembre1857.
LES PIRATES
DU MISSISSIPI.
Table des matières
I.
Une tombe au milieu des bois.
Table des matières
Les eaux limpides de la rivière Wabash, qui se jette crans l’Ohio, après avoir traversé l’Illinois et l’Indiana, s’écoulent lentement entre des berges rocheuses et escarpées, au milieu de riantes prairies, ou bien sous les silencieux ombrages des forêts vierges. L’onde se joue, dans les mille détours parmi les plantes et les saules, tantôt roulant doucement ses flots sur un lit de mousse ou de cailloux, tantôt se précipitant avec impétuosité jusqu’au milieu de l’Ohio, où les courants se rencontrent, et où les vagues bouillon nantes éparpillent avec fracas leur écume dorée par les rayons du soleil.
Au printemps de l’année 18..., deux hommes se reposaient sur le penchant d’une colline couverte d’un taillis épais, et leurs carabines gisaient près d’eux sur le gazon. Le plus jeune paraissait âgé d’environ vingt-quatre ans, et les vêtements qu’il portait annonçaient plutôt un marin qu’un chasseur. Un petit chapeau verni de forme basse, orné d’un large ruban, était posé avec une certaine coquetterie sur ses cheveux clairs et bouclés; une veste bleue de matelot couvrait des épaules dont Hercule lui-même eût été fier et un pantalon de toile blanche était retenu sur les hanches par une étroite ceinture, à laquelle pendait un couteau à lame épaisse enfouie dans une gaîne de cuir. Une chemise de flanelle rouge et une cravate de soie noire complétaient le costume du jeune homme. A vrai dire, les mocassins brodés qu’il portait aux pieds, prouvaient qu’il était accoutumé à la vie des bois plus encore qu’au pont d’un navire.
Auprès de ce personnage on voyait, étendu mort sur la pelouse souillée de sang, un ourson sur lequel un superbe lévrier d’un pelage noir et gris, jetait des yeux de convoitise et de rage, car la respiration haletante de la pauvre bête, comme aussi une large blessure à l’épaule d’où découlait un filet de sang, attestaient que la poursuite du gibier avait été rude, et que la victoire remportée sur un si puissant ennemi avait été chèrement payée.
Le second chasseur était un homme qui paraissait avoir environ soixante ans. Quoique moins grand et moins robuste que son jeune compagnon, rien en lui ne décelait la vieillesse. Ses yeux brillaient d’un éclat juvénile, et ses joues portaient empreintes sur la peau les couleurs de la santé. Ses vêtements étaient ceux d’un fermier. Ils se composaient d’une chemise de chasse en coton, garnie d’une frange de même couleur, de souliers à semelle épaisse et de guêtres de cuir. En place du couteau de matelot que son compagnon portait à la ceinture, le vieux chasseur possédait un coutelas à la lame longue, large et tranchante. Une couverture roulée et fortement serrée, était suspendue à son épaule par des lanières faites avec de l’écorce d’arbre. Il était évident que ces deux hommes s’étaient jetés sur le gazon dans le but de se reposer des fatigues de la chasse qu’ils venaient de faire.
Le plus âgé, appuyé sur le coude de son bras droit, fut le premier à rompre le silence.
«Tom, il ne faut pas nous arrêter trop longtemps ici, le soleil va disparaître à l’horizon, et je crois que nous sommes à une grande distance de la rivière.
–Ne vous inquiétez pas de cela, Edgeworlk répliqua le jeune homme en s’étendant tout de son long et en regardant le ciel bleu à travers les branches touffues, la Wabash coule là-bas, où vous voyez cette teinte lumineuse; il y a d’ici là tout au plus mille mètres. Avec la meilleure volonté du monde, vos engagés ne sauraient pas amener ce soir le bateau jusqu’ici. Dès que la nuit sera venue, ils seront contraints, à cause de l’obscurité, à débarquer ou à jeter l’ancre, car la rivière est pleine de roches, de troncs d’arbres déracinés, et il serait dangereux de naviguer sans y voir. D’ailleurs, ils avaient encore, lorsque nous les avons quittés, quinze milles à franchir pour éviter les détours du fleuve, et arriver ici en droite ligne.
–On dirait que vous connaissez parfaitement le pays?
–Je le crois bien, répondit Tom en souriant. J’ai chassé ici pendant deux années, aussi je sais la place de chaque arbre et de chaque ruisseau. Je suis venu dans ce canton avant l’époque où je fis connaissance avec Dickson et où je m’embarquai sur son schooner pour aller au Brésil. Pauvre diable1il ne soupçonnait guère alors la triste fin qui l’attendait.
–Vous ne m’avez jamais raconté en détail ce malheureux événement?
–Je puis ce soir même satisfaire votre curiosité; mais avant il s’agit de couper du bois, et de préparer notre camp; au point du jour nous gagnerons le bord de la rivière, afin d’y attendre le bateau.
–Comment ferons-nous pour emporter notre gibier? la distance n’est pas très-longue, mais ce sera néanmoins fort difficile de traîner cet ours jusque-là. — Eh ! nous le laisserons ici, répondit Tom en se levant vivement et en resserrant la boucle de sa ceinture. Si les camarades veulent manger de la viande d’ours, ils viendront la chercher eux-mêmes.
–Mais s’ils allaient nous abandonner? ajouta Edgeworth.
–Ne croyez pas cela: Bill sait où il doit nous attendre dans le cas où nous ne le rejoindrions pas, et, certes, le baeau ne partira pas sans son capitaine.
–Allons, tout va bien comme vous l’arrangez dit le vieillard en se levant pour imiter son compagnon. Quant à moi, je vais tailler plusieurs morceaux de filet, et suspendre quelque part le reste de la bête. Là, voilà qui est fait; nous aurons de quoi souper ce soir, et maintenant, mon brave Tom, appuyons un peu sur la gauche. Si j’en crois l’aspect des arbres qui nous entourent, nous devons rencontrer un ruisseau, et j’ai grand besoin de boire avant qu’il fasse nuit.»
Les deux individus hâtèrent le pas afin de profiter des dernières heures du jour. Ils trouvèrent, en effet, la source, et tout auprès un immense tas de feuilles et de branches mortes avec lesquelles ils allumèrent un excellent feu, dont les charbons servirent à faire rôtir de succulentes tranches de viande d’ours. Tandis que leur souper cuisait, les chasseurs, étendus sur leurs couvertures, contemplaient les lueurs de la flamme petillante et savouraient avec ravissement le doux repos dont ils jouissaient à cette heure.
Les deux individus dont nous venons de raconter la conversation, appartenaient à l’équipage d’un de ces bateaux plats qui font le commerce avec la Nouvelle-Orléans. Leur embarcation était chargée de whishy, d’ognons, de pommes, de venaison fumée, de jambons, de pêches desséchées et de maïs. Cette cargaison provenait des propriétés du vieux Edgeworth qui possédait sur les bords de la Wabash, dans l’Indiana, une ferme très-importante qu’il exploitait avec habileté, et dont il vendait les produits tantôt à la Nouvelle-Orléans, tantôt dans les villes du littoral du Mississipi. 3
Edgeworth avait, en outre, emporté une somme d’argent assez considérable qu’il comptait échanger contre des marchandises difficiles à se procurer dans le pays qu’il habitait. Le vieux fermier avait d’abord résidé à Miami, dans l’État de l’Ohio, et c’était depuis deux années seulement qu’il était venu fonder sa ferme sur les bords de la Wabash. Son but était de fuir la civilisation, car il préférait la vie des bois, la pêche et la chasse sans entraves et sans restrictions, au voisinage trop direct de fermiers querelleurs et jaloux du succès des autres.
Tom était orphelin, et parent éloigné d’Edgeworth. Quelques années avant l’époque où commence notre histoire, il avait aussi éprouvé la tentation de se fixer sur le bord de la Wabash; mais il changea de projet à la suite d’une conversation avec un matelot nommé Dickson, ancien ami de son père. Lors de cette rencontre, Dickson était sur le point ce faire un voyage, et Tom résolut de l’accompagner.
Ils s’étaient embarqués tous les deux à Cincinnati sur un schooner que Dickson avait fait construire, et qu’il avait chargé de produits du nord en destination pour la Nouvelle-Orléans. Après s’être débarrassés de cette cargaison les nouveaux associés avaient pris un chargement pour la Havane; et de là, longeant les côtes de l’Amérique du sud, ils étaient arrivés au Brésil où Dickson fut traîtreusement assassiné.
Lorsque Tom revint de ce long voyage il parut ne plus se plaire chez lui; ce qu’il y a de certain, c’est qu’il se montra très-empressé à accompagner Edgeworth dans son excursion le long du Mississipi.
Le vieux fermier avait secoué la tête avec un geste de blâme, en voyant ainsi son parent rempli d’insouciance pour son avenir; il trouvait qu’il était grand temps que Tom renonçât à sa vie errante, dît adieu à ses camarades nomades et devint un fermier respectable et digne de considération.
Edgeworth et Tom fatigués de la monotonie du voyage, étaient donc descendus à terre, où par un heureux hasard ils avaient eu la chance de tuer un ours magnifique. Pendant ce temps-là le bateau, manœuvré par cinq vigoureux rameurs, avançait avec lenteur, en suivant les mille détours du fleuve géant de l’Amérique du nord.
«Oh que j’aime cette vie des bois, s’écria tout d’un coup Tom après un long silence, en se prélassant sur sa couverture, comme pour mieux admirer le chatoiement du feuillage illuminé par les flammes vacillantes: vive une température sans pluie, un temps sec et un rôti d’ours! certes, un peu de miel ne gâterait rien au repas, mais à vrai dire cette viande est assez délicate pour être mangée sans sauce. Que de fois, étendu sur le tillac d’un navire, comme je le suis en ce moment sous ces arbres, ai-je contemplé les étoiles radieuses du firmament en songeant avec regret à ma patrie! Oh! c’est un mal affreux que celui-là, Edgeworth; l’avez vous jamais éprouvé?
–Non, répliqua le vieillard, tout en enveloppant avec sa cravate la batterie de son arme après l’avoir soigneusement chargée, puis il ajouta en la déposant près de lui; oh! j’ai eu des chagrins plus cruels. Mais bah! fit-il en fronçant les sourcils, n’allons pas gâter notre soirée en rappelant de semblables souvenirs! racontez-moi plutôt ce qui est arrivé au Brésil à votre ami Dickson.
–Si vous croyez que cela vous égayé, je ne demande pas mieux. Les hommes sont tous les mêmes! ils préfèrent entendre le récit d’histoires tristes plutôt que de parler de choses gaies qui les regardent. Du reste, ce que j’ai à vous dire ne sera pas long. Nous étions entrés dans la petite rivière de San-José, comptant vendre aux planteurs et aux insulaires notre cargaison de whisky, de blé, d’oignons et de fer-blanc, lorsque nous nous aperçûmes certain soir qu’il était impossible d’atteindre une des plantations avant la tombée de la nuit. Il nous fallut donc amarrer solidement notre petite embarcation au tronc d’un palmier qui croissait non loin du bord. Nous soupâmes ensuite et nous nous couchâmes sous nos moustiquaires. Nous n’avions pris aucune précaution, et ne songions point à faire le quart. Un arbre abattu et dont la cime s’étendait dans l’eau de manière à nous tenir éloignés du rivage, paraissait devoir nous abriter de tout danger. Tout à coup Dickson qui était couché près de moi, me poussa doucement pour me demander si je n’entendais rien? Réveillé en sursaut, je lui répondis avec brusquerie; mais, sans prendre garde à mon humeur, Dickson me secoua rudement par l’épaule en me disant tout bas:
«–Alerte, Tom, ouvre les yeux, il se passe quelque; chose sur la plage.
«–Halloo!» criai-je aussitôt en pensant pour la première fois aux Peaux-Rouges, et devinant qu’ils pourraient bien avoir les mêmes habitudes que les sauvages de nos contrées.
«Nous écoutâmes tous les deux avec la plus grande attention, puis tout à coup Dickson s’écria:
«–A l’aide, mes enfants! Voici ces misérables! et en même temps il s’élança en avant, tandis que je cherchais mon couteau que dans ma précipitation il me fut impossible de trouver. Dickson dut s’embarrasser les pieds dans les plis de nos moustiquaires, car j’entendis le bruit d’une chute sur le tillac, et en me retournant, j’aperçus deux ombres qui se glissaient le long du schooner, et se précipitaient sur mon camarade. En ce moment ma main rencontra un anspect; je m’en emparai vivement, car c’était la meilleure arme dont je pusse me servir, et j’ordonnai à nos gens de couper le câble qui nous retenait (nous avions à bord trois matelots et un mousse), puis j’assenai plusieurs coups violents sur la tête des deux misérables, qui sautèrent ou plutôt qui tombèrent par-dessus le bord, car le lendemain je trouvai mon anspect tout souillé de sang et de débris de cervelle. Pendant que nos matelots achevaient de s’éveiller, le mousse eut la présence d’esprit de saisir une hache et de couper le câble, et au moment même notre schooner s’éloigna emporté par le reflux. Deux de nos hommes, Meïers et Hawits me dirent qu’ils avaient assommé cinq de ces drôles qui s’étaient accrochés aux parois du vaisseau: j’ignore s’ils disaient vrai. Quant à notre pauvre capitaine il était étendu roide mort sur le tillac: le fer d’une lance lui avait traversé la poitrine tandis qu’un coup de massue lui brisait la tête.
–Que devint la cargaison?
–Je la vendis dans le courant de la même semaine, et je chargeai la Charlotte (c’était ainsi qu’on nommait le shooner) avec des articles de bonne défaite dans notre pays. Quatre mois après j’arrivai sans accident à Charlestown où résidait la veuve de Dickson. La pauvre femme pleura son mari pendant quelque temps, mais, à vrai dire l’argent que je lui apportais fut pour elle une puissante consolation; huit semaines plus tard elle épousait un planteur du voisinage. Ainsi va le monde!
–Au moins elle a appris d’une manière positive que son mari n’existait plus, murmura le vieillard en se parlant à lui-même; elle a su où et comment il était mort, tandis que beaucoup de pauvres parents ignorent pendant des mois et des années quel a été le sort de leurs enfants: ils espèrent sans cesse voir sur le visage de l’étranger qui apparaît sur la route, ou du voyageur qui demande l’hospitalité pour la nuit, les traits aimés de celui qu’ils attendent impatiemment. Il leur faut bien enfin comprendre que depuis longtemps sans doute, l’être qu’ils regrettent n’existe plus; que depuis longtemps ses membres ont été déchirés et ses os broyés par la dent cruelle des loups ou des coyotes..
–Oh! dit Tom en ravivant le feu, ce que vous dites là, Edgeworth, est une vieille histoire; bien des gens trouvent la mort au milieu de nos forêts, d’autres périssent dans la rivière, et bien rarement ou plutôt jamais leurs amis n’apprennent ce qu’ils sont devenus. Combien y a-t-il de milliers de marins que la mer engloutit! A cela, il n’y a point de remède. Je l’avoue sans trop d’amour-propre, j’ai affronté bien des dangers, et pourtant la pensée de la mort n’a jamais ébranlé mon courage.
–Et cependant, reprit le vieillard d’un accent moins lugubre, il arrive quelquefois que ceux qu’on croyait perdus sans retour reviennent au moment où l’on s’y attend le moins. Un jour, on entend frapper à la porte, et les parents désolés versent des larmes de joie; ils enlacent dans leurs bras l’enfant prodigue, l’enfant bien-aimé, l’enfant longtemps regretté.
–C’est là un cas rare, répliqua Tom d’un air de doute, car nos steamers font énormément périr de monde. Mais dites donc, Edgeworth, pouquoi vous débarrassez-vous de votre couverture? Il ne fait pas froid, j’en conviens; mais il est imprudent de se coucher sur la terre humide.
–C’est mon habitude, répondit Edgeworth, qui semblait absorbé par ses tristes pensées.
–Servez-vous donc de votre couverture puisque vous en avez une.
–Il doit y avoir des racines ou des pierres à l’endroit où j’étais étendu; j’ai senti cela à la douleur de mes épaules, et voilà pourquoi je change de place.
–C’est facile à vérifier, dit Tom, il vaut mieux se procurer un lit de feuilles sèches que de rester ainsi sur la terre nue; laissez-moi faire, dans un instant je vous aurai préparé un bon lit.»
Edgeworth s’était levé à ces paroles, et il s’approcha du feu, tandis que Tom enlevait la couverture et tâtait le terrain.
«Diable, s’écria-t-il, je ne m’étonne pas si vous étiez mal à votre aise; ce ne sont pas des racines, mais bien des ossements de cerf que voici dans cet endroit. Comment n’avions-nous pas vu cela?» Et en disant ces mots, Tom lança les os du côté du foyer. Il rassembla ensuite toutes les feuilles sèches qu’il put trouver, étendit la couverture dessus, remit plusieurs gros morceaux de bois sur le feu afin qu’il ne s’éteignît pas pendant la nuit, et ôtant ensuite ses chaussures, il se dépouilla de sa veste pour s’en couvrir, et se coucha dans l’espoir de dormir pendant deux ou trois heures en attendant l’arrivée du bateau.
Edgeworth, qui avait ramassé un des os, l’examinait avec plus d’attention que n’en paraissait mériter un objet aussi insignifiant.
«Tom, s’écria-t-il tout à coup en se baissant vers la flamme et en tenant cet os à la main pour le voir de plus près, ceci n’est point un os de cerf.
–Eh bien, alors, c’est peut-être celui d’un loup ou celui d’un ours, murmura Tom déjà à moitié endormi.
–D’un ours, c’est possible; et cependant, mon ami, il me semble que ce que j’ai sous les yeux est l’os d’un homme.
–Alors empêchez le chien d’y toucher. Parbleu! vous avez raison, ajouta le jeune homme, qui se leva avec vivacité et les yeux grands ouverts en regardant autour de lui avec anxiété.
–Mais qu’y a-t-il? fit alors Edgeworth avec un sentiment d’effroi, que cherchez-vous?
–Etes-vous sûr que ce soit un os d’humain? répliqua Tom tout en remettant ses chaussures.
–Je le crois; il me semble même que c’est un fémur. Voyez! Cet os est trop grand pour être celui d’un cerf et trop long pour appartenir à un ours. Mais qu’avez-vou donc, mon ami?
–Si c’est réellement un os humain, dit Tom, je con nais l’homme à qui il a appartenu. Lorsque nous décou vrîmes son cadavre, ce fut moi qui le cachai sous des bran chages, et voilà pourquoi nous avons trouvé amonce! dans cet endroit tant de bois à moitié pourri. Oui, voil bien la place, là sous ce chêne; voici la croix que j’ai en taillée à l’aide de mon couteau.
–Mais quel est cet homme et comment mourut-il? de manda Edgworth.
–Je ne saurais répondre à toutes vos questions; tout ce que je puis vous dire, c’est qu’il fut tué de la manière la plus horrible par un batelier dont le sloop était amarré pré cisément à la même place où nous comptons trouver ce ma tin notre embarcation. Le misérable l’assomma comme ui loup, dans le but de lui voler quelques misérables dollars
–Oh! c’est épouvantable, dit le vieillard qui plaç l’os près de lui, en s’étendant sur la couverture. Tom s’était assis à son ancienne place et appuyait sa tête dans sa mair droite.
–Nous poursuivions un essaim d’abeilles, fit-il en dirigeant ses regards sur les ossements, et laissant errer sa pensée dans les souvenirs d’une époque passée, lorsque Bill.
– Qui? le batelier?
–Non, ce pauvre garçon qui fut assassiné.
–Ah! quel était son autre nom?
–Il ne me l’a jamais appris. Nous nous connaissions à peine depuis quatre jours; mais je soupçonne qu’il venait de l’Ohio. Bill avait eu l’imprudence de laisser voir à un coquin de marin l’argent qu’il possédait, et celui-ci, lorsque nous étions assis autour du feu, avait essayé de le faire jouer. Billy s’y était refusé, et cela avait fortement contrarié le misérable. Deux nuits plus tard, le batelier persuada à Bill de venir coucher à bord avec lui. Nous étions campés dans le même ravin où nous avons aperçu l’ours ce matin, car nous avions poursuivi jusque-là les abeilles le long des méandres de la petite prairie. Le lendemain matin, nous ne vîmes ni l’un ni l’autre des deux hommes, et au couher du soleil, lorsque nous retournâmes à la rivière, quel ut notre étonnement de ne plus trouver le bateau1Nous tassâmes la nuit sur le bord de l’eau, et voici, je le recontais, le vieux sycomore auprès duquel nous fimes notre feu; est encore debout. Vers le matin, en montant sur une olline, nous remarquâmes un nombre considérable de vauours qui volaient dans la même direction.
–Que signifie ceci? dit un de nos compagnons, excelent chasseur de Kentucky. je parierais que ce scélérat de batelier a assassiné le Pied-Bot.
–Le Pied-Bot! s’écria Edgeworth épouvanté en interompant le récit de Tom. Pourquoi donc l’appeliez-vous insi?
–Parce que sa jambe droite était un peu plus courte que la gauche et qu’il sautillait légèrement en marchant. Lorsque nous atteignîmes le sommet de la colline. ah! e n’oublierai jamais, dussé-je vivre mille ans, le spectacle lui s’offrit à nos yeux x! Nous aperçûmes le corps et les vauours. Mais qu’avez-vous, Edgeworth?. vous pâlissez. rous.
–Le Pied-Bot ou Bill, comme vous l’appelez, avait-il une cicatrice sur le front?
–Oui, une large cicatrice rouge. Le connaissiez-vous? A ces mots prononcés par Tom, le pauvre homme tordit ses mains au-dessus de sa tête d’une manière convulsive, et se renversa en arrière en poussant un cri.
«Qu’avez-vous donc, Edgeworth? Pour l’amour de Dieu, répondez! s’écria Tom fort alarmé; reprenez vos sens. Qui donc était ce brave garçon?
–C’était mon enfant, mon fils! murmura le vieillard, Bn couvrant de ses doigts glacés ses yeux brûlants mais vides de larmes.
–Ah! pauvre père! que Dieu vous assiste!
–Vous ne l’avez donc pas enterré! demanda Edgeworth après un long silence.
–Nous fîmes ce que nous pûmes; nous lui donnâmes la sépulture du chasseur, répondit Tom en réprimant l’émotion qu’il éprouvait; nous n’avions que nos casse-têtes indiens et la terre était dure et sèche. Mais pourquoi vous raconter ces détails qui vous font mal?
–Non non! dit le vieillard d’une voix suppliante, parlez toujours, je désire tout savoir.
–Nous plaçâmes le cadavre sous ce chêne, et le couvrîmes complétement en amoncelant sur lui les souches et les branches; il nous paraissait impossible qu’aucune bête fauve, quelle que fût sa force, pût jamais l’atteindre, et vous savez d’ailleurs que les ours ne touchent point aux cadavres. Ensuite à l’aide de mon couteau, je taillai une petite croix sur le tronc du chêne.»
Pendant ce discours, Edgeworth était demeuré immobile, pâle comme la mort, et les yeux fixés sur le sol: lorsque Tom eut achevé de parler, après un douloureux silence, le fermier se leva, et regardant tristement autour de lui, il prononça ces paroles d’une voix tremblante: «Ainsi nous étions couchés sur ta tombe. 0mon cher, cher William, quelle fin, grand Dieu! Mais je ne veux pas que tes os restent ainsi dispersés et exposés au soleil et à l’orage. Vous m’aiderez à les enterrer, n’est-ce pas Tom?
–Bien volontiers! Mais nous n’avons ici aucun des outils nécessaires pour cela.
–Il y a dans le bateau des bêches et des pioches; mes hommes nous aideront, je veux rendre à mon fils les honneurs de la sépulture; hélass c’est là tout ce que je puis faire pour lui.
–Allons! allons, mon pauvre Edgeworth, venez près de moi, couchez-vous de l’autre côté du feu.
–Pourquoi cela, Tom, croyez-vous que je veuille quitter l’endroit où la dépouille mortelle de mon pauvre enfant est tombée en poussière? Pensez-vous que je désire éloigner de mes yeux ce spectacle, quelque triste qu’il soit? Je nourrissais le doux espoir de presser encore une fois mon enfant sur mon cœur, et voilà qu’aujourd’hui je retrouve ses os dispersés au milieu d’un désert! Allons mon ami Tom, bonsoir, vous êtes épuisé de fatigue et vous devez l’être après une aussi rude journée, dormez; je vais en faire autant, afin qu’au point du jour nous soyons prêts à nous mettre à l’œuvre.»
Et pour que son jeune compagnon songeât sérieusement à se reposer, le pauvre homme se jeta sur la couverture et ferma les yeux; mais le sommeil ne vint pas visiter ses paupières desséchées. Aussitôt que la brise matinale agita le feuillage, Edgeworth se leva, et raviva le feu qui produisit bientôt une flamme éclatante. Grâce à cette lumière il commença à rassembler les os qui gisaient çà et là. Tom qui avait été réveillé par les allées et venues de son compagnon se leva à son tour et vint le seconder en silence. Le jeune homme s’étant approché par hasard d’un buisson sous lequel le chien Wolf était couché, se vit accueilli par un grognement tout particulier.
«Qu’est-ce que c’est que cela? rêves-tu, vieux paresseux?. Tout beau, Wolf, n’as-tu pas de honte de me montrer les dents?»
Mais le chien ne parut pas vouloir obéir à cette remontrance amicale; il s’irritait au contraire de plus en plus en remuant toutefois la queue, comme s’il avait voulu dire: je sais bien que tu es un ami, mais malgré cela je ne veux pas que tu viennes à l’endroit où je suis.
Tom s’était arrêté; il dit enfin à Edgeworth: «Regardez donc ce qu’a le chien, il ne veut pas me laisser approcher; sans doute il ya quelque chose sous ce buisson: qu’est-ce que cela peut être?»
Edgewoth fit quelques pas et écartant hardiment le museau du fidèle animal, il trouva entre ses pattes le crâne de son fils; il prit en soupirant les restes de cette tête si chère, tandis que Wolf se levait vivement en poussant un hurlement lamentable.
«La pauvre bête comprend que c’est là une relique précieuse, observa le matelot.
–Ne croirait-on pas vraiment qu’il reconnaît ces débris humains? Ici, Wolf, ici, ici, mon chien, te rappelles-tu encore ton bon maître?»
Wolf se coucha à ces mots en regardant fixement le vieillard et il fit entendre un gémissement si plaintif, qu’Edgeworth ne pouvant plus résister à son émotion, s’agenouilla près du chien, entoura son cou de ses bras, et cessant de se contraindre versa des larmes abondantes. Pendant ce temps-là Wolf léchait le front et les joues de son maître, en s’efforçant de placer sa patte sur son épaule.
«C’est vraiment incroyable! fit Tom impressionné par la conduite du chien.
–Hélass! la pauvre bête a reconnu son maître, répondit Edgeworth essuyant ses yeux, et en même temps il se leva péniblement en ajoutant: oh! cela me fait du bien de voir ce bon Wolf conserver le souvenir de mon William! Excellente bête! viens que je te caresse avec toute l’affection que tu mérites.»
Dans ce même moment un coup de feu retentit du côté de la rivière et vint interrompre la conversation.
«Voici le bateau: nos hommes ont dû nager toute la nuit pour arriver ainsi au petit jour.
–Ayez la bonté de héler notre équipage, mon cher Tom, répliqua le fermier.
–Je le veux bien; mais venez avec moi, il vous sera trop douloureux de rester seul en cet endroit.
–Non! non! allez, Tom, j’aurai fini mes préparatifs pour le moment de votre retour.»
Sans ajouter un mot de plus Tom saisit sa carabine et se dirigea à la hâte du côté de la ri vière, pendant qu’Edgeworth se prosternait au pied du chêne dont le feuillage avait durant tant d’années protégé le corps de son fils. Il demeura ainsi en prière jusqu’à ce qu’il entendit venir les hommes du bateau. Alors seulement il se leva et marcha à leur rencontre d’un pas ferme et résolu, en affectant un calme stoïque.
Tom avait raconté aux matelots ce qui était arrivé. Ceux-ci se mirent à l’ouvrage sans mot dire, et creusèrent une fosse étroite, pour placer les os du jeune infortuné. Lorsque ces restes furent recouverts, ils élevèrent au-dessus un petit monticule de terre, et dès que cette lugubre tâche fut accomplie, ils retournèrent en silence vers le fleuve en emportant l’ourson tué par Tom et leur maître.
«Halloa! s’écria du haut du pont du bateau le marinier de quart (homme grossier, d’un aspect farouche, au visage couturé de petite vérole, et aux cheveux noirs roides qui flottaient en désordre), c’est de la viande d’ours, sur mon âme! Voici la meilleure chose que notre capitaine ait faite depuis longtemps. Vite, mes gars, embarquons, nous perdons un temps précieux; plus nous attendons et plus l’eau baisse.
–Il nous faut pourtant encore retourner à terre, dit l’un des hommes.
–Qu’avez-vous donc oublié?
–Rien, mais nous sommes venus chercher des briques afin de construire un mausolée du mieux qu’il nous sera possible.
–Mais, imbéciles que vous êtes, comment ferons-nous la cuisine si vous détruisez ainsi la cheminée?
–Nous trouverons d’autres briques à Vincennes, répondit Tom. Allons1vous, pourquoi ne nous donnez-vous pas un coup de main?
–Je me suis engagé comme pilote et non comme manœuvre pour transporter des briques, grommela l’homme en s’étendant résolûment sur le tillac. Voilà une belle affaire d’avoir été déterrer un squelette humain qui aurait achevé de pourrir tout seul, si vous n’y aviez pas touché.»
Aucun des hommes ne répondit au grossier pilote: chacun d’eux chargea en silence sur ses épaules les briques qu’il était venu chercher et ils remontèrent à la hâte la berge escarpée du Mississipi. En une demi-heure ils eurent construit un petit monument fort simple sur la fosse du chasseur assassiné, et ils terminèrent ces arrangements en nettoyant la mousse qui cachait la croix incrustée dans l’arbre,
Edgeworth semblait perdu dans ses tristes méditations. Tout à coup, comme s’il sortait d’un rêve, il se leva, donna une poignée de main à chaque marinier en les remerciant tous les uns après les autres de leurs bons offices, et reprenant sa carabine il marcha vers le bateau d’un pas assuré, suivi de tout son monde.
Une demi-heure plus tard, les grandes rames de la lourde embarcation ballottée par le courant, s’agitèrent puissamment et le guidèrent enfin au milieu du fleuve. Les matelots abandonnèrent alors les «nageoires» et s’étendirent paiesseusement sur le pont, afin de jouir des premiers rayons du soleil qui se levait dans toute sa splendeur derrière les cimes mouvantes des arbres de la forêt. Edgeworth assis à l’arrière, ayant son chien à ses côtés, contemplait douloureusement les ombrages majestueux qui abritaient la tombe de son fils: mais bientôt, au détour d’un des méandres du fleuve, une roche escarpée vint borner l’horizon, et le paysage changea d’aspect. Le Mississipi encaissé dans un canal de pierre roulait majestueusement ses ondes sur lesquelles flottait la barque du vieux fermier de la Wabash.
II.
L’émeute en plein vent.–Discussions politiques.
Table des matières
Héléna, principale ville de l’Arkansas, bâtie sur les bords du Mississipi, était remplie de trouble et d’agitation. On eût dit que tous les habitants des environs s’y étaient rassemblés. La conversation était fort animée dans les groupes d’hommes, dont les uns portaient, comme les pionniers du désert, des chemises de peau de daim ornées de franges de toutes couleurs, et d’autres étaient vêtus comme tout le monde. La véhémence des gestes et le diapazon élevé des voix prouvaient que l’attention de la foule était absorbée par une cause peu ordinaire.
Le groupe le plus important stationnait devant l’hôtel de l’Union qui était le principal de la ville, et le maître du logis, homme de haute taille, d’une maigreur remarquable, à la chevelure ébouriffée, aux pommettes saillantes, au nez long et pointu, aux yeux bleus empreints de bienveillance, écoutait le bruit et contemplait le mouvement qui depuis quelque temps se passait devant sa porte, avec une grande satisfaction. La besogne ne manquait pas dans l’intérieur de la maison, où la vigilante hôtesse, assistée de ses servantes et d’un nègre, s’occupait activement à servir de nombreux convives, et à préparer des chambres et des lits pour ceux dont la demeure était trop éloignée d’Héléna pour pouvoir rentrer chez eux avant la. nuit L’ardeur de la dis pute et les libations réitérées, avaient exalté les orateurs: des clameurs menaçantes et des blasphèmes retentissaient de toutes parts, une clameur bruyante et une violente ondulation de la foule prouvèrent tout à coup à l’hôtelier que ses espérances se réalisaient, et que les voies de fait venaient de succéder aux gros mots.
Appuyé contre le chambranle de sa porte, les deux mains dans ses poches, il jouissait de cette scène qu’il avait prévue, et qui paraissait combler tous ses vœux.
Le premier coup fut assené par un Irlandais fort et trapu, dont la chevelure était rouge et la barbe plus ardente encore. Il était ridiculement vêtu de nankin, avait le col de sa chemise ouvert et ses manches retroussées. Mais si sa tournure était comique, en revanche Patrick O’Toole ne se montrait nullement disposé à plaisanter sur aucun sujet. A peine avait-il ingurgité quelques gouttes, de whisky que la chose la plus puérile lui paraissait une raison suffisante pour entamer