La finance en Afrique: naviguer en eaux troubles
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À propos de ce livre électronique
Ces questions et d'autres sont abordées dans le nouveau rapport La finance en Afrique, fondé sur une enquête annuelle sur les banques en Afrique et soutenu par Making Finance Work for Africa, une initiative qui aide à renforcer l'accès aux prêts sur tout le continent. Entre avril et juin 2022, la BEI a mené une enquête auprès de 70 banques en Afrique subsaharienne afin de déterminer si la guerre pénalise leur activité et de connaître leur point de vue sur les prêts climatiques, l'accès des femmes aux financements et l'accélération de la transformation numérique du secteur financier.
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Aperçu du livre
La finance en Afrique - European Investment Bank
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La situation macroéconomique en Afrique
Ce chapitre a été rédigé par Colin Bermingham et Emmanouil Davradakis de la Banque européenne d’investissement. Les auteurs expriment leur reconnaissance à Koray Alper pour sa contribution à un encadré consacré aux primes de risque sur les titres souverains africains.
Les auteurs tiennent à remercier Claudio Cali, Barbara Marchitto, Debora Revoltella et Ricardo Santos pour leurs commentaires sur les versions précédentes.
Les opinions exprimées dans ce chapitre sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement celles de la Banque européenne d’investissement. Toute erreur relève de la responsabilité des auteurs.
Messages clés
La guerre en Ukraine constitue un nouveau choc pour le continent africain, qui se relève de la pandémie de coronavirus. Nombre de pays africains avaient déjà plus de difficultés que les économies avancées à soutenir la croissance économique intérieure notamment en raison d’une marge de manoeuvre budgétaire plus limitée, d’une couverture vaccinale moins complète, de niveaux d’investissement plus faibles et d’une plus grande vulnérabilité aux variations de la propension internationale au risque. La hausse de l’inflation sous l’effet de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie met les revenus des ménages sous pression et entraîne davantage de personnes dans la pauvreté. Dans les économies émergentes et en développement, la pandémie de COVID-19 a mis à rude épreuve la capacité des politiques budgétaires à contenir le choc des prix de l’alimentation et à préserver la stabilité sociale. En effet, l’assainissement budgétaire devrait se poursuivre sur le continent en 2022, mais le coût du service de la dette augmente également, notamment parce que les banques centrales continuent de relever les taux d’intérêt pour faire face à une inflation élevée. En conséquence, les problèmes liés à la soutenabilité de la dette pourraient s’étendre à un plus grand nombre de pays, mais les mécanismes mis en place pour gérer les pays insolvables continuent de faire preuve de lenteur en raison de la diversité croissante des créanciers. L’augmentation des prêts bancaires accordés aux pouvoirs publics pendant la pandémie risque également d’entraîner un effet d’éviction sur les prêts au secteur privé.
La situation macroéconomique en Afrique
La guerre en Ukraine freine la reprise post-COVID et exacerbe de nombreuses difficultés structurelles du continent africain. La guerre constitue un choc de l’offre, ce qui accentue la pression haussière sur les prix du pétrole, des produits agricoles et des métaux (figure 1). La relance économique post-pandémie dans les pays en développement accusait déjà un retard par rapport aux économies avancées pour diverses raisons, notamment une marge de manoeuvre budgétaire plus limitée, une couverture vaccinale moins complète, des ratios d’endettement élevés et une plus grande vulnérabilité aux variations de la propension internationale au risque. D’après l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2022), la part du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique dans le PIB mondial a globalement reculé depuis 2010. Elle devrait représenter environ 4,7 % du PIB mondial en 2022, soit le pourcentage le plus faible depuis plus de 20 ans. La faiblesse des résultats économiques freine la réduction de la pauvreté. En 2019, environ 424 millions de personnes en Afrique subsaharienne vivaient dans l’extrême pauvreté. La pandémie devrait avoir fait passer ce nombre à 448 millions de personnes en 2020. Cette tendance à la hausse se poursuit. Il est estimé qu’au moins 460 millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté en 2022, soit une augmentation de 36 millions en l’espace de trois ans (Gerszon Mahler et al., 2022).
Figure 1 : Prix internationaux des produits de base
Source : Bloomberg et les calculs des auteurs.
Dans ses Perspectives de l’économie mondiale publiées en avril 2022 (FMI, 2022a), le Fonds monétaire international prévoyait un ralentissement de la croissance en Afrique subsaharienne, passant de 4,5 % en 2021 à 3,8 % en 2022 avant de se raffermir à 4,0 % en 2023. Les prévisions pour 2022 et 2023 n’ont guère changé par rapport à celles publiées avant la guerre, en octobre 2021, mais cette stabilité apparente masque d’importantes disparités entre pays. Compte tenu de la hausse des prix des matières premières, les économies qui exportent des produits de base ont vu leurs prévisions de croissance s’améliorer, notamment la Guinée équatoriale, le Tchad, la République démocratique du Congo et le Nigeria (figure 2). Cependant, environ deux tiers des pays d’Afrique subsaharienne ont vu leurs prévisions de croissance en 2022 diminuer. Les pays tributaires du tourisme éprouvent toujours des difficultés et ceux qui importent des produits de base sont confrontés à une perte de revenu en raison de la détérioration des termes de l’échange.
Figure 2 : Croissance du PIB en Afrique en 2022 (en %) et évolution des projections de croissance par rapport à 2021 (en points de pourcentage)
Le ralentissement de la croissance du PIB signifie que l’augmentation des revenus sera limitée. Le PIB réel par habitant devrait rester inférieur aux niveaux d’avant la pandémie au moins jusqu’en 2024 pour les pays à forte intensité de ressources (exportateurs de produits de base), avec une croissance de seulement 1 % par an en 2022 et 2023 (figure 3). Une croissance supérieure à 2 % était attendue avant la pandémie. Une partie du problème réside dans le fait que certains grands exportateurs de pétrole n’ont pas été en mesure d’accroître leur production pour bénéficier de la hausse des prix du pétrole et que les taux de croissance des exportateurs ont en fait été inférieurs à ceux des pays importateurs de produits de base. Cela montre que, si les exportateurs de produits de base ont vu leurs prévisions de croissance augmenter, leurs taux de croissance restent inférieurs à ceux des autres pays, et que la flambée des prix des produits de base ne se traduit pas par une envolée des revenus pour la population. Néanmoins, les soldes de la balance extérieure et les indicateurs budgétaires se sont globalement améliorés[1]. Les perspectives de croissance de la richesse sont légèrement meilleures pour les pays à faible intensité de ressources, le PIB par habitant étant en 2022 déjà supérieur de 5 % aux niveaux d’avant la pandémie. Toutefois, la croissance du PIB par habitant devrait atteindre en moyenne 3 % en 2022-2023, contre une estimation de 5 % avant la pandémie, ce qui devrait contribuer à un écart important concernant le PIB par habitant prévu pour ce groupe d’ici à 2023.
Figure 3 : Croissance réelle du PIB par habitant en Afrique subsaharienne sur la période 2019-2023, prévisions actuelles par rapport à celles avant la pandémie
Source : FMI, base de données des Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2019 et avril 2022[2]), et calculs des auteurs.
Remarque : 2019=100 ; les lignes en pointillés indiquent les prévisions avant la pandémie.
Si la hausse des prix du pétrole se reflète largement dans les prévisions de croissance, celle des prix des denrées alimentaires menace l’ordre social. Ensemble, la Russie et l’Ukraine représentent 52 % de la part des échanges mondiaux d’huile et de graines de tournesol et 24 % des échanges mondiaux de blé (base de données Comtrade des Nations unies, 2020)[3]. La hausse des prix du maïs pourrait également entraîner l’augmentation des coûts des aliments pour animaux et de nouvelles progressions des prix de la viande. Ces prix haussiers menacent la sécurité alimentaire et la stabilité politique. En 2011, le Printemps arabe en Afrique du Nord a coïncidé avec l’élévation des prix alimentaires mondiaux. Avant cela, des « émeutes de la faim » ont éclaté dans de nombreux pays en développement en 2008, lorsque les prix des denrées alimentaires ont également monté en flèche. Comme le montre la figure 1, l’augmentation rapide des prix des produits de base depuis le début de la guerre en Ukraine signifie que les prix des denrées alimentaires ont temporairement dépassé les sommets atteints précédemment, même s’ils ont quelque peu reculé depuis.
L’Afrique est largement tributaire de la Russie et de l’Ukraine pour la sécurité de son approvisionnement en blé. L’Afrique est un gros importateur net de blé, même si elle est globalement un exportateur de denrées alimentaires. Sur la période 2018-2020, le continent a importé en moyenne 3,7 milliards de dollars de blé de Russie (32 % du total des importations africaines de blé) et 1,4 milliard de dollars de blé d’Ukraine (12 % du total). Les importations d’aliments et de blé en provenance de Russie et d’Ukraine représentent une part importante des importations totales de denrées alimentaires de l’Afrique. Pas moins de 25 États africains, dont de nombreux pays parmi les moins avancés, importent plus d’un tiers de leur blé de ces deux pays. Ils sont 15 à en importer plus de la moitié. L’exposition – en particulier à l’offre ukrainienne – est surtout élevée en Afrique du Nord (figure 4).
Figure 4 : Part des importations de blé et de denrées alimentaires en provenance de Russie et d’Ukraine (en % du total des importations de blé et de denrées alimentaires), par région, en 2020
Sources : Cnuced (2021) et calculs des auteurs.
Les revenus des ménages africains seront mis sous pression en raison des prix élevés des denrées alimentaires. La vulnérabilité d’un pays ou d’une région aux prix élevés des denrées alimentaires peut être caractérisée par la dépendance à l’égard des importations de ces denrées et la part de ces dernières dans l’indice des prix à la consommation, donnant ainsi une idée de la part du budget moyen des ménages consacrée à l’alimentation. Dans la figure 5a, les pays situés au-dessus de la ligne rouge sont des importateurs nets de denrées alimentaires (en pourcentage du PIB), tandis que, dans les pays les plus à droite, les ménages consacrent une part plus importante de leur revenu à l’alimentation. L’Afrique subsaharienne est comparable à plusieurs autres régions en matière de dépendance à l’égard des importations de denrées alimentaires, mais elle est particulièrement vulnérable aux hausses de prix compte tenu de la part élevée des revenus consacrée à l’alimentation. La hausse des prix de l’énergie s’ajoute à ce problème, même si l’énergie représente une part plus faible – quoique très importante – des dépenses des ménages, et la région est un exportateur net de pétrole. Les prix des denrées alimentaires et de l’énergie représentent une grande part des dépenses des ménages les plus pauvres, ce qui accentue encore l’impact de ces hausses. L’augmentation combinée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie pèsera sur les revenus des ménages, limitera les dépenses consacrées aux autres produits essentiels et renforcera la