Culture et revitalisation urbaine : le cas du Cinéma Beaubien à Montréal

Culture et revitalisation urbaine

Presses de l’Université du Québec

Édifice Fleurie, 480, rue de la Chapelle, bureau F015, Québec (Québec) G1K 0B6

Diffusion/Distribution :

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Wilfredo Angulo, Juan-Luis Klein

et Diane-Gabrielle Tremblay

Culture et revitalisation urbaine

Le cas du Cinéma Beaubien à Montréal

Préface de

Mario Fortin, directeur du Cinéma Beaubien

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Culture et revitalisation urbaine : le cas du Cinéma Beaubien à Montréal / Wilfredo Angulo, Juan-Luis Klein et Diane-Gabrielle Tremblay.

Noms : Angulo Baudin, Wilfredo, 1954- auteur. | Klein, Juan-Luis, auteur. | Tremblay, Diane-Gabrielle, auteur.

Collections : Géographie contemporaine ; 43.

Description : Mention de collection : Géographie contemporaine ; 43 | Comprend des références bibliographiques.

Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 2022000045X | Canadiana (livre numérique) 20220000468 |

ISBN 9782760557079 | ISBN 9782760557086 (PDF) | ISBN 9782760557093 (EPUB)

Vedettes-matière : RVM : Rénovation urbaine—Québec (Province)—Montréal. | RVM : Culture et développement—Québec (Province)—Montréal. | RVM : Embourgeoisement (Urbanisme)—Québec (Province)—Montréal. | RVM : Cinéma Beaubien.

Classification : LCC HT178.C22 M655 2022 | CDD 307.3/4160971428-dc23

Révision

Nathalie Elliot

Correction d’épreuves

Virginie Chaloux-Gendron

Conception graphique

Marie-Noëlle Morrier

Mise en page

Sophie Despins

Image de couverture

L'éclairage de nuit au cinéma Beaubien, JBouchez

https://commons.wikimedia.org/wiki/User :JBouchez

Dépôt légal : 2e trimestre 2022

›    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

›    Bibliothèque et Archives Canada

© 2022 – Presses de l’Université du Québec

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

D5707-1 [01]

Préface

Chaque année, nous recevons des demandes d’étudiant.e.s au niveau universitaire, collégial ou même secondaire, qui souhaitent faire un travail scolaire avec pour sujet le Cinéma

Beaubien. Plusieurs approches ou thèmes les intéressent, particulièrement le marketing, la gestion et l’administration ou encore l’économie sociale.

Un jour, Wilfredo Arturo Angulo fut l’un de ces étudiant.e.s. Comme d’habitude, nous avons regardé et analysé le sujet et la portée de son travail. Quelle stupéfaction de voir que nous étions matière à une recherche doctorale. Nous, un petit cinéma de quartier ? Et un sujet portant sur la revitalisation urbaine ? Que d’honneurs !

Nous avons été étonnés par la justesse des questions, l’analyse des données, les remarques pertinentes et, aussi, par les suggestions soulevées par ce travail. Jamais nous n’aurions imaginé que tant de choses pouvaient être apprises à notre sujet. Et encore plus surpris d’apprendre que ces travaux mèneraient à la publication de ce livre.

Puis, est arrivé mars 2020 et ce virus qui a bouleversé toute la planète. J’ai oublié ce texte et la préface que je devais écrire, jusqu’à ce jour de décembre, où on m’a demandé si j’étais toujours intéressé. Avant de répondre, j’ai voulu revoir le texte. Sans équivoque, le Cinéma Beaubien a survécu et survivra à la pandémie de COVID-19, grâce à son ancrage dans le quartier.

Dans leur ouvrage, les auteurs démontrent que la revitalisation urbaine que le Cinéma Beaubien a provoquée dans son quartier est très profonde. Le mouvement citoyen pour sauvegarder le cinéma en 2001 s’est transformé au fil des années. De cinéma de quartier, le Cinéma Beaubien est devenu un cinéma dans un quartier, bien inscrit dans sa communauté. On va au Cinéma Beaubien pour voir un bon film et on est content de profiter de l’environnement agréable qui ajoute à l’expérience.

Les cinéphiles de Rosemont-La Petite-Patrie, de Montréal et d’ailleurs ont démontré leur attachement envers le Cinéma Beaubien, en étant présents pendant les périodes de réouverture, à l’été 2020 et au printemps 2021. À nous, maintenant, de nous inspirer d’eux, pour être là encore longtemps.

Mario Fortin

Président-directeur-général

Cinéma Beaubien

Décembre 2021

Remerciements

La publication de cet ouvrage est le résultat du projet de recherche « La culture dans les quartiers : le tournant culturel des organisations communautaires », financé par le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH – programme Savoir). Ce projet s’inscrit dans le cadre des travaux du Collectif de recherche sur les innovations économiques, sociales et territoriales (CRIEST), financé par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC – programme soutien aux équipes de recherche). Les auteurs remercient le CRSH et le FRQSC pour leur appui ainsi que monsieur Mario Fortin, directeur du Cinéma Beaubien, pour sa disposition à partager l’information concernant le Cinéma. Des remerciements sont également adressés à Mourad Djaballah, technicien en cartographie au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal, qui a assuré la cartographie qui illustre la recherche, ainsi qu’à Matthieu Roy, agent de recherche au Collectif de recherche sur les innovations économiques, sociales et territoriales (CRIEST), qui a assuré une révision approfondie du manuscrit.

Liste des figures et photos

Figures

Figure 2.1 Effet structurant de l’action collective locale

Figure 3.1 Relance et évolution du Cinéma Beaubien

Figure 4.1 Quartier du Cinéma Beaubien

Figure 4.2 Variation de la valeur des propriétés dans le quartier du Cinéma, 1995-2001

Figure 4.3 Variation de la valeur des propriétés dans le quartier du Cinéma, 2001-2016

Photos

Photo 3.1 Cinéma Beaubien

Photo 3.2 Promotion de réduction des coûts de transport entre BIXI Montréal et les Cinémas du Parc et Beaubien

Photo 4.1 Panneau publicitaire de l’arrondissement

Photo 4.2 Affiche sur un tronc d’arbre

Photo 4.3 Peintre au parc Molson

Photo 4.4 Musicien se pratiquant au parc Molson

Photo 4.5 Séance de cinéma publique en plein air organisée par le Cinéma Beaubien

Photo 4.6 Commerces de proximité sur la rue Beaubien

Photo 4.7 Commerce de proximité sur la rue Beaubien

Liste des encadrés et tableaux

Encadrés

Encadré 1.1 Mondialisation et globalisation

Encadré 2.1 Développement par l’initiative locale

Encadré 3.1 Les CDEC et le développement local à Montréal

Encadré 3.2 Économie sociale

Tableaux

Tableau 1.1 Critiques à l’approche de la classe créative

Tableau 2.1 Concepts et outils d’analyse

Tableau 3.1 Perception du Cinéma Beaubien dans le quartier selon les types d’acteurs

Tableau 4.1 Indicateurs socioéconomiques : quartier du Cinéma, Rosemont–La Petite-Patrie et Ville de Montréal, 2016

Tableau 4.2 Valeur moyenne des propriétés en dollars, 1996-2016

Tableau 5.1 Opinion des acteurs sur la revitalisation de Beaubien

Tableau 5.2 Perception des acteurs au sujet de la gentrification

Introduction

Ce livre porte sur le rôle des initiatives culturelles dans les démarches de revitalisation urbaine portées par des organismes communautaires. Plus concrètement, il propose une étude de cas du Cinéma Beaubien, que nous plaçons dans le contexte de la revitalisation du quartier Rosemont, à Montréal, opérée dans les deux dernières décennies.

Comme nous le verrons dans ce livre, la relance de ce cinéma de quartier a été menée par une coalition d’acteurs au sein de laquelle l’action collective citoyenne a assuré un fort leadership. Cette action citoyenne a inscrit ce processus de revitalisation dans un contexte de transformation du développement des territoires caractérisé par un tournant culturel. L’un des objectifs du présent ouvrage est de diffuser les résultats de cette étude de cas, qui fait partie d’un projet de recherche plus large visant à comprendre l’effet des initiatives locales de type culturel sur des processus de revitalisation des territoires favorisant le développement de collectivités plus équitables et cohésives¹.

Nous pensons que les résultats de nos recherches dépassent l’intérêt qu’ils pourraient susciter chez les seuls chercheurs et qu’ils ont le potentiel d’éclairer l’action d’un ensemble d’acteurs travaillant dans le secteur du développement des collectivités. Rappelons en ce sens que le cas du Cinéma Beaubien n’est pas un cas isolé dans la mesure où plusieurs acteurs montréalais ont fait le choix stratégique de la culture comme vecteur de développement. L’énoncé « Montréal, métropole culturelle », par exemple, a suscité l’adhésion et a donné lieu à une politique adoptée par la Ville de Montréal, politique qui s’est raffinée avec le temps et qui met aujourd’hui de l’avant l’importance de la culture de proximité, en partie sous la pression des acteurs communautaires et culturels, notamment Culture Montréal, mais aussi, anciennement, les Corporations de développement économique communautaire (CDEC), ayant un rôle central dans la mise en marche du cas qui nous intéressera ici. Cette recherche s’inscrit donc dans une vision qui voit les initiatives culturelles comme un domaine d’action favorisant la médiation dans les territoires à l’échelle locale, l’intégration d’options innovatrices aux politiques de développement et l’accroissement du niveau de participation citoyenne à la créativité. L’hypothèse que nous soutenons, que nous espérons démontrer plus loin dans ce livre, est que, ainsi conçues, ces initiatives favorisent la reconstruction des identités (individuelle et collective) et du capital socioterritorial des communautés locales, ce qui a un effet sur la cohésion sociale ainsi que sur la qualité de vie des citoyens.

Pour bien comprendre les enjeux reliés à la relance du Cinéma Beaubien, il faut rappeler que les anciens quartiers industriels de Montréal, dont Rosemont, ont traversé, à partir des années 1980, une crise économique sévère qui a provoqué leur dévitalisation sur les plans productifs, commerciaux et démographiques (Fontan, Klein et Tremblay, 2005 ; Klein et Shearmur, 2017). Comme on le sait, le phénomène de la mondialisation de l’économie a affecté sévèrement ce type de quartiers dans l’ensemble des pays dits industrialisés. L’effondrement de leur base économique a souvent été brutal, mais, en même temps, dans certains cas, il a été l’occasion, pour certains acteurs socioéconomiques, de mettre en œuvre, dans les brèches ainsi ouvertes, d’autres types de projets portés par la société civile et par des organismes associés à l’économie sociale et solidaire. Cela les a toutefois obligés à innover dans les modalités d’action et la structure de gouvernance des initiatives qu’ils ont mises en œuvre.

Dans ce contexte, les politiques culturelles ont été conçues comme des outils de restructuration urbaine et de développement économique. Les différentes stratégies déployées (district culturel, tourisme, événements culturels médiatisés, équipements et infrastructures), que ce soit en matière d’aménagement du territoire ou de développement touristique, ont été mobilisées pour la promotion des villes. Cependant, en général, ces stratégies se sont inscrites dans une approche principalement marchande, et parfois élitiste (grandes institutions musicales, musées, etc.) de la culture, qui a évacué les questions d’ordre social et d’accès à la culture. Or, la prise de conscience des enjeux culturels par les acteurs locaux, notamment les acteurs communautaires, a accentué et renforcé l’attention accordée au local, et de ce fait au territoire, et a ramené la place et le rôle des résidents au centre des projets. De là l’intérêt que nous portons à l’expérience du Cinéma Beaubien, laquelle donne à voir cette prise de conscience citoyenne.

Comme nous le verrons tout au long de l’ouvrage, l’action du Cinéma Beaubien, à Rosemont, a constitué un élément essentiel dans la reconstruction du tissu local, qui montrait de forts signes de dévitalisation à la fin des années 1980-1990. La saga de sa relance a insufflé de nouvelles forces aux acteurs et aux résidents, lesquels y ont vu et y voient toujours un facteur d’amélioration du milieu de vie pour le quartier. Il est à comprendre ainsi que les effets de la relance du Cinéma débordent largement le champ du Cinéma lui-même ou de celui de la culture en général. En tant qu’initiative communautaire aux ancrages larges, pourrions-nous dire, la relance du Cinéma s’inscrit dans un vaste mouvement où interagissent plusieurs acteurs, lesquels ont mobilisé un capital socioterritorial existant à Rosemont. Cette gouvernance exercée par un leadership partagé où contribuent plusieurs acteurs a donc été essentielle à la réussite du projet et a permis de le viabiliser.

Par son ancrage communautaire, par ce choix stratégique d’une action par la culture, nous pensons que la relance du Cinéma Beaubien est exemplaire en ce qui concerne une stratégie de développement local soucieuse du bien-vivre. Pour permettre de bien saisir les jalons de ce processus de relance, nous procéderons de la façon suivante. Dans un premier temps, nous essaierons d’examiner l’enjeu que posent les initiatives culturelles, souvent associées à la gentrification², dans le contexte de la revitalisation des quartiers. Cela nous permettra de rappeler les grands éléments de la problématique du développement territorial, en insistant sur la nouvelle place qu’y prend la culture dans la perspective d’une approche citoyenne que nous qualifierons d’ascendante et d’inclusive. Dans un deuxième temps, nous présenterons les jalons conceptuels et méthodologiques de l’étude de la relance