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Françoise ou les pierres du chemin: Roman
Françoise ou les pierres du chemin: Roman
Françoise ou les pierres du chemin: Roman
Livre électronique118 pages1 heure

Françoise ou les pierres du chemin: Roman

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À propos de ce livre électronique

De nombreux mystères, surprises, rencontres et évènements entourent l’existence de Françoise, la grand-mère de l’auteur. Dans Françoise ou les pierres du chemin, entre guerre, amour, séparation, moments de joie et de peine, il retrace la vie de cette dernière, une femme à l'existence trépidante mais anonyme comme les pierres du chemin qu’on foule du pied sans y prendre garde.


À PROPOS DE L'AUTEUR


En créant son arbre généalogique, William Somveille découvre la vie étonnante de Françoise, sa grand-mère. C’est tout naturellement qu’il choisit de reconstituer, avec Françoise ou les pierres du chemin, sa biographie.
LangueFrançais
Date de sortie16 mars 2022
ISBN9791037749321
Françoise ou les pierres du chemin: Roman

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    Aperçu du livre

    Françoise ou les pierres du chemin - William Somveille

    Les années d’insouciance

    La brume recouvre la petite vallée de la Besbre. Il fait froid. Les hivers sont rudes dans cette France de la fin du XIXe siècle, on ne parle pas encore de réchauffement climatique. La neige a depuis longtemps recouvert les champs et les villages, cette neige qui assourdit le paysage, ce calme paisible et serein qui semble protéger les êtres, ce calme pesant qui engourdit les membres des enfants marchant vers l’école, ce calme protecteur mais trompeur du paysan qui transporte son bois.

    Un vol de corbeaux rompt le silence. On entend les croassements multiples des oiseaux qui volent vers l’ouest. Ils vont chercher des lieux propices pour se nourrir. J’ai souvent remarqué les migrations locales de ces volatiles au-dessus de ma campagne iséroise. Dès 8 heures, des dizaines de corbeaux se déplacent en criant vers des lieux inconnus. Le soir venu, ils reviennent pour retrouver leurs nids et y passer la nuit. Ils ont cette habitude étonnante que j’ai du mal à comprendre, mais c’est leur vie, leur instinct. Ils me font penser à ces manchots immortalisés par « La marche de l’empereur » qui suivent leur destin ancestral vers la mer pour emmagasiner la nourriture qui servira plus tard à nourrir leurs petits. Le seul but est de perpétuer la race et d’assurer son renouvellement.

    Je me souviens de ces colonnes de moutons, qui rejoignaient le sommet des collines du Pays basque dominant la vallée, imperturbables. C’était lors d’une randonnée en montagne dans cette région authentique du sud-ouest. Nous rejoignions notre voiture, ma compagne et moi, et notre chemin traversait celui de ces animaux dociles. Nous nous étions arrêtés pour ne pas les perturber, mais quelle ne fut pas notre surprise de voir la colonne stopper net pour nous laisser passer. Nous avons alors traversé leur route. Dès notre passage, la colonne s’est remise en marche comme les manchots de l’Antarctique. Tout cela est bien rangé dans un « tiroir » de mon cerveau et j’espère revivre un jour ce magnifique instant.

    Les animaux sont comme les paysans de nos campagnes. Ils vivent le traditionnel comme un instinct, ce traditionnel qui disparaît chaque jour, irrémédiable, dans le tumulte de la vie moderne. Cette modernité que les gens de l’Allier de 1880 ignorent. Ils vivent leur vie, ou bien la subissent, inéluctablement.

    Au loin, le village se réveille lentement. La fumée des cheminées se mêle aux nuages bas. La population s’anime dans les petites locateries paysannes. Ce sont des habitations d’un seul tenant qui regroupent l’étable, le fenil, où l’on stocke le foin et les graines, l’habitation du cultivateur et de sa famille. Souvent, la porte de l’étable communique avec la cuisine. Les soirs d’hiver, on ouvre la partie haute de cette porte pour apporter un complément de chaleur au foyer. Le fourneau trône au milieu de la pièce principale, il sert à chauffer la maison mais aussi à préparer le repas. Dans un coin, une bouilloire maintient l’eau chaude pour la toilette des habitants, pour la soupe de la maisonnée. À cette époque, le fourneau n’est pas encore ce que les cuisiniers d’aujourd’hui appellent le « piano ». C’est un ouvrage maçonné en pierres ou en briques où l’on maintient les braises et autour duquel on se réunit le soir, à la veillée, pour raconter sa journée, écouter les histoires d’un autre village. Parfois, un voisin joue de l’accordéon, de la cornemuse ou de la vièle, et l’on chante en riant pour oublier ses tristes et dures conditions de vie.

    Dans un coin du fourneau, on a disposé des gros cailloux pour les chauffer. Enveloppés dans un linge, ils seront placés au fond des couches pour réchauffer les pieds des enfants dans les chambres glaciales. J’ai connu ce mode de chauffage dans mon enfance. J’étais bien aise de trouver au fond de mon lit ces pierres qui m’aidaient à m’endormir.

    Le repas du soir est simple : une assiette de soupe, un morceau de fromage, une tranche de pain, parfois un fruit, quelques noix. Le père se verse un verre de vin. La mère se tient près de la souillarde. C’est l’ancêtre de nos éviers. Elle est réduite elle aussi à un ouvrage maçonné, en pan incliné, parfois c’est une pierre plate. Elle sert à nettoyer la vaisselle, éplucher les légumes. Un orifice permet de rejeter eaux et déchets vers l’extérieur. Cette eau vient du puits, précieuse et pure. Les nitrates n’ont pas encore pollué les sources. Contre le mur sont accrochés des casseroles, des paniers, quelques épis de maïs, de l’ail et des oignons, un jambon pour ceux qui ont les moyens de « tuer le cochon ». Le mobilier est rudimentaire et se compose d’une commode, d’un ou deux coffres, d’un vaisselier. Dans le fond de la pièce, profitant de la chaleur du foyer, on a disposé un lit pour le repos des anciens dont les jambes ne leur permettent plus de dormir à l’étage. Le sol est en terre battue, parfois recouvert de tomettes en terre cuite, jamais en pierre. La famille commence à se rapprocher du fourneau. Les enfants se chamaillent. Les anciens s’apprêtent à entamer une partie de cartes. La mère a chaussé ses lunettes pour lire un livre, quand elle sait lire, car l’illettrisme de ce monde d’en bas est bien présent. On se prépare à passer la soirée tous ensemble à la lumière des bougies et des lampes à huile. On échange quelques mots sur les travaux du lendemain. Peu à peu, la nuit s’installe. Bientôt, la petite demeure est silencieuse, endormie. Seuls les animaux de l’étable émettent des meuglements avant de s’endormir eux aussi, dans la froideur du soir.

    C’est l’époque des grands domaines. Les propriétaires exploitent plusieurs hectares de terres. L’agriculture d’alors est surtout orientée vers l’élevage pour la viande des vaches charolaises et la culture céréalière. Ils emploient des métayers. Ces paysans louent la ferme et les terres attenantes. Ils disposent d’un jardin potager et parfois d’un verger. Chaque année, ils paient un impôt au propriétaire, partagent une partie de la récolte et doivent accomplir des corvées. La condition rurale de ce temps est difficile. On ne dispose pas comme aujourd’hui d’une mécanisation à outrance. Les premières batteuses commencent à apparaître. Il n’y a pas si longtemps, on « battait » les épis au fléau pour séparer le grain de la paille. Les mains des « batteurs » sont calleuses, les hommes sont vite usés par ces travaux pénibles et ne vivent pas vieux. Les enfants prennent part aux travaux dès leur plus jeune âge. Les femmes participent elles aussi à ces durs labeurs, en plus d’élever les enfants et de « bien tenir » leur époux.

    À la maison, les générations se côtoient, on ne connaît pas les EHPAD. Les grands-parents vivent avec les enfants, les petits-enfants. Parfois, des « collatéraux » se joignent à eux car leur situation ne leur permet plus de vivre dans leur propre logis. Les femmes mettent au monde les nouveau-nés dans leur propre chambre. Beaucoup d’entre elles meurent en couche. La mortalité infantile est importante, les maladies sont nombreuses, on ne connaît pas encore les « antibiotiques », encore moins la contraception et les médecins de campagne font ce qu’ils peuvent, avec ce qu’ils savent. On se soigne avec des plantes.

    J’ai toujours été impressionné par la connaissance de Françoise pour la vertu des plantes. Chacune avait une fonction particulière, pour soigner le foie, les douleurs de l’intestin, l’urticaire, les problèmes dermatologiques, les piqûres d’insectes. Je me souviens encore des odeurs reposantes que je sentais dans la modeste demeure de grand-mère. L’utilisation des plantes tisanières et médicinales revient de plus en plus à la mode. En 1880, c’est un des seuls moyens de guérir les maux. On vit au contact de la nature, on en recherche les bienfaits, on fait partie de son univers tout comme les animaux de la ferme. On vit au rythme des saisons.

    Les populations se déplacent peu. Elles voyagent en calèche, en char à bœufs ou à chevaux, en diligence. Le chemin de fer en est à ses balbutiements. On ne compte que 30 000 km de voies ferrées en 1879 avant l’adoption du plan Freycinet. Les travaux d’installation des lignes mettront près de 40 ans avant de relier les grandes préfectures et toutes ont un point de départ unique à Paris, comme les routes templières du Moyen Âge menaient à La Rochelle. La SNCF sera créée bien plus tard pour remplacer les compagnies régionales. On préfère privilégier le transport des marchandises par voie fluviale.

    Il n’y a guère que la « conscription » comme on disait à l’époque, avant qu’on parle de service militaire, qui permet aux hommes de voyager, de rencontrer d’autres hommes, d’autres provinces, d’autres cultures, d’autres milieux. Les hommes abandonnent leur foyer pendant 3 ans. Pour ne pas pénaliser les travaux des champs, on enregistre beaucoup d’exemptions et de sursis. Avec aussi des passe-droits pour ceux

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