La vie de Mahomet
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À propos de ce livre électronique
Sommaire : Avant-propos ; I Notice préliminaire sur l'Arabie et les Arabes ; II Naissance et famille de Mahomet, Son enfance ; III Traditions concernant la Mecque et la Kaaba ; IV Premier voyage de Mahomet avec la caravane allant en Syrie ; V Occupations commerciales de Mahomet, son mariage avec Kadichah ; VI Conduite de Mahomet après son mariage -- Il rêve une réforme religieuse -- Ses habitudes d'abstraction solitaire -- La vision de la caverne -- Son annonciation comme prophète ; VII Mahomet inculque ses doctrines secrètement et lentement -- Il reçoit d'autres révélations et de nouveaux ordres -- Il annonce sa mission à ses parents -- De quelle façon on le reçoit -- Enthousiaste dévouement d'Ali -- Sinistres présages chrétiens ; VIII Quelques mots sur la foi musulmane etc.
Washington Irving
Washington Irving fue un autor, ensayista, biógrafo, historiador y diplomático estadounidense. Realizó estudios de Derecho, pero su vocación se interesaba más por el periodismo y la escritura que por la abogacía. En 1802 comenzó a escribir artículos en periódicos de Nueva York. En 1815 se fue a vivir a Liverpool y allí trabó amistad con importantes hombres de letras: sir Walter Scott y Thomas Moore, entre otros. Escribió algunos ensayos y relatos bajo el seudónimo de Geoffrey Crayon. Considerado el mentor de autores como Nathaniel Hawthorne, el hispanista Henry Wadsworth Longfellow y Edgar Allan Poe, entre su obra destacan los siguientes títulos: Cuentos de la Alhambra, Los buscadores de tesoros, La conquista de Granada, La leyenda de Sleepy Hollow o la biografía George Washington. En 1846, regresó a Sunnyside (EE. UU.), su casa de campo, y allí falleció en 1859.
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Aperçu du livre
La vie de Mahomet - Washington Irving
Être fidèle au sens de l’original, en reproduire les formes, et ne pas choquer le goût dans la langue où l’on écrit ; voilà ce que l’on demande à un traducteur.
Je me suis efforcé de ne pas perdre de vue cette triple obligation, mais je n’ai pas la prétention d’avoir complètement réussi.
Ce livre a un mérite : ce n’est pas un livre de controverse. Il fut composé par un homme éclairé, déjà célèbre comme romancier et historien, et préparé à cette tâche par les recherches qu’avaient nécessitées la Chronique de la conquête de Grenade et les Légendes de l’Alhambra, dans le but de donner aux Américains une juste idée du caractère du fondateur de l’Islamisme. Il raconte sur Mahomet ce que l’on sait être vrai et les légendes que l’imagination orientale a enfantées à son sujet ; ce qui nous permet à la fois d’asseoir notre jugement sur l’homme et de comprendre ce qu’est le prophète pour ses sectateurs.
Je n’ai pas à défendre la conclusion à laquelle arrive Washington Irving : la croyance de Mahomet dans sa mission prophétique. Le lecteur a devant les yeux les pièces du procès ; c’est à lui de décider si cette conclusion est ou non admissible.
Voltaire, qui enveloppait dans un même dédain toutes les questions religieuses, pense que Mahomet était un imposteur de génie. Il lui a prêté une pénétration, une ambition et une étendue de vues que W. Irving lui dénie.
Avant lui, Bossuet avait tracé de l’homme qui rappelle le mieux Mahomet, de Cromwell, un portrait fort brillant, que M. Guizot a démontré plus tard être faux de tout point.
Si la lecture de ce livre fait déchoir Mahomet dans l’esprit des politiques profonds, peut-être lui vaudra-t-elle les sympathies de ceux qui placent la conviction avant le calcul, le but avant le succès.
Table des matières
I — Notice préliminaire sur l’Arabie et les Arabes
II — Naissance et famille de Mahomet — Son enfance
III — Traditions concernant la Mecque et la Kaaba
IV — Premier voyage de Mahomet avec la caravane allant en Syrie
V — Occupations commerciales de Mahomet, — son mariage avec Kadichah
VI — Conduite de Mahomet après son mariage — Il rêve une réforme religieuse — Ses habitudes d’abstraction solitaire — La vision de la caverne — Son annonciation comme prophète
VII — Mahomet inculque ses doctrines secrètement et lentement — Il reçoit d’autres révélations et de nouveaux ordres — Il annonce sa mission à ses parents — De quelle façon on le reçoit — Enthousiaste dévouement d’Ali — Sinistres présages chrétiens
VIII — Quelques mots sur la foi musulmane
IX — Ridicule jeté sur Mahomet et ses doctrines — Demandes de miracles — Conduite d’Abou-Taleb — Violence des Koreischites — Rokaia, fille de Mahomet, se réfugie en Abyssinie avec son oncle othman et quelques disciples — Mahomet dans la maison d’Orkham — Animosité d’Abou-Jarl — Sa punition
X — Omar-Ibn-Al-KhattÂB, neveu d’Abou-Jahl, entreprend de venger son oncle en tuant Mahomet — Son étonnante conversion — Mahomet cherche un refuge dans le château d’Abou-Taleb — Abou-Sofian à la tête de la branche rivale des Koreischites, persécute Mahomet et ses adhérents — Obtient contre eux un décret de mise au ban — Mahomet quitte sa retraite et fait des conversions pendant le mois de pèlerinage — Légende de la conversion d’Habib-le-sage
XI — Le ban d’interdiction mystérieusement détruit — Mahomet peut retourner à la Mecque — Mort d’Abou-Taleb ; de Kadichah — Mahomet se fiance à Aiescha — Il épouse Sada — Les Koreischites renouvellent leur persécution — Mahomet cherche un asile à Tayef — Il en est expulsé — Il est visité par des génies dans le désert de Naklam
XII — Voyage de nuit du prophète de la Mecque à Jérusalem ; puis aux sept ciels
XIII — Mahomet convertit des pèlerins de Médine — Il prend la résolution de se réfugier dans cette ville — Complot pour le tuer — Il y échappe miraculeusement — Son hégire ou fuite — Sa réception à Médine
XIV — Les Musulmans à Médine — Mohadjerins et Ansariens — Le parti d’Abdallah-Ibn-Obba et les hypocrites — Mahomet bâtit une mosquée ; prêche ; fait des conversions parmi les chrétiens — Lenteur des Juifs à croire — Fraternité établie entre les fugitifs et les alliés
XV — Mariage de Mahomet avec Aiescha — De sa fille Fatimeh avec Ali — Leur intérieur
XVI — L’épée annoncée comme l’instrument de la foi — Première incursion contre les Koreischites — Surprise d’une caravane
XVII — Bataille du Bedr
XVIII — Mort de la fille du prophète Rokaia — Sa fille Zeinab lui est rendue — Effets de la malédiction du prophète sur Abou-Lahab — Rage frénétique de Henda femme d’Abou-Sofian, Mahomet échappe miraculeusement à un assassinat, — Ambassade des Koreischites — Le roi d’Abyssinie
XIX — Pouvoir croissant de Mahomet — Son ressentiment contre les Juifs — Insulte faite à une jeune arabe par la tribu juive de Kainoka — Tumulte — Les Beni-Kainoka se réfugient dans leur château — Vaincus et punis de confiscation et de bannissement — Mariage d’Othman avec la fille du prophète, Omm-Colthum, et du prophète avec Hafza
XX — Henda excite Abou-Sofian et les Koreischites à venger la mort de leurs parents tués à la bataille du Bedr — Les Koreischites se mettent en mouvement, suivis par Henda et ses compagnes — Bataille d’Ohod — Horrible triomphe de Henda — Mahomet se console en épousant Hend, fille d’Omeya
XXI — Trahison de certaines tribus juives ; leur punition — Dévouement de l’affranchi Zeid ; il divorce d’avec Zeinab pour qu’elle puisse devenir femme du prophète
XXII — Expédition de Mahomet contre les Beni-Mostalek — Il épouse Barra, une captive — Trahison d’Abdallah-Ibn-Obba — Aiescha diffamée — Sa justification — Son innocence prouvée par une révélation
XXIII — Bataille du fossé — Bravoure de Saad-Ibn-Moad — Défaite des Koreischites — Prise du château juif de Koraida — Saad décide quel sera le châtiment des Juifs — Mahomet épouse Réhana, captive juive — Sa vie mise en péril par un sortilège ; sauvée par une révélation de l’ange Gabriel
XXIV — Mahomet entreprend un pèlerinage à la Mecque — Il échappe à Khaled et à une troupe de cavaliers envoyés contre lui — Campe près de la Mecque — Négocie avec les Koreischites pour obtenir la permission d’entrer et de compléter son pèlerinage — Traité pour dix ans qui lui permet de faire une visite annuelle de trois jours — Il retourne à Médine
XXV — Expédition contre la ville de KhaÏBar — Siège — Exploits des capitaines de Mahomet — Combat d’Ali et de Marhab — Assaut donné à la citadelle — Ali se fait un bouclier d’une porte — Mahomet empoisonné ; il épouse Safiya, une captive, et Omm-Habiba, une veuve
XXVI — Mahomet envoie des ambassades auprès de différents princes ; à Héraclius ; à Chosroës II ; au préfet d’Égypte — Leur résultat
XXVII — Pèlerinage de Mahomet à la Mecque ; son mariage avec Maimuna — Kaled-Ibn-Waled et Amrou-Ibn-Aass se convertissent
XXVIII — Un envoyé musulman tué en Syrie — Expédition pour venger sa mort — Bataille de Mouta — Ses résultats
XXIX — Projets de Mahomet sur la Mecque — Mission d’Abou-Sofian — Son résultat
XXX — Mahomet s’empare de la Mecque par surprise
XXXI — Hostilités dans les montagnes — Camp de l’ennemi dans la vallée d’Autas — Bataille au défilé d’Honein — Prise du camp ennemi — Entrevue de Mahomet avec sa nourrice — Partage du butin — Mahomet au tombeau de sa mère
XXXII — Mort de Zeinab, la fille du prophète — Naissance de son fils Ibrahim — Députations venues de tribus éloignées — Combien Mahomet était sensible aux charmes de la poésie — Soumission de la ville de Tayef ; destruction de ses idoles. Négociations avec Amir-Ibn-Tafiel, Orgueilleux chef bédouin : caractère indépendant de ce dernier — Entrevue d’Adi, autre chef, avec Mahomet
XXXIII — Préparatifs d’une expédition contre la Syrie — Intrigues d’Abdallah-Ibn-Obba — Contributions des fidèles — Marche de l’armée — La région maudite d’Hedjar — L’armée campe à Tabouk ; soumission des provinces circonvoisines — Khaled surprend Okaider et son château — Retour de l’armée à Médine
XXXIV — Entrée triomphale de Mahomet à Médine — Punition de ceux qui avaient refusé de se joindre à l’expédition — Effets de l’excommunication — Mort d’Abdallah-Ibn-Obba — Dissensions dans le harem du prophète.
XXXV — Abou-Bekr conduit les pèlerins à la Mecque — Mission d’Ali pour annoncer une révélation
XXXVI — Mahomet emploie ses capitaines dans des entreprises éloignées — Désigne des lieutenants pour gouverner l’Arabie heureuse — Envoie Ali réprimer une insurrection dans cette province — Mort du seul fils du prophète, Ibrahim — Conduite de Mahomet auprès du lit de mort et du tombeau — Ses infirmités croissantes — Son pèlerinage d’adieu à la Mecque ; sa conduite et ses prédications pendant son séjour dans cette ville
XXXVII — Des deux faux prophètes, Al-Asouad et Moseilma
XXXVIII — L’armée est prête à marcher contre la Syrie — Commandement donné à Osama — Adieux du prophète aux troupes — Sa dernière maladie — Ses sermons dans la mosquée — Sa mort ; circonstances qui l’accompagnent
XXXIX — Portrait de Mahomet — Considérations sur sa carrière prophétique
I
NOTICE PRÉLIMINAIRE SUR L’ARABIE ET LES ARABES
Durant une longue succession de siècles, s’étendant depuis la période la plus éloignée qu’enregistre l’histoire jusqu’au septième siècle de l’ère chrétienne, cette grande Chersonèse ou péninsule formée par la mer Rouge, l’Euphrate, le golfe Persique et l’océan Indien, et connue sous le nom d’Arabie, ne subit aucun changement, et ne fut presque pas affectée par les événements qui bouleversèrent le reste de l’Asie et ébranlèrent, jusqu’en leurs fondements, l’Europe et l’Afrique. Pendant que des royaumes et des empires s’élevaient et croulaient, que les anciennes dynasties disparaissaient, que les limites et les noms des pays étaient changés, et leurs habitants exterminés ou emmenés captifs, l’Arabie, quoique ses provinces frontières éprouvassent quelques vicissitudes, conserva dans la profondeur de ses déserts, son indépendance et son caractère primitifs, et jamais ses tribus nomades ne courbèrent leurs têtes altières sous le joug de la servitude.
Les Arabes font remonter les traditions de leur pays à la plus haute antiquité. Il fut peuplé, disent-ils, aussitôt après le déluge, par les descendants de Sem, fils de Noé, qui graduellement formèrent diverses tribus, dont les plus connues sont les Adites et les Thamudites. Toutes ces tribus primitives auraient été balayées de la surface de la terre en punition de leurs iniquités, ou auraient disparu dans les modifications postérieures des races, de sorte qu’il ne reste, en ce qui les concerne, rien que d’obscures traditions et quelques passages du Coran. Elles sont parfois mentionnées dans l’histoire de l’Orient, comme « les vieux Arabes primitifs, » « les tribus perdues. »
Le peuplement définitif de la Péninsule est attribué, par les mêmes autorités, à Kahtan ou Jectan, descendant de Sem à la quatrième génération. Sa postérité se répandit sur la partie méridionale de la Péninsule et le long de la mer Rouge. Jarab, un de ses fils, fonda le royaume d’Yémen, où il donna son nom au territoire d’Araba, d’où dérivent ceux d’Arabe et d’Arabie, Jurham, autre fils de Jectan, fonda le royaume de Hedjaz, sur lequel ses descendants régnèrent pendant plusieurs générations. Ceux-ci reçurent avec bonté Agar et son fils Ismaël, quand ils furent exilés par le patriarche Abraham. Plus tard, Ismaël épousa la fille de Modad, prince régnant de la famille de Jurham. Ainsi un étranger, un hébreu, s’enta sur la vieille souche arabe. Ce fut une greffe vigoureuse : la femme d’Ismaël lui donna, douze fils, qui s’emparèrent de l’autorité dans le pays et dont la race prolifique, divisée en douze tribus, chassa ou absorba la race primitive de Jectan.
Tel est le récit que font de leur origine les Arabes de la Péninsule,¹ et les écrivains chrétiens le citent comme contenant l’accomplissement du pacte de Dieu avec Abraham, ainsi qu’on le trouve dans les Saintes Écritures : « Abraham dit à Dieu : Je te prie qu’Ismaël vive devant toi ! et Dieu dit : Je t’ai exaucé touchant Ismaël ; voici, je l’ai béni, je le ferai croître et multiplier très abondamment. Il engendrera douze princes et je le ferai devenir une grande nation. » (Genèse, XVII — 18, 20.)
Ces douze princes, avec leurs tribus, sont encore mentionnés dans les Écritures (Genèse XXV, 18), comme occupant le pays qui s’étend « d’Havila jusqu’à Sur, qui est vis-à-vis de l’Égypte, quand on vient d’Assyrie, » et que les géographes sacrés regardent comme une partie de l’Arabie. La description de ces tribus s’accorde avec celle que l’on fait des Arabes de nos jours. On les représente : quelques-uns comme habitant des villes et des châteaux ; d’autres comme vivant sous des tentes ou dans des villages au milieu du désert. Nébajoth et Kédar, les deux aînés d’Ismaël, sont très célèbres parmi les princes pour leurs richesses en gros et menu bétail, et la beauté de la laine de leurs moutons. De Nébajoth descendirent les Nabathéens qui habitaient l’Arabie Pétrée ; pendant que le nom de Kédar est quelquefois employé dans l’Écriture Sainte pour désigner la nation Arabe tout entière. « Malheur à moi, dit le Psalmiste, qui séjourne dans Mesech, qui vis sous les tentes de Kedar. » Tous deux paraissent avoir été les ancêtres des Arabes errants ou pasteurs, les francs pirates du désert. « L’opulente nation, dit Jérémie, qui vit sans soucis ; qui n’a ni portes ni barreaux, qui vit isolée. »
Une grande différence se fit remarquer dès les temps les plus reculés entre les Arabes qui « possédaient des villes et des châteaux, » et ceux qui « vivaient sous des tentes. » Quelques-uns des premiers occupaient les fertiles wadies, ou vallées, qui se rencontrent çà et là dans les montagnes, où ces villes et châteaux étaient entourés de vignes et de vergers, de bosquets, de palmiers, de champs de blé et de pâturages bien peuplés. Ils avaient des habitudes sédentaires, s’adonnant à la culture du sol et à l’élève du bétail.
D’autres de cette classe pratiquaient le commerce, auquel les invitaient leurs ports et leurs villes, situés le long de la mer Rouge, le long des côtes méridionales de la Péninsule et du golfe Persique, et se servant à cet effet de navires et de caravanes. Tel était surtout le peuple de l’Yémen, ou Arabie Heureuse, cette terre des épices, des parfums et de l’encens, la Sabée des poètes, la Saba des Écritures sacrées. Ils étaient comptés parmi les plus actifs navigateurs des mers d’Orient. Leurs navires rapportaient sur leurs rivages la myrrhe et les baumes recueillis sur la côte opposée, avec l’or, les épices et d’autres riches marchandises de l’Inde et de l’Afrique tropicale. Tout cela, joint aux produits de leur propre territoire, était transporté par des caravanes, à travers les déserts, aux états semi-arabes d’Ammon, de Moab, d’Édom ou d’Idumée, et aux ports phéniciens de la Méditerranée, puis de là, distribué dans le monde occidental.
Le chameau a été appelé le navire du désert ; on pourrait dire que la caravane en est la flotte. Les caravanes de l’Yémen étaient généralement équipées, armées et protégées par les Arabes nomades, auxquels l’on pourrait donner le nom de navigateurs du désert. Ils fournissaient les innombrables chameaux nécessaires, et contribuaient aussi au chargement par les belles toisons de leurs immenses troupeaux. Les écrits des prophètes nous montrent l’importance, aux temps bibliques, de cette chaîne commerciale intérieure qui reliait les riches contrées du Sud : l’Inde, l’Éthiopie et l’Arabie Heureuse, à l’ancienne Syrie.
Ézéchiel, dans ses lamentations sur Tyr, s’écrie : Les Arabes et tous les principaux de Kédar ont été des marchands que tu avais en ta main, trafiquant avec toi, en agneaux, en moutons et en boucs. Les marchands de Séba et de Rahma ont été tes facteurs, faisant valoir tes foires en toutes sortes de drogues les plus exquises, en toutes sortes de pierres précieuses et en or. Haran et Canne et Héden et les marchands de Séba, d’Assyrie et de Chelmad étaient tes marchands ! »
Et Isaïe parlant à Jérusalem dit :
« Une abondance de chameaux te couvrira : les dromadaires de Madian et de Népha, et tous ceux de Séba viendront ; ils apporteront de l’or et de l’encens. Toutes les brebis de Kédar seront assemblées vers toi ; les moutons de Nébajoth seront pour ton service. » (Isaïe XL. — 6-7.)
Les Arabes agriculteurs et commerçants, les habitants des villes n’ont jamais été considérés comme le type de la race. Ils s’amollirent par des occupations sédentaires et paisibles, et perdirent beaucoup de leur caractère original par leurs relations avec les étrangers. L’Yémen, en outre, étant plus accessible que les autres parties de l’Arabie, et offrant une plus grande tentation aux spoliateurs, avait été plusieurs fois envahi et soumis.
Ce fut dans l’autre catégorie d’arabes, les pillards du désert, les « habitants des tentes », de beaucoup la plus nombreuse, que le caractère national conserve toute sa force et toute sa fraîcheur. Nomades dans. leurs habitudes, pasteurs dans leurs occupations, et connaissant d’expérience et de tradition les ressources cachées du désert, ils menaient une vie errante, allant d’un endroit à un autre, en quête de ces puits et de ces fontaines qui avaient été le rendez-vous de leurs pères depuis l’époque des patriarches ; campant partout où ils pouvaient trouver des dattiers pour s’abriter, et des pâturages pour leurs troupeaux ; puis changeant de résidence aussitôt que ces ressources temporaires étaient épuisées.
Ces Arabes nomades étaient divisés et subdivisés en une quantité innombrable de petites tribus ou familles, chacune avec son Cheik ou Émir, le représentant du patriarche d’autrefois, et dont la lance, plantée à côté de sa tente, était l’insigne du commandement. Sa dignité, cependant, quoiqu’elle se transmît pendant des générations dans la même famille, n’était pas strictement héréditaire, mais dépendait du bon plaisir de la tribu. Il pouvait être déposé et remplacé par quelqu’un d’une ligne différente. Son pouvoir était limité et mesuré à son mérite personnel et à la confiance qu’il inspirait. Ses prérogatives consistaient à conduire les négociations pour la paix et la guerre, à commander la tribu devant l’ennemi, à choisir le lieu du campement, à recevoir et traiter les étrangers de distinction. Mais dans l’exercice de ces privilèges et autres semblables, il devait tenir compte de l’opinion et des désirs de son peuple.²
Quel que fût le nombre des subdivisions d’une tribu, les diverses sections avaient toujours présents à l’esprit les liens qui les unissaient. Tous les Cheiks d’une même tribu reconnaissaient un chef commun, appelé le Cheik des Cheiks, qui, caché dans un château bâti dans des rochers, ou campé dans le désert au milieu de ses troupeaux, pouvait appeler autour de son étendard toutes les branches de cette tribu, chaque fois que cela était nécessaire au bien-être de la communauté.
La multiplicité de ces tribus errantes, chacune avec son petit prince et son petit territoire, mais sans chef national, produisait de fréquentes collisions. La vengeance, en outre, était presque un principe de religion. Venger un parent tué était le devoir de sa famille, et engageait souvent l’honneur de sa tribu ; et ces dettes de sang restaient quelquefois des générations sans se régler, produisant des haines mortelles.
La nécessité d’être toujours sur le qui-vive pour défendre ses troupeaux familiarisait, dès son enfance, l’Arabe du désert avec l’usage des armes. Personne ne savait mieux que lui tirer de l’arc, manier la lance ou le cimeterre ; nul n’était aussi adroit et aussi gracieux dans les exercices d’équitation. C’était, en plus, un guerrier adonné au pillage, car, quoiqu’il s’engageât parfois au service du marchand, lui fournissant des guides, des chameaux et des conducteurs pour le transport de ses marchandises, il était plus enclin à lever une contribution sur la caravane ou à la piller à fond dans son pénible voyage à travers le désert. Tout cela, il le regardait comme un emploi des armes très licite, tenant les heureux enfants du trafic pour une race inférieure, dégradée par des habitudes et des préoccupations sordides.
Tel était l’Arabe du désert, l’habitant des tentes, en qui s’accomplissait la destinée prophétique de son ancêtre Ismaël. « Ce sera un homme sauvage ; sa main sera tournée contre tous, et la main de tous sera tournée contre lui. » (Genèse, XVI. 12). La nature l’avait fait exprès pour ce genre de vie. Son corps souple et grêle, mais nerveux et robuste, pouvait supporter les fatigues et les privations les plus grandes. Il était sobre et même abstème, n’ayant besoin que de fort peu de nourriture, et encore de l’espèce la plus simple. Son esprit était, comme son corps, vif et agile. Il possédait au plus haut degré les attributs intellectuels de la race sémitique : la sagacité, la finesse, la conception rapide et l’imagination brillante. Ses sensations étaient vives et profondes, quoique peu durables. La fierté et l’audace se lisaient sur son blême visage, et l’étincelle jaillissait de son grand œil noir. Il était facile à entraîner par les appels de l’éloquence et à charmer par les grâces de la poésie. Parlant une langue abondante à l’excès, et dont les mots ont été comparés aux joyaux et aux fleurs, il était naturellement orateur, mais il avait plus de goût pour les proverbes et les apophtegmes que pour les discours soutenus, et aimait à traduire ses idées, à la façon orientale, par l’apologue et la parabole.
Ce guerrier turbulent et pillard n’était pas moins brave et hospitalier. Il se plaisait à faire des cadeaux ; sa porte était toujours ouverte au voyageur, avec lequel il était prêt à partager son dernier morceau ; et son plus mortel ennemi, quand il avait rompu le pain avec lui, pouvait reposer en toute sûreté sous l’inviolable asile de la tente.
Les Arabes, dans ce qu’ils appellent les jours d’ignorance, étaient partagés en deux religions principales : celle des Sabéens et celle des Mages, qui dominaient alors dans le monde oriental. La Sabéenne, cependant, était celle qui comptait le plus d’adhérents. Ceux-ci prétendaient la tenir d’un fils de Seth, Sabi, qu’ils supposaient être enterré, avec son père et son frère Enos, dans les Pyramides. D’autres font dériver ce nom du mot hébreu Saba, ou les étoiles, et font remonter l’origine de la foi aux pasteurs Assyriens qui, veillant de nuit leurs troupeaux sur leurs plaines unies et sous un ciel sans nuages, notèrent l’apparition et les phénomènes des corps célestes, et formèrent une théorie de leurs bonnes ou mauvaises influences sur les affaires humaines ; vagues notions dont les philosophes et les prêtres Chaldéens firent un système que l’on croit plus ancien que celui même des Égyptiens.
D’autres la faisaient venir de bien plus haut, et réclamaient pour elle l’honneur d’avoir été la religion du monde antédiluvien. Elle survécut, disaient-ils, au déluge, et se continua parmi les patriarches. Elle fut enseignée par Abraham, adoptée par ses descendants, les enfants d’Israël, sanctifiée et confirmée dans les tables de la loi remises à Moïse sur le mont Sinaï, au milieu des éclairs et du tonnerre.
À l’origine, la foi Sabéenne était pure et toute spirituelle, inculquant la croyance en l’unité de Dieu, la doctrine d’un avenir de peines et de récompenses, et la nécessité d’une vie pure et sainte pour obtenir une heureuse immortalité. Le respect que les Sabéens portaient à l’Être suprême était si profond, qu’ils ne mentionnaient jamais son nom, et ne s’aventuraient à l’approcher que par l’intermédiaire des anges. Les anges étaient censés habiter et animer les corps célestes, absolument comme l’âme habite et anime le corps humain. Ils étaient placés dans leurs sphères respectives pour surveiller et gouverner l’univers, sous les ordres du Très-Haut. En s’adressant directement aux étoiles et autres luminaires célestes, les Sabéens ne