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Délivrée (60)
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Livre électronique360 pages2 heures

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À propos de ce livre électronique

Mon secondaire cinq devait être mon année des premières fois. Premier amour, premier road trip, premier bal… J’ai touché à tout ça du bout des doigts.

Puis Ewing est arrivé. Ewing, un grave sarcome qui me colle désormais aux os.

À cause de ce foutu cancer, mes premières fois ne sont plus celles d’une ado normale. Première chimio, premier séjour à l’hôpital, premier contact avec la mort. Malgré la tempête, ma famille et mon copain font tout ce qu’ils peuvent pour garder espoir et me faire sourire. Une chance que je les ai auprès de moi…

Pourtant, j’ai peur que ce ne soit pas suffisant. Ewing m’attaque sans arrêt et il gagne du terrain chaque jour. Je ne veux pas le laisser remporter le combat. Mais je suis si fatiguée…

Pour certaines personnes en fin de vie, la douleur est trop grande. Dans le but de soulager leurs souffrances, elles ont la possibilité de demander l’aide médicale à mourir. Sous la supervision de professionnels de la santé, elles reçoivent alors des doses de médicaments qui entraînent paisiblement la mort. Cette procédure est strictement encadrée par la loi canadienne. Pour qu’une demande soit acceptée, elle doit répondre à plusieurs critères précis.
LangueFrançais
Date de sortie12 janv. 2022
ISBN9782897923105
Délivrée (60)
Auteur

Roxane Jérôme

Depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvienne, Roxane a toujours eu des histoires dans un coin de sa tête. Elle aime les mettre sur papier et voir où les mots peuvent la mener. Elle a sauté à pieds joints dans le milieu de l’édition en 2018. C’était le début d’une aventure qui lui a permis de réaliser un de ses plus grands rêves : publier un livre (ou cinq) !

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    Aperçu du livre

    Délivrée (60) - Roxane Jérôme

    L’AVANT

    CHAPITRE 1

    Damien

    RV au quai après l’activité ?

    Je regarde l’écran de mon cellulaire en souriant. Je confirme ma présence et relève la tête. Les feuilles des arbres commencent à rougir, le paysage est magnifique en cette première sortie scolaire. Chaque année, l’école organise une sortie en nature à l’automne. Les profs forment les groupes eux-mêmes, sans se soucier de séparer les clans déjà existants.

    Mon clan à moi est un trio. Mon cousin, son meilleur ami et moi.

    Emmanuel, Damien et Rose. Les trois mousquetaires.

    Les deux garçons sont amis depuis toujours. Je crois même avoir déjà vu une photo d’eux, en couche, se disputant un avion en jouet. J’ai rejoint le groupe au début du secondaire. Mon cousin et moi avons le même âge. J’étais stressée d’arriver dans une nouvelle école, mais pas lui. Alors il m’a promis que tout se déroulerait bien, mais… ç’a été le bordel total. Emmanuel était aux prises avec une gastro fulgurante, me laissant ainsi seule dans la jungle de la grande école. Avant même l’heure du dîner, j’ai déchiré ma jupe d’uniforme en refermant mon casier, je me suis perdue dans le labyrinthe de couloirs, j’ai échappé mes livres dans les marches. La seule lumière dans ma journée, c’était Damien. Le seul visage qui ne m’était pas totalement inconnu, parce qu’il faisait partie de la même école de musique que mon cousin. J’avais été voir un de leurs concerts, quelques mois plus tôt, et nous avions été prendre une crème glacée, lui et moi, avec nos familles, échangeant quelques sourires timides tachés de molle à la vanille.

    Ce jour-là, au beau milieu du couloir, Damien m’a aidée à me relever et il ne m’a pas lâchée. Il m’a gardé une place à la café le midi et nous avons envoyé une tonne de selfies à Emmanuel. Il m’a accompagnée à chacun de mes cours, s’assurant chaque fois de me voir sourire avant de courir vers le sien.

    Quatre ans plus tard, il est toujours là. Toujours prêt à faire des folies juste pour me faire rire.

    Et, depuis peu, il est devenu mon petit ami. Chaque fois que cette information me revient à l’esprit, chaque fois qu’il me tient la main devant tout le monde, chaque fois qu’il m’embrasse… Mon cœur s’arrête et j’ai l’impression de vivre dans mon rêve le plus fou.

    Je suis amoureuse de Damien depuis tellement longtemps. Savoir que mes sentiments sont réciproques me fait flotter sur un nuage. Nous étions amis depuis si longtemps que je n’avais plus d’espoir. Je me contentais d’être son amie, celle qui l’aidait à choisir de nouveaux vêtements et qui l’encourageait à rester motivé par les études. Puis, l’été dernier, après la ixième crème glacée en tête-à-tête, il m’a attrapé le menton et a posé ses lèvres sur les miennes. C’était doux, c’était sucré, et ça m’a empêché de dormir pendant deux jours. Quand notre relation s’est officialisée, nos familles ont accueilli la nouvelle avec un sourire, Manu a émis un « enfin ! » bien senti.

    En voyant la liste des groupes pour cette sortie, j’ai lâché un gros soupir. Aucun de mes mousquetaires n’était dans la même gang que moi. C’est pourquoi je suis en train de me perdre au fin fond des bois, pendant que Damien fait du tir à l’arc près du chalet principal.

    Mon groupe est loin devant moi, et l’animateur du camp me fait de grands signes tout en criant mon nom afin que je les rejoigne. Je me mets à courir. Ça ne va pas super bien, parce que j’ai une main qui tient ma caméra pour l’empêcher de cogner contre ma poitrine à chacun de mes pas. Quand je les rattrape enfin, nous repartons. J’ai envie de demander un arrêt presque toutes les deux minutes. Les doigts m’élancent, ils veulent tourner l’objectif de ma caméra, ils veulent appuyer sur le déclencheur. Ma lentille veut capturer tout ce qui m’entoure, pour garder un souvenir indélébile de cette forêt.

    Cette envie est trop forte, je ralentis jusqu’à m’arrêter. Un papillon magnifique, d’un bleu éclatant, vient de se poser sur un tronc d’arbre non loin du sentier. Comme j’aimerais avoir ma lentille pour faire de la macro ! Je pourrais ainsi enregistrer tous les plus petits détails, de la texture de l’écorce aux yeux de l’insecte.

    J’adore faire de la photo.

    J’approche le viseur de mon œil, je règle la mise au point et…

    — Qu’est-ce que tu fais ?

    Le papillon s’envole. Au revoir, jolie photo.

    Jasmine Proulx est à côté de moi, un sourcil arqué.

    — Je… Rien, maintenant. Le papillon est parti.

    Je sens le jugement dans le regard qu’elle me lance. Comme si elle me trouvait insignifiante de photographier des insectes. Si seulement elle savait comment je la trouve insignifiante, elle, dans son ensemble.

    — Tu devrais me prendre en photo, à la place. Tu aurais beaucoup plus de likes comme ça.

    Si elle savait à quel point je m’en fous, que les photos que je mets sur Instagram atteignent seulement vingt mentions j’aime. Mais l’animateur plus loin m’empêche de lui répondre.

    — Les filles ! Moins de papotage, plus de pas tout court !

    Faut croire que je ne garnirai pas mon porte-folio aujourd’hui…

    Petits points qui indiquent une ellipse, un saut dans le temps.

    Après une interminable heure, l’animateur nous libère. Nous avons un moment libre avant de prendre l’autobus pour retourner à l’école. Je me précipite vers le quai, dans l’espoir d’y voir Damien. Il n’est pas encore là. J’enlève mes souliers en montant sur la plateforme, parce que j’aime tellement sentir le bois sous mes pieds. Ça me rappelle les étés passés chez ma grand-mère. J’approche le bord, et m’y assois. Je laisse ma caméra et mes souliers un peu plus loin, pour éviter de les échapper dans l’eau. La journée est chaude pour ce temps-ci de l’année et je ferme les paupières pour profiter du soleil sur ma peau.

    J’entends des pas sur les planches. Trop rapides. Avant de pouvoir pleinement prendre conscience de ce qui est en train de se passer, je suis déjà dans l’eau. Elle est froide, malgré la température extérieure. Je pousse avec mes bras pour retourner à la surface. Damien est à mes côtés, ses cheveux trempés lui tombant dans les yeux. La tête penchée vers l’arrière, il rit tellement qu’il s’enfonce dans l’eau.

    — Tu devrais voir ta tête, Rose ! s’exclame-t-il.

    — T’es qu’un sale con, Damien Labbé !

    Je laisse ma main fendre l’eau et lui envoyer une éclaboussure en plein visage. Il me la renvoie. Encore. Et encore. J’essaie d’atteindre le quai avant d’être complètement frigorifiée. Mais mon copain se lance aussitôt à ma poursuite. Impossible d’arriver avant lui. Damien est sauveteur à la piscine, en plus de faire partie d’une équipe compétitive de natation. Il est allé aux Jeux du Québec, l’année dernière. Disons que ma nage du petit chien ne me donne aucun avantage ici.

    À bout de souffle, j’abandonne la partie, non sans l’avoir éclaboussé une dernière fois.

    Après avoir plaqué ses lèvres contre ma joue, mon copain me laisse enfin aller. Je m’accroche au quai et, avant d’y remonter, j’observe Damien. Il est vraiment gracieux dans l’eau. Non, je dois me corriger. Il est tout le temps gracieux. Il se déplace toujours comme si le monde était son terrain de jeu et que rien ne pouvait l’arrêter. Ça le rend tellement beau et…

    — Hé !

    Je sursaute. Je n’avais pas remarqué qu’il était revenu si près. Son bras frôle ma main sur le quai. J’ai un frisson, et la fraîcheur de l’eau n’est pas la seule en cause.

    — Hé ! finis-je par répondre.

    Il s’approche, mon regard est retenu par ses lèvres. J’ai déjà le cœur qui bat en anticipant un baiser mais, au dernier moment, Damien tourne la tête pour regarder au loin. Au sourire qui orne ses lèvres, je sais qu’il l’a fait exprès. Et qu’il est bien fier de me faire autant d’effet.

    — Tu crois que Manu va remporter sa course ?

    Sa question m’oblige à porter mon attention sur le lac. Dans son canot, mon cousin, facilement identifiable par sa touffe de cheveux bouclés, est au coude à coude avec celui d’un autre élève de cinquième. On les entend crier d’ici.

    — Ouais, c’est certain. Manu gagne toujours tout.

    Il éclate de rire tellement mon affirmation est vraie. Emmanuel est têtu et il s’arrange toujours pour remporter tous les honneurs.

    Les doigts de Damien s’enroulent autour des miens et mon rire meurt dans le vent. Cette fois-ci, pas de blague. Ses lèvres se collent aux miennes et me donnent le tournis.

    Mon bras lâche le quai pour s’enrouler autour de ses épaules. Il me serre à son tour et on s’enfonce dans le lac. L’eau nous submerge, mais il n’est pas question de nous lâcher.

    CHAPITRE 2

    — Un peu de silence ! S’il vous plaît !

    La deuxième cloche a sonné cinq minutes auparavant et les conversations sont encore loin d’être terminées. Nous sommes lundi matin, les histoires de la fin de semaine n’ont pas encore eu le temps d’être entièrement échangées et les élèves ne sont pas prêts à se taire. J’ai même entendu plusieurs anecdotes concernant la sortie de la semaine dernière.

    Damien est assis sur mon bureau, ses doigts se promènent sur ma main. Nous sommes ensemble depuis un mois déjà et… c’est comme si ça avait toujours été le cas. Comme si notre couple était la continuité de notre amitié. Nos baisers se sont insérés dans notre routine, tout naturellement.

    — T’as envie d’aller au ciné-club, ce soir ?

    Tous les lundis soir, le club de théâtre organise des soirées cinéma, afin de récolter des fonds pour la pièce de fin d’année. Il s’agit souvent de films étrangers, dans leur version originale. Mais sous-titrée, car, exception faite d’Igor Petrov, aucun élève de l’école ne parle le russe. Emmanuel, Damien et moi aimons bien y aller, à l’occasion.

    — On pourrait manger au resto avant, t’en dis quoi ? continue Damien.

    Il n’a même pas besoin de spécifier le restaurant. Nous allons toujours au petit café de ses parents, Bouillon d’Amour. Au fil des années, c’est devenu notre repaire.

    — Bonne idée ! J’espère que ta mère a mis sa soupe aux tomates sur le menu du jour.

    — Tu sais bien qu’elle en fera juste pour toi, si tu le lui demandes.

    Je lève les yeux au ciel avec un sourire aux lèvres. La mère de Damien m’adore, encore plus depuis que je sors avec son fils. Elle me considère comme sa fille, elle me l’a dit à plusieurs reprises.

    — SILENCE !

    Les conversations commencent à s’atténuer. Damien dépose un baiser sur le bout de mon nez, avant de sauter en bas de mon bureau. J’ai le cœur qui bat la chamade lorsqu’il s’installe à sa place.

    Je suis tellement, mais tellement, amoureuse de ce garçon. Ma vie est parfaite.

    Ayant repris le contrôle de la classe, notre prof d’éthique nous demande de placer les bureaux en U. Elle a un don pour nous réveiller. Elle sait bien que la première période de la journée est la plus pénible. Surtout quand il fait beau comme aujourd’hui. Le soleil brille et, tout ce qu’on veut, c’est se retrouver dehors pour profiter des dernières journées chaudes de l’automne.

    Les pattes des bureaux raclent le linoléum. La disposition de la classe change du tout au tout. Fini les rangs d’oignons.

    Une fois les bureaux placés, nous nous assoyons, sans trop savoir ce qui va se passer. Madame Héroux se tient au centre de la classe, deux feuilles entre les mains. Elle dépose la première devant moi et la seconde devant Jasmine Proulx, à l’autre extrémité du U.

    Je sursaute en jetant un coup d’œil à la feuille.

    Le suicide : pour ou contre ?

    Vous êtes l’équipe « Pour ».

    Quoi ? C’est une blague ? Comment peut-on vraiment être POUR le suicide ?

    Madame Héroux se rend bien compte que son sujet choque. Mes voisins, après avoir glissé un regard vers ma feuille, commencent à répandre le sujet d’un ton étonné. Même Jasmine étouffe un petit cri de surprise.

    — Mais madame ! s’exclame-t-elle avec vigueur. Personne ne peut…

    — Laissez-moi vous expliquer comme il faut, l’interrompt notre enseignante. Une personne sur cinq sera atteinte d’une maladie ou d’un problème de santé mentale au cours de sa vie. Vous connaîtrez tous quelqu’un qui en souffrira, en le sachant ou non.

    Le sujet nous rend mal à l’aise. Il y a des toux dans la salle, des raclements de chaises au sol.

    — Ce que je veux avec ce débat, c’est que l’équipe « Contre » défende son point de vue à tout prix. L’équipe « Pour » … Je souhaite vous voir trouver des situations où le suicide peut être considéré comme une option… compréhensible, si je peux le dire ainsi.

    Un silence flotte dans la salle de classe. Je suis complètement sonnée. Avec ce que j’ai vécu, je ne peux pas croire que j’aurai à défendre ce geste. J’en serai incapable…

    — Comme… dans le cas d’une maladie incurable ? demande un garçon.

    Madame Héroux fait mine de verrouiller ses lèvres et de jeter la clé par la fenêtre.

    Durant les quinze minutes qui suivent, nous discutons de ces « cas de suicides acceptables ». Notre prof nous a donné le droit d’utiliser nos cellulaires, alors nous sommes tous rivés à nos écrans. Tous…

    … sauf moi.

    — Rose, j’ai trouvé cette histoire trop folle !

    — Rose, prends ça en note !

    — Rose, cet argument, c’est fucking hot !

    On m’a donné la feuille, ce qui me désigne comme secrétaire officielle. J’écris, j’écris, j’écris, sans analyser. Je suis complètement ailleurs et j’ai l’impression d’entendre des pleurs… Ils emplissent mes oreilles et me déconnectent du moment.

    Ce n’est qu’une fois les quinze minutes écoulées, mon crayon roulant sur le bureau, que je me mets à penser à ce que j’ai noté.

    Ces mots… ils sont horribles. Totalement horribles. Ce sont des histoires qui tordent le cœur, des personnes qui souffraient tellement… Des personnes malades, qui n’avaient aucune chance de s’en sortir, mais quand même… Je peux comprendre la souffrance, je peux essayer d’imaginer la détresse de ces gens, mais… accepter un geste aussi terrible que le suicide ? Accepter la douleur qu’il occasionne aux proches ?

    Non, ça, je ne peux pas.

    Et je ne peux pas croire que je vais devoir défendre ce point alors que des images d’une tristesse infinie se bousculent dans ma tête.

    — Commençons, voulez-vous ?

    Madame Héroux s’est assise sur son bureau, ses jambes pendant dans le vide. Elle attend de voir qui se lancera en premier. Elle me regarde fixement.

    On dirait bien que le fait d’avoir reçu la feuille m’a aussi désignée comme oratrice officielle.

    Sauf que je ne veux pas.

    Je ne peux pas.

    J’ouvre la bouche, et la referme aussitôt.

    Mon voisin vient à ma rescousse. Il fait glisser nos notes devant lui et commence à raconter l’histoire de cette femme aux prises avec la maladie de Crohn, et à quel point elle souffrait de façon continuelle, et à quel point elle ne pouvait plus rien faire, et…

    Et je n’écoute pas.

    Je pense seulement à ce cercueil fermé lors de l’exposition. Aux sanglots qui résonnent dans mes oreilles sans relâche. À ma mère qui pleure et à Emmanuel qui essaie de rester fort. Une boule gonfle dans ma gorge.

    — Manu ? Je peux entrer ?

    Je n’attends pas la réponse. J’ouvre lentement la porte des toilettes, pour voir mon cousin devant le miroir. Ses yeux, rougis par les larmes cascadant sur ses joues, n’osent me regarder. Il a l’air si jeune, si perdu dans son habit trop grand

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