Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique
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Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique - Gaston Dubois-Desaulle
Gaston Dubois-Desaulle
Étude sur la bestialité au point de vue historique, médical et juridique
Publié par Good Press, 2022
EAN 4064066328450
Table des matières
Avant-propos
Préliminaires historiques
La Bestialité et la Mythologie
La Bestialité et l’Hérésie
La Bestialité et la Sorcellerie
La Bestialité devant la Justice de l’Ancien Régime
PROCÈS DE GUILLAUME GARNIER
PROCÈS DE PIERRE GRONDEAU
PROCÈS DE JEAN DEVIALLE
PROCÈS DE JACQUES GION
PROCÈS DE JACQUES PRENAULT
PROCÈS DE JEAN DE LA SOILLE
PROCÈS DE JEAN GERBOURT
PROCÈS DE PIERRE POULAIN
PROCÈS DE COLLAS HILLAIRE
PROCÈS DE GILLES DOBREMER
PROCÈS DE DIDIER LANGARAT
PROCÈS DE PIERRE GAUTHIER, dit BARAT
PROCÈS DE JEAN SARDON
PROCÈS DE JEAN POIGNON
PROCÈS DE PIERRE FONTAINE
PROCÈS DE JEAN COCHON
PROCÈS DE ANTOINE BATAILLE
PROCÈS DE MACÉ AVRIL
PROCÉS DE BERNARD BOUTTESOLLE
PROCÈS D’EUTROPE BEDEAU
PROCÈS DE GERVAIS LIÉNARD
PROCÈS DE TOUSSAINT BOUDIER
PROCÈS DE JEAN PÉRIER
PROCÈS DE FRANÇOIS BEAUPLED
PROCÈS DE CLAUDE FABRE
PROCÈS DE GUILLAUME EDELINE
PROCÈS DE JEAN BEISSE
PROCÈS DE MICHEL MORIN
PROCÈS DE PIERRE DUPIN
PROCÈS DE ETIENNE PASIN
PROCÈS DE ANTOINE DE LA RUE
PROCÈS DE CHARLES BASSE
PROCÈS DE ABRAHAM BERTIN
PROCÈS DE CLAUDE TOUSSAINT
PROCÈS DE JACQUES PERRICHON
PROCÈS DE CLAUDE PARISOT
PROCÈS DE AMBROISE VERNART
PROCÈS DE CHARLES CHAMBÉRY, dit LE GRAND SAVOYARD
PROCÈS DE CLAUDINE DE CULAM
Cas de Bestialité au XVIII e Siècle
PROCÈS DE FRANÇOIS BORNICHE
PROCÈS DE CHARLES
ESPÈCES ET SEXES DES ANIMAUX
Châtiments juridiques pour Crime de Bestialité
Exécution des Animaux complices du Crime de Bestialité
L’Amour des Animaux pour les Etres humains
La Bestialité et la Science moderne
La Bestialité dans la Littérature
Apulée
Les Mille et une Nuits
La Dame et l’Ours
La Princesse et le Singe
Le Conte du troisième Voleur
La trente-huitième histoire du Vizir
Essais de Montaigne
Extrait de Nicolas Venette
Des Satyres
LIVRE III
L’Abbé en belle humeur
Une Passion dans le Désert
Le Lion du Soudan
Récits de Voyages
Femmes violées par des Gorilles
Le dépit amoureux d’un Singe
L’Homme-Singe
L’Animale
Demomousike
Chez les Gorilles
La Charmeuse
White Stains
Mémoires d’une Princesse russe
00003.jpgAvant-propos
Table des matières
00004.jpg Au seuil de cet ouvrage, contribution curieuse à l’histoire des perversions humaines, nous nous devons et nous devons aux lecteurs d’évoquer la physionomie sympathique du jeune érudit qui l’a conçu.
Le Destin a voulu que ce livre fût, non pas son dernier, car il en a laissé plusieurs, mais celui auquel il travaillait encore peu de temps avant de partir vers le pays où l’attendait une mort cruelle.
Gaston Dubois-Desaulle a vu se démasquer avant l’heure le visage fleuri d’espoir que la vie montre aux âmes adolescentes.
Son père ne voulut pas croire à sa vocation pourtant très réelle d’artiste et tenta de le diriger vers la carrière de marin et de soldat. Il mourut trop jeune pour imposer sa volonté et l’enfant, sous la tutelle infiniment douce de sa mère, connut un peu de joie.
Ce fut une trêve.
Il travailla, étudia, fit de la peinture, de la musique, mais son esprit se passionnait chaque jour davantage pour les questions sociales dont les vivants problèmes le hantaient.
Un événement survint qui le jeta dans la lutte.
En 1894, Dubois-Desaulle faisait son année de service au fort d’Ecrouves, près de Toul. Un sergent, nommé Paul Guillon, fut arrêté pour avoir reçu un paquet de brochures révolutionnaires. Dubois-Desaulle écrivit à Jean Grave et à Mme Séverine pour les avertir de cette arrestation. Le brouillon d’une de ces lettres fut saisi; on fouilla son paquetage, on y trouva des livres subversifs: un traité d’anatomie, un volume de Haeckel, l’Origine des Espèces de Darwin, le Livre de la Voie et de la Vertu de Lao-Tseu. C’était tout. Mais à ces livres étaient joints des carnets où le jeune soldat consignait ses réflexions. Celles-ci furent jugées offensantes pour l’armée et les chefs; on mit Dubois-Desaulle en cellule où il resta 75 jours. Il fut privé de son droit à la dispense, expédié aux compagnies de discipline, à Gafsa (Tunisie). Accueilli par des injures révoltantes, mis en prison sous les prétextes les plus futiles, il finit par s’échapper. Repris, il fut de nouveau mis en cellule, au secret, et en décembre 1895, conduit à Tunis pour passer devant un conseil de guerre. Il était passible d’une condamnation aux travaux publics. C’était le terrible engrenage qui ne lâche sa victime qu’au tombeau. Sa mère fit des miracles. Aidée par des amis dévoués dont la plus dévouée fut cette admirable Séverine dont tant de malheureux bénissent le nom, elle put sauver son fils qui, en janvier 1898, après une incorporation de quelques mois au 4e zouaves, à Tunis, obtint sa libération définitive.
Dès lors, Dubois-Desaulle vit son chemin nettement tracé. Les atrocités qu’il avait vu commettre et dont les victimes gardaient le secret, par lâcheté ou par crainte, lui oserait les dire. Son premier livre «Sous la Casaque» fut une autobiographie, le récit de ce qu’il avait souffert et de ce que d’autres avaient souffert devant lui.
Puis, dans un second ouvrage au titre pittoresque: Camisards, Peaux de lapins et Cocos, il raconta l’histoire des corps disciplinaires depuis 1788. Toute une campagne fut menée par lui, avec une ardeur où il se dépensait sans compter et il eut la joie de voir ses efforts aboutir en partie. L’opinion publique s’émut. Il y eut une interpellation à la Chambre des députés et le ministre de la guerre lui-même ayant eu communication des épreuves d’un article de Dubois-Desaulle, partit incognito pour le pénitencier militaire de l’Ile d’Oléron et cette visite eut pour résultat une certaine amélioration du sort des condamnés.
Epris des recherches historiques, Dubois-Desaulle publia en 1902 un livre composé tout entier de documents extraits des Archives de la Bastille: Prêtres et moines non conformistes en amour.
Le 25 janvier 1903, il partit pour Djibouti comme correspondant d’un journal illustré. Il devait assister à l’inauguration du chemin de fer de Harrar, cérémonie que devait rehausser, croyait-on, la présence du négus Ménélik. Le négus ne vint pas. Dubois-Desaulle trouvant son voyage insuffisamment pittoresque, gagna par chemin de fer la station terminus de Diré-Daouali. C’est là qu’il fit la rencontre de M. Mac-Millen, un riche américain qu’il avait déjà vu à Aden et qui voyageait escorté d’une nombreuse caravane. M. Mac-Millen demanda s’il lui plairait de l’accompagner jusqu’à Addis-Ababa. C’était pour l’aventureux jeune homme une offre bien séduisante; il accepta.
Le 8 mai, la caravane quitta le camp d’Erlabulla vers six heures et demie du matin. M. Morgan-Browne, secrétaire de M. Mac-Millen, qu’énervait la lenteur de la marche, partit en éclaireur avec son saïs et Dubois-Desaulle. Ils devaient reconnaître la route jusqu’à Bobé où l’on allait camper. Une première fois, le jeune voyageur s’arrêta pour prendre une tortue qu’il avait admirée au passage. Il retrouva facilement les traces de ses compagnons, les rejoignit au moment où ils venaient de s’arrêter pour faire boire leurs mules, puis tous trois se remirent en marche. M. Morgan-Browne, pressé d’arriver, activa son allure, suivi par son saïs, mais la mule de Dubois-Desaulle refusait d’avancer, il resta en arrière.
Quand ses compagnons, ayant atteint Bobé, ne le virent pas, ils crurent qu’il avait été rejoint par la caravane, qu’il arrivait avec elle. Aucun pressentiment fâcheux ne les agita. M. Morgan-Browne était persuadé qu’il n’y avait d’autre danger que de s’égarer. Il savait que son ami, malgré sa jeunesse, était habitué à voyager seul, qu’il avait une grande expérience du pays, beaucoup de sagacité et d’intelligence. Il fit néanmoins allumer de grands feux pour diriger sa marche.
Quand la caravane rejoignit le camp, on eut quelque surprise de la voir sans Dubois-Desaulle, mais nul ne songea à une catastrophe. Ce ne fut donc que le lendemain matin que M. Morgan-Browne partit avec quelques soldats à la recherche du disparu. Ils s’enquirent d’abord à un village près du camp; Dubois-Desaulle n’y avait point été aperçu. On alla quérir des Abyssins très habiles à relever les pistes, on revint sur la route précédemment parcourue et, à une bifurcation, on aperçut des traces de la mule et, à côté, celles des pas d’un homme. Cette piste fit aboutir à l’une des rives du Bobé et c’est là que dans un fourré, on retrouva le corps du malheureux jeune homme. Il avait le cœur traversé d’un coup de lance et son assassin l’avait affreusement mutilé. Ses vêtements ne présentaient aucune trace de lutte. Son bras droit était plié sur sa poitrine, les doigts légèrement recourbés semblant tenir encore les guides; l’autre pendait à son côté. La mort avait dû être foudroyante.
On recouvrit le corps, auprès duquel une garde d’honneur fut placée. M. Mac Millen, prévenu, vint avec un détachement de soldats, et l’on se mit de suite à préparer l’inhumation de ce jeune homme si plein d’une vie ardente quelques heures auparavant et dont une brute sanguinaire avait fait un cadavre. Les voyageurs choisirent une clairière où se dressaient quelques arbres; tous furent abattus, sauf un, le plus beau, et l’on creusa la fosse à son pied. Au fond, des pierres plates furent disposées pour le lit funèbre qu’on recouvrit de feuilles, de palmes et d’herbes aquatiques.
«Le dimanche 10 mai, au matin, écrit l’un des témoins oculaires, nous enveloppâmes pieusement notre ami dans son linceul, fait de haïcks de soie blanche et d’une étoffe blanche très souple, et il fut déposé au milieu des palmes et des feuilles, sur un brancard fait avec des branches des arbres abattus.
«Les trois blancs de la caravane auxquels se joignirent un chef somali et un chef abyssin, le portèrent à sa dernière demeure.
«Derrière, suivaient les soldats, les conducteurs, les indigènes. Quand on fut arrivé, tous défilèrent en ordre devant le brancard déposé à terre, puis formèrent le cercle autour de la tombe. Spectacle grandiose et tragique dans sa simplicité, funérailles des temps primitifs s’harmonisant avec la nature sauvage et magnifique qui nous entourait.
«Il n’y eut ni discours solennel, ni chants religieux, ni prêtres pour bénir la terre où il allait dormir. Le juste que nous ensevelissions n’en avait pas besoin. Il n’y eut rien que notre profond respect, nos regrets désespérés, l’adieu muet de notre douleur. Non sans angoisse, nous pensâmes, en cet instant suprême, à la mère, dont hier encore, il nous parlait avec tant de tendresse, avec laquelle, il vivait dans une si rare communion d’âmes et d’idées.
«Lorsque nous le déposâmes sur sa couche de feuillage, ce fut vers elle qu’allèrent nos pensées douloureuses, associant ainsi son souvenir à notre dernier adieu.
«Puis on recouvrit le corps de feuilles et de terre, et chacun apporta de grosses pierres afin d’élever à cette place un petit tumulus.
«L’assassin, nommé Myrrha, de la tribu des Débéneth, était un fanatique du crime. Tuant pour tuer, il avait déjà assassiné quarante-trois hommes, dont plusieurs blancs. Il a dû rencontrer notre ami à la bifurcation de la route, et ayant conçu l’idée du crime en le voyant seul, il lui proposa peut-être de l’accompagner, l’entraîna dans un chemin écarté et marcha près de lui avant de le frapper traîtreusement. Il ne fouilla même pas les poches de sa victime.
«Le jour de sa mort, M. Dubois-Desaulle était vêtu d’un pantalon de kaki, d’une chemise de flanelle blanche rayée de bleu, fermée par une cordelière de soie blanche, d’un képi de piqué blanc et, lui serrant les reins, une ceinture de laine bleue, celle qu’il avait aux compagnies de discipline, et qu’il avait tenu à emporter dans ce voyage.»
M. Dubois-Desaulle disait souvent à ses compagnons de route que depuis fort longtemps il désirait faire ce voyage, que cette vie aventureuse était pour lui pleine de charmes, qu’il s’y retrempait pour bientôt retourner en France travailler avec une nouvelle ardeur. Rempli d’entrain, de gaîté, bienveillant pour tous, il avait vu apprécier par tous ses grandes qualités: la bonté de son cœur, sa haute intelligence, la loyauté et la noblesse de son caractère. Alors qu’il rêvait de grandes choses, la mort l’a frappé sournoisement, inutilement, misérablement. C’est un nom de plus à ajouter à cette liste funèbre d’esprits marqués pour un beau destin et que la fatalité éteint avant l’heure. Travailleur infatigable, Dubois-Desaulle a laissé de nombreux ouvrages inédits: deux romans, Didiel Hairiel et la Faim et l’Amour; une étude sur Les Conseils de révision, une étude sur Les Joyeux et cinq volumes tirés des Archives de la Bastille: Madame l’Abbesse; Benjamin Deschauffours; Bardaches de Seigneurs; Le Marquis de la Touche; La Police de la Manchette.
00005.jpgPréliminaires historiques
Table des matières
00006.jpg00007.jpg L’HISTOIRE de la Bestialité présente, dans les temps modernes, de grandes difficultés quant à la documentation. Lorsqu’il s’agit de l’antiquité, ces difficultés deviennent des impossibilités. On ne peut établir qu’une agglomération artificielle de faits plus ou moins véridiques dont on ne doit tirer aucune conclusion.
Hérodote dit qu’en Egypte la bestialité était une des formes religieuses et qu’on offrait des femmes au bouc consacré.
Chez les Romains la bestialité était punie du châtiment réservé à la sodomie.
Pendant les Bacchanales, fêtes religieuses données en l’honneur de Bacchus, il est possible que des actes de bestialité furent commis par des individus ivres de vin et de luxure.
Ces fêtes se célébraient pendant la nuit, les hommes et les femmes y étaient admis et cette promiscuité, jointe à la fureur bachique, donna naissance à tous les excès possibles de la débauche.
De l’Etrurie, où ces mystères prirent naissance, ils passèrent à Rome et furent une école de tous les vices et de tous les crimes.
Les femmes étaient en majorité dans ces fêtes.
Ne trouver de crime à rien était pour les initiés le plus haut degré de la perfection religieuse.
Faut-il en conclure que la bestialité et la sodomie, furent plus connues parmi les fervents de Bacchus que parmi le reste du peuple: c’est une probabilité, mais cela n’est pas une certitude.
L’amour des bêtes fut à Rome un engouement général. Toutes les maisons patriciennes avaient des animaux domestiqués, couchant souvent dans la chambre du maître, mangeant avec lui.
N’en est-il pas encore ainsi de nos jours? On ne peut donner ces faits que comme indications sans pouvoir en tirer une conclusion.
Les Empereurs romains reproduisirent, tout en les exagérant, les monstrueux caprices des Néron et des Domitien. Caracalla eut un lion apprivoisé appelé Cimeterre, Acinaces ; il le menait partout, partageant avec lui sa table et son lit, et l’embrassait en public.
Il avait la prétention de rivaliser aussi avec Hercule. Valentinien Ier avait deux ourses favorites, Paillette d’Or et Innocence (Mica aurea et Innocentia); il avait le plus grand soin de ces monstres familiers, il leur donnait des hommes à manger; leurs cages étaient placées près de sa chambre à coucher, avec des gardiens fidèles chargés d’entretenir en eux cette ardeur sanguinaire. Luxurius, poète du Ve siècle, consacra quelques vers à un sanglier que son maître nourrissait dans sa salle à manger et qui venait chercher ses caresses.
Ovide décrit le cerf de Cyparisse et Virgile, celui de Sylvie, belles bêtes habituées à répondre à l’appel de leur maître, à manger à sa table, à sortir et rentrer librement, à se prêter à ses caresses et à ses soins, à recevoir des parures de toutes sortes: guirlandes de fleurs, pompons, chaînes enrichies de pierreries, colliers d’or, etc.
On les baignait, on peignait leur poil luisant, on dorait leurs cornes.
Le lièvre et le lapin sont souvent représentés dans les œuvres d’art entre les mains ou sur les genoux des jeunes femmes et des jeunes gens.
«Il est constant, dit Voltaire, qu’en Egypte plusieurs femmes donnèrent avec les boucs le même exemple que donne Pasiphaë avec un taureau. Hérodote raconte que lorsqu’il était en Egypte une femme eut publiquement ce commerce abominable dans le Nome de Mendès. Il dit qu’il en fut très étonné, mais il ne dit point que la femme fut punie.
«Ce qui est encore plus étrange, c’est que Plutarque et Pindare, qui vivaient dans des siècles si éloignés l’un de l’autre, s’accordent tous deux à dire qu’on présentait des femmes au bouc consacré.
«Cela fait frémir la. nature.
«Pindare dit, ou bien on lui fait dire:
Charmantes filles de Mendès,
Quels amants cueillent sur vos lèvres
Les doux baisers que je prendrais?
Quoi! ce sont les maris des chèvres!
On peut interpréter comme une immolation devant racheter non pas tous les péchés des hommes, mais les péchés spéciaux commis avec la race caprine, le sacrifice du bouc Hazazel que les Israélites devaient emprunter à leurs maîtres et précipiter du haut des rochers.
Ce n’est pas seulement un bouc émissaire qui eût dû être sacrifié au milieu des fleurs dont il était paré, mais aussi une chèvre émissaire.
«On ne doute pas, écrit Lang, que plusieurs Egyptiennes n’aient poussé leur infamie superstitieuse jusqu’à soumettre leurs corps à des boucs, tandis que les hommes commettaient le péché d’impureté avec des chèvres. Cette dépravation a été fort commune dans les pays chauds où les troupeaux de chèvres sont gardés par des jeunes gens ou par des jeunes filles.»
En Lydie et en Phrygie le culte de Cérès et d’Atys donnait lieu à des fêtes où dans l’orgie sacrée se commettaient les débauches les plus monstrueuses. C’étaient des moments de réjouissances générales qui donnaient lieu à un débordement de passion, d’une exubérance inouïe, plaisirs effrénés, vices monstrueux.
Dans cette épithète faut-il comprendre la bestialité et la sodomie?
La fornication caprine ne peut, dans l’antiquité, être spécialisée à telle ou telle race, on doit la considérer comme entachant les mœurs de tous les peuples pasteurs, il n’est donc pas étonnant que les Hébreux y aient été sujets.
Le Lévitique constate que la bestialité était très répandue dans le pays de Chanaan.
Les chapitres XVII, XIX, XX de ce livre prescrivaient que les Hébreux n’offrissent plus d’offrande aux velus avec lesquels ils avaient forniqué ; que les femmes ne forniquassent point avec les bêtes; que la femme qui aurait servi de succube à une bête serait punie avec la bête et que leur sang retomberait sur eux.
Voltaire commente ainsi ce passage:
«Cette expression remarquable prouve évidemment que les bêtes passaient pour avoir de l’intelligence. Non seulement le serpent et l’ânesse avaient parlé, mais Dieu, après le déluge, avait fait un pacte, une alliance avec les bêtes.
«C’est pourquoi de très illustres commentateurs trouvent la punition des bêtes qui avaient subjugué des femmes très analogue à tout ce qui est dit des bêtes dans la Sainte Ecriture. Elles étaient capables de bien et de mal. Quant aux velus on croit dans tout l’Orient que ce sont des singes, mais il est sûr que les Orientaux se sont trompés en cela, car il n’y a point de singes dans l’Arabie Déserte. Ils sont trop avisés pour venir dans un pays aride où il faut faire venir de loin le boire et le manger. Par les velus il faut absolument entendre les boucs.
«C’est principalement des boucs et des chèvres dont il s’agit dans ces lois devenues malheureusement nécessaires au peuple hébreu. C’est aux boucs et aux chèvres, aux asirim qu’il est dit que les juifs se sont prostitués: asiri un bouc ou une chèvre; asirim, des boucs ou des chèvres.»
Voltaire abuse des dons précieux de son esprit alerte, railleur, paradoxal, pour maltraiter ces pauvres juifs déjà persécutés de toutes parts. Ce n’est plus de l’histoire mais de la polémique, et pourtant il faut dire qu’en consacrant, dans son Dictionnaire philosophique, un chapitre à la bestialité, Voltaire a fait preuve d’un certain courage — dont il était d’ailleurs coutumier — car à son époque comme à la nôtre l’écrivain qui ose écrire ce qu’il pense, ou qui ose aborder certains sujets taxés immoraux, soulève contre lui toute une armée de gens indignés qui crient au scandale, à la corruption. Hypocrisie ou sottise des gens bien pensants. Au chapitre XIV intitulé : «Qui a fait la cour à des boucs et à des chèvres? » Voltaire prenant parti dans une dispute simulée entre «Un chrétien contre six juifs» répond à une protestation:
«Vous êtes fâché contre mon ami de ce qu’il passe selon vous pour avoir dit que vos grands-pères faisaient autrefois l’amour à des chèvres et vos grands-mères à des boucs dans les déserts de Pharan, de Sidin, d’Oreb, de Cadès-Barné, où l’on était fort désœuvré. La chose est très vraisemblable puisque cette galanterie est expressément défendue dans vos livres.
«On ne s’avise guère d’infliger la peine de mort pour une faute dans laquelle personne ne tombe, mais si ces fantaisies ont été communes il y a près de trois mille ans chez quelques-uns de vos ancêtres, il n’en peut rejaillir opprobre sur leurs descendants.
«Vous savez qu’on ne punit point les sottises des pères passé la quatrième génération, de plus vous ne descendez point de. ces mariages hétéroclites et quand vous en descendriez personne ne devrait vous le reprocher.
«On ne choisit point son père.
«Par un reproche populaire
«Le sage n’est pas abattu.»
On ne peut disconvenir que la réponse était spirituelle, mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est que Voltaire était un antisémite enragé. En toutes circonstances il décoche contre les Juifs ses traits les plus acérés.
Il les hait de parti pris.
C’est une des faiblesses de ce grand esprit.
Il semble étonnant qu’un homme de cette valeur, s’enorgueillissant du titre de philosophe et de penseur, ait pu garder le plus odieux et le plus ridicule des préjugés: celui des races.
Peut-être, malgré son anticléricalisme, y joignait-il le préjugé des religions.
«Il faut, dit-il, que la bestialité ait été commune chez la nation juive, puisqu’elle est la seule nation connue chez qui les lois aient été forcées de prohiber un crime qui n’a été soupçonné ailleurs par aucune législation. »
On aurait pu facilement lui faire remarquer que les documents législatifs font absolument défaut sur un grand nombre de matières connues et que sans aller plus loin, en France, les monuments législatifs que sont les capitulaires, les établissements de Saint-Louis et divers coutumiers faisaient beaucoup mieux que soupçonner ce que Voltaire, par un vieux reste d’hébraïsme, appelle un crime.
Relativement à la bestialité masculine, Voltaire écrit:
«Il est à croire que dans les fatigues et dans la pénurie que les juifs avaient essuyées dans les déserts de Pharan, d’Oreb et de Cadès-Barné, l’espèce féminine, plus faible que l’autre, avait succombé.
«Il faut bien qu’en effet les juifs manquassent de filles puisqu’il leur est toujours ordonné quand ils s’emparent d’un bourg ou d’un village, soit à gauche, soit à droite du lac Asphaltite, de tuer tout, excepté les filles nubiles.»
C’est une hypothèse plausible mais qui a le défaut de n’être applicable qu’aux hébreux alors que tous les peuples pasteurs peuvent être légitimement soupçonnés des mêmes faits.
La Galette des Tribunaux a dit avec plus de vraisemblance:
«Moïse remarquait que les habitants des collines et des montagnes avaient la spécialité de pratiquer le coït avec des chèvres et il attribuait ce fait à l’influence de l’altitude élevée qui les poussait, pensait-il, à la bestialité.
«L’influence de l’altitude n’a rien à faire ici, les pauvres chevriers, éloignés de toute créature humaine n’usaient de leurs chèvres que comme pis-aller.»
Voltaire fournit une explication sur la bestialité féminine. Elle résulte simplement d’un tour spécial de son esprit, on ne peut lui attribuer aucune valeur scientifique, c’est une arme de polémique grossière que nous ne citons qu’au point de vue documentaire.
«Le Lévitique fait ce reproche aux dames juives qui erraient dans le désert. Je dirai, pour leur justification, qu’elles ne pouvaient se laver dans un pays qui manque absolument d’eau et où l’on est encore obligé d’en faire venir à dos de chameau. Elles ne pouvaient changer ni d’habits ni de souliers puisqu’elles conservèrent quarante ans leurs mêmes habits, par un miracle spécial; elles n’avaient pas de chemise. Les boucs du pays purent très bien les prendre pour des chèvres à leur odeur.
Cette conformité put établir quelques galanteries entre les deux espèces».
Voltaire, l’athée, Voltaire le libre-penseur, n’aurait jamais dû connaître la haine des races, c’est une petitesse d’esprit, un manque de logique, incompatibles avec son génie.
Le véritable historien doit livrer les faits sans les enrichir de louanges ou les dénigrer par de basses insultes. Il ne doit pas chercher à influencer l’esprit du lecteur, ses considérations générales ne doivent être empreintes que d’une sévère impartialité.
Toute une école anticléricale se réclame aujourd’hui de Voltaire qui s’est toujours montré adversaire d’un des principes fondamentaux de cette école: Egalité des races. Solidarité des races.
Voltaire a été un antisémite enragé.
Bizarre contradiction!
Dans tous les pays dès qu’on parle de bestialité, le merveilleux dénature la réalité. La fable joue un grand rôle dans ces récits. Sous la légende on a caché ce qu’il y avait de honteux dans l’union de l’homme et de la bête.
On ne peut donc que citer les rares faits s’y rattachant en se gardant bien de les qualifier d’historiques. Sans qu’il soit possible de contrôler l’exactitude de leurs dires, des voyageurs rapportent que les femmes des hautes montagnes du Pérou s’accouplaient ordinairement avec des singes et qu’elles accouchaient de monstres qui n’avaient de l’homme que le regard et les parties secrètes.
Saxon le grammairien dit qu’un roi des Goths tira son origine d’une vierge noble qui avait eu commerce avec un ours.
Les peuplades indiennes ont prétendu descendre d’une femme