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Nouvelles du 5e G.C.
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Livre électronique184 pages2 heures

Nouvelles du 5e G.C.

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À propos de ce livre électronique

Si le Château de Vincennes fut à une certaine époque une prison, une manufacture, un arsenal, une place forte, un quartier général pour l'état-major, un lieu de réflexion pour certains citoyens, une résidence royale, une position de repli, il fut aussi pour l'auteur de mes jours comme un « Relais & Châteaux » offert gracieusement par l'État pendant un certain temps dans les années 20. L'auteur, vous invite à partager des situations où l'appelé sous les drapeaux de ces années là faisait, comme son paternel, son service militaire, à bicyclette, dans un château (le Château de Vincennes).
LangueFrançais
Date de sortie10 juil. 2013
ISBN9782312012100
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    Aperçu du livre

    Nouvelles du 5e G.C. - Michel Le Potvin

    cover.jpg

    Nouvelles du 5e G.C.

    Michel Le Potvin

    Nouvelles du 5e G.C.

    Histoires de régiment de Chasseurs Cyclistes cantonnés au Château de Vincennes.

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    Du même auteur

    Aux Sentiers du livre,

    • Monsieur Dormeur et autres nouvelles.

    Les Éditions du Net

    • L'histoire extraordinaire et incroyable

      des Belles-z'oreilles.

    • La fin du monde et autres bonnes nouvelles.

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-01210-0

    Préface

    Si le Château de Vincennes fut à une certaine époque une prison, une manufacture, un arsenal, une place forte, un quartier général pour l'état-major, un lieu de réflexion pour certains citoyens, une résidence royale, une position de repli, il fut aussi pour l'auteur de mes jours comme un « Relais & Châteaux » offert gracieusement par l'État pendant un certain temps dans les années 20. C'est ce qu'il nous conte et illustre dans les pages qui suivent. Sans doute est-ce parce qu'à cette époque j'étais moi-même sous les drapeaux de l'autre côté de la Méditerranée qu'il prit plaisir à relater ses souvenirs.

    Bien sûr, on fusilla toujours beaucoup au Château de Vincennes, avant et après l'époque où mon papa Lucien fut militaire. On fusillait aussi quand il y résida, mais ce fut surtout des litrons, bouteilles, cannettes, chopines et autres flacons. L'époque Duc d'Enghien, Mata Hari était passée, celle des otages de 44 pas encore arrivée. Ne voulant pas vous priver plus longtemps de la littérature de mon paternel, je m'efface et lui laisse la place.

    V'la le Général !

    Les lits, impeccablement carrés s'alignent sous les planches à paquetage d'où pendent les trapèzes sur lesquels sèchent les serviettes de toilette. À vrai dire, aujourd'hui, elles ne sèchent pas, les serviettes. Hier, au rapport, il a bien été précisé que tout le linge sale devait avoir disparu. C'est pourquoi, ce matin, les trapèzes n'exposent que des serviettes propres.

    Ce spectacle inhabituel est très joli.

    Les pieds de châlit, passés au cirage, luisent doucement à l'ombre des paillasses, les paquetages sont tassés dans un garde-à-vous impeccable.

    Sur la table massive, marquée de glorieuses entailles écopées au long de nombreuses années de bons et loyaux services, la lampe à pétrole est posée, bosselée, mais toujours vaillante. En ce jour faste, elle à fait toilette, sa panse meurtrie, astiquée par des mains diligentes, brille d'un pur éclat. Telle qu'elle est, la chambrée déserte s'y reflète. Ce n'est pas sans rappeler certains tableaux de l'école hollandaise, un Van der Meer, moins les carreaux de faïence, l'accorte ménagère en bonnet blanc et aussi le clair-obscur.

    En ce matin de Mars, il fait très beau, un peu frisquet mais beau.

    C'est ce que pense Blaireau, l'homme de chambre. Accoudé sur le rebord de la fenêtre, il tète un mégot matutinal.

    De son observatoire, il embrasse toute la cour du quartier. À sa droite, la porte sud qui ouvre sur le terrain de manœuvres des perspectives sans joie, à sa gauche, l'entrée principale bâille d'un air maussade devant les passants de l'avenue de Paris. Aligné le long de la voie pavée qui relie les deux portes, le Groupe, le Groupe tout entier, au grand complet, Pitaine en tête.

    Les casques ont été frottés au cirage, leur bordure passée à la toile émeri, les cuirs sont astiqués, les godillots resplendissent, les molletières artistiquement enroulées dessinent des mollets impressionnants, les armes sont « nickel ».

    Le Général peut venir, on l'attend de pied ferme.

    Pas longtemps d'ailleurs.

    Branle-bas à la porte principale, le poste de garde rend les honneurs tandis que sonnent les trompettes.

    Le Général paraît à cheval.

    Il a grande allure, cheveux d'argent et des yeux extraordinairement bleus, comme délavés, des yeux de visionnaire ou de morphinomane.

    Le Pitaine, de sa voix des grands jours a crié « Garde-à-vous ! Présentez arrrmes ! » Clac ! Clac ! Clac ! Les cent cinquante hommes n'en font qu'un. Raidi dans un garde à vous qu'on dirait taillé dans la masse, le Groupe présente les armes dans un flamboiement de baïonnettes.

    Le Général avance au pas.

    En dehors des piaillements de moineaux qui se chamaillent, un silence total plane sur le quartier. L'instant est solennel.

    C'est à ce moment que se produit le drame.

    De la porte Sud débouche au galop la fourragère aux tinettes, pleine de récipients malodorants qui brimbalent aux cahots des pavés, dans un grand bruit de ferraille. La guimbarde passe, elle aussi, sa revue, laissant derrière elle un sillage aux robustes effluves, cependant que le Général affecte d'être hypnotisé par la belle tenue des chasseurs, intérieurement secoués par une grosse rigolade.

    Quand la charrette a disparu, quand à nouveau le silence s'est installé, le Général prononce un petit speech édifiant et... en avant ! pour défiler ! une, deux ! une, deux !

    Dernier vestige de cette émouvante cérémonie, seul, un tas de crottin lâché au galop, fume dans le clair matin.

    En manière d'introduction

    Si, par un jour de solitude, l'idée du groupe s'impose à vous par ce qu'elle représente de vie, de mouvement, d'imprévu, de discussion ou de communion et que vous préfériez au grand mot de « société », trop vaste, trop vague, trop peuplé, trop compartimenté, si le Groupe représente pour vous une sélection affective, un milieu d'élection où vous goûtez la saveur de l'amitié, si aujourd'hui surtout, le groupe vous manque parce que vous êtes seul et désœuvré, alors ouvrez un dictionnaire. Nul doute que la définition que vous y trouverez du mot GROUPE ne vous regonfle dans l'attente de réunions futures.

    GROUPE n.m. Ital. gruppo ou groppo - Ensemble de personnes ou de choses dans un même endroit : un GROUPE de badauds, de maisons.

    Par extens. Ensemble de personnes ayant mêmes opinions, mêmes intérêts : les GROUPES politiques des chambres.

    Classe d'êtres, d'objets de même nature : Les éponges forment un groupe d'animaux fort bizarres.

    Le GROUPE existe encore dans bien d'autres domaines :

    Aviat. Bx-arts, Biol. et Pathol. Bot. Géol. Lexicopgr. Math. Mécan. Artill. Encycl.

    Drôle de remontant ! car, à moins d'être badaud, député ou autre espèce d'éponge (ce qui n'a rien d'excitant) vous ne pouvez prétendre à trouver dans la définition du mot GROUPE, un réconfort moral. Sans doute, n'êtes-vous pas étonné qu'aucune allusion ne soit faite aux Groupes cyclistes dans cette longue énumération. Cela tient peut-être à ce que vous avez toujours ignoré leur existence ou que vous vous fichez des Groupes cyclistes comme d'une guigne, ce qui est parfaitement votre droit. Aujourd'hui disparus ( ils ont peut-être servi, à la toute dernière guerre, à forger de leurs vélos, l'acier de la victoire, en compagnie de vieux sommiers et de casseroles hors d'usage) ils n'en ont pas moins existé et, faute de mieux, il faut bien se décider à les classer dans la rubrique où il est question de badauds. Cette constatation mettra peut-être un baume sur votre morosité passagère car, si nous continuons notre lecture, nous trouvons au mot BADAUD, la définition suivante :

    BADAUD, du bas lat. badare, bayer.

    SYN. Badaud, benêt, niais, nigaud - Le badaud est curieux de choses qui ne méritent pas de retenir l'attention : il admire facilement et croit volontiers l'incroyable.

    Le benêt est bête par excès de bonté, de simplicité. L'homme niais est novice comme un enfant sans malice et sans défense contre les ruses qu'il ne soupçonne point.

    Le nigaud est un niais, mais d'une sottise plus épaisse encore.

    BADAUDAILIE (dô-day) n.f. À la manière des badauds :

    Admirer.

    BADAUDEMENT.

    BADAUDER (dô-de) V. intr. Faire le badaud, perdre son temps à considérer niaisement tout ce qui paraît extraordinaire ou nouveau : Le Parisien doit sa réputation de BADAUD aux nombreux étrangers qui viennent BADAUDER à Paris (Boitard).

    BADAUDISME (dô-dissm.) n.m. Manie de badaud : les lieux de plaisirs exploitent le BADAUDISME des étrangers.

    On considère donc, si l'on s'en réfère au dictionnaire que le badaudisme est réservé à l'usage exclusif des étrangers, alors que, reconnaissons-le franchement, c'est notre péché mignon, à nous français.

    C'est discourtois pour tous nos amis étrangers, et ils sont nombreux : Américains, Anglais, Allemands et autres Chinois, Russes et Sémites de tout poil qui sont occupés à tout autre chose qu'à badauder, alors que les petits français, eux, chacun le sait, aiment à faire les badauds dans tous les lieux de plaisir qui leur sont offerts, que ce soit au vieux fort de Vincennes, à St-Mihiel, Mailly, Suippes, Nancy, Sissonne, Bar-le-Duc, etc. etc.

    Tenez ! Voyez-les badauder les petits chasseurs du 5e Groupe Cycliste. Ils badaudent avec entrain sur les belles routes de France, la bouche pleine de poussière, la tête bien à l'abri de leur casque chauffé à blanc, le barda sur le guidon, des courroies dans tous les sens et ce bon Dieu de fusil dont le levier de culasse s'enfonce dans leur dos avec la ténacité d'une bête malfaisante.

    Ça, c'est un groupe. Le 5e Groupe Cycliste, le plus beau. Une bande de badauds, de benêts, de nigauds qui, du jour au lendemain, au seul vu d'une affiche blanche, sommée de deux petits drapeaux tricolores vont se muer d'un seul coup en héros. À vrai dire, une telle éventualité est loin de leurs pensées. Ils ont connu la guerre 14-18, elle a pris fin comme ils passaient la révision. C'était la der des ders et l'on ne reverra jamais pareille boucherie. Alors, pourquoi s'en faire ? On appuie sur les pédales en pensant qu'on ne sera pas soldat toute la vie. « Benêts ! niais ! nigauds ! » on vous dit.

    Voici le bois de Vincennes, le vieux fort « Pied à terre, en avant marche ! un, di ! un, di ! » Et voilà qu'ils retrouvent, comme un havre sans grâce, la façade grise du château, accueillante comme une porte de prison. En effet, il s'agit bien d'une prison. Non pas une prison comme celle qui, à Barcelone, se dissimule pudiquement au sein d'une sorte de paradis terrestre et dont le gardien ôte sa casquette pour vous donner un renseignement, mais une enceinte de murs rébarbatifs et crasseux où sont jetés pêle-mêle, des baraquements de zoniers infestés de rats. Il n'y a plus d'invités dans les cellules, mais l'aspect des bâtiments est demeuré rébarbatif.

    « Section halte ! Formez sceaux ! »

    Maintenant, il faut se taper les cent vingt-six marches pour aller se mettre en treillis et redescendre afin de donner un coup de torchon aux vélos avant de rentrer.

    Après cela, on ira à la soupe et puis la journée achèvera son chemin vers hier.

    La nuit viendra tout doucement et pour Grosjean, le même phénomène se produira. Ce visionnaire prétend, qu'au crépuscule, il voit descendre du ciel des milliards et des milliards de petits hexagones, comme si le firmament se désagrégeait et tombait sur la terre en petits morceaux de ciel usés.

    Ce Grosjean est un rêveur, il assure aussi que la nuit, le vieux fort se transforme. Sous la lumière argentée que diffuse la lune, les tristes baraques qui déshonorent la cour, se tassent, honteuses, dans les coins sombres. Le Donjon n'est plus un bâtiment hostile, c'est un géant, un seigneur farouche qui veille jalousement sur la jolie chapelle tout ornée de festons et de dentelles qu'un rayon de lune, particulièrement audacieux, caresse furtivement. Mais bientôt à son tour, notre poète glisse dans le sommeil, le 5e G.C. ronfle comme un seul homme.

    Là-bas, près du pont-levis frappé de paralysie la sentinelle monte une garde sans objet.

    Initiation

    Déjà en 1920, beaucoup de jeunes gens savaient monter à bicyclette.

    À l'appel de leur classe, on ne les versait pas tous dans les chasseurs cyclistes, mieux, avant d'affecter un conscrit à l'un de ces corps d'élite, on ne s'inquiétait pas de savoir s'il était capable de se tenir en équilibre sur un engin à deux roues - à quoi bon d'ailleurs - on apprend vite au régiment. La technique est simple et efficace, on met le gars en selle, et hop ! on lui donne une vigoureuse poussée ; en général, il ne va pas bien loin...

    Les bicyclettes dont étaient équipés les Groupes cyclistes étaient des vélos Gérard, vélos pliants dont la selle était juste dans l'axe de la roue arrière, ce qui constituait un piège pour quiconque enfourchait cet engin pour la première fois. À chaque fois, c'était gagné ! Le gars se mettait en selle comme sur un vélo ordinaire... et se retrouvait cul par dessus tête avec le vélo en bandoulière.

    Alors, rendez-vous compte quand on n'était jamais monté sur un engin à deux roues !

    img1.jpg

    Anselme-le-petit, qui pourtant n'avait de sa vie enfourché une bicyclette, échappa à la chute, prélude habituel à tout essai de ce genre. Tous les espoirs lui étaient donc permis... mais procédons par ordre.

    Anselme arrivait tout droit de Marseille.

    Tout petit (un mètre cinquante-trois sous la toise)

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