Méthodologie de recherche et théories en sciences comptables
Par Saidatou Dicko
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À propos de ce livre électronique
Le présent ouvrage se veut donc une référence méthodologique pour l’apprentissage des étudiants voulant s’initier au processus de recherche en comptabilité, mais aussi un guide pour les chercheurs au regard de deux aspects importants d’une démarche propre aux sciences de la gestion : le processus de recherche ainsi que les paradigmes, les approches, les fondements et les théories nécessaires au bon fonctionnement de celui-ci. De plus, les praticiens qui travaillent comme consultants découvriront à la lecture de ce livre des outils et des moyens qui les aideront dans leurs démarches de diagnostic et de résolution de problèmes organisationnels.
De nombreux exemples et illustrations, directement tirés des recherches publiées en sciences comptables, de même que des annexes et des questions de révision, enrichissent cet ouvrage.
Saidatou Dicko
Saidatou Dicko est Professeure au Département des sciences comptables de l’École des sciences de la gestion à Université du Québec à Montréal.
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Aperçu du livre
Méthodologie de recherche et théories en sciences comptables - Saidatou Dicko
Introduction générale
Cet ouvrage¹ porte sur deux aspects importants de la science: le processus méthodologique de la recherche scientifique et les fondements et approches théoriques. Ces deux aspects sont abordés du point de vue d’un domaine des sciences économiques et de gestion qu’est le domaine comptable. Sauf qu’en général, la comptabilité est surtout vue comme une discipline purement technique. La question est alors de savoir si le domaine comptable est scientifique. «Y a-t-il réellement de la recherche scientifique en comptabilité?» Avant de répondre à cette question, il est opportun de se pencher d’abord sur ce que sont la science et la recherche scientifique, et donc, les aspects épistémologiques de cette discipline.
Mais avant, il est primordial de se pencher sur le public cible de cet ouvrage. En effet, dans tout projet d’écriture, il y a un objectif. Le mien était principalement de donner à nos étudiants des départements des sciences comptables qui souhaitent faire des études de cycles supérieurs un outil à la fois pragmatique et adapté à leur discipline, dans le but de leur faciliter ce changement de cap. Dans les départements de sciences comptables ou de comptabilité, la formation est souvent plus concentrée, non seulement sur la nécessité d’outiller les futurs diplômés à l’exercice de la profession ou des professions comptables, mais aussi sur la nécessité absolue de préparer les meilleurs à devenir des experts dans leur domaine. Cette vision de la formation ne laisse alors aucune place, dans la majorité des cas, à des réflexions dites scientifiques, tout étant axé sur la formation technique: apprendre les règles comptables, les appliquer, savoir préparer et communiquer de l’information comptable et interagir avec les autres intervenants de l’entreprise (ou de l’organisation) afin de prendre des décisions de gestion axées sur la recherche d’efficacité et d’efficience.
De cette façon, lorsque ces étudiants décident, pour plusieurs raisons, de faire des études de cycles supérieurs qui nécessitent la réalisation de travaux scientifiques, ils tombent souvent de très haut. Cela fait une dizaine d’années que je donne le cours qui initie les étudiants de la maîtrise en comptabilité à la recherche scientifique. Au fil du temps, j’ai dû avoir recours à de nombreux ouvrages de référence, portant tous sur des domaines tels que la psychologie, la sociologie ou les sciences médicales et infirmières. Chaque fois, les étudiants sont préoccupés par le fait qu’ils ont du mal à faire la transposition de ces domaines-là à celui des sciences comptables. Le travail de vulgarisation devient alors aussi compliqué pour le professeur. Après toutes ces expériences compliquées avec mes étudiants, j’ai décidé de donner un coup de pouce aux futurs étudiants, en leur offrant la possibilité de s’initier à la recherche à l’aide d’exemples concrets et de fondements appliqués ou applicables à leur domaine.
Les aspects méthodologiques abordés dans cet ouvrage seront donc aussi bien utiles à ceux qui continueront dans le domaine de la recherche universitaire qu’aux praticiens qui font souvent le travail de consultants, travail dans lequel ils sont obligés d’avoir une démarche scientifique, dans le but de proposer des solutions concrètes aux problèmes de gestion organisationnelle.
Ainsi, j’aborderai, dans la première partie, le processus de recherche scientifique appliqué à la comptabilité et, dans la deuxième partie, les fondements théoriques généralement utilisés dans les recherches en comptabilité. Il est important de souligner aussi qu’il est entendu que le mot comptabilité englobe dans cet ouvrage tout ce qui est lié à la comptabilité financière, à la comptabilité de gestion (ou de management), au contrôle interne ainsi qu’à l’audit interne et externe. Cela englobe donc toutes les recherches généralement classées sous la dénomination comptabilité-contrôle-audit. Mais d’abord, il est primordial, avant toute discussion scientifique concernant un domaine, de se pencher sur ses aspects épistémologiques.
1J’aimerais exprimer ma gratitude à la personne qui a révisé mon manuscrit. Elle a fait des commentaires constructifs, qui ont permis de l’améliorer grandement. Merci.
CHAPITRE 1 /
Des éléments épistémologiques
Objectifs du chapitre
Après la lecture de ce chapitre, l’étudiant devrait être en mesure de:
›définir la science;
›donner les éléments caractéristiques de la science;
›définir la recherche scientifique et d’en donner l’utilité;
›donner les caractéristiques des différents types de sciences;
›déterminer si la comptabilité peut être qualifiée de science.
L’épistémologie est assimilée par certains «à une réflexion analytique et critique sur les sciences» (Berthelot, 2001, p. 14). Selon le Larousse, l’épistémologie est une discipline qui prend les connaissances scientifiques pour objet¹. C’est donc la science des sciences, celle qui étudie les autres connaissances. L’épistémologie est aussi qualifiée par certains de «philosophie des sciences» (Ladrière, 1977).
1.1 /Qu’est-ce que la science?
Selon le Larousse, la science est un «ensemble cohérent de connaissances relatives à certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes obéissant à des lois ou vérifiées par les méthodes expérimentales²». On peut aussi définir la science comme un ensemble de connaissances organisées comportant des résultats de recherche, des théories confirmées, des principes scientifiques et des lois. La science permet avant tout d’expliquer et de prédire. Elle est à la fois probabiliste et déterministe. Le déterminisme signifie que tout phénomène peut être expliqué de façon rationnelle, alors que le probabilisme fait allusion à l’idée selon laquelle on doit faire l’hypothèse d’un événement futur en se fiant aux données observables du passé ou du présent. La science serait basée sur la logique fondamentale de la neutralité. Or, la neutralité fait appel à la notion d’«objectivité». «L’objectivité de la méthode est la suppression de toute influence fallacieuse qui puisse altérer la validité de notre perception des caractéristiques réelles de l’objet d’analyse au cours de l’enquête» (Mellos, 2010, p. 576). La neutralité et l’objectivité font allusion aux principes importants de la science que sont la vérifiabilité et la réfutabilité. Ainsi, toute recherche doit être menée adéquatement de manière à permettre à tout autre chercheur d’arriver aux mêmes conclusions, dans des conditions de recherche similaires et avec une même méthodologie. Toute connaissance ou toute théorie devrait être réfutable et donc remise en question.
Évidemment, cette conception d’une science objective et neutre relève plus du paradigme positiviste, comme il sera vu dans le chapitre 2 du présent ouvrage. «La philosophie empirico-analytique de la science est à la base de la conception du savoir scientifique qui prévaut dans le monde anglo-américain. Mais, à l’ère de la mondialisation, cette conception devient dominante à l’échelle même du monde» (Mellos, 2010, p. 571).
1.2 /Les différents types de sciences
Généralement, on fait une différence claire et nette entre ce qu’on appelle les «sciences pures» et les autres sciences, qui sont souvent classées dans les sciences dites sociales et humaines. Dans les sciences pures, il y a les sciences pures et dures, et aussi les autres types de sciences pures. Une science dite pure est celle dont l’objet d’étude est construit à l’aide d’un système ou d’un dispositif plutôt abstrait, permettant d’engendrer un certain nombre de propositions, d’axiomes ou de lois, qui sont réputés «démontrables». La science pure par excellence est les mathématiques. Il y a deux critères importants pour définir les sciences pures: la démonstration et la non-contradiction. Tout doit donc être basé sur la logique et pouvoir être démontré. Les sciences pures ne sont donc pas basées sur le rassemblement de faits venant de la réalité concrète, mais se construisent ou construisent un ensemble de propositions logiques et démontrables.
Il y a d’autres types de sciences pures qui, elles, sont basées aussi sur de l’empirisme, pas uniquement sur des propositions, des axiomes et des lois abstraits. Le parfait exemple de ce type de science pure est la physique dont l’objet est extérieur et non pas construit de manière abstraite par le chercheur. Cette forme de science pure est basée sur des expériences empiriques. Par contre, les sciences pures basées sur l’empirisme sont souvent complémentaires aux sciences pures et dures. Par exemple, un physicien ou un chimiste doit partir de formules mathématiques et faire des expériences pratiques (c’est-à-dire des applications dans la vie concrète), dans le but de tester leur applicabilité.
Et finalement, il y a les autres sciences qu’on peut qualifier de «molles». Selon Ladrière (1977), ce genre de sciences pose problème parce qu’elles s’intéressent aux systèmes de comportement et d’action, individuels et collectifs, dans lesquels la signification paraît jouer un rôle important, sinon capital. C’est la fameuse subjectivité qui est censée être contraire à ce qui est scientifique. Font donc partie de ce type de sciences les sciences sociales et les sciences humaines.
Mais la comptabilité est-elle une science?
1.3 /Les sciences sociales et les sciences comptables?
En tant qu’ensemble de techniques utilisées pour enregistrer, conserver, éditer et communiquer l’information relative aux transactions économiques et financières de l’organisation, la comptabilité peut donc être considérée uniquement comme une discipline technique. Cependant, depuis plusieurs décennies, un nombre important de connaissances sont acquises et accumulées à travers la recherche comptable, qui prend la comptabilité comme objet d’étude ou qui étudie les informations et outils comptables en lien avec d’autres objets de connaissance. Ce qui a donné naissance à la recherche comptable. Ainsi, selon Breton (2016), la comptabilité est une activité essentiellement sociale. Il soutient en effet que
[l]a recherche comptable est une institution en elle-même [...] L’étude de la comptabilité, quand elle cesse d’être une technique pour devenir une science humaine, nous en dit aussi long sur l’humain que l’étude d’autres activités. Le but du système économique est de procéder à l’allocation optimale des ressources et celui de la comptabilité de l’y aider en produisant l’information dont les agents ont besoin (Breton, 2016, p. 77).
De ce fait, on peut donc dire que la comptabilité, et surtout les connaissances acquises à travers elle, constitue une science ou un corpus scientifique.
Selon Ogien (2001), les sciences sociales s’intéressent aux aspects suivants:
•les propriétés formelles des groupes sociaux et l’influence de ces propriétés sur les conditions individuelles ou sur d’autres propriétés formelles;
•les faits institutionnels, tels que les normes ou les valeurs, et leur influence sur les conditions ou les croyances individuelles par le biais, entre autres, de la socialisation (ce qui est prescrit, permis, recommandé, interdit);
•les faits structurels tels que la distribution du pouvoir, du prestige, du statut économique ou légal;
•les données agrégées;
•les conséquences ou les fonctions d’activités sociales dans la sélection de ces activités;
•les impératifs fonctionnels des groupes ou des sociétés;
•les actions individuelles significativement orientées vers autrui;
•les phénomènes collectifs.
Le social traite de l’homme dans ses relations avec les autres hommes.
GAUTHIER (2010, p. 3)
À l’origine, la comptabilité est un système d’information de gestion qui permet de recueillir, de classer, d’enregistrer, de traiter et de divulguer des informations relatives à des transactions réalisées par une organisation ou une entreprise. Ce système est généralement basé sur des normes qui sont élaborées sur la base d’un certain nombre de principes. Dans les années 1960 notamment, des universitaires (tels que Watts et Zimmerman) ont commencé à faire des constats sur plusieurs aspects de la comptabilité: l’appareil d’élaboration des normes comptables, le processus de cette élaboration, les parties impliquées dans ce processus, le rôle joué par les comptables ainsi que leurs interactions avec d’autres individus dans la société, les comportements générés par les normalisateurs, les préparateurs et les utilisateurs des normes et des informations comptables, etc. Tous ces éléments les ont conduits à dire que finalement, il y a plusieurs champs ou problématiques d’étude qui peuvent se dégager de cet ensemble d’écosystèmes autour de la comptabilité. De là ont émergé les premières recherches scientifiques en comptabilité, dont les objectifs principaux tournent autour de l’étude de l’effet de l’écosystème comptable sur la société, et vice-versa.
On a donc assisté à la naissance des départements des sciences comptables, des champs d’études en sciences comptables, des maîtrises en sciences comptables et même des doctorats en sciences comptables. De nos jours, l’idée de la comptabilité comme objet d’étude, en lien avec d’autres objets (tels que l’économie et la sociologie), mais aussi comme un ensemble d’éléments constituant une institution sociale, fait largement son chemin. De ce fait, la comptabilité vue comme une activité sociale, mettant en interaction des acteurs, des processus, des outils, et devant faire l’objet d’étude au même niveau que toute autre activité (ou objet social) n’est plus à discuter. Ainsi, dans son livre intitulé A Postmodern Accounting Theory: An Institutional Approach, publié en 2019, le professeur Gaétan Breton³ a exposé ce qu’il appelle la «nouvelle théorie comptable» qui, selon lui, doit comporter deux aspects principaux: un aspect sociologique, étant donné que la comptabilité est un objet social (comme tous les autres objets sociaux), et un aspect psychologique, qui est relatif à la prise de décision des informations produites par la comptabilité. Pour plus de développements sur cette théorie, il faudra se référer à la deuxième partie de cet ouvrage, qui est consacrée aux théories principalement utilisées dans les recherches en comptabilité, et plus précisément au chapitre 9.
Revenons à la définition de la science comme un ensemble de connaissances organisées comportant des résultats de recherche, des théories confirmées, des principes scientifiques et des lois. Comme en témoigne l’historique que nous avons donné dans le paragraphe précédent, de nos jours, il y a un ensemble de connaissances organisées, résultant des recherches menées dans les différents champs d’études de la comptabilité, avec des théories confirmées (voir la deuxième partie de cet ouvrage, qui concerne les théories utilisées en comptabilité). Il y a donc bel et bien des sciences comptables.
Si l’on se fie aux deux définitions précédentes des sciences sociales, on peut conclure que les sciences comptables sont sociales en ce sens qu’elles s’intéressent aux faits institutionnels (les normes comptables que les organisations doivent suivre), aux données agrégées (parce que la comptabilité contribue à la production de telles données) et aux actions des individus dans les organisations (parce que les champs d’études comptables s’intéressent aux choix effectués par les dirigeants d’entreprises en matière comptable et aux effets de tels choix sur la société).
1.4 /La recherche scientifique
Plusieurs auteurs ont défini la recherche scientifique. Ainsi, selon Vallerand et al. (2000, p. 7), «nous définirons la recherche scientifique comme l’étude empirique, systématique et contrôlée de propositions hypothétiques sur les relations présumées entre des phénomènes naturels».
Pour Gauthier (2010, p. 5), «la recherche est une activité de quête objective de connaissances sur des questions factuelles».
Fortin et Gagnon (2016, p. 6) soutiennent que «la recherche est un processus d’acquisition de connaissances fondé sur la collecte et l’analyse systématique de données empiriques en vue de décrire, d’expliquer, de prédire et de contrôler des phénomènes». Elles poursuivent en affirmant que «la recherche s’appuie sur des faits réels, une documentation rigoureuse et des méthodes appropriées menant à l’obtention de données probantes susceptibles d’être généralisées» (Fortin et Gagnon, 2016, p. 14).
Si on résume toutes ces définitions, on pourrait alors dire que la recherche scientifique est une démarche logique ou un processus rationnel visant l’acquisition de connaissances. Elle est fondée sur la collecte et l’analyse systématiques des données empiriques. Elle est importante, voire indispensable, dans le développement des connaissances dans les disciplines universitaires et professionnelles. C’est une activité qui vise l’objectivité ou qui devrait être objective, même si, comme il sera vu dans le prochain chapitre, cela dépend du paradigme adopté par le chercheur.
Une démarche logique est un procédé de travail qu’il faut établir au préalable et dont les principales composantes ou les principales étapes doivent être enchaînées de manière à suivre une certaine progression qui se doit d’être cohérente. Selon le dictionnaire Larousse, la logique est ce qui est conforme au bon sens⁴. Tout comme la logique, le Larousse associe également le rationnel au bon sens, à ce qui est conforme à la raison et qui repose sur une bonne méthode.
L’acquisition de connaissances est le processus par lequel on enrichit les connaissances existantes. Cet enrichissement peut se faire aussi bien par un processus de réflexion philosophique (c’est-à-dire une vision de la réalité qui nous entoure) que par un processus d’accumulation de données empiriques. Dans le présent ouvrage, l’attention est portée particulièrement sur ce deuxième type de processus d’acquisition des connaissances.
Il existe principalement deux formes de recherche: celle dite fondamentale et celle dite appliquée. La différence entre les deux formes se situe sur le plan de l’objectif final recherché. Alors que la recherche fondamentale n’a pour principal objectif que l’acquisition et l’accumulation de connaissances, la recherche appliquée vise une application concrète des théories existantes en vue de résoudre des problèmes et de créer des produits. Dans cet ouvrage, les différentes étapes et méthodes de recherche qui sont présentées (notamment aux chapitres 2 à 7) concernent davantage la recherche fondamentale ou traditionnelle. Même si ces étapes et méthodes peuvent également être valables dans la recherche appliquée, cette dernière comporte généralement son propre processus. Pour cette raison, le chapitre 8 sera entièrement consacré au processus propre à la recherche dite action, une forme notoire de la recherche appliquée généralement utilisée dans les sciences de gestion et les sciences comptables plus particulièrement.
1.5 /La méthodologie ou le processus de la recherche scientifique
Pour faire de la recherche scientifique, il faut une démarche appelée «méthodologie». Ainsi, Vallerand et al. (2000) définissent la méthodologie comme l’étude scientifique du comportement humain à l’aide de la série d’étapes précises suivantes: les idées de recherche, la formulation d’hypothèses, les plans de recherche, la mesure du phénomène étudié, la procédure de recherche suivie, les considérations d’ordre déontologique, l’étude pilote, l’analyse des données, l’interprétation des résultats et la diffusion scientifique de ces derniers.
Pour Gauthier (2010, p. 8), «la méthodologie de la recherche englobe à la fois la structure de l’esprit et de la forme de la recherche et les techniques utilisées pour mettre en pratique cet esprit et cette forme (méthode et méthodes)». Au cœur de la méthodologie de la recherche, il y a l’acte d’observation (Gauthier, 2010).
Toute acquisition de connaissances scientifiques doit se faire à l’aide d’un processus logique, systématique et bien documenté. Il est alors question de la méthodologie de recherche.
Questions de révision
1Qu’est-ce qui différencie les connaissances dites scientifiques des autres connaissances?
2Les connaissances scientifiques sont-elles des vérités absolues?
3Quels sont les différents types de sciences?
4Qu’est-ce que la recherche scientifique et quel est son rôLe?
5La comptabilité est-elle une discipline scientifique?
1
2
3Gaétan Breton est actuellement professeur associé au Département des sciences comptables de l’Université du Québec à Montréal, après y avoir passé plus de 20 ans de sa vie comme professeur régulier.
4
PARTIE 1 /
LE PROCESSUS SCIENTIFIQUE
Il existe deux démarches dans le processus scientifique: la démarche inductive et la démarche déductive ou hypothético-déductive. Il existe une différence philosophique et méthodologique entre ces deux démarches. Dans le prochain chapitre seront exposées ces deux démarches en établissant une distinction sommaire entre elles en termes méthodologiques (puisqu’il y a un chapitre consacré aux différentes méthodes de recherche). Par ailleurs, une attention particulière sera portée sur les principaux concepts qui sous-tendent un processus scientifique.
CHAPITRE 2 /
Les démarches et les paradigmes du processus scientifique
Objectifs du chapitre
Après la lecture de ce chapitre, l’étudiant devrait être en mesure de:
›définir ce qu’est un paradigme et d’en déterminer l’importance ou le rôle dans la démarche scientifique;
›citer les différents paradigmes existants et d’en reconnaître les différences;
›définir les grandes approches de recherche, leur rôle dans la démarche scientifique et leurs différences.
Pour permettre une accumulation de connaissances, la recherche scientifique doit se baser sur une démarche précise, qui constitue les béquilles du chercheur en termes méthodologiques. Il existe deux grandes démarches: l’inductive et la déductive. La démarche inductive a pour but de formuler une ou des théories à partir de la réalité observée ou observable: c’est ce qu’on appelle communément la «théorisation ancrée» (ou grounded theory). A contrario, la démarche déductive a pour but de tester une ou des théories existantes en utilisant les données de la réalité observée ou observable. Par conséquent, il y a une différence importante entre les deux démarches en ce qui a trait au processus scientifique, mais aussi en matière de choix méthodologiques.
Les discussions sur la notion de «science» et les différents types de sciences qui ont été présentées dans le premier chapitre permettent de comprendre logiquement que les sciences pures et dures ont du mal à s’inscrire dans l’une de ces démarches, pour la raison principale que l’objet étudié est construit à travers un processus abstrait basé sur la démonstration et la non-contradiction. Par exemple, pour élaborer une loi mathématique, le chercheur dans ce domaine des sciences n’a pas besoin d’observer une réalité, il a besoin de se construire une logique de pensée à démontrer. Conséquemment, les deux démarches sont davantage du ressort des autres sciences, les moins dures (telle que la physique), les sociales et les humaines, notamment.
2.1 /Les deux démarches
La figure 2.1 montre que l’induction commence par l’observation de la réalité, de faits, pour pouvoir, en fin de compte, élaborer une ou des théories. Or la déduction, elle, s’appuie d’abord sur une ou des théories pour après les confronter aux faits, à la réalité. Dans le processus scientifique (en dehors des sciences pures et dures telles que les mathématiques, basées plus sur la logique que sur l’observation), la recherche est donc faite de ces deux démarches, qui permettent soit d’élaborer la théorie, soit de la tester en la confrontant à la réalité.
FIGURE 2.1/ Démarches du processus scientifique
2.1.1 /La démarche inductive
Elle consiste à partir de la réalité observée ou observable (les données du terrain, les faits ou les données empiriques), afin d’arriver à une certaine généralisation sous forme de théories ou de postulats. C’est une démarche dont le point de départ est fait de cas particuliers (réalité observée ou observable). Elle consiste à élaborer des énoncés généraux ou des propositions (théories) sur la base d’observations empiriques; ce raisonnement va du particulier au général: le chercheur fera une forme de généralisation de ses conclusions et observations sur la base de quelques cas particuliers observés.
Les méthodes de recherche généralement utilisées dans cette démarche sont de nature plus qualitative que quantitative (j’y reviendrai dans le chapitre 5). En effet, cette observation ou cette analyse ne peut se faire que sur quelques cas particuliers, d’où la nécessité de procéder de manière plutôt qualitative: ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité et la nature de l’objet ou du sujet observé ou étudié.
La figure 2.2 montre bien que, dans la démarche inductive, après la formulation du problème et de la question de recherche, on passe directement aux choix méthodologiques et à la collecte de données pour finir par l’induction, qui est la formulation de la théorie. Par ailleurs, il est tout de même important de mentionner que même si dans la démarche inductive