Les MUSEES ET LEURS PUBLICS: Savoirs et enjeux
Par Lucie Daignault et Bernard Schiele
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À propos de ce livre électronique
Cet ouvrage propose un bilan des connaissances accumulées par la pratique de l’évaluation et dégage des axes de réflexion clés :
Il dresse un bilan historique et critique des préoccupations et des problématiques qui ont alimenté le champ des recherches en évaluation depuis les premiers travaux de Gilman en 1911.
Il illustre les savoirs produits par l’évaluation au cours des 30 dernières années.
Il remet en question l’usage de l’évaluation dans les institutions muséales et, surtout, l’utilisation des résultats par les concepteurs et les décideurs.
Il expose l’incidence du numérique sur la pratique muséale, l’expérience muséale – celle de la visite – et les techniques d’évaluation.
Il jette un éclairage sur la sociologie des publics et les nouveaux indicateurs de la satisfaction.
L’ouvrage est enrichi d’un glossaire des concepts et des termes spécialisés les plus fréquemment utilisés en évaluation. Il permettra aux chercheurs en évaluation de mettre en perspective leurs travaux et aux praticiens du milieu muséal de s’interroger sur leurs opérations, sur leurs rapports avec la recherche, sur leurs savoirs et sur leur raison d’être.
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Aperçu du livre
Les MUSEES ET LEURS PUBLICS - Lucie Daignault
Presses de l’Université du Québec Le Delta I, 2875, boulevard Laurier, bureau 450, Québec (Québec) G1V 2M2 Téléphone : 418 657-4399 Télécopieur : 418 657-2096 Courriel : [email protected] Internet : www.puq.ca
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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Vedette principale au titre :
Les musées et leurs publics : savoirs et enjeux
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-7605-4146-7
1. Musées – Fréquentation – Évaluation. 2. Visiteurs de musée – Enquêtes. I. Daignault, Lucie, 1955- . II. Schiele, Bernard.
AM7.M8722 2014 069’.1072 C2014-941771-3
Les Presses de l’Université du Québec reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour leurs activités d’édition.
Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour son soutien financier.
Comité scientifique
Nathalie Candito, Serge Chaumier, Lucie Daignault, Joëlle Le Marec et Bernard Schiele
Révision linguistique
Louis Courteau
Correction d’épreuves
Christian Bouchard
Crédits photo
Photo 1 : Une visite éducative avec iPod touch au Musée McCord, Montréal, mars 2013. Photo : Marie-Claude Larouche.
Photo 2 : « Réminiscence : quand le passé aide le présent », projet hors des murs du Musée de la civilisation, animation auprès de personnes âgées au Centre d’hébergement de Loretteville. Photo : Nicola-Frank Vachon – Perspective, 2011.
Photo 3 : Exposition Léonard de Vinci, salle « Imaginer le vol », Cité des sciences et de l’industrie, Paris. Photo : Ph. Lévy – EPPDCSI.
Photo 4 : Le tramway Passy-Hôtel-de-Ville, Paris, vers 1900, Albert Harlingue – Roger-Viollet. Photo : Nicola-Frank Vachon – Perspective, Musées de la civilisation, 2013.
Conception de la grille intérieure et de la couverture
Ariane Michaud-Gagnon
Mise en pages Interscript
Conversion au format ePub Samiha Hazgui
Dépôt légal : 4e trimestre 2014
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
©2014 – Presses de l’Université du QuébecTous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Préface
Les institutions muséales portent des projets culturels multiples touchant à l’ensemble des disciplines avec des objectifs variés en termes de conservation, de mise en valeur ou de médiation. Elles sont par ailleurs toutes confrontées à la question fondamentale de la relation avec les publics. Pour qui et pourquoi les musées existent-ils ? Quelle est leur valeur ajoutée dans le réseau culturel en matière d’expression, de création et d’échanges ?
Il était inévitable que les musées, dans la poursuite de leur mission, servent les visiteurs et analysent leurs comportements, s’interrogent sur la portée de leurs propositions culturelles, précisent leurs intentions…
Au cours des ans, ils ont ainsi accumulé des données considérables et développé de nouveaux champs d’expertise. Le milieu muséal s’est enrichi d’équipes d’évaluateurs qui ont eux-mêmes exploré un nouveau domaine.
Il était important de faire le bilan de ces travaux et d’essayer d’en dégager les lignes de force, mais aussi les contraintes et les pratiques, et ce, sur le plan international. Il y a là à la fois une volonté de partage et une nécessité d’établir des points de référence.
Les défis sont encore très nombreux : les pratiques muséales évoluant, de nouveaux rapports avec les publics s’élaborent. Ainsi, des institutions muséales ont mis de l’avant de nouveaux patrimoines, incluant l’immatériel ; elles ont poursuivi leurs actions en matière de démocratie et de démocratisation culturelle en abordant les enjeux de la participation citoyenne ; ou, tout simplement, elles sont en train d’explorer le potentiel du numérique.
Les pratiques en matière d’évaluation accompagnent bien sûr cette évolution. Les textes présentés dans cette publication nous permettent de nous interroger sur nos opérations, sur nos rapports avec la recherche, sur les savoirs, sur l’éthique, sur notre raison d’être. En cela, ils constituent un travail essentiel de réflexion et un appui à l’action. Nous ne pouvons que remercier tous ceux qui ont bien voulu collaborer et partager leurs connaissances pour nous permettre de mieux comprendre… La connaissance est évidemment pratique.
Michel Côté
Table des matières
Préface
Michel Côté
Liste des figures
Liste des tableaux
Introduction
Savoirs et enjeux
Lucie Daignault et Bernard Schiele
Partie 1
Le bilan
Chapitre 1 Les études de visiteurs
La formation, l’évolution et les défis actuels du champ
Bernard Schiele
1.1. Les études de visiteurs : un champ distinct et distinctif
1.2. Les débuts des études de visiteurs, 1900-1920
1.3. Les années 1920-1960
1.3.1. Le behaviorisme radical de Robinson : l’observation des comportements
1.3.2. Melton : l’attractivité toute relative de la valeur esthétique
1.3.3. Cummings : les réactions des visiteurs ; Calver : l’opinion des visiteurs
1.3.4. Les années de guerre et d’après-guerre
1.4. Les années 1960-1980
1.4.1. Le contexte social et culturel d’après-guerre
1.4.2. Le modèle de la technologie éducationnelle
1.4.3. Shettel et le problème de la généralisation des résultats de la recherche
1.4.4. Screven : l’exposition comme outil d’apprentissage
1.4.5. Le Musée royal de l’Ontario
1.4.6. Le British Museum (Natural History)
1.4.7. L’évaluation naturaliste
1.5. Des années 1990 à aujourd’hui
1.5.1. L’impact des années de crise économique et de la rationalisation
1.5.2. L’instrumentalisation des études de visiteurs
1.5.3. Les débats entre Alt et Shettel (1977-1978) et entre Lawrence et Miles (1991-1993)
1.6. L’hétéronomie du champ des études de visiteurs
Annexe 1.1. Les variables de Shettel (1968)
Annexe 1.2. Le modèle de Screven (1976)
Bibliographie
Chapitre 2 Dépasser ou réinventer l’évaluation
Serge Chaumier
2.1. L’évaluation, outil de management
2.2. Quid de l’évaluation muséale ?
2.3. Diversité des méthodes d’évaluation
2.4. Pour une approche évaluative engagée
Bibliographie
Chapitre 3 L’intérêt et l’usage des études de publics pour les responsables de petits et grands musées
Céline Schall
3.1. Une étude macroscopique des institutions muséales luxembourgeoises
3.2. Une connaissance des publics relativement limitée
3.2.1. Un intérêt déclaré pour les publics
3.2.2. Une acception restrictive de la notion de public
3.2.3. Une approche quantitative et partielle des visiteurs
3.2.4. La connaissance des publics : un travail annexe
3.2.5. Une vision nécessairement « marketing » du musée ?
3.3. Les usages restreints des connaissances sur les publics
3.3.1. La certification
3.3.2. L’usage immédiat
3.3.3. La segmentation de l’offre
3.4. Les difficultés posées par la segmentation des publics
3.4.1. Un décalage entre les publics « imaginés » et les publics « ciblés »
3.4.2. L’impossibilité de penser l’ensemble des publics
3.4.3. Une segmentation dont l’efficacité n’est pas prouvée
3.4.4. La difficile adéquation entre les publics et les activités proposées
Conclusion
Bibliographie
Partie 2
Quelques savoirs
Chapitre 4 La notion de valeur appliquée à l’évaluation muséale
Marie-Sylvie Poli
4.1. Les enjeux culturels des expositions à forte valeur éthique
4.1.1. L’exposition d’art
4.1.2. L’exposition d’histoire
4.1.3. L’exposition de science et technique
4.2. Les valeurs sociales et personnelles exprimées par les publics lors de l’évaluation
4.2.1. Des valeurs représentées par des entités concrètes
4.2.2. Des valeurs représentées par des entités symboliques
4.2.3. Des valeurs représentées par des entités émotionnelles
4.3. La valeur réflexive de la pratique d’enseignant en évaluation muséale
4.3.1. L’interdiscours du chiffre
4.3.2. L’interdiscours de la distinction
4.3.3. L’interdiscours de la transparence des outils de traitement des données
4.3.4. L’interdiscours de l’exposition comme dispositif de loisir culturel
Bibliographie
Chapitre 5 En route… vers la muséologie sociale
L’unité mobile, un accès à la culture et un apprentissage à la citoyenneté
Claire Cousson, Ginette Caron et Lucie Daignault
5.1. Le rôle social des musées
5.1.1. L’émergence d’une muséologie sociale, prémisse du musée citoyen
5.1.2. Le musée hors les murs : un élargissement du rôle social du musée
5.1.3. Une mission d’éducation citoyenne, qui découle du rôle social du musée
5.2. L’implication sociale au Musée de la civilisation par une intervention hors les murs : le cas de l’unité mobile
5.2.1. Une action citoyenne appuyée sur une étude préalable
5.2.2. Démocratie en route : une tournée démocratique à tout point de vue
Conclusion : les savoirs issus de la démarche évaluative de l’unité mobile
Le premier savoir
Le deuxième savoir
Le troisième savoir
Bibliographie
Chapitre 6 Le rôle des comités consultatifs et des comités d’évaluation par les pairs dans les études préalables
L’apport de la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE)
Jason Luckerhoff, Rhonda L. Hinther et Clint Curle
6.1. Le rôle du Comité consultatif sur le contenu dans la genèse du Musée canadien pour les droits de la personne
6.2. Une méthode inductive et l’enracinement dans le vécu humain
6.3. Les défis d’une telle démarche pour les responsables du musée
6.4. Les apports d’une démarche de consultation inductive dans un musée
6.5. Les évaluations internes et externes par les pairs
6.6. Les évaluations du MCDP
6.7. Les écrits sur la MTE en tant que ressource pour les évaluations préalables en muséologie
Bibliographie
Chapitre 7 Un comité de visiteurs
Véritable confrontation à la parole du public ou alibi ?
Aymard de Mengin
7.1. Des visiteurs actifs et des concepteurs à l’écoute
7.1.1. Comment se passe un comité de visiteurs ?
7.1.2. Un travail d’imagination en sous-groupe
7.2. Les limites de cette expérience et des découvertes pour les concepteurs
7.2.1. Un projet d’écoute des manières de réfléchir des visiteurs
7.2.2. Une similitude entre l’évolution des idées dans un comité de visiteurs et la visite d’une exposition ?
7.2.3. Une créativité rafraîchissante et un dialogue possible
7.2.4. Parfois, des remises en cause du projet d’exposition
7.3. Les différentes formes de dialogue entre visiteurs et concepteurs
7.3.1. Un atelier de production
7.3.2. L’exposition doit offrir à ses visiteurs une rétroaction sur ce qu’ils ont appris
7.3.3. L’identification par les visiteurs d’une intention de conception
7.3.4. L’exposition ne doit pas contourner ce qui fait l’essentiel de l’intérêt au nom de raisonnements institutionnels
7.3.5. Le comité de visiteurs et le débat public
7.4. Une discussion sur la portée de ce processus
7.4.1. Ce qu’on ne découvre pas avec un comité de visiteurs
7.4.2. Les conditions favorables à une réelle interaction
7.4.3. La prise en compte de la parole des publics
Bibliographie
Chapitre 8 La visite en famille
De l’évaluation à la conception de médiations adaptées
Anne Jonchery
8.1. L’histoire et les savoirs produits par l’évaluation sur la visite en famille
8.1.1. L’historique des études sur la visite en famille
8.1.2. Des savoirs produits par l’évaluation
8.2. Qui sont et que cherchent les visiteurs en famille ?
8.2.1. Un public plus populaire, moins familier
8.2.2. Une variété de motivations, entre intérêts individuels et enjeux collectifs
8.3. Le développement de médiations pour les familles
8.3.1. Les aides à la visite autonome
8.3.2. Les activités accompagnées
8.3.3. Les dispositifs-passerelles
Bibliographie
Partie 3
L’usage des savoirs
Chapitre 9 L’évaluation muséale
Des savoirs applicables si peu appliqués
Sophie Deshayes et Joëlle Le Marec
9.1. La prise en compte des études pour les textes dans l’exposition
9.2. La signification de la visite au musée
9.3. Le goût des savoirs et le goût de la médiation
9.4. La politique d’externalisation ? Un non-sens par rapport aux pratiques des visiteurs
9.5. La concurrence des normes et les angles morts dans les études et les publics
Bibliographie
Chapitre 10 De l’étude des publics à l’anthropologie du musée
Récits d’expériences
Mélanie Roustan
10.1. Les études de publics comme objet de recherche sociologique
10.2. De l’ethnographie de la visite à l’anthropologie de la réception
10.3. L’enquête auprès des visiteurs comme outil méthodologique, pour une approche comparative et pluridisciplinaire
10.4. Perspectives
Bibliographie
Chapitre 11 Les médiations écrites, de l’évaluation pédagogique à l’évaluation des usages
Daniel Jacobi
11.1. La médiation et les médiations écrites
11.2. Un inventaire des dispositifs de médiation et d’aide à l’interprétation
11.3. L’évaluation pédagogique des médiations écrites
11.4. L’évaluation des usages des médiations écrites selon les publics
11.5. Quelques enseignements d’une sociologie des usages des médiations écrites
Bibliographie
Partie 4
L’apport du numérique
Chapitre 12 La diffusion numérique et la médiation culturelle
L’apport de l’évaluation formative intégrée à une recherche-développement
Marie-Claude Larouche
12.1. Le contexte muséal, technologique et éducatif
12.2. Les questions de recherche initiales
12.3. Des travaux de recherche-développement
12.4. Quels enjeux émergent ?
12.5. Quelles stratégies de développement ?
12.6. Le premier cycle d’évaluations formatives, axé sur le secondaire
12.7. Le troisième cycle d’évaluations, pour intégrer les technologies mobiles à l’action éducative muséale
12.8. Une nouvelle recherche-développement… axée sur les technologies mobiles et le raisonnement des élèves
Conclusion
Bibliographie
Chapitre 13 Le numérique et ses effets sur la pratique d’évaluation
Nathalie Candito
13.1. L’approche et la méthodologie
13.1.1. Une interface corporelle d’accès aux contenus
13.1.2. Des RFID intégrées à un parcours d’exposition
13.1.3. Un jeu collaboratif sur tablette tactile
13.2. Quelques résultats de ces études d’usage
13.2.1. Des usages ambivalents des médiations numériques
13.2.2. Une nécessaire adaptation des études d’usages
Conclusions et enjeux
Bibliographie
Partie 5
La sociologie des publics et les nouveaux indicateurs
Chapitre 14 Mesurer la fréquentation des institutions muséales
Réflexion autour des statistiques produites par l’Observatoire de la culture et des communications du Québec
Christine Routhier
14.1.
Enchâsser les statistiques dans un cadre conceptuel
14.1.1. Une enquête permanente
14.1.2. Des questions clés à résoudre
14.1.3. Délimiter la population à l’étude
14.1.4. Distinguer des catégories de visiteurs
14.1.5. Six types d’institutions
14.1.6. Un projet propre au Québec
14.2. Ce que révèlent les statistiques de fréquentation
14.2.1. Une certaine stabilité depuis 2003
14.2.2. La fréquentation au sein du réseau muséal québécois
14.2.3. Des questions pour l’avenir, des statistiques pour mieux les poser
Bibliographie
Chapitre 15 Les indicateurs de la satisfaction dans l’enquête nationale « À l’écoute des visiteurs »
Jacqueline Eidelman et Anne Jonchery
15.1. Les indicateurs de la satisfaction
15.1.1. Le rapport aux attentes
15.1.2. Les champs et sous-champs de la satisfaction
15.1.3. Les suites et recommandation de la visite
15.1.4. Les trois indicateurs synthétiques de la satisfaction
15.2. Les indicateurs du renouvellement des manières de visiter
15.2.1. La décision de visite : du visiteur de proximité au touriste venu de l’étranger
15.2.2. Visiter seul ou en compagnie, être un visiteur familier ou novice
15.3. Les indicateurs de la diversification
Conclusion
Note méthodologique
Bibliographie
Chapitre 16 La construction et la validation d’un questionnaire de satisfaction des visiteurs envers des expositions muséologiques
Jean-Sébastien Renaud et Pierre Valois
16.1. La définition théorique de l’objet de mesure
16.2. La définition opérationnelle de l’objet de mesure
16.3. La vérification de la validité de contenu
16.4. L’évaluation de la compréhension des items et de leur validité apparente
16.5. L’évaluation empirique préliminaire du questionnaire
16.6. La validation finale du questionnaire
Conclusion
Bibliographie
Glossaire
Notices biographiques
Liste des figures
Figure 1.1 Schéma général proposé par Screven
Figure 1.2 Transposition du modèle de Popper au champ muséal
Figure 5.1 Unité mobile Drogues, une exposition qui voyage, devant le Musée
Figure 5.2 Unité mobile Démocratie en route à l’école secondaire Pointe-Lévy
Figure 6.1 Consultation et recherche au MCDP
Figure 12.1 Schéma de développement organique des contenus muséologiques et historiques et du guide d’exploitation pédagogique ClioClic
Figure 12.2 Typologie des problèmes détectés en fonction des approches laboratoire, terrain et situation réelle
Figure 13.1 Vue de l’installation L’ombre d’un doute
Figure 13.2 Vue de l’exposition Ni vu ni connu
Figure 13.3 Carte RFID remise au visiteur
Figure 13.4 Tablette tactile : Jeu des métiers – Exposition : Le musée des Confluences dévoile ses réserves
Figure 14.1 Fréquentation des institutions muséales, des cinémas, des bibliothèques publiques et des spectacles payants, Québec, 2003-2012
Figure 14.2 Part de la population de 15 ans et plus déclarant avoir fréquenté un ou des musées dans l’année, Québec, 1979-2009
Figure 14.3 Répartition des institutions muséales et des entrées, selon la discipline traitée par les institutions, Québec, 2012
Figure 14.4 Fréquentation intra-muros des institutions muséales à différents trimestres de l’année, Québec, 2012
Figure 15.1 Ressentis des visiteurs de musées
Figure 15.2 Catégories de musées et horizon d’attente
Figure 15.3 Catégories de musées et missions attribuées
Figure 15.4 Logique de l’attribution de la mention
Figure 15.5 Intentions des visiteurs de musées après leur visite (plusieurs réponses possibles)
Figure 15.6 Sources d’information et provenance des visiteurs
Figure 15.7 Compagnie des visiteurs, catégories de musées et horizon d’attente
Figure 15.8 Compagnie des visiteurs et familiarité muséale
Figure 15.9 Provenance et groupes sociaux des visiteurs
Figure 15.10 Satisfaction, âge et familiarité patrimoniale des visiteurs français
Liste des tableaux
Tableau 1.1 Facteurs d’efficacité de l’exposition selon Cummings
Tableau 1.2 Facteurs liés à l’architecture et à l’organisation de l’exposition, et à la technologie éducationnelle
Tableau 1.3 Opposition entre deux paradigmes
Tableau 5.1 Sensibiliser à la vie démocratique
Tableau 5.2 Prise de conscience de son pouvoir démocratique
Tableau 11.1 Différentes médiations culturelles et éducatives
Tableau 11.2 Nature des médiations muséales
Tableau 11.3 Répertoire des médiations écrites
Tableau 11.4 Diachronie des médiations reliées à la conception-production
Tableau 11.5 Objectif des médiations écrites
Tableau 11.6 Évaluation pédagogique des médiations écrites
Tableau 15.1 Tableau de caractéristiques de la prescription des visiteurs selon leur satisfaction
Tableau 15.2 Catégories de musées et groupes sociaux (au sein du public français)
Tableau 16.1 Répartition de l’échantillon de 295 visiteurs, selon la catégorie d’âge et le sexe
Tableau 16.2 Matrice de corrélation entre le questionnaire de satisfaction, l’attitude, l’intention de revenir et l’intention de faire du bouche-à-oreille positif
Tableau 16.3 Questionnaire de satisfaction des visiteurs envers les expositions
Introduction
Savoirs et enjeux
Lucie Daignault et Bernard Schiele
L’évaluation muséale s’est imposée dans le monde muséal depuis une trentaine d’années. Ses méthodes se sont affinées, ses terrains, diversifiés, ses problématiques, élargies. Elle génère aujourd’hui l’information dont nombre de musées disposent pour planifier les expositions et les activités qu’ils offrent à leurs publics, et pour en mesurer l’intérêt et la portée. Au cours des années, c’est donc une somme considérable d’informations qui a été produite. Toutefois, elle est dispersée dans une multitude de rapports qui circulent peu d’un musée à l’autre, étant diffusés auprès du personnel et des proches collaborateurs. Tout ceci conduit à une vision fragmentée des apports de l’évaluation, et surtout, limite considérablement sa portée, puisque lorsqu’il y est fait appel, dans des situations souvent ponctuelles, le travail des chercheurs prend appui essentiellement sur leurs propres connaissances accumulées au fil des ans et sur leur expérience de la pratique de l’évaluation. Toujours est-il que le champ de l’évaluation se caractérise par un éparpillement de l’information qui conduit inévitablement à un fort taux de redondance : chacun ignorant plus ou moins ce que fait l’autre, nombre de questions se répètent sans que se forme un socle sur lequel les travaux prendraient appui tout en l’élargissant et en l’enrichissant.
Cet ouvrage a pour objectif de dresser un bilan des connaissances accumulées par la pratique de l’évaluation en vue de les mettre à la disposition de la communauté des chercheurs et des praticiens. On objectera qu’il existe déjà une littérature abondante sur l’évaluation, à laquelle les chercheurs intéressés ont facilement accès, que des synthèses partielles ont aussi été produites et qu’un certain nombre de concepts propres à l’évaluation se sont déjà imposés. Certes ! Toutefois, aucune tentative n’a encore été faite de dégager les grands axes de questionnement propres à l’évaluation, les axes qui la constituent en approche particulière, qui spécifient et délimitent son objet et, du coup, caractérisent la nature et la forme des connaissances qu’elle produit. Puisque, comme l’a écrit Heidegger, « la science n’atteint jamais que ce que son mode de représentation a admis d’avance comme objet possible pour lui », cet ouvrage entend poser les jalons d’une telle réflexion, laquelle, à terme, caractérisera le mode de représentation de l’évaluation et donc les connaissances qu’elle produit.
Les textes sont regroupés selon cinq axes de questionnement.
Le premier axe trace un bilan historique et critique des préoccupations et des problématiques qui ont alimenté le champ des recherches en évaluation depuis les premiers travaux de Gilman en 1911. Il fait émerger les paradigmes sur lesquels se sont construites les recherches, pour illustrer les dynamiques qui se sont mises en place, pour questionner les objectifs de l’évaluation et pour relever les tensions opposant les études qui concernent la démocratisation culturelle et celles qui sont plutôt liées au marketing.
Le second axe de questionnement porte sur les savoirs produits par l’évaluation depuis 30 ans. Il aborde notamment la problématique de la muséologie participative à la fois sous l’angle des comités de visiteurs/citoyens et du point de vue des comités d’évaluation par les pairs. La question des sujets controversés, sociaux et sensibles fait ici partie de la réflexion et est illustrée par quelques études préalables. Les sujets sensibles font souvent l’objet de consultations en amont d’un projet. Une des principales préoccupations des chercheurs est de voir comment s’expriment les valeurs des visiteurs et d’identifier leurs représentations et leurs idées préconçues. Enfin, les savoirs issus d’expériences auprès de publics spécifiques peuvent servir d’assise et de cadre de référence, non seulement pour élaborer des projets, mais aussi pour alimenter la recherche et dégager des modèles théoriques.
Le troisième axe interroge l’usage de l’évaluation dans les institutions muséales et surtout l’usage des résultats par les concepteurs et les décideurs. Même si les connaissances issues de l’évaluation sont abondantes, il semble y avoir un problème de circulation des savoirs à propos des publics. L’omission de prendre en compte les résultats est mise en question ; elle constitue à certains égards une « énigme » : comment se fait-il que ce corpus de connaissances ne se reflète pas dans les pratiques professionnelles des acteurs clés de la conception muséale (concepteur, muséographe, architecte, etc.) ? Quelques raisons sont mises de l’avant : la peur d’un alignement sur les attentes des publics, la crainte que la créativité soit limitée, etc. D’un autre côté, les savoirs empiriques dégagés des études de terrain réalisées pour une institution muséale sont re-problématisés pour nourrir la recherche. Les résultats sont ainsi analysés à la lumière d’un concept ou d’une théorie propre aux disciplines mises à contribution dans les recherches en évaluation muséale.
Le quatrième axe de questionnement porte sur le numérique, qui est en train d’enrichir à la fois la pratique muséale, l’expérience muséale – celle de la visite – et les techniques d’évaluation. En effet l’arrivée puis le déploiement actuel du numérique ouvrent de nouvelles potentialités : au plan de la conception, il permet d’envisager une personnalisation de la visite, en amont, au cours de la visite proprement dite, et en aval de celle-ci, à la fois en démultipliant les sources d’information et en laissant le visiteur choisir le moment qui lui semble le plus approprié pour accéder à cette information afin d’anticiper, d’optimiser ou d’approfondir sa visite. Tout ceci exige un travail considérable de préparation de la part du musée. Au plan de la visite elle-même, le numérique donne la possibilité de mobiliser une gamme de dispositifs qui combinent l’exposition réelle et l’exposition virtuelle, de sorte que c’est le média exposition même qui s’en trouve transformé, puisqu’il ne représente plus, pour ceux qui vont au musée, que l’ancrage d’un dispositif beaucoup plus large auquel les visiteurs potentiels et réels peuvent accéder à loisir. Au plan de l’évaluation, il ouvre la voie à un suivi systématique des choix et des comportements individuels, traités en temps réel, par exemple l’emploi des technologies d’identification par radiofréquence (RFID). Il va de soi que tout cela soulève des questions éthiques dont les musées sont pleinement conscients.
Enfin, le cinquième axe de questionnement apporte un éclairage à propos des études sociologiques sur les publics, qui constituent une autre branche de l’évaluation muséale. C’est entre autres une réflexion autour de ces statistiques de fréquentation et de satisfaction qui est proposée ici, principalement afin de dégager les connaissances sur les publics. Ces analyses de fréquentation et de satisfaction, qui s’appuient sur des données quantitatives importantes et même imposantes (elles concernent l’ensemble des musées au Québec et l’ensemble des musées nationaux en France), enrichissent la compréhension de l’évolution du public muséal. Des recherches se sont aussi intéressées à la satisfaction et aux indicateurs qui permettent de la mesurer et de comprendre les horizons d’attente.
Au fil des pages, les caractères gras signalent les concepts ou les termes spécialisés les plus fréquemment utilisés par les chercheurs et les praticiens en évaluation ; ces termes sont tous repris dans le glossaire, question de partager un vocabulaire commun et d’initier les lecteurs que l’évaluation muséale intéresse. Nous remercions tous les auteurs d’avoir contribué à l’élaboration de ce glossaire collectif.
Partie 1
Le bilan
Chapitre 1 Les études de visiteurs
La formation, l’évolution et les défis actuels du champ
Bernard Schiele
1.1. Les études de visiteurs : un champ distinct et distinctif
1.2. Les débuts des études de visiteurs, 1900-1920
1.3. Les années 1920-1960
1.4. Les années 1960-1980
1.5. Des années 1990 à aujourd’hui
1.6. L’hétéronomie du champ des études de visiteurs
Chapitre 2 Dépasser ou réinventer l’évaluation
Serge Chaumier
2.1. L’évaluation, outil de management
2.2. Quid de l’évaluation muséale ?
2.3. Diversité des méthodes d’évaluation
2.4. Pour une approche évaluative engagée
Chapitre 3 L’intérêt et l’usage des études de publics pour les responsables de petits et grands musées
Céline Schall
3.1. Une étude macroscopique des institutions muséales luxembourgeoises
3.2. Une connaissance des publics relativement limitée
3.3. Les usages restreints des connaissances sur les publics
3.4. Les difficultés posées par la segmentation des publics
Chapitre 1
Les études de visiteurs
¹
La formation, l’évolution et les défis actuels du champ
Bernard Schiele
Toutes choses étant causées et causantes,aidées et aidantes, médiates et immédiates,et toutes s’entretenant par un lien naturel insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes,je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout,non plus que de connaître particulièrement les parties.
Pascal (1669)
En 1916, Benjamin Ives Gilman diffusait les résultats d’une enquête dans un article intitulé « Museum Fatigue », publié dans la revue The Scientific Monthly. Au cours de cette enquête, Gilman avait photographié et recensé trente postures qu’il qualifiait de contraignantes pour les visiteurs. Regroupées en neuf catégories, ces attitudes corporelles illustraient chacune un type d’effort physique exigé pour pouvoir observer les objets disposés dans des vitrines qu’il jugeait à l’évidence inadaptées. Gilman invitait donc les musées à revoir leur conception des installations afin que les visiteurs n’aient plus constamment à se pencher, à s’accroupir ou à se contorsionner. Éviter une fatigue inutile, se préoccuper du confort, rendre plus agréable le temps passé au musée, autant de conditions préalables, concluait Gilman, pour enrichir l’expérience muséale d’un visiteur alors libre de se concentrer sur ce qui lui est montré.
1.1. Les études de visiteurs : un champ distinct et distinctif
Cette enquête marque pour beaucoup la naissance des études de visiteurs, car elle est la première à faire du visiteur l’objet d’un questionnement spécifique et à procéder à une observation systématique de ses comportements. Depuis, les études de visiteurs se sont développées, tout particulièrement au cours des quarante dernières années : le nombre de travaux a augmenté rapidement, les sujets se sont diversifiés, les méthodes, affinées et les questions, élargies. Qu’il suffise de rappeler, pour illustrer cette progression, que la bibliographie établie en 1989 par Samson et Schiele (1989a) recensait 1 365 titres, soit en moyenne moins d’une vingtaine par année durant près de soixante-quinze ans, alors que celle de Schram, publiée en 2013 et portant uniquement sur les zoos et les aquariums, en compte plus de 6 000.
Les études de visiteurs livrent constamment de nouveaux résultats à nombre de musées, lesquels se doivent d’en disposer pour planifier les expositions et les activités qu’ils offrent à leurs publics, tout autant que pour jauger leur intérêt, et mesurer leur portée auprès de ces mêmes publics. Avec les années, c’est donc une somme considérable d’informations qui a été accumulée, même si elles ne sont pas toujours immédiatement accessibles.
Ces travaux sont fréquemment réalisés, à la demande de musées, d’établissements assimilés (tels les zoos et les aquariums)² ou d’organismes de tutelle, par des chercheurs d’horizons divers travaillant dans des universités, des musées, des groupes de recherche, des laboratoires, des bureaux d’études, des organismes de sondage, etc. Ils empruntent à plusieurs disciplines (sociologie, linguistique, sémiologie, psychologie, anthropologie, éducation, communication, marketing) leurs modèles et leurs méthodes, tout en adaptant ces différentes approches au monde muséal, ce qui leur confère un caractère singulier et les différencie d’autres travaux conduits en sciences humaines. Les études de visiteurs, comme plusieurs autres domaines de recherche, se distinguent par un « regard » (Moscovici, 1984) qui leur est propre. Ainsi, elles forment un champ d’études spécifique, donc distinct et distinctif.
Il est peut-être prématuré d’en déduire qu’elles constituent une discipline. Toutefois, en raisonnant comme Bitgood (1988) et Trench et Bucchi (2010), on peut faire valoir que ce champ respecte certaines des conditions qui définissent une discipline : les travaux se circonscrivent autour d’un domaine de recherche et d’intervention délimité ; les chercheurs ont des intérêts en commun (Shettel, 1988) ; ils ont développé un ensemble de termes et de concepts qui leur sont propres³ ; les études de visiteurs font l’objet d’un enseignement universitaire ; plusieurs thèses y sont consacrées chaque année (Bitgood et Ford, 1990) ; un ensemble de travaux théoriques sous-tend les recherches empiriques ; les résultats des travaux sont diffusés dans des revues spécialisées, comme Culture et Musées, en France, ou Visitor Studies⁴, aux États-Unis ; ces revues s’adressent prioritairement aux spécialistes du domaine ; et ceux-ci ont formé des réseaux nationaux et internationaux.
C’est donc naturellement que plusieurs ont cherché à restituer une vision d’ensemble des acquis, ce que fait en particulier le présent ouvrage. Signalons, parmi d’autres, le volumineux rapport rédigé en 1976 pour le Musée royal de l’Ontario, Communicating with the Museum Visitor – Guidelines for Planning (Scott, 1988). Ce rapport établissait des principes directeurs pour guider la planification des expositions, et détaillait un ensemble de facteurs dont il fallait tenir compte lors de leur réalisation. Ces préconisations, qui visaient l’optimisation de la communication avec les visiteurs, synthétisaient les résultats de travaux en études de visiteurs. Les guides publiés par Blais (1993) et par Serrel (1983, 1996) poursuivaient le même objectif : ils expliquaient aux concepteurs tout l’intérêt qu’il y avait à mieux comprendre le rôle de l’écrit dans l’exposition, et ils leur offraient des informations pratiques pour augmenter la lisibilité des textes et ainsi en faciliter la compréhension. Jacobi et Le Roy (2013) ont fait de même avec la signalétique. Sur un plan plus théorique, Hein (1998), et Falk et Dierking (1992, 2000) ont proposé chacun une synthèse des travaux sur le rôle éducatif des musées en vue, comme pour les autres guides, de fournir des outils aux concepteurs d’expositions. Toutefois, le bilan le plus ambitieux à ce jour est certainement le rapport Learning Science in Informal Environments : People, Places and Pursuits (Bell et al., 2009)⁵, commandé par le National Research Council (États-Unis). Il s’agissait de dresser un bilan critique des recherches sur l’apprentissage dans les situations de diffusion non formelle des connaissances comme le sont les musées, mais aussi les milieux de travail. Bien qu’encore sporadiques, ces synthèses témoignent bien sûr de la formation d’un corpus significatif de connaissances, mais surtout d’un mouvement d’affirmation du champ et du rôle que les professionnels du domaine entendent jouer auprès des institutions muséales (Davies, 2013) en faisant valoir qui sont les visiteurs et comment ils se comportent, et, à l’occasion, en se présentant comme leurs porte-parole (Bitgood, 1990).
Les études de visiteurs, aussi appelées études de publics et encore, à l’occasion, évaluation muséale, ont pour objet, comme leur dénomination l’indique, l’étude des visiteurs ou des publics des musées (au sens large), les deux étant souvent confondus. Aujourd’hui, elles englobent tout, du comportement des visiteurs à leur imaginaire. Ces deux expressions (visitor studies aux États-Unis et au Royaume-Uni) se sont substituées à celle d’évaluation muséale, couramment utilisée jusqu’aux années 1980, au moment où, simultanément, les notions d’apprentissage tout au long de la vie, et d’éducation non formelle et informelle entraient dans le vocabulaire.
Nous pourrions, comme hypothèse préalable, dire que la réaffirmation et la reformulation cyclique de la mission éducative des musées sont leur leitmotiv⁶. Mais c’est moins cette réaffirmation qui importe que sa reformulation dans des contextes successifs. Aussi, s’interroger sur la formation du champ des études de visiteurs, c’est tenter, d’une part, de préciser les conditions qui ont conduit les musées à réaffirmer leur mission éducative, et, d’autre part, de comprendre l’incidence que ces reformulations ont eue sur les questions que se posaient les chercheurs et les pistes qui se présentaient naturellement à eux pour les résoudre.
1.2. Les débuts des études de visiteurs, 1900-1920
Lorsque Gilman publie son étude sur la fatigue muséale, il n’en est pas à son premier essai sur l’observation du comportement des visiteurs. Il s’était auparavant intéressé à la lisibilité des cartels et des étiquettes (Gilman, 1911), car la position et la compréhension des textes étaient déjà (et sont toujours) un sujet de préoccupation (Lucas, 1911 ; et plus tard Bryant, 1923). Ces premiers travaux, bien qu’empiriques, préfigurent les questionnements autour desquels va se construire le champ des études de visiteurs. Ils se centrent sur les comportements adoptés par les visiteurs en réaction à ce qui leur est donné à voir ou à lire durant leur visite autant que sur la manière dont cela leur est montré. L’idée que le comportement du visiteur dans un musée est en partie déterminé par les propriétés des dispositifs est déjà contenue dans ces premiers travaux⁷. Ils ouvrent ainsi un horizon de possibilités théoriques, car ils admettent que la relation établie par le visiteur avec les dispositifs puisse faire l’objet d’un questionnement spécifique. (Et, soit dit en passant, puisqu’un champ se caractérise aussi par des concepts qui lui sont propres, Gilman construit le premier, celui de « fatigue muséale ».)
Il faut aussi considérer l’esprit dans lequel ces premiers travaux sont conduits. D’une part, ils ne sont pas systématiques, d’autre part, ils se nourrissent du scientisme ambiant de l’époque. Et le behaviorisme, dont Watson (1913) vient de publier le « manifeste », qui définit la psychologie comme une « branche purement expérimentale des sciences naturelles », exerce une influence sur la façon d’appréhender le comportement des visiteurs. Il faut se souvenir que Watson, en réaction au mentalisme et à sa méthode introspective, soutenait que la psychologie devait renoncer à toute étude des « phénomènes de conscience » et se concentrer sur l’observation expérimentale des comportements. Pour lui, un comportement est une réponse observable provoquée par des stimuli. Un apprentissage, par voie de conséquence, n’est qu’une habitude acquise qui résulte de l’exposition prolongée à des stimuli répétés. Pour modifier cette habitude, il faut soumettre l’individu à un régime de stimuli différents. Le behaviorisme, parce que les chercheurs seront surtout des psychologues, exercera une influence considérable sur le développement des études de visiteurs aux États-Unis et, plus tard (vers 1970), au Royaume-Uni. La France, lorsque les recherches se développeront, subira moins son emprise parce que, à la différence de l’angle d’approche adopté dans les pays anglo-saxons, les questions y seront dans l’ensemble abordées avec un regard sociologique.
Mais l’approche behavioriste n’explique pas tout. Elle ne permet certainement pas de comprendre la situation qui prévaut alors aux États-Unis, ni la tendance qui s’affirme alors. Or cette orientation aura une incidence sur les questions que vont se poser les chercheurs au cours des années suivantes, en fait jusqu’à ce que Carlos E. Cummings sorte du musée pour étudier ce qui se passe dans les expositions internationales. On ne peut donc faire l’impasse sur le projet muséal (Mairesse, 2002) tel qu’il se formule au début du
xx
e siècle aux États-Unis⁸.
Qu’il suffise de rappeler qu’au moment où Gilman et d’autres⁹ prêtent une attention au comportement des visiteurs, les États-Unis vivent une mutation quantitative et qualitative de leur économie, soutenue en partie par un développement de la recherche grâce à la loi Morrill de 1862. De fait, ils sont déjà la première puissance économique mondiale. Ils connaissent aussi un accroissement démographique qui s’accompagne d’une urbanisation rapide. Et l’éducation n’est pas en reste¹⁰.
Dès la seconde moitié du
xix
e siècle, l’éducation était devenue une priorité aux États-Unis : il avait fallu éduquer rapidement la population et les immigrants, qui affluaient en grand nombre, pour répondre au besoin de main-d’œuvre qualifiée d’une économie en plein boom¹¹. Dans ce contexte, les grands musées américains, pour la plupart de fondation récente, s’étaient mobilisés et avaient affermi leur projet d’éducation culturelle et artistique du public et des scolaires. Ils s’étaient rapprochés de l’école en organisant des visites guidées, des visites scolaires, des conférences… alors que les écoles s’étaient elles-mêmes dotées de musées scolaires (Dewey, 1900 ; Rathmann, 1915). Toutefois, au début du
xx
e siècle, le mouvement dit des « réformateurs » reproche aux muséologues de la première génération, qualifiés de « fondateurs », d’avoir échoué à faire des musées de véritables lieux d’éducation.
Cette période, dite de « l’âge d’or » – pour le rappeler –, qui s’achèvera avec la Grande Dépression, est loin d’en être une de redistribution de la richesse¹². Et de fortes tensions traversent la société américaine. C’est dans ce contexte concret, nous semble-t-il, que s’exprime l’opposition entre les « réformateurs » et les « fondateurs ». On pourrait l’interpréter comme une réaction à un détournement du projet muséal, voulu à l’origine au service de la population, au profit d’une thésaurisation de l’art dans les musées, reflétant ainsi les idéaux d’une classe soucieuse de bien se démarquer du commun par une consommation ostentatoire et une idéalisation de l’art (Veblen, 1970).
John Cotton Dana (1917a), qui, parmi d’autres, prend le parti des réformateurs¹³, dénonce avec virulence l’isolement dans lequel se replient les musées : « Today, museums of art are built to keep objects of art, and objects of art are bought to be kept in museums. » Ceux-ci deviennent des « temples » ou des « palaces », des « cimetières de bric-à-brac », alors qu’ils devraient être des « musées de la pensée vivante » (Dana, 1917b). L’auteur considère que les grands magasins qui se développent rapidement, soucieux de la satisfaction de tous leurs clients, font mieux qu’eux¹⁴. Ce que conserve un musée, insiste-t-il, doit servir à « donner du plaisir », à « promouvoir le savoir-faire », à « vanter les travaux pratiques » et à « augmenter la joie de vivre ». Dana milite pour que les musées valorisent leurs collections et s’établissent au centre des communautés qu’ils desservent afin que chacun puisse s’y rendre facilement et rapidement. Dana est un antiélitiste qui a voué sa vie à promouvoir la lecture, pour tous les Américains. Longtemps président de l’American Library Association, il joue, tout au long de sa carrière, un rôle déterminant dans le développement des bibliothèques aux États-Unis (Kingdon, 1940). Il réprouve l’industrialisation et l’urbanisation de l’Amérique (Maffei, 2000), et méprise ceux qui veulent faire du musée un « temple » (Dana, 1917a), c’est-à-dire un lieu conçu en fonction de leurs idéaux, presque exclusivement réservé à leur usage, et où ils peuvent admirer des toiles achetées en Europe. Dana considère de tels achats comme une dilapidation des ressources. Fondateur du Newark Museum, il y expose, contrairement à ce qui se passe dans les autres musées, de l’art américain, des productions artisanales et des produits manufacturés. C’est d’ailleurs pour cela que Dana souhaite voir le musée s’établir dans sa communauté, autant pour la refléter que pour la servir (Dana, 1917a).
Gilman, par contre, ne remet pas en cause les orientations du musée. Logicien et psychologue de formation, il cherche rationnellement à rendre le musée aussi facile et agréable que possible à visiter, en prévenant la fatigue des visiteurs grâce à des vitrines mieux conçues, et des étiquettes et des cartels lisibles, placés près des objets exposés. Il ne cherche pas à savoir qui sont les visiteurs, ni pourquoi ils viennent au musée. C’est leur confort qu’il préconise parce qu’il le considère comme la condition essentielle d’une visite réussie. D’ailleurs, dans le livre qu’il fait paraître, Museum Ideals of Purpose and Method (Gilman, 1918), il consacre un chapitre entier à