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Le cri de la méduse: Roman
Le cri de la méduse: Roman
Le cri de la méduse: Roman
Livre électronique107 pages1 heure

Le cri de la méduse: Roman

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À propos de ce livre électronique

« On fait des enfants pour les perdre, nous étions toutes prévenues, cessons nos lamentations. Mais ça fait un mal de chien, comme un mal du corps. Tiens ! dit la fille, je te laisse le placenta, c’est bon pour les rides. Il y a des nuits où je ne sais pas comment ne plus t’aimer. J’écris des mots écran, des mots distance entre toi et moi, des mots qui me phrasent et me donnent mon tempo. »

Ce récit poignant a la force du cri. Aurélie, la mère de Sylvia, vit dans sa chair la douleur d’une rupture avec sa fille.

Après ses deux derniers livres, Elle hurle, nous jouons, où elle dessinait un superbe portrait de femme et de mère, et Père semper, où elle soumettait le père à son regard aigu d’enfant révélant toutes les ambiguïtés de la relation père-fille, Christine Payeux s’attache cette fois à cerner la douleur secrète des mères dans les déchirements et les remous de la relation mère-fille, ce mélange de chagrin et de colère muette.

Si le mythe de la bonne mère est mis en pièces, ce qui s’écrit puissamment ici, dans une langue lyrique, rythmée, violente et non dénuée d’humour, c’est l’amour fou d’une mère pour sa fille.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Musicienne concertiste, Christine Payeux a participé à l’enregistrement d’une trentaine de CD de musique baroque (viole de gambe). Elle signe ici son quatrième roman.
LangueFrançais
Date de sortie28 oct. 2020
ISBN9782889492114
Le cri de la méduse: Roman

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    Aperçu du livre

    Le cri de la méduse - Christine Payeux

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    Christine Payeux

    Le cri de la méduse

    De la même auteure

    – Janus Africa

    Editions Incipit en W, janvier 2017

    – Elle hurle, nous jouons

    Editions L’Escampette, janvier 2018

    – Père semper

    Editions L’Escampette, janvier 2019

    « Cette séparation me fait une douleur au cœur et à

    l’âme que je sens comme un mal du corps. »

    Madame de Sévigné – extrait de Lettres à sa fille.

    Je ne pensais pas que ça m’arriverait, cette histoire, c’était bon pour les autres, les mauvais pères, les mauvaises mères, qui n’avaient pas su y faire, avec leurs enfants. Et une sale petite pensée commune et ordinaire m’effleurait que c’était de leur faute, aux parents. Un jour l’enfant claque la porte, c’est violent, sans appel, on ne sait pas quand il reviendra, ni même s’il reviendra, il ne donnera pas de nouvelles avant longtemps ou même il ne donnera plus de nouvelles du tout. Silence radio. Rideau. Je compatissais. Mais ce sale petit jugement en forme d’épluchure de pomme de terre roulait sous ma langue de pute : Il a bien dû y avoir quelque chose, tout de même, pour en arriver là. On a les enfants qu’on fabrique, je pensais, moi j’ai fait mieux ha ha ! ma fille est parfaite notre famille est parfaite notre communication est parfaite, nous, on n’a jamais eu de problèmes avec notre fille et on n’en aura jamais pourquoi on en aurait, elle a toujours été indépendante et autonome, on l’a toujours laissée libre, on ne l’a jamais pressée de venir nous voir le dimanche, ni à Noël, ni à la fête des mères, on n’est pas très famille, nous, on a lu Mort de la famille, on lui fiche la paix à notre fille, parlait en moi la bonne-mère-confitures-à-la-framboise-caillots-de-sang-en-gelée.

    On s’était fait une fête de te revoir, mais les fêtes sont parfois imparfaites, comme ce soir-là, à minuit, où tout a dérapé.

    Et maintenant je crie mon déchirement, avec les louves, avec les mères qui hurlent dans le silence de leurs entrailles.

    En tout cas, tu es toujours là,

    Souffle fébrile au bout de ma ligne,

    Rondeur aqueuse qui se précipite,

    Ravie, reconnaissante, sur la perche que

    je n’ai pas tendue

    Sylvia Plath – extrait du poème Méduse.

    Je vous salue entrailles bénies entrailles maudites,

    mères méduses aux rondeurs aqueuses

    mères précipitées dans l’arrachement,

    que sont-ils devenus, vos petits, où s’en sont-ils allés, vers quelles amours meilleures que votre amour tronqué de pauvres impuissantes ?

    Pluton vous a ravi votre Proserpine, votre fille adorée

    s’est laissé séquestrer pour fuir les assauts de votre tendresse écrasante, brandissant son époux entre elle et vous, entre elle et votre miroir déformant.

    Je vous salue fils et filles de méduses, fruits d’entrailles béantes retournées sur du néant,

    rejetons des mères de tous les pays aimantes trop aimantes pas assez aimantes toujours mal aimantes mais qui vous aiment d’un amour inconditionnel,

    inconditionnalité de leur amour qui vous pèse tant,

    glue étouffante, don vous enchaînant irrémédiablement à l’obligation du guerredon,

    vous voudriez tant la haïr, votre mère, à cause de ça,

    rien que pour ça,

    de vous aimer inconditionnellement aveuglément obstinément sans vous laisser d’air entre les adverbes qui vous martèlent les tympans,

    vous voudriez les effacer, ces entrailles obscènes, avec une robe dessus.

    Je te salue mater amorosa, mater dolorosa, mater amère, répudiée, rejetée, ravagée, mère adorée, admirée, haïe

    mais aimée tout de même,

    mère-courage,

    montagne, arbre, dune,

    louve, lionne,

    oiseau de proie,

    belle hirondelle.

    Et toi aussi je te salue, père chagrin, père silence, père maudit, révéré, trop aimé, abhorré,

    père colère qui cognes tes sanglots en feuilletant les pages d’un livre aux heures blêmes de la nuit pour voir si tu n’es pas tout seul.

    Et toi, ma fille, je te salue, toi qui ne me liras pas, puisque tu as décidé de te tenir à distance, et de garder le silence.

    Je t’écris à voix seule,

    du fond de ma forêt, de ma savane, de ma steppe,

    de mon territoire déserté.

    Tu ne m’appelles plus maman depuis longtemps, tu m’appelles par mon prénom Aurélie, qui est le nom de la méduse translucide des mers chaudes, aurelia aurita, qui pique,

    et donne des boutons.

    Je m’appelle Aurélie mais ne suis pas méduse, ni la gorgone maléfique qui pétrifie de son regard mauvais,

    une méduse n’a pas mal, même pas le mal de mer,

    je suis la mère blessée, l’amoureuse délaissée.

    On fait des enfants pour les perdre. Nous étions toutes prévenues, cessons nos lamentations. Une histoire banale, la séparation. Mais ça fait un mal de chien, un mal de chienne.

    Je suis la chienne douloureuse.

    Comme si c’était facile, de se séparer, comme si c’était facile, ton silence brutal. Le mal du corps, qu’est-ce que j’en fais, je lui donne corps dans un sonnet ? Ce n’est plus l’heure du sonnet, c’est l’heure du cri, prose ou poésie, qu’importe, c’est la forme de mon cri. Je suis la folle hirondelle qui cherche à attraper son aile.

    Plus jamais,

    trois syllabes,

    à mourir.

    Le temps dans son gouffre,

    petit air d’enfer.

    Plus jamais comme avant.

    L’amour passé comme une petite robe de fête.

    La mère unique crie sa fille unique et toutes les dentelles surannées.

    Cru de la vie, vif des viscères,

    tu cracheras sur ma tombe,

    il est où mon bébé.

    Je suis la mère avec son amour pour rien,

    mère en rade radeau vogue mer scélérate mère de rien

    de ne plus rien pouvoir, ni dire, ni faire. Être sans être mère, bien sûr la mère n’est pas qu’une mère, elle n’a qu’à faire des dessins, des cases, des compartiments :

    là je suis l’épouse j’aime mon époux,

    là je suis l’amie j’aime mes amies,

    là je suis l’écrivaine j’aime les mots,

    là je suis la jardinière de légumes je suis un légume,

    là je suis la voyageuse j’aime voyager – sans toi, ma fille, chacune ses émois.

    Bien sûr je ne suis pas qu’une mère, je suis moi, je suis moi !

    Pourtant c’est comme si je ne respirais plus

    que d’un seul poumon.

    Ma fille, ma fille n’est plus ma fille ?

    Ce matin je me suis occupée du jardin, j’ai taillé mes petits buis, pour personne, pour moi seulement, pour ton père et pour moi, pas pour toi qui aurais pu venir nous voir bientôt, dans un mois

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