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Astres et Cendres - Livre 1: L'héritage des Daverii
Astres et Cendres - Livre 1: L'héritage des Daverii
Astres et Cendres - Livre 1: L'héritage des Daverii
Livre électronique330 pages4 heures

Astres et Cendres - Livre 1: L'héritage des Daverii

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À propos de ce livre électronique

"Tu es une braise, tu es un incendie fou, tu es faite d'astres et de cendres". 

Sa nouvelle vie a commencé au milieu du sang et du feu. 
Deux longues années se sont écoulées depuis la nuit pendant laquelle Anissa a été enlevée par d'étranges individus. 
Piégée dans un manoir peuplé par la cour du Duc Galves, la jeune rebelle tente de retrouver à tout prix sa liberté. 
Toutefois, des forces obscures hantent les souvenirs de son passé. 
La destruction arrive et le compte à rebours a déjà été lancé. 
Personne n'échappera à l'orage qui se forme... 

À PROPOS DE L'AUTEURE

Elin Bakker a toujours été passionnée par l’écriture et la lecture. Depuis son plus jeune âge, elle imagine des mondes fantastiques aux nombreuses facettes. À 15 ans, elle se lance sur la plateforme wattpad avec son premier roman. Encouragée par ses lecteurs et par le franc succès de ses histoires loup-garou, elle explore tous les genres littéraires de l’imaginaire.
 À 17 ans, son premier roman ,Vampire en colocation, est édité par Sudarènes Editions. La Gardienne est son second ouvrage édité et primé puis une saga de science-fiction, Fatales Illusions. Astres et Cendres est son 4ème ouvrage chez Sudarènes Editions.
LangueFrançais
Date de sortie6 juin 2020
ISBN9782374642956
Astres et Cendres - Livre 1: L'héritage des Daverii

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    Aperçu du livre

    Astres et Cendres - Livre 1 - Elin Bakker

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    Elin Bakker

    Astres

    &

    Cendres

    Livre 1 de l’héritage des Daverii

    À ceux auxquels on a dit qu’ils ne réussiraient jamais, mais qui n’ont jamais cessé d’essayer...

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    Prologue

    Ils sont arrivés lorsque toutes les lumières étaient éteintes. Anissa n'avait alors que quinze ans, étant bien trop jeune pour pouvoir comprendre ce qui allait se passer. Pourtant, elle n'avait pas pleuré, elle n'avait pas protesté, contrairement aux autres enfants. Il lui semblait presque totalement normal qu'elle se fasse réveiller au milieu de la nuit sans que la moindre justification ne lui soit fournie.

    Les flammes des bougies qui se trouvaient dans les couloirs tressaillirent cette nuit-là, terrifiées face au mal venant s'introduire chez elles. Le vent faisait ce qu'il voulait, explorant la chambre de la fille depuis la fenêtre grande ouverte.

    Personne ne savait que la nuit était son amie, son alliée, et qu'elle la libérait de ses horribles cauchemars. Chaque fois qu’Anissa se réveillait, les ombres étaient les seules présences sachant la rassurer avec leurs doux murmures. Lorsqu'elle ouvrait les yeux, elle ne voyait rien, pas même ses peurs ni ses démons.

    Ainsi, elle avait décidé d'explorer le monde seulement après la tombée de la nuit, grimpant hors de sa chambre en passant par la fenêtre. Le toit était non loin de son minuscule espace personnel. Le maigre grenier, haut d’un demi-étage, les séparait.

    Elle se hissait à chaque fois sur les tuiles noires en ardoise à la force de ses bras. Puis, elle s'agenouillait lentement sur la surface, tout en contemplant les environs avec une grande admiration au fond de ses yeux bleus. Les animaux étaient libres et la nature vivait en harmonie avec les hommes qui l'exploitaient. Aussi loin qu'elle pouvait voir, s'étendait la propriété de son maître qu’elle servait sans grande envie.

    La jeune fille avait l'habitude de rester dans cette position jusqu'au petit matin, perchée en hauteur. Pour une certaine raison, elle aimait s'imaginer une vie dans les montagnes enneigées qu'elle apercevait au loin. Leurs pics glacials repoussaient tout le monde, les rendant fascinants.

    La liberté était ce qu'elle voulait atteindre dans sa vie, mais ce ne lui serait pas offert.

    Après avoir longuement contemplé ciel et terre, elle s'éclipsait de nouveau dans sa chambre en rêvassant de la vie qu'elle n’obtiendrait jamais et s’allongea sur son lit. Ses courts cheveux bruns formaient alors une auréole autour de sa tête, tout en se fondant dans la saleté recouvrant son matelas. Elle ne s'en plaignit pas. Au moins, elle n'avait pas à dormir avec les autres enfants, ce qui la soulagea plus qu'elle ne voulait l'admettre.

    Ils n'étaient pas méchants en soi, juste bruyants et agités. Tout cela s'atténuait pendant la nuit.

    Ses escapades nocturnes n'étaient pas la seule raison pour laquelle elle aimait être entourée par l'obscurité. C’était le silence qu’elle convoitait le plus. Le silence.

    Chaque nuit, elle avait finalement l'occasion de faire connaissance avec ses propres réflexions. Lorsqu'il était avec elle, plus aucun enfant ne hurlait, plus aucun maître ne la réprimandait, plus aucune solitude n'envahissait ses os et son esprit. Elle était seule, mais c’était uniquement vrai aux yeux des autres. Car elle ne se sentait pas abandonnée, elle se sentait revivre lorsque ses fantaisies envahirent son esprit entier.

    Quand ils sont venus la chercher, elle s'apprêtait à monter une nouvelle fois sur le toit. Un homme s'était présenté à sa porte et lui avait tendu la main. Elle s'était seulement avancée vers le nouveau venu en penchant la tête à gauche, ressemblant vaguement à une chouette. Un court instant, elle s'était demandé s'il était un commun lié à l'obscurité, une représentation faite de chair et d’os de ces voix qui lui parlaient de plus en plus souvent.

    Pourtant, elle n'avait pas hésité à poser sa main dans la sienne. Il ne l’effrayait aucunement. Au fond, elle savait qu'elle était prête à quitter le manoir. Elle était prête à tout faire pour s'évader une bonne fois pour toutes de sa prison.

    Sa mère avait tellement essayé de faire d'elle une fille parfaite, de la sculpter de sorte à la transformer en la meilleure des servantes. Mais Anissa n'était pas faite pour cela, elle ne l'avait jamais été. Un bien plus glorieux destin l’attendait.

    Voilà pourquoi elle n'avait pas crié et ne s'était pas plainte lorsque de grandes mains avaient brutalement empoigné son bras gauche, laissant une trace légèrement violette sur sa peau blanche. La jeune fille n'avait pas fait de bruit, trop occupée à imaginer la grandeur de sa destination. Alors que les larmes coulaient des yeux des autres enfants, elle souriait simplement, heureuse de voir que quelqu'un était prêt à lui donner une seconde chance. La réalité s'emmêla à la fiction qui se dessinait lentement dans sa tête.

    L'homme la conduisit à travers la maison qu'elle connaissait mieux que tout. La seule chose qu’elle voulût était quitter cet endroit au plus vite.

    Tout au long du chemin, une dizaine d'enfants la précédèrent, formant une ligne parfaitement droite. Elle connaissait leurs noms, mais ils n'étaient rien de plus que des ombres dansant devant ses yeux. Leurs pleurs et cris, signe de résistance, percèrent ses oreilles qu'elle eut envie de couvrir. Elle cherchait à faire taire la culpabilité remontant à la surface.

    Se refermant sur elle-même et sur ses propres besoins, elle fit lentement disparaître ces personnes de son cœur, jusqu'à complètement en effacer l'existence. Elle sentit son pouls battre contre ses tempes, créant une étrange mélodie remplie de fougue et de noirceur.

    La fille comprit tout lorsqu'elle sortit du bâtiment. Les flammes dansaient partout, entourant le manoir. Une fumée noire s'élevait de ces formes rouges et orange qui se débattaient tels des diables, tandis que des voix criaient toutes sortes de noms.

    Ses poumons furent envahis par les multiples particules de cendre voltigeant dans le ciel, lui faisant monter des larmes aux yeux.

    Elle se retint de tousser face à cette agression et fronça les sourcils lorsque la chaleur ardente de l'incendie lui brûla légèrement les bras. Sa peau blanche n'était pas faite pour être au contact d'une telle ferveur. Quant au bruit que produisit l'embrasement, il fut des plus désagréables et assourdissants qu'elle n’ait jamais entendu. Elle s'efforça de ne pas grimacer, impassible et immobile.

    Les yeux bleus de la jeune fille partirent dans tous les sens, accompagnés de sa courte chevelure brune virevoltant au rythme du vent. Quelques-unes de ses mèches s’échouèrent dans sa bouche et elle s'empressa de les en enlever.

    Certains enfants avaient tenté de s'échapper. Pour y remédier, on les avait immédiatement jetés dans les flammes. Anissa frissonna, mais réussit à garder son masque impassible en place. Elle se concentra sur le froid vivifiant de la nuit. Elle comprit la situation mieux que quiconque, même si elle avait du mal à se l'avouer.

    Ces personnes étaient leurs maîtres, ceux dirigeant la partie la plus sombre de ces terres. La fille avait lu quelques livres à leur sujet, ne sachant pas qu'ils existaient réellement. Ces créatures avaient les cheveux noirs et les yeux d'un vert intense. Ils sortaient tout droit des entrailles les plus obscures et horrifiantes de son imagination.

    La panique et le chaos régnaient sur cette scène étrange, laissant Anissa sans voix. Les livres et leurs illustrations l'avaient prédit.

    La servante ne se sentit pas désolée, elle ne voulut même pas sauver les autres. Il lui fallait penser à elle-même pour une fois. Ses ongles s’enfoncèrent dans sa chair, tandis qu'elle se concentra sur sa respiration.

    Le feu l'hypnotisa lentement et elle se mit à sourire. Ce fut un sourire innocent et pur, tout droit sorti d'une âme déjà corrompue. Les ténèbres s'étaient lentement propagées dans son cœur, mais n'avaient jamais eu l'occasion de se montrer jusqu'à présent. La liberté qu'elle touchait chaque nuit du bout des doigts était enfin venue la chercher.

    Soudain, l'homme qui lui tenait le bras avait commencé à marcher en direction du côté opposé du jardin, s'éloignant du brasier. Il traîna la petite derrière lui, ne respectant guère sa fragilité. Elle était la seule enfant qu'ils n'avaient pas sacrifiée. Au lieu de cela, elle s'était vue confiée à la personne la plus ténébreuse qu'elle n'eut jamais rencontrée.

    À partir de là, les ronces avaient commencé à pousser autour d'elle, tandis que les épines s'enfonçaient dans sa chair pour l'emprisonner. Elle ne pouvait plus s’échapper et son monde se colora lentement d’un rouge intense, un rouge foncé, un rouge sang...

    Partie 1

    Les murs de Taraün

    Chapitre 1

    Deux ans plus tard

    Des aristocrates bien habillés dansaient au milieu de la salle immense. Partout où Anissa regardait, se trouvaient des bourgeois et des nobles. Si seulement cela pouvait être tout. Mais non. Leurs bonnes manières irritaient la jeune femme assise sur un banc au bord de la piste de danse. Qu'y avait-il de plus agaçant que l'hypocrisie de la cour ?

    Des tissus brillants flottaient élégamment au-dessus de la piste de danse en marbre blanc. Les chaussures à talons hauts créaient un bruit répétitif et frustrant qui perçait ses tympans. Elle était la seule à ne pas accepter de danser, elle avait horreur de ce passe-temps. Quel en était le but ?

    Aucun de ces hommes n'était digne d'elle, ils ne sauraient pas lui offrir la liberté qu'elle demandait. Et, au fond, elle espérait que cela resterait une réalité aussi longtemps que possible. Les reflets des coupes en or et des plateaux en argent l'aveuglaient, lui donnant une terrible migraine. Elle fronça les sourcils en se caressant lentement le front.

    Elle avait tellement grandi depuis la nuit de son enlèvement, remplie de feu et de sang. Anissa avait donné son humanité pour rejoindre cette communauté. Elle avait laissé tous ses pairs derrière elle, sachant qu'ils auraient fait de même. Elle avait été bien trop jeune pour pouvoir réfléchir de façon rationnelle. En deux ans, elle avait gagné en maturité, elle y avait été obligée. L’incendie lui paraissait éternellement loin.

    Mais alors, pourquoi cela lui faisait-il toujours tellement mal ? Elle n'était pas censée penser à ces flammes et à ces cris qui hantaient à présent ses rêves. La nuit, qui avait autrefois été sa plus grande alliée, était devenue sa seule ennemie.

    Le Duc Galves, son hôte, ne l'avait jamais obligée à faire quoi que ce soit, la traitant comme sa propre fille. Il avait besoin d'une distraction pour faire passer le temps et cela ne dérangeait pas Anissa. En fait, elle ne pouvait que lui être reconnaissante de l’avoir accueillie. Pourtant, elle ne l'était pas.

    On l'avait transportée d'une prison à une autre, tout en prenant soin de rendre le deuxième choix plus attractif que le premier.

    Personne ne lui avait jamais expliqué qui était qui dans l'histoire ni pourquoi on s'intéressait tant à elle, mais le maître de maison avait fini par devenir son seul point d'ancrage. Elle lui avait confessé tout ce qu’il avait voulu entendre au sujet de sa famille et de son passé, réussissant à en cacher une bonne partie. Ce n’était pas de sa faute si son supérieur posait les mauvaises questions.

    La jeune femme, quant à elle, n'avait jamais exprimé de quelconques interrogations, angoissée à l’idée qu’on puisse douter de sa loyauté. Autrefois, elle avait souhaité avoir des réponses au plus vite, mais révéler au Duc Galves le fait qu’elle jouait constamment une comédie était sa plus grande peur. Elle devrait se sentir honorée d’avoir été accueillie ici et il le savait. Il se servait de son sentiment de culpabilité. Après tout, c'était lui qui lui avait donné une seconde chance de vivre.

     Maître et sujet se valaient, tous deux aussi manipulateurs l’un que l’autre.

    Pendant deux longues années, on avait enseigné à la jeune Dame tout ce qu'elle devait savoir et faire à la cour. Le temps lui avait alors paru interminablement long et pénible, et ses escapades nocturnes avaient été bannies de sa vie. Elle n'avait plus le temps pour cela. En tout cas, c'était ce dont elle essayait de se convaincre, car, en réalité, elle avait juste peur de revivre ce qui s'était passé la nuit du drame.

    Elle secoua la tête, revenant vers le présent et la cour. Le Duc avait beau avoir des yeux verts plus intenses que ceux des autres et de beaux cheveux longs d'un noir envoûtant, sa grande beauté n'attirait la jeune femme d'aucune manière possible ou imaginable. Pour être honnête, personne ne l'avait jamais intriguée durant les deux années qu'elle avait passées ici.

    Si sa mère avait encore été en vie, elle lui aurait probablement dit de se trouver un mari d'un rang élevé et de se marier sans amour. C'était ce dont tous les employés rêvaient lorsqu'elle servait encore son ancien maître.

    Anissa, à son tour, aurait été un pion pour améliorer la renommée de sa famille. Il n'en aurait jamais été autrement. Plus elle y pensait, plus elle trouvait de raisons de remercier le destin d'avoir été sauvée par le Duc. Cependant, elle en trouvait aussi de bien nombreuses pour le maudire.

    Elle se pencha en arrière, tout en réfléchissant. Ce qui était vraiment effrayant, c'était qu'elle ne s'était pas sentie désolée pour les autres enfants brûlés lorsque l'incident s'était produit. Cela faisait probablement d'elle un monstre sans cœur ni conscience.

    Quelques regards se portèrent sur elle, mais la jeune femme leur répondit d'un œil froid et indifférent. Elle était habituée à être observée. Après tout, elle ne faisait pas partie de ce monde, elle y avait été projetée par un vulgaire coup de chance. Jusque-là, les arguments du Duc avaient été suffisamment forts pour convaincre toutes les personnes présentes au bal de la garder à leurs côtés. Anissa n'était pas une menace pour eux, mais elle n'était pas non plus un atout.

    Pourtant, elle savait que cela ne pouvait pas durer indéfiniment. Ils la congédieraient un jour ou l’autre. C'était inévitable, sachant qu’elle n’était qu’un jouet pour eux. Mais son séjour ici lui donnait tout de même le temps de réfléchir à un plan pour la suite, un plan qui lui permettrait de conquérir sa liberté.

    À cette pensée, un nœud se forma au fond de sa gorge. Elle n'aurait pas le choix s'ils décidaient de la tuer. À leurs yeux, elle n'était rien de plus qu'une petite fille bien trop vulnérable. Elle voulait juste partir, fuir loin de ce bal. Toutefois, aucun refuge n'accepterait une femme cherchant à échapper à une telle puissance. La seule chose qu'elle risquait était d'attirer les foudres de la reine Kathyla, souveraine suprême de ces terres dont on ne lui avait jamais dévoilé le nom.

    Elle était la dirigeante la plus puissante du continent, mais Anissa n'avait jamais eu l'occasion de la rencontrer ni même de l'apercevoir. Seul le Duc Galves avait eu cet honneur et pour cause : il était un des plus grands alliés de la couronne. Ça, elle l'avait appris au cours de ses maigres enseignements de politique.

    Pendant les quelques leçons qu'on lui avait inculquées, la jeune femme avait eu la chance de découvrir également l'étiquette, la religion et les coutumes de cet endroit. Elle ne croyait pas aux dieux, s’entêtant à ne pas assimiler quoi que ce soit au sujet des croyances de la Cour. En revanche, on lui avait toujours refusé l'apprentissage de ce qu’elle aurait pu apprécier : la géographie et les conflits géopolitiques du continent.

    À son grand malheur, elle ne pouvait pas franchir le grand portail de l'entrée, c'était une interdiction. Une fois, elle l'avait essayé, mais la punition qui s'en était ensuivie l'avait poussée à ne pas recommencer.

    Les grandes cicatrices ornant la paume de sa main gauche en témoignaient. On voulait la garder dans l'ignorance, comme son précédent maître l’avait fait. Elle n'avait pas le choix si elle voulait survivre. Parfois, elle regrettait de ne pas avoir eu le courage de poser plus de questions au sujet de la contrée à ses professeurs, mais elle avait été tellement jeune et naïve à son arrivée ! Lorsqu'elle avait souhaité accéder aux cartes stockées dans la bibliothèque, on lui en avait empêché l'accès. Cela l’avait poussée à croire qu’ils lui cachaient quelque chose, un élément important.

    Et cela n’était que le début.

    Chapitre 2

    La musique continuait à se frayer un chemin autour d'elle pendant que de nouveaux citoyens entraient dans la pièce, vêtus de leurs plus élégantes tenues. Anissa leva les yeux au ciel en observant les autres filles qui gloussaient aux blagues des jeunes hommes. Était-ce ce à quoi elle devait aspirer ?

    Au fond d'elle, elle savait qu'elle ne serait jamais ce genre de personne. Elle avait jadis aimé l'attention que ces gens lui accordaient, mais il ne lui avait pas fallu bien longtemps avant de se rendre compte qu'ils la remplaceraient s'ils le pouvaient.

    Un petit groupe d'aristocrates passa à côté d'elle, parlant de toutes sortes de choses sans intérêt. Il lui sembla que personne ici n'avait quoi que ce soit de passionnant à raconter, au contraire.

    Soudain, alors qu'elle observait la foule, un nouvel homme franchit les immenses portes dorées de la salle de bal. La jeune femme le reconnut aussitôt. Il était celui qui la protégeait depuis son arrivée ici.

    Bien sûr, le Duc n'avait pas toujours eu le temps de s'occuper d'elle et l'avait confiée à un autre. Il avait assigné son bras droit à cette tâche : Lenn Marstir.

    Les cheveux noirs de ce dernier étaient toujours recouverts d'une étrange lueur rousse et le vert de ses yeux était plus pâle que celui des autres. Personne ne semblait vraiment l’apprécier, car personne ne le connaissait assez bien. Il ne parlait jamais ni de lui-même ni de sa vie, pas même lorsque Anissa le lui avait demandé.

    Elle détourna la tête, étourdie et mal à l'aise, sensation étant tout sauf agréable. La bile lui monta à la gorge, traçant un chemin brûlant jusqu'à sa bouche, avant de se retirer à nouveau. D'une manière ou d'une autre, elle ne pensait pas le croiser ici, elle ne souhaitait pas le voir pour l'instant. En l'espace de deux ans, elle n'avait pas réussi à le cerner ni à déterminer ses intentions.

    La jeune femme aurait aimé se retirer dans ses quartiers, mais tout ici l'empêchait de le faire. Aussi longtemps que les aristocrates la regarderaient de manière furtive et sévère, elle ne pourrait pas partir sans être repérée. Ou peut-être était-ce simplement à cause de ce sentiment d'incertitude qui l'avait si soudainement submergée ? Elle devait être respectueuse envers le Duc. Il n'apprécierait pas la voir partir avant d'être arrivé lui-même. Cela ne ferait qu’accroître sa suspicion.

    Les regards brûlaient le tissu satiné de son affreuse tenue, étant aussi extravagante et encombrante que le bal qui se déroulait devant elle. Elle avait d'abord refusé de porter cette atrocité dorée, mais ils ne lui avaient pas laissé de choix. Ses talons jaunes lui faisaient mal aux pieds et la broche métallique retenant ses cheveux en place accentuait son horrible mal de crâne. Tout ce qu'elle désirait était de rejoindre son lit pour une bonne nuit de sommeil.

    Des rires emplissaient l'espace autour d'elle, lui faisant froncer les sourcils. Les notes de la musique classique qu'on jouait dans la salle avaient le don de résonner dans sa tête au même titre que le cliquetis des chaussures contre le sol. Tous dansaient sans se soucier de quoi que ce soit. Parfois, Anissa aurait aimé pouvoir faire de même.

    Les autres filles s'étaient mises sur leur trente-et-un et un élégant maquillage recouvrait leurs magnifiques visages. Toutefois, ces artifices n'empêchaient pas la jeune femme de reconnaître le plus grand nombre de celles qui déployaient leur puissance et beauté devant elle. Tous les aristocrates de la cour du Duc Galves possédaient les mêmes traits d'une splendeur surnaturelle, les mêmes yeux et la même couleur de cheveux, comme s'ils avaient tous été configurés telles des machines. Cela faisait presque peur.

    Un groupe de jeunes femmes fusilla Anissa du regard, la poussant à détourner les yeux de leurs visages de poupée. Elles n'avaient pas à s'inquiéter, la protégée du Duc ne toucherait pas à leurs hommes !

    Le seul ayant vraiment retenu son attention était son protecteur. La jeune femme l'observa de loin, captivée par la légèreté avec laquelle il guidait sa partenaire de danse. Avec sa beauté surnaturelle, il n'avait besoin d'aucun artifice pour être parfait. Il restait toujours le même, aucune émotion ne traversait son visage. C'était seulement pour cela qu'elle appréciait sa compagnie.

    Anissa, quant à elle, possédait la fragilité d’un commun. Son physique n’avait rien de remarquable, reflétant une innocence rare à la Cour et s’opposant à son esprit manipulateur. C’était peut-être grâce à ses traits ordinaires, inconnus des aristocrates, qu’ils l'avaient gardée ici.

    Non pas que cela lui plaise, mais son air de petite fille lui avait bien servi lorsqu'elle avait eu besoin de convaincre quelqu'un. Après tout, elle était aussi corrompue que le reste de ces êtres dégoûtants qui dansaient devant ses yeux. Elle cherchait seulement à survivre et à s'échapper.

    Et ça, elle l’avait appris depuis toute petite.

    – Ne dansez-vous pas, Madame ? lui dit une voix inconnue.

    Elle n'avait aucun souvenir d'avoir déjà entendu ce ton dur et grave auparavant.

    – Non, je ne suis pas d'humeur ce soir, répondit-elle hâtivement.

    L'homme s'assit à côté d'elle et observa la foule avec ardeur et précision, scrutant chacun de leurs absurdes mouvements. La Dame avait croisé les bras, quelque peu étonnée par le fait que ce nouveau venu n'eût aucune fascination pour elle.

    Pour la première fois depuis longtemps, elle ne pensait ni à la foule ni à son mal de tête. Était-ce la sensation qu'évoquait la vie d'un être normal ? De quelqu'un qui n'était pas vu tel un passe-temps ? Elle avait tout oublié de ce sentiment.

    Les cheveux noirs de l'homme avaient été coupés par des ciseaux émoussés. Sa mâchoire carrée n'avait rien de celle des créatures raffinées de la cour et ses grandes mains rugueuses semblaient avoir traversé des guerres entières. Des cicatrices les recouvraient, allant plus loin sur ses bras qu'elle ne pouvait l'apercevoir à cause des manches de sa simple tenue en satin gris. Pourtant, il était là, silencieux et absent. Anissa aimait cette présence, elle appréciait son silence, cela lui rappelait les nuits de son passé.

    – Je te comprends. L'envie de danser ne me prend que très rarement, dit-il avec un accent manquant de raffinement.

    Le tutoiement était peu approprié, mais cela ne gêna pas la femme assise à ses côtés. Elle se sentait comprise et c'était la seule chose qui importait. L'aura de cet homme avait quelque chose de puissant et de nouveau, comme un souffle d'espoir et de lumière.

    – L'humilité et la sincérité sont des qualités rares par ici.

    Elle lui avait répondu sur un ton enjoué, sans pouvoir cacher l'affection qu'elle avait déjà pour le caractère simple de son mystérieux interlocuteur. Il lui rappelait quelqu'un, même si elle savait qu'elle ne le connaissait pas réellement.

    Il était nouveau ici. Cela se voyait dans son attitude et dans son regard brillant. Cette lueur ne tarderait à lui être arrachée par la corruption de la Cour.

    Lorsqu'il se tourna vers elle, les membres de la jeune femme se raidirent. Deux grands yeux verts d'une couleur se rapprochant de celle d'une émeraude la scrutèrent sans aucune trace de convoitise. Cela avait fait accélérer le rythme

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