Même les poissons du fleuve pleuraient: Un roman satirique sur l'Afrique
Par Yves Pinguilly
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À propos de ce livre électronique
« Est-ce que c'était un mauvais quelqu'un ? »
Dans la République du Juste Milieu, le dictateur Bocou Sanfouté, bien en place, dictate tous les jours. Entre la France et l'Afrique, il surveille son peuple d'un oeil et ses femmes de l'autre. Mais dictater n'est pas chose aisée, surtout quand des rebelles menacent son pouvoir…
Avec un humour cynique et percutant, Yves Pinguilly nous offre un texte inattendu et nous raconte la barbarie de ces petites guerres qui, comme les grandes, n'épargnent personne.
Découvrez un roman qui, avec un humour cynique et percutant, nous offre un texte inattendu et nous raconte la barbarie de ces petites guerres qui, comme les grandes, n'épargnent personne.
EXTRAIT
C’est à ce moment-là, alors que la maman d’Estella était encore dans les bras d’Arôme, que le bruit et la poussière et les cris et les coups de feu prirent la rue par surprise avec l’arrivée folle de deux pick-up tachetés, l’un d’eux portant l’inscription intervention rapide ! Les moteurs en sur-régime gémirent avant de se taire. Une bonne quinzaine d’hommes en descendit, armés jusqu’aux dents !
— C’est là, derrière.
Ils se précipitèrent. Les voisins épouvantés partirent en courant, sauf un vieux qui osa demander :
— Mais pourquoi ? Pourquoi ça ? Pourquoi encore ?
— Papa, va respirer ailleurs, lança le chef.
Arôme n’avait pas bougé. Elle gardait serrée dans ses bras la vieille maman. Immobile, elle assista au deuxième acte. Le peu qui restait qui n’avait pas pu être volé dans la nuit fut enlevé. Ils se mirent à quatre pour porter la lourde cuisinière. L’attaque dura moins de quinze minutes. Cette fois il n’y eut presque pas de cris, presque pas de peur. Quand les rebelles et leur guide s’en allèrent, la concession avait été complètement déménagée. La maman n’avait plus de force. Cette fois, c’était comme si la vie hésitait à rester en elle encore un peu ; comme si la vie envisageait d’aller ailleurs, plus loin, derrière une frontière où la folie barbare ne pourrait pas venir.
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
Je salue le talent d'Yves Pinguilly qui sait manier avec brio la dérision aussi bien que la gravité. - Isabelleisapure, Babelio
A PROPOS DE L'AUTEUR
Yves Pinguilly a eu plusieurs vies, et ce n’est pas fini…
Il est né à Brest, à la fin de la deuxième guerre mondiale.
À quinze ans il est marin. À dix-sept il a bouclé son premier tour du monde.
Il deviendra vite un écrivain voyageur, ayant, avant l’âge de vingt ans, navigué sur les sept mers et posé les pieds sur les cinq continents.
Ses livres de rêve ou de contestation ont eu de nombreux prix en France, mais aussi au Japon ou plus loin encore en Nouvelle Calédonie !
Auteur de 90 titres pour la jeunesse, Yves Pinguilly est traduit en une quinzaine de langues.
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Aperçu du livre
Même les poissons du fleuve pleuraient - Yves Pinguilly
Collection JASMIN LITTÉRATURE
Collection JASMIN LITTÉRATURE POCHE
Yves Pinguilly
Yves Pinguilly est un écrivain mais aussi un conteur dont la parole fait vivre sa Bretagne ou les Afriques qu’il a tant mises en mots. Certains qui le lisent ou l’écoutent depuis longtemps le surnomment l’enchanteur alphabétique.
Il ne s’est jamais perdu dans les chemins de traverse de sa vie qu’il a parcourus d’un bon pas pour publier cent cinquante livres, dont la moitié disent l’Afrique subsaharienne.
Il a des titres lus par les enfants, d’autres par les doyens aux talons rugueux et au poil blanc ! Il répète qu’il n’écrit que pour la femme qu’il aime. Est-ce Viviane ? Est-ce Mami Wata ? Il est trop secret pour le dire, mais cette femme-là est probablement une fée…
DU MÊME AUTEUR
AUX ÉDITIONS DU JASMIN
Direct au cœur, roman pour la jeunesse
Celui qui voit avec ses pieds, roman pour la jeunesse
L’histoire du pêcheur, album illustré par Roshanak Ostad
Tous droits de reproduction, de traduction
et d’adaptation réservés pour tous pays.
© 2014 Éditions du Jasmin
Dépôt légal : 3e trimestre 2014
www.editions-du-jasmin.com
ISBN 978-2-35284-711-3
ISSN 2259-8324
Avec le soutien du
Avertissement
Ceci n’est pas une histoire vraie.
C’est une vraie histoire, c’est un roman.
C’est pire.
J’ai écrit cette histoire à ma manière, c’est à dire en jouant quelques mauvais tours à la langue française, souvent joliment créolisée par la rue africaine. Aucune des pages ne pourrait être un exemple choisi pour un manuel de bonne écriture.
La majorité des mots étranges et surprenants, qui apparaissent en italiques dans le texte, trouvent leur traduction dans le lexique de fin de volume.
Y.P.
Les marques citées dans cet ouvrage
appartiennent à leur propriétaires respectifs.
Première partie
LA DANSE DES MACHETTES
do do ti balaka
1
— Est-ce que c’était un mauvais quelqu’un ?
Difficile à dire par les bouches du pays qui étaient cousues depuis dix ans. C’est vrai, il dictatait depuis dix ans, et pour réussir ça, il faut non seulement avoir la protection des yandas, mais être comme cul et chemise avec ceux qui bénéficient de la lumière céleste sans jamais connaître la coupure. Être aussi dans les petits papiers de ceux qui se courbent cinq fois par jour pour rester en forme des pieds jusqu’au ciel.
Amen. Inch Allah.
Le président Bocou Sanfouté n’était pas un de ces dictateurs à l’ancienne, le cou toujours prisonnier d’une cravate et élégant dans un costume trois-pièces ; un dictateur toujours prêt à baratiner un chef d’État ou un secrétaire général, ou un envoyé spécial dans un bon français de Bruxelles, de Genève ou de Paris intra-muros. Non. Il avait d’abord été dans sa prime jeunesse un treillis pataugasse, à peine moins analphabète que la queue d’un âne, et il n’avait pas renié cette belle époque. Il était présentement un président moderne, démocrate jusqu’au chargeur en or de sa Kalachnikov. Un dictateur ouvert sur le monde, capable même de fêter chaque année l’indépendance du pays à Paris, dans son uniforme de campagne usé, tout en dégustant au son de la fanfare de la République du Juste Milieu des makongos de toutes les couleurs.
Ce jour-là, pour Bocou Sanfouté, tout allait mal. Non seulement l’autre, le petit président dictateur de la Confédération Africaine de Football (CAF) qui présidait depuis vingt ans, lui avait fait savoir qu’il n’y avait plus de place pour lui dans la tribune officielle pour la finale Sudaf du ballon rond, mais en plus il avait la diarrhée ! La colique le rendait furieux. Lui dont la tête, disait-on, touchait le ciel auquel il pouvait s’adresser simplement en murmurant, avait depuis le matin le cul merdeux à tel point qu’il avait déjà changé quatre fois de caleçon. Est-ce que le Saint-Père au Vatican a quelquefois la diarrhée ? Est-ce que le Commandeur des Croyants a quelquefois la diarrhée ? Bocou Sanfouté assis sur son WC particulier made in China se posait la question. N’ayant pas de réponse il se dit dans son for intérieur qui dégoulinait « c’est comme ça, on n’y peut rien, la brousse est toujours plus forte que l’éléphant ».
Dans le bureau salon des glaces de la présidence, debout sur ses talons aiguilles, Marie-Madeleine Makonzie attendait. Elle serrait le parapheur présidentiel contre sa poitrine. C’était une secrétaire qui avait du tempérament et ce qu’il faut pour aller avec, soit de l’assaisonnement tout en rondeurs en haut devant et en bas derrière. Elle était née là-bas, ailleurs, au pays des Mille Collines, dix ans avant les événements. C’était une rescapée, bienheureuse aujourd’hui d’avoir gravi tous les échelons menant du secrétariat général de la présidence au secrétariat particulier du président. Pour en arriver là, elle n’avait pas du tout abusé de la séduction des femmes qui ne sont pas pressées d’être des mères ou des grand-mères.
La clim fonctionnait à fond pour le plus grand bonheur de Marie-Madeleine, qui venait de lire une histoire très froide, avec des chercheurs d’or et des chiens dans le Grand Nord.
Le président Bocou Sanfouté, après s’être vaporisé de l’eau de Cologne sur tout le corps, arriva dans son bureau des glaces vêtu d’un survêtement violet et or des Lakers, cadeau du gouverneur de Californie. Aux pieds, simplement, il avait enfilé des sans confiance. Ça, il était classe au milieu des glaces !
— 3M, c’est quoi ?
Marie-Madeleine Makonzie savait que chaque fois qu’il l’appelait 3M, il fallait qu’elle soit sur ses gardes. Quelque chose n’allait sans doute pas aujourd’hui, mais quoi ? Elle fit un pas en avant, soit quinze ou vingt pas de tous les côtés sur la surface des miroirs, et dit :
— Excellence, c’est pour les signatures. Les décisions. Les décrets.
Elle tremblotait à présent. Pas à cause du Grand Nord, du vent glacé, de la rivière gelée, non, c’était à cause des signatures. Signer pour que les sauterelles plongent du ciel et dévorent toutes les récoltes ou pour que la foudre tombe sur les turbines de l’ENERJM, ça n’aurait pas été pire. Elle était la seule à savoir. Elle seule avait tapé les décrets sur son ordinateur personnel.
À ce moment précis dans le pays, ni un chien, ni un chat, ni un être humain ne se doutait de quoi que ce soit.
Alors que Bocou Sanfouté contournait son bureau afin de poser ses deux fesses sur les deux coussins de son fauteuil, elle ferma un bref instant les yeux et se souvint de cette vague géante vue à la télé et qui portait un nom japonais, tsumaka ou tsumiko ou tsunami, elle ne savait plus ; elle se souvint aussi d’avoir vu, toujours sur TV5 Monde, un reportage sur le champignon atomique, premier du genre qui allait anéantir Hiroshima. C’était comme ça, il y avait de temps en temps une ultime seconde, une absolument dernière seconde où tout était encore comme avant. Et puis, il y avait la première seconde d’après, où le monde de lui ou de elle ou d’un million de personnes même était chamboulé à mort, sans espoir de retour. Là, dans la clim qui lui donnait à présent une belle chair de poule, elle en vivait une, d’ultime seconde.
Elle posa le parapheur devant Lui, sur le bureau. Il chaussa ses lunettes. Elle ne rit pas. Les lunettes étaient factices, il avait toujours une bonne vue. Mais il avait observé lors d’une réunion de l’UA que plusieurs de ses voisins présidents, encore jeunes, n’hésitaient pas à porter quand cela leur était nécessaire – même en public- des lunettes à monture en or. Il les avait imités et quel que soit le costume ou le treillis, sa posture ou son imposture, peu importe : les lunettes faisaient de lui un authentique président, réfléchi et sérieux. Il lut doucement le premier décret, en subvocalisant comme font les enfants qui ont encore des soucis de lecture ou certains musulmans, lorsqu’ils lisent le saint Coran. Il prit son Bic et sans une miette d’hésitation, il signa. Il lut le second décret et ensuite l’ordonnance N° 236. Il signa. Signa.
— 3M, vous faites ce qu’il faut, pour la presse et les diverses représentations accréditées.
Elle acquiesça. Elle sortit. Il ne contempla même pas ses fesses qui semblaient aussi fermes que des mangues vertes au sortir de l’hivernage. Seul, il prit sa tête dans ses mains, ferma les yeux et soupira. Tout Bocou Sanfouté qu’il était, c’était pas facile pour lui les signatures là, concernant son fils adoptif et son vieil ami, rayés des cadres, effacés du premier cercle des bouffeurs. Et en plus, il avait la diarrhée !
Il prit son portable double Sim et téléphona deux fois. Pour être certain de se faire bien comprendre, il oublia la langue française et parla la langue que tous comprenaient dans la République du Juste Milieu, la langue oubanguiste.
Pour ne pas sombrer dans la mélancolie, armé de son Bic, il tenta de mettre ses idées au clair en les écrivant sur une feuille de papier blanc. Il nota : « Les élections ? » Il se regarda dans quelques-uns des miroirs, et après s’être contemplé de face, de profil, droit dans les yeux et de travers, il se répondit sur le papier : « Est-ce bien nécessaire ? » Trois secondes plus tard, il éclata de rire, il venait de trouver seul la bonne réponse qu’aucun de ses conseillers du Nord, diplômé de la Sorbonne, ou de Harvard ou de Cambridge ne lui avait cette fois soufflée. Mais aïe, son éclat de rire fit suffisamment vibrer ses intestins pour que la courante lui revienne. Alors il courut une fois de plus jusqu’à son WC personnel et se laissa aller. Assis sur la lunette en bois de rose, il était bien. Il ne risquait pas de se souiller. Il rit et de bon cœur. Il avait trouvé, il pouvait seul écrire le sermon qui serait prononcé la semaine prochaine dans toutes les églises, les mosquées et autres lieux de cultes. Ce sermon qui serait repris dans son intégralité par la presse écrite, parlée et télévisée. Sermon bien commenté certainement sur les réseaux sociaux. L’opposition d’ici et l’opposition hors frontières auraient le bec cloué pour un bon moment.
Il essuya son fondement avec le papier de soie présidentiel spécialement importé des Pays-Bas. Il se lava les mains qu’il fit sécher en les agitant et c’est ainsi, ressemblant à un oiseau, qu’il se posa de nouveau sur ses coussins. Armé de son Bic à tout faire, il nota tout heureux : « Jésus perdit les élections, il faut se souvenir de ça. Il était le meilleur Jésus et c’était un communicant de première classe, mais la démocratie a parlé : le peuple a voté et élu l’autre là, Barabas. C’est à cause du peuple que Jésus a été foutu. C’est le peuple en toute liberté qui a choisi. Sans les élections, sans la volonté du peuple, Jésus serait certainement là, à ma place. C’est lui qui présiderait. Il multiplierait le goudron dans les rues de la capitale et ailleurs. Il distribuerait gratuitement le magbèrè quotidien ».
Il allait mieux. Il s’était persuadé, écrivant son sermon pour la ville et le monde, que ce n’étaient rien d’autre que des descendants de Barabas – un parent et un ami pourtant –, qu’il venait d’envoyer en prison en signant les décrets. Des comploteurs qui voulaient le gozo et l’argent du gozo ! Vraiment.
Autour, tout autour de la présidence, du PK 0 au PK 5 et jusqu’au PK 12 et plus loin encore, de faux-semblants en bonnes combines, de bondieuseries en sérézés, de slogans en déclarations solennelles, de poussière rouge en poussière rouge, la capitale grimaçait un peu un peu, souriait un peu un peu, résistait un peu un peu. Mais pour les connaître, tous ces « un peu un peu » de la ville, il fallait y vivre, parce que bon an mal an et en tout cas, la ville avait encore l’animation d’une termitière.
2
C’est pas toutes les filles qui peuvent devenir vendeuse d’eau bénite. Dans une même famille un enfant est comme-ci dès sa naissance et l’autre comme ça. Belvia s’épanouissait à l’ombre de Notre Dame bien-aimée de Jésus, et de la croix qui sert de totem à toutes les églises chrétiennes du monde. Elle chantait dans le chœur des Vierges de Saint Martyr de l’Ouganda, à Lokouingo, et question eau bénite, on disait qu’elle pouvait y rester en apnée du matin au soir. L’eau bénite, elle en vendait aux riches comme aux pauvres, mais surtout aux pauvres. C’était son occupation.
Sa sœur, même père même mère pourtant, était complètement différente. C’était une personne qu’on aurait pu croire sortie du ventre d’une autre planète. Arôme Maggi, on l’appelait dans la ville, et ce nom, elle l’avait gagné toute petite encore, alors qu’elle fréquentait le CM2. À cette époque, plusieurs fois des militaires du pays ou des militaires tchadiens avaient essayé de la coincer dans un petit coin pour jouer avec elle, mais elle était déjà fine mouche. Elle avait toujours sur elle la carte du CNLS avec laquelle sa tante décédée allait chercher chaque mois sa trithérapie. Il y avait toujours un militaire qui savait un peu lire et qui devinait pour les autres. Il donnait l’alerte : « la petite là est contaminée, elle a les quatre lettres ». C’était bien joué. Ils la laissaient tranquille et allaient en violer une autre.
À l’époque elle habitait quartier Cécidou. C’est seulement l’année où elle avait intégré les forces armées qu’avec sa mère, son vieux père et sa sœur, elle avait déménagé, pas très loin, dans un appartement à BOCA 1. Oui, oui, les forces armées. Elle avait bien compris que dans la bordellerie de la ville, une fille comme elle ne durerait pas longtemps intacte avec tous les fouteurs de merde habillés. Alors, habillée à son tour, elle pensait que son uniforme plus une arme bien entretenue la protégerait. Elle avait fréquenté jusqu’à la classe de troisième et elle avait obtenu son brevet. Elle était donc probablement la plus savante de tous les militaires du pays tous sexes confondus. Hum…
C’était une parité Arôme Maggi. Elle avait été recrutée quand, dans un moment d’égarement sans doute, son Excellence Bocou Sanfouté avait décrété que son armée devait avoir autant de soldates que de soldats. Prudent quand même, il avait redécrété tout de suite qu’il n’y aurait pas dans un premier temps d’unité mixte. En son temps le grand guide Mouhamar Point K avait montré la voie et engagé des femmes. Pendant longtemps cela lui avait porté chance.
On peut le dire et même le répéter à l’envi, Arôme Maggi depuis toute petite était naturellement une remueuse de cul. C’était une bombe anatomique, on disait ça. Celle-là oui, tu la lançais sur le champ de bataille et tous les yeux des rebelles se tournaient vers elle ; son devant ou son derrière pouvait même réorienter un nuage de criquets !
Elle avait fait ses classes à la dure et bénéficié ensuite d’une formation spéciale de l’UE. Présentement, elle était tireuse d’élite, avec le grade de capitaine. Habillée ou pas, exhibant ses galons ou pas, elle méritait toujours son nom parce qu’elle était vraiment le cube Maggi de son escouade et du quartier BOCA 1, cité Véronique, où elle avait toujours sa chambre chez ses parents. Le cube Maggi, le cul magique, on ne savait plus trop comment dire. Arôme était discrète, et si chez elle dans sa chambre, Fiston, un footballeur de l’US Tornade Mocaf profitait seul à cent pour cent de ses faveurs, personne ne savait ça.
Elle, qui avait mangé le papier longtemps, jusqu’à la dernière classe du collège, n’avait aucune difficulté pour lire un ordre écrit en langue nationale oubanguiste ou en langue officielle française. Ce jour-là, elle avait lu. Elle avait compris l’ordre. Son escouade avec elle-même à sa tête était désignée par volonté présidentielle pour assurer la sécurité et le gardiennage général du nouveau quartier VIP de la prison nationale Ngirigbi. Un beau quartier, construit avec des financements de la Banque Mondiale, par Trictrac, un des champions français du BTP.
Elle réunit ses sœurs habillées et les informa :
— Le président compte sur nous. Nous devrons être à la hauteur. Il faudra garder ce quartier avec doigté, parce qu’on le sait, un prisonnier VIP d’aujourd’hui peut être demain un président acclamé par tous.
Après huit jours d’entraînement spécial et d’écoute de bons conseils, l’escouade d’Arôme au grand complet, soit cinquante-deux femmes d’élite, visitèrent leur nouveau champ de manœuvre. Elles furent les premières à tout voir, c’était la veille de l’inauguration officielle. On leur remit les clés, les codes et tout et tout. Le quartier avait été construit un peu comme la prison de La Haye, celle de la Cour Pénale Internationale, la CPI. C’était bien. Du trois ou quatre étoiles de luxe. Chaque cellule bénéficiait de la clim, d’une salle de bain avec WC, d’un bureau, d’une armoire, d’un fauteuil, d’une chaise et d’un lit double, bien qu’en principe