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Lettres écrites de Lausanne
Lettres écrites de Lausanne
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Livre électronique174 pages2 heures

Lettres écrites de Lausanne

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À propos de ce livre électronique

"Lettres écrites de Lausanne", de Isabelle de Charrière. Publié par Good Press. Good Press publie un large éventail d'ouvrages, où sont inclus tous les genres littéraires. Les choix éditoriaux des éditions Good Press ne se limitent pas aux grands classiques, à la fiction et à la non-fiction littéraire. Ils englobent également les trésors, oubliés ou à découvrir, de la littérature mondiale. Nous publions les livres qu'il faut avoir lu. Chaque ouvrage publié par Good Press a été édité et mis en forme avec soin, afin d'optimiser le confort de lecture, sur liseuse ou tablette. Notre mission est d'élaborer des e-books faciles à utiliser, accessibles au plus grand nombre, dans un format numérique de qualité supérieure.
LangueFrançais
ÉditeurGood Press
Date de sortie24 avr. 2021
ISBN4064066083571
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    Lettres écrites de Lausanne - Isabelle de Charrière

    Isabelle de Charrière

    Lettres écrites de Lausanne

    Publié par Good Press, 2022

    [email protected]

    EAN 4064066083571

    Table des matières

    PREMIERE LETTRE

    LETTRE II

    LETTRE III

    LETTRE V

    LETTRE VII

    LETTRE VIII

    LETTRE IX

    LETTRE X

    LETTRE XI

    LETTRE XII

    LETTRE XIII

    LETTRE XIV

    LETTRE XV

    LETTRE XVI

    LETTRE XVII

    LETTRES. ECRITES DE LAUSANNE

    LETTRE XVIII

    LETTRE XIX

    LETTRE XX

    LETTRE XXI

    LETTRE XXII

    LETTRE XXIII

    LETTRE XXIV

    LETTRE XXV

    PREMIERE LETTRE

    Table des matières

    Le 30 Novembre 1784.

    Combien vous avez tort de vous plaindre! Un gendre d'un mérite médiocre, mais que votre fille a épousé sans répugnance; un établissement que vous-même regardez comme avantageux, mais sur lequel vous avez été à peine consultée! Qu'est-ce que cela fait? que vous importe? Votre mari, ses parents et des convenances de fortune ont tout fait. Tant mieux. Si votre fille est heureuse, en serez-vous moins sensible à son bonheur? Si elle est malheureuse, ne sera-ce pas un chagrin de moins que de n'avoir pas fait son sort? Que vous êtes romanesque! Votre gendre est médiocre; mais votre fille est-elle d'un caractère ou d'un esprit si distingué? On la sépare de vous; aviez-vous tant de plaisir à l'avoir auprès de vous? Elle vivra à Paris; est-elle fâchée d'y vivre? Malgré vos déclamations sur les dangers, sur les séductions, les illusions, le prestige, le délire, etc., seriez-vous fâchée d'y vivre vous-même? Vous êtes encore belle, vous serez toujours aimable; je suis bien trompée, ou vous iriez de grand coeur vous charger des chaînes de la Cour, si elles vous étaient offertes. Je crois qu'elle vous seront offertes. A l'occasion de ce mariage on parlera de vous, et l'on sentira ce qu'il y aurait à gagner pour la princesse qui attacherait à son service une femme de votre mérite, sage sans pruderie, également sincère et polie, modeste quoique remplie de talents. Mais voyons si cela est bien vrai. J'ai toujours trouvé que cette sorte de mérite n'existe que sur le papier, où les mots ne se battent jamais, quelque contradiction qu'il y ait entr'eux. Sage et point prude! Il est sûr que vous n'êtes point prude: je vous ai toujours vue fort sage; mais vous ai-je toujours vue? M'avez-vous fait l'histoire de tous les instants de votre vie? Une femme parfaitement sage serait prude; je le crois du moins. Mais passons là-dessus. Sincère et polie! Vous n'êtes pas aussi sincère qu'il serait possible de l'être, parce que vous êtes polie; ni parfaitement polie, parce que vous êtes sincère; et vous n'êtes l'un et l'autre à la fois, que parce que vous êtes médiocrement l'un et l'autre. En voilà assez; ce n'est pas vous que j'épilogue; j'avais besoin de me dégonfler sur ce chapitre. Les tuteurs de ma fille me tourmentent quelquefois sur son éducation; ils me disent et m'écrivent qu'une jeune fille doit acquérir les connaissances qui plaisent dans le monde, sans se soucier d'y plaire. Et où diantre prendra-t-elle de la patience et de l'application pour ses leçons de clavecin si le succès lui en est indifférent? On veut qu'elle soit à la fois franche et réservée. Qu'est-ce que cela veut dire? On veut qu'elle craigne le blâme sans désirer la louange? On applaudit à toute ma tendresse pour elle; mais on voudrait que je fusse moins continuellement occupée à lui éviter des peines et à lui procurer du plaisir. Voilà comme, avec des mots qui se laissent mettre à côté les uns des autres, on fabrique des caractères, des législations, des éducations et des bonheurs domestiques impossibles. Avec cela on tourmente les femmes, les mères, les jeunes filles, tous les imbéciles qui se laissent moraliser. Revenons à vous, qui êtes aussi sincère et aussi polie qu'il est besoin de l'être; à vous, qui êtes charmante; à vous, que j'aime tendrement. Le marquis de *** m'a dit l'autre jour qu'il était presque sûr qu'on vous tirerait de votre province. Eh bien! laissez-vous placer à la Cour, sans vous plaindre de ce qu'exige de vous votre famille. Laissez-vous gouverner par les circonstances, et trouvez-vous heureuse qu'il y ait pour vous des circonstances qui gouvernent, des parents qui exigent, un père qui marie sa fille, une fille peu sensible et peu réfléchissante qui se laisse marier. Que ne suis-je à votre place! Combien, en voyant votre sort, ne suis-je pas tentée de blâmer le zèle religieux de mon grand-père! Si, comme son frère, il avait consenti à aller à la messe, je ne sais s'il s'en trouverait aussi bien dans l'autre monde; mais moi, il me semble que je m'en trouverais mieux dans celui-ci. Ma romanesque cousine se plaint; il me semble qu'à sa place je ne me plaindrais pas. Aujourd'hui je me plains; je me trouve quelquefois très à plaindre. Ma pauvre Cécile, que deviendra-t-elle? Elle a dix-sept ans depuis le printemps dernier. Il a bien fallu la mener dans le monde pour lui montrer le monde, la faire voir aux jeunes hommes qui pourraient penser à elle… Penser à elle! Quelle ridicule expression dans cette occasion-ci! Qui penserait à une fille dont la mère est encore jeune, et qui pourra avoir après la mort de cette mère vingt-six mille francs de ce pays! cela fait environ trente-huit mille livres de France. Nous avons de rente, ma fille et moi, quinze cents francs de France. Vous voyez bien que, si on l'épouse, ce ne sera pas pour avoir pensé, mais pour l'avoir vue. Il faut donc la montrer; il faut aussi la divertir, la laisser danser. Il ne faut pourtant pas la trop montrer, de peur que les yeux ne se lassent; ni la trop divertir, de peur qu'elle ne puisse plus s'en passer, de peur aussi que ses tuteurs ne me grondent, de peur que les mères des autres ne disent: C'est bien mal entendu! Elle est si peu riche! Que de temps perdu à s'habiller, sans compter le temps où l'on est dans le monde! Et puis cette parure, toute modeste qu'elle est, ne laisse pas de coûter: les gazes, les rubans, etc.; car rien n'est si exact, si long, si détaillé que la critique des femmes. Il ne faut pas non plus la laisser trop danser; la danse l'échauffe et ne lui sied pas bien: ses cheveux, médiocrement bien arrangés par elle et par moi, lui donnent en se dérangeant un air de rudesse; elle est trop rouge, et le lendemain elle a mal à la tête ou un saignement de nez; mais elle aime la danse avec passion: elle est assez grande, bien faite, agile, elle a l'oreille parfaite; l'empêcher de danser serait empêcher un daim de courir. Je viens de vous dire comment est ma fille pour la taille; je vais vous dire ce qu'elle est pour le reste. Figurez-vous un joli front, un joli nez, des yeux noirs un peu enfoncés ou plutôt couverts, pas bien grands, mais brillants et doux; les lèvres un peu grosses et très vermeilles, les dents saines, une belle peau de brune, le teint très animé, un cou qui grossit malgré tous les soins que je me donne, une gorge qui serait belle si elle était plus blanche, le pied et la main passables; voilà Cécile. Si vous connaissiez madame R***, ou les belles paysannes du Pays-de-Vaud, je pourrais vous en donner une idée plus juste. Voulez vous savoir ce qu'annonce l'ensemble de cette figure? Je vous dirai que c'est la santé, la bonté, la gaieté, la susceptibilité d'amour et d'amitié, la simplicité de coeur et la droiture d'esprit, et non l'extrême élégance, délicatesse, finesse, noblesse. C'est une belle et bonne fille que ma fille. Adieu, vous m'allez demander mille choses sur son compte, et pourquoi j'ai dit: Pauvre Cécile! que deviendra-t-elle? Eh bien! demandez; j'ai besoin d'en parler, et je n'ai personne ici à qui je puisse en parler.

    LETTRE II

    Table des matières

    Eh bien, oui. Un joli jeune homme savoyard habillé en fille. C'est assez cela. Mais n'oubliez pas, pour vous la figurer aussi jolie qu'elle est, une certaine transparence dans le teint, je ne sais quoi de satiné, de brillant que lui donne souvent une légère transpiration: c'est le contraire du mat, du terne, c'est le satiné de la fleur rouge des pois odoriférants. Voilà bien à présent ma Cécile. Si vous ne la reconnaissiez pas en la rencontrant dans la rue, ce serait votre faute. Pourquoi, dites-vous, un gros cou? C'est une maladie de ce pays, un épaississement de la lymphe, un engorgement dans les glandes, dont on n'a pu rendre raison jusqu'ici. On l'a attribué longtemps aux eaux trop froides, ou charriant du tuf; mais Cécile n'a jamais bu que de l'eau panée, ou des eaux minérales. Il faut que cela vienne de l'air: peut-être du souffle froid de certains vents, qui font cesser quelquefois tout-à-coup la grande chaleur. On n'a point de goîtres sur les montagnes; mais, à mesure que les vallées sont plus étroites et plus profondes, on en voit davantage et de plus gros. Ils abondent surtout dans les endroits où l'on voit le plus d'imbéciles et d'écrouelleux. On y a trouvé des remèdes, mais point encore de préservatifs, et il ne me paraît pas décidé que les remèdes emportent entièrement le mal et soient sans inconvénient pour la santé. Je redoublerai de soin pour que Cécile soit toujours garantie du froid de l'air du soir, et je ne ferai pas autre chose; mais je voudrais que le Souverain promît des prix à ceux qui découvriraient la nature de cette difformité, et qui indiqueraient les meilleurs moyens de s'en préserver. Vous me demandez comment il arrive qu'on se marie quand on n'a à mettre ensemble que trente-huit mille francs, et vous êtes étonnée qu'étant fille unique je ne sois pas plus riche. La question est étrange. On se marie, parce qu'on est un homme et une femme, et qu'on se plaît; mais laissons cela, je vous ferai l'histoire de ma fortune. Mon grand-père, comme vous le savez, vint du Languedoc avec rien; il vécut d'une pension que lui faisait le vôtre, et d'une autre qu'il recevait de la Cour d'Angleterre. Toutes deux cessèrent à sa mort. Mon père fut capitaine au service de Hollande. Il vivait de sa paye et de la dot de ma mère, qui fut de six mille francs. Ma mère, pour le dire en passant, était d'une famille bourgeoise de cette ville, mais si jolie et si aimable, que mon père ne se trouva jamais pauvre ni mal assorti avec elle; et elle en fut si tendrement aimée, qu'elle mourut de chagrin de sa mort. C'est à elle, non à moi ni à son père, que Cécile ressemble. Puisse-t-elle avoir une vie aussi heureuse, mais plus longue! Puisse même son sort être aussi heureux, dût sa carrière n'être pas plus longue! Les six mille francs de ma mère ont été tout mon bien. Mon mari avait quatre frères. Son père donna à chacun d'eux dix mille francs quand ils eurent vingt-cinq ans: il en a laissé encore dix mille aux quatre cadets; le reste à l'aîné avec une terre estimée quatre-vingt mille francs. C'était un homme riche pour ce pays-ci, et qui l'aurait été dans votre province; mais quand on a cinq fils, et qu'ils ne peuvent devenir ni prêtres ni commerçants, c'est beaucoup de laisser à tous de quoi vivre. La rente de nos vingt-six ou trente-huit mille francs suffit pour nous donner toutes les jouissances que nous désirons; mais vous voyez qu'on n'épousera pas Cécile pour sa fortune. Il n'a pourtant tenu qu'à moi de la marier… Non, il n'a pas tenu à moi; je n'aurais pu m'y résoudre, et elle-même n'aurait pas voulu. Il s'agissait d'un jeune ministre son parent du côté de ma mère, d'un petit homme pâle et maigre, choyé, chauffé, caressé par toute sa famille. On le croit, pour quelques mauvais vers, pour quelques froides déclamations, le premier littérateur, le premier génie, le premier orateur de l'Europe. Nous fûmes chez ses parents, ma fille et moi, il y a environ six semaines. Un jeune lord et son gouverneur, qui sont en pension dans cette maison, passèrent la soirée avec nous. Après le goûté, on fit des jeux d'esprit; ensuite on joua à colin-maillard, ensuite au loto. Le jeune Anglais est en homme ce que ma fille est en femme, c'est un aussi joli villageois anglais que Cécile est une belle villageoise du Pays-de-Vaud. Il ne brilla pas aux jeux d'esprit, mais Cécile eut bien plus d'indulgence pour son mauvais français que pour le fade bel esprit de son cousin, ou, pour mieux dire, elle ne prit point garde à celui-ci; elle s'était faite la gouvernante et l'interprète de l'autre. A colin-maillard vous jugez bien qu'il n'y eut point de comparaison entre leur adresse; au loto, l'un était économe et attentif, l'autre distrait et magnifique. Quand il fut question de s'en aller: Jeannot, dit la mère, tu ramèneras la Cécile; mais il fait froid, mets ta redingote, boutonne-la bien. La tante lui apporta des galoches. Pendant qu'il se boutonnait comme un porte-manteau, et semblait se préparer à un voyage de long cours, le jeune Anglais monte l'escalier quatre à quatre, revient comme un trait avec son chapeau, et offre la main à Cécile. Je ne pus pas m'empêcher de rire, et je dis au cousin qu'il pouvait se désemmaillotter. Si auparavant son sort auprès de Cécile eût été douteux, ce moment le décidait. Quoiqu'il soit fils unique de riches parents, et qu'il doive hériter de cinq ou six tantes, Cécile n'épousera pas son cousin le ministre; ce serait Agnès et le corps mort: mais, au lieu de ressusciter, il pourrait devenir plus mort. Ce corps mort a un ami très vivant, ministre aussi, qui est devenu amoureux de Cécile pour l'avoir vue deux ou trois fois chez la mère de son ami. C'est un jeune homme de la vallée du lac de Joux, beau, blond, robuste, qui fait fort bien dix lieues par jour, qui chasse plus qu'il n'étudie, et qui va tous les dimanches prêcher à son annexe, à une lieue de chez lui; en été sans parasol, et en hiver sans redingote ni galoches: il porterait au besoin son pédant petit ami sur le bras. Si ce mari convenait à ma fille, j'irais de grand coeur vivre avec eux dans une cure de montagne; mais il n'a que sa paye de ministre pour toute fortune, et ce n'est pas même la plus grande difficulté: je crains la finesse montagnarde, et Cécile s'en accommoderait moins que toute autre femme; d'ailleurs mes beaux-frères, ses tuteurs, ne consentiraient jamais à une pareille alliance; et moi-même je n'y consentirais qu'avec peine. La noblesse, dans ce pays-ci, n'est bonne à rien du tout, ne donne aucun privilège, aucun droit, aucune exemption; mais si cela la rend plus ridicule chez ceux qui ont de la

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