La soirée des sorcières: La soirée des sorcières
Par Silver RavenWolf
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Aperçu du livre
La soirée des sorcières - Silver RavenWolf
Traduit de l’anglais par
Renée Thivierge
Copyright © 2000 Silver RavenWolf
Titre original anglais : Witches’ Night Out
Copyright © 2012 Éditions AdA Inc. pour la traduction française
Cette publication est publiée en accord avec Llewellyn Publications, Woodbury, MN, www.llewellyn.com
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.
Éditeur : François Doucet
Traduction : Renée Thivierge
Révision linguistique : Féminin pluriel
Correction d’épreuves : Suzanne Turcotte, Katherine Lacombe
Conception de la couverture : Tho Quan
Photo de la couverture : © Thinkstock
Mise en pages : Sébastien Michaud
ISBN papier 978-2-89667-528-9
ISBN PDF numérique 978-2-89683-316-0
ISBN ePub 978-2-89683-317-7
Première impression : 2012
Dépôt légal : 2012
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque Nationale du Canada
Éditions AdA Inc.
1385, boul. Lionel-Boulet
Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7
Téléphone : 450-929-0296
Télécopieur : 450-929-0220
www.ada-inc.com
Diffusion
Canada : Éditions AdA Inc.
France : D.G. Diffusion
Z.I. des Bogues
31750 Escalquens — France
Téléphone : 05.61.00.09.99
Suisse : Transat — 23.42.77.40
Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99
Imprimé au Canada
Participation de la SODEC.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
RavenWolf, Silver, 1956-
La soirée des sorcières
(Sorcières et frissons ; 1)
Traduction de : Witches’ Night Out.
Pour les jeunes.
ISBN 978-2-89667-528-9
I. Thivierge, Renée, 1942- . II. Titre.
PZ23.R38Soi 2012 j813’.54 C2011-942680-3
Version ePub:
www.Amomis.com
Je dédicace ce livre aux trente-trois millions
d’adolescents des États-Unis.
Vous êtes tout cela — et plus encore.
Chapitre 1
Jeudi 3 septembre
Haïr. Elle caressa la fourrure noire et soyeuse du chat blotti dans ses bras. Les pales du ventilateur de la fenêtre de sa chambre faisaient tournoyer le doux souffle de l’été indien sur son front, puis ralentissaient pour s’arrêter en douceur. Satisfaite, elle observa la rondelette gouvernante marcher dans l’herbe, qui avait désespérément besoin d’une dernière tonte. La femme ressemblait à un bateau blanc qui se déplaçait délibérément à travers la mer vert émeraude aussi connue comme la pelouse de la famille Salem. Poussant des cris perçants, une corneille se mit à voler en cercle au-dessus du jardin, avant de s’installer sur la clôture de piquets blancs pour lisser ses plumes noires luisantes. La gouvernante continua de se diriger vers son appartement au-dessus du garage. Déterminée, la femme passa devant l’oiseau, ignorant ses ailes qui s’agitaient et ses cris gutturaux aigus, une bourrasque d’après-midi faisant claquer ses vêtements blancs. Le ventilateur bruissa de nouveau, ralentit et s’arrêta — tout comme la vie ici à Cedar Crest.
Peut-être que l’oiseau donnerait des coups de bec dans les yeux de la femme ? Bethany Salem se détourna de la fenêtre. Elle voulait tellement haïr quelqu’un. Mais qui ? Son père disait que ce n’était que de l’angoisse existentielle d’adolescente. Qu’en savait-il ? Tous ces mois, personne ne voulait l’écouter. On disait : « Pauvre Bethany. Si affreusement triste. Tu vas finir par t’en sortir. »
Elle tripota le collier de cuir rouge autour du cou d’Hécate. Bethany ne savait vraiment pas qui elle devrait haïr le plus. Son père ? La nouvelle gouvernante ? Le glissement de terrain inconnu qui lui avait enlevé Joe ? Ou les amis qui l’avaient rejetée ? Il y en avait tellement… Ce qu’elle savait par contre, c’est que lorsqu’elle trouverait la personne qui avait tué Joe, cet individu était certain de récolter la bombe de haine qu’elle cultivait à l’intérieur d’elle. Cet être regretterait le jour où il était entré dans cette incarnation. Elle s’en assurerait personnellement.
Ses yeux remplis de larmes ignorèrent la photographie de Joe, l’encadrement luxueux captant la lumière citrouille dorée du soleil couchant. Il lui rendit son sourire, figé dans le temps, suspendu dans sa mémoire. Après tout, ce n’était qu’une photographie.
La couronne se froissa à son contact. Elle se savait stupide d’être aussi théâtrale, façonnant l’arrangement séché avec ses épines assoiffées de sang et ses rubans de satin noir, puis l’accrochant — en fait, l’obscurcissant presque — au-dessus de la photographie de son petit ami décédé. À chaque torsion du ruban, à chaque goutte de son sang, elle avait souhaité la capture du meurtrier.
C’était arrivé il y avait trois mois.
Rien ne s’était passé depuis.
Nada.
Zéro.
Une impasse.
La vie dans cette stupide ville-dortoir de Cedar Crest s’écoulait comme à l’accoutumée. Bethany avait passé l’été à s’adonner à des trucs normaux. Bien que seule, elle avait pratiqué toutes ces activités quand même. Le cinéma en plein air, la natation, l’équitation, le golf, le voyage occasionnel au parc d’attractions ou une excursion dans la Grande Pomme. Toujours seule, avec l’attention sporadique de son père, qui avait oublié son seizième anniversaire. C’était comme si elle n’avait jamais existé. Personne ne lui avait envoyé de carte ou téléphoné pour lui laisser des messages d’anniversaires animés. Aucun présent. Rien. Elle était une ombre dans un monde affairé.
Ce jour-là ? La goutte qui avait fait déborder le vase. C’était la deuxième journée à l’école secondaire Cedar Crest. Les salles remplies de rires, mais dépourvues du sourire de Joe, de sa douceur charismatique, de ses blagues stupides. Elle avait failli éclater en sanglots et s’écrouler devant tout le monde. Les doigts de Bethany jouaient avec le collier à pentacle qui pendillait de la fine chaîne d’argent autour de son cou. On les avait spécialement créés l’an dernier : un pentacle entouré des huit phases de la lune. Chaque membre de son groupe en possédait un, même si elle doutait qu’ils continuent de le porter. Le disque d’argent se réchauffa entre ses doigts.
Ce n’était pas comme s’il y avait beaucoup de choses sur lesquelles elle pouvait compter. Personne ne la croyait. Mais ce n’était pas grave. Elle avait un plan. Son idée avait germé pendant l’été, cuisinant lentement dans sa tête, bouillonnant comme un fin élixir dans un chaudron de sorcière, attendant que les pensées mûrissent suffisamment pour être cueillies, raffinées et concrétisées.
Le jour était venu.
Et dès lors, elle allait commencer. Elle savait qu’il lui faudrait se presser. Certains d’entre eux étaient déjà arrivés. Elle avait entendu la gouvernante les laisser entrer avant de partir. Une dernière chose à faire. Avec Hécate niché inconfortablement sous un bras, elle retira une bougie noire parfumée de la commode et déposa la bougie au doux parfum dans une tasse de verre. Elle l’alluma, murmurant les paroles que sa mère lui avait apprises quand elle était une petite fille :
— Lumière vive, lumière de l’âme, lueur de bougie vivifiante. Ombres tombantes. Je lance un appel à la force de la Mère, à la protection du Père, à la sagesse de l’Esprit. Ainsi soit-il.
Hécate se débattit dans ses bras, émettant un faible grognement de mécontentement. Bethany gratta le chat sous le menton, ce qui l’apaisa momentanément. Peu importe ce qui se passait ce soir-là, elle savait qu’elle déclencherait possiblement des choses qu’elle ne saurait peut-être pas maîtriser. Mais cela ne la dérangeait pas — elle ressentait de la haine, et c’était suffisant. Elle utiliserait ses amis pour obtenir ce qu’elle voulait. Sans culpabilité.
Donc, après l’école, elle les appela, et à ce moment précis, elle le savait, ils étaient là.
Les larmes menaçaient d’exploser, ce qui rendait ses paupières épaisses, lourdes, irritées. Elle avala sa salive. Il ne fallait pas qu’elle s’écroule à ce moment. Ses bras se serrèrent, et le chat commença à se plaindre. Immédiatement, elle desserra sa poigne.
Des esclaffements et des fous rires s’élevaient du salon en dessous, agressant ses oreilles. Elle avait déjà évolué dans le monde de la lumière. À ce moment, elle était en train de se transformer et de muter dans le royaume des ombres, où les meurtriers irrésolus étaient libres et les esprits comme le sien les pourchassaient implacablement.
— Au destin ! murmura-t-elle à ses larges yeux sombres, qui lui retournaient son regard du miroir de sa commode. À la mort !
Lentement, elle descendit l’escalier, le chat toujours dans ses bras, suivant les voix de ses supposés amis. Des gens qui avaient refusé de lui parler pendant des semaines. Des gens qui la traitaient de folle quand elle essayait de les convaincre de l’aider à trouver la vérité. Elle était heureuse qu’ils soient venus. Un petit sourire sombrement séduisant toucha ses lèvres.
Alors qu’elle atteignait le palier, elle entendit la voix de Nick, suivie par celle de Karen. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Le rire de Tillie retentit dans le couloir. Nam répondit à une question. Le chat s’agita, cambrant le dos pour lui indiquer qu’il voulait qu’elle le dépose immédiatement par terre. Elle le laissa partir, l’observant pendant qu’il se précipitait pour remonter l’escalier recouvert de tapis vert, sa queue noire dressée vers le plafond.
— Quel impertinent tu es ! murmura-t-elle, frottant son bras pour faire disparaître les égratignures à la surface de sa peau.
Il n’y avait aucun signe de Ramona dans la maison. De la fenêtre de sa chambre, elle avait vu la gouvernante partir, mais cela ne voulait rien dire. Les adultes pouvaient être malins. Surtout celle-là. Il y avait quelque chose de sournois chez cette femme, Bethany pouvait le sentir. Quelque chose qui n’allait pas. Elle repoussa son épaisse chevelure derrière ses oreilles. L’horloge grand-père du hall d’entrée sonna la demie de l’heure.
Au début, ils avaient nommé leurs réunions « les jeudis des sorcières », et le nom était resté. Tous les six se réunissaient ici en secret dans sa maison. Chaque jeudi soir, pendant presque une année — jusqu’à la mort de Joe. Jusqu’au soir où il ne vint pas au cercle. Jusqu’à ce qu’on le trouve mort sur l’autoroute, la tête sous le panneau indicateur de la route 15, le reste de son corps étalé le long du caniveau d’écoulement de la Orr Bank Road — la voiture n’étant qu’un mauvais prétexte pour la sécurité offerte par les fabricants américains.
Une sardine morte était mieux protégée.
Elle retrouva ses prétendus amis dans la salle familiale. Sa main se déplaça involontairement vers son collier de cercle. Porteraient-ils leurs colliers ?
— Bon sang, j’ai cru que cette Ramona ne partirait jamais ! dit Tillie, s’affalant sur le sofa et passant ses doigts bruns à travers les tresses à l’Africaine dans ses cheveux noirs. Comment ton père l’a-t-il trouvée ?
Bethany essaya de dissimuler ce qu’elle ressentait et se mit à sourire.
— Elle est tout simplement apparue à notre porte, la semaine dernière. Elle a expliqué qu’elle avait entendu dire que notre dernière gouvernante s’était mariée et s’était installée en Arkansas. Bizarre.
Bethany croyait vraiment que quelque part dans le patrimoine génétique de Tillie, il y avait du sang de fée. La Sidh pourrait être dangereuse. Il y avait ces oreilles brunes, dont le haut était pointu, et la façon féerique avec laquelle elle pouvait deviner tout ce que vous pensiez. Il y avait certainement de la féerie de l’Ancien Monde quelque part chez elle. Sans aucun doute une candidate qui pourrait aimer tuer.
Tillie roula ses yeux bruns dorés.
— La femme est bizarre ! annonça-t-elle tout en défroissant les plis de sa jupe écarlate.
L’an dernier, Tillie portait des jeans. Cette année, c’était des jupes et des robes.
Dieu, que les temps changent !
Avec des doigts aux ongles rongés, Karen renversa sa queue de cheval d’un blond blanc.
— Et la façon dont elle parle d’elle comme si elle était deux personnes… si vous me le demandez, je vous dirais qu’elle n’a pas tous ses esprits !
Nam pencha la tête, ses cheveux d’un noir bleuté à la hauteur des épaules bruissant sur sa veste de velours bleu. Aujourd’hui, c’était bleu. Nam portait toujours des vêtements parfaitement coordonnés — veste bleue, blouse bleue, bas de nylon bleus, chaussures bleues — bleu, bleu, bleu. Le lendemain, la couleur serait peut-être rose, ou verte, ou mauve. La brillance de son collier de cercle argenté ressortait contre le bleu de sa blouse.
— On avait l’impression qu’elle se tenait aux alentours parce qu’elle savait que nous voulions faire quelque chose. Et ces vêtements blancs. Quelle étrange façon de se vêtir ! remarqua Nam. Est-elle du genre fanatique ? Comment as-tu dit qu’elle s’appelait ?
— Ramona, répondit Bethany. Comme dans le mot anglais moan, qui signifie « gémir ».
Elle serra son ventre et fit sa meilleure imitation d’un gémissement. Les autres se mirent à ricaner. La douleur dans le cœur de Bethany s’atténua, même si ce ne fut qu’un instant.
— Je me suis assurée que papa avait organisé son horaire pour qu’elle puisse avoir ses jeudis soir libres. Je croyais qu’elle ne partirait jamais.
Nick se tenait devant la fenêtre panoramique, sa haute taille illuminée par le soleil couchant de septembre, ses cheveux blonds flamboyant de bandes de lumière orange doré. Le meilleur ami de Joe. Le viril capitaine de l’équipe de football de Cedar Crest. Robuste. Le type de gars qui finirait dans l’univers des sports dangereux de plein air. Intéressant que, pendant les funérailles, il ait ignoré Bethany quand elle avait essayé de lui dire que quelque chose ne tournait pas rond. Vraiment pas rond. Peut-être était-il impliqué ?
Nick pencha la tête.
— Elle sait que ton père est retenu au bureau de New York et qu’il ne rentrera pas avant demain. Elle en a parlé lorsque je suis arrivé ici. Elle croit probablement que nous allons prendre de la drogue, grogna Nick. Il a fallu l’enjôler un peu pour qu’elle parte.
— Elle croit probablement que nous allons faire la fête, dit Tillie alors qu’elle lançait son sac à dos Jordache jaune sur l’épais tapis brun.
— Ou bien faire de la course d’accélération sur la rue principale, ajouta Karen, faisant subir une torsion supplémentaire à sa queue de cheval, ce qui lui donnait plutôt l’allure d’un jouet pour chien que d’une chevelure.
Elle cligna de ses yeux bleu tendre et fit un large sourire. Avait-elle quelque chose à voir avec la mort de Joe ? Bethany ne croyait pas que ses cellules cérébrales pouvaient être capables d’une telle tâche, mais on ne pouvait jamais être certain.
Nam étudia la paume de sa petite main, examinant son vernis à ongles bleu.
— Moi, j’aime pas mal cette gouvernante. Elle est plutôt… exotique, non ? Tous ces vêtements blancs contre sa peau olive. Comme si elle sortait d’un film ou quelque chose du genre. Et j’adore sa chevelure. Toutes ces tresses épaisses. Ta dernière gouvernante, c’était l’enfer !
— Elle est partie maintenant, dit Tillie, composant une étoile imaginaire dans l’air en faisant claquer ses doigts.
« Oui, songea Bethany, et peut-être est-ce toi qui seras la prochaine à partir ? »
— Je n’ai pas confiance en cette Ramona. De toute façon, d’où vient-elle ? demanda Nick.
— De La Nouvelle-Orléans, dit Nam avec un petit rire.
— Qu’est-ce qui est si amusant ? demanda Nick.
Tillie fit la grimace.
— Nous avons dû rester ici à l’écouter pendant que Bethany était dans sa chambre. Tu étais en retard, tu te souviens ?
— Je vous l’ai dit quand je suis arrivé, l’entraînement de football s’est terminé tard, et alors ma sœur m’a demandé de faire des courses pour elle. Tout cela m’a pris plus de temps que je le croyais.
— C’est probablement ce qu’elle avait planifié, précisa Karen. Ta sœur est vraiment dingue. Pourquoi ne la places-tu pas dans un asile de fous ?
— Allez, Karen, dit Tillie. Nous en avons déjà parlé avant.
Elle jeta un rapide coup d’œil vers Nick avant de reprendre :
— Marissa n’a pas encore surmonté la perte de ses parents l’hiver dernier. Donc, elle est un peu trop protectrice. Elle finira par s’en sortir. Elle joue simplement la grande sœur maintenant.
Karen tourna soudainement la tête, sa queue de cheval sifflant comme si elle avait été électrocutée.
— Je suis surprise qu’elle ne soit pas déjà arrivée ici en prétendant que Nick a oublié quelque chose pour qu’elle puisse le surveiller, mentionna Karen, lançant à Nick un petit sourire de dégoût. Ça n’aurait pas été la première fois.
— Ça alors, Karen, tu deviens terriblement méchante, dit Bethany, levant une main en réponse à la bouche ouverte de Karen. Comment te sentirais-tu si tes parents étaient morts ?
— Ça ne me ferait rien, affirma