Pulsation
Par Patrick Carman
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À propos de ce livre électronique
Patrick Carman
Patrick Carman is the New York Times bestselling author of over thirty books, including the acclaimed series the Land of Elyon and Floors and the teen superhero novel Thirteen Days to Midnight. A multimedia pioneer, Patrick authored The Black Circle, the fifth title in the 39 Clues series, and the Dark Eden, Skeleton Creek, Trackers, Fizzopolis, and Voyagers series. An enthusiastic reading advocate, Patrick has visited more than a thousand schools, developed village library projects in Central America, and created author outreach programs for communities. He lives in Walla Walla, Washington, with his family. You can visit him online at www.patrickcarman.com.
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Aperçu du livre
Pulsation - Patrick Carman
Éloges pour Pulsation
« Pulsation crée un avenir dans lequel la technologie règne en maître sur notre monde — où les gens portent leur tablette comme si elle faisait partie de leur corps. La pulsation, c’est le pouvoir qu’ont certains adolescents de se servir de leur esprit pour faire bouger les objets. Pulsation est bourré d’action, une aventure palpitante avec de grands personnages et d’intéressantes relations entre eux. Votre pouls s’accélérera à chaque page de cette vision novatrice et unique du futur. Je suis impatiente de lire le tome 2 de cette nouvelle trilogie de science-fiction ! »
— Becky Anderson, Anderson’s Bookshops, Naperville, Illinois
« L’histoire électrisante de Carman sur un monde futuriste dans Pulsation attirera les lecteurs comme un aimant attire le fer — passionnant ! Les amateurs de The Hunger Games le dévoreront. »
— Lilly-Anne Wilder, A Book for All Seasons, Leavenworth, Washington
« Invasions de zombies, destructions apocalyptiques, dictatures dystopiques — Pulsation ne contient rien de tout cela et trace pourtant le portrait d’un avenir encore plus effrayant. Patrick Carman a créé un avenir que vous pouvez voir se dévoiler lentement alors que la technologie actuelle s’impose insidieusement. Inventif, envoûtant et poignant, Pulse est le premier tome d’une trilogie palpitante (et parfois déchirante). »
— Rosemary Pugliese, Quail Ridge Books & Music, Raleigh, Caroline du Nord
« Pulsation de Patrick Carman représente une brillante combinaison de suspense, de mystère et d’aventure dystopique. Située 30 ans dans l’avenir, au sein d’un monde doté d’une technologie renversante où l’approvisionnement en énergie diminue et où une catastrophe environnementale est imminente, Pulsation raconte l’histoire d’une adolescente indépendante dont la vie chavire lorsqu’elle découvre qu’elle peut déplacer des objets par la pensée. En même temps qu’elle doit changer complètement sa vision de ce qui est possible et de ce qui ne l’est pas, elle se retrouve au centre d’intérêts conflictuels et de complots secrets et se voit confrontée à un terrible danger. Peut-elle maîtriser ses nouveaux pouvoirs à temps pour se sauver ainsi que ses amis de ceux qui leur veulent du mal ? Le début remarquable d’une nouvelle série époustouflante qui laissera les lecteurs impatients de voir paraître le prochain livre. »
— Peter Glassman, Books of Wonder, New York, New York
« L’aspect le plus effrayant du roman de Carman, c’est sa grande crédibilité : dans Pulsation, les personnages utilisent des tablettes qui constituent la seule source d’information, de socialisation, de communication et, en fin de compte, de pouvoir. Des humains dotés de la seconde pulsation qui les rend quasi invincibles, et un sous-groupe particulier d’Intels produisent des situations d’une formidable intensité au sein d’une clique d’étudiants du secondaire. Quand Carman y ajoute pour faire bonne mesure un petit triangle amoureux, les éléments d’une catastrophe imminente sont rassemblés, mais heureusement, il y a de l’espoir grâce au personnage principal. Cette nouvelle série palpitante de Patrick Carman nous conduit à l’orée d’un monde futuriste qui n’est qu’à quelques progrès technologiques de distance. »
— Sally Oddi, Cover to Cover Bookstore, Columbus, Ohio
« Pulsation nous transporte dans un avenir proche tellement ancré dans l’évolution actuelle de la société que nous pouvons presque entendre dans ses pages l’écho de nos propres pas qui approchent. Supposons que la seule façon d’éviter une catastrophe environnementale soit de déplacer la population humaine dans des États compacts à l’abri des gaz à effet de serre où la combinaison de la densité de population et des médias de masse empêche l’individualisation de tous sauf d’un minuscule groupe d’êtres surpuissants ? Qu’arriverait-il si le prix de la liberté personnelle devenait inabordable ? La population décroissante qui se trouve toujours hors des lumières et du confort des États partage ces questions avec nous. Bourré de personnages qui s’en soucient et de questions que nous ne pouvons nous permettre d’ignorer, Pulsation constitue une expérience de lecture exceptionnelle, une œuvre étonnamment émouvante pour le cœur, l’esprit et les nerfs. »
— Kenny Brechner , ddg Booksellers, Farmington, Maine
126913.jpgCopyright © 2013 Patrick Carman
Titre original anglais : Pulse
Copyright © 2015 Éditions AdA Inc. pour la traduction française
Cette publication est publiée en accord avec HarperCollins Publishers, New York, NY
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.
Éditeur : François Doucet
Traduction : Guy Rivest
Révision linguistique : Féminin pluriel
Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Catherine Vallée-Dumas
Conception de la couverture : Matthieu Fortin
Illustration de la couverture : © 2013 vimark/Max Mitenkov
Mise en pages : Sébastien Michaud
ISBN papier 978-2-89752-338-1
ISBN PDF numérique 978-2-89752-339-8
ISBN ePub 978-2-89752-340-4
Première impression : 2015
Dépôt légal : 2015
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque Nationale du Canada
Éditions AdA Inc.
1385, boul. Lionel-Boulet
Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7
Téléphone : 450-929-0296
Télécopieur : 450-929-0220
www.ada-inc.com
Diffusion
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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Carman, Patrick
[Pulse. Français]
Pulsation
(Pulsation ; 1)
Traduction de : Pulse
Pour les jeunes de 13 ans et plus.
ISBN 978-2-89752-338-1
I. Rivest, Guy. II. Titre. III. Titre : Pulse. Français.
PZ23.C37Pu 2015 j813’.6 C2014-942487-6
Conversion au format ePub par:
Lab Urbainwww.laburbain.com
Les gens abandonneront leur liberté
pour se mettre à l’abri d’un certain type de menace.
— A. Q.
Première partie
OLD PARK HILL
Chapitre 1
Nous y voilà
Faith Daniels dormait profondément, quand plusieurs objets se mirent à bouger dans sa chambre. C’était une fille élancée, avec de longues jambes qui dépassaient du lit dans l’air froid de la pièce. Le premier objet à se mouvoir fut sa couverture. Elle recouvrit lentement ses pieds qui s’en étaient libérés pendant la nuit. Il y avait derrière sa porte ouverte un corridor sombre, et même s’il ne s’y trouvait personne, elle se referma lentement en émettant un bruit étouffé. Faith remua, mais ne se réveilla pas. Une ombre s’étira au-dessus du lit, bloquant le clair de lune qui filtrait à travers la fenêtre.
Sur sa table de chevet, la Tablette réglementaire de Faith était mince, avec une surface luisante de la taille d’une feuille de papier d’impression. Pendant qu’elle dormait, la Tablette s’éleva dans les airs et dériva au-dessus de son corps. Elle s’arrêta brusquement devant son visage, puis ses mouvements devinrent plus agités tandis qu’elle se balançait d’avant en arrière en descendant vers la jeune fille endormie, comme s’il s’agissait d’un animal qui prenait la mesure de sa proie. La douce respiration de Faith imprima une buée sur le verre.
Elle ne bougea toujours pas.
La Tablette s’envola tout à coup à travers la pièce à la vitesse de la lumière. Elle s’arrêta à quelques centimètres de la fenêtre, tourna sur elle-même et se positionna devant l’obscurité à l’extérieur. L’écran s’alluma, et les pieds de Faith Daniels se libérèrent à nouveau des couvertures. Elle n’était pas le type de fille à aimer avoir les orteils au chaud au milieu de la nuit.
Comme tout le monde, Faith avait un mot de passe, mais quelle que fût la présence fantomatique qui avait fait se mouvoir la Tablette, elle avait aussi le pouvoir d’en déverrouiller le contenu. Pendant l’heure qui suivit, cette chose entreprit d’explorer la Tablette. Elle regarda les chansons, les histoires, les émissions de télé et les films que Faith avait choisis, les mots qu’elle avait écrits.
À deux heures onze, la Tablette s’éteignit et elle retourna à sa place près du lit de Faith. La porte de sa chambre se rouvrit, mais les couvertures demeurèrent en place.
Derrière la fenêtre, il y eut un mouvement rapide et silencieux. Un fantôme ou autre chose avait trouvé ce qu’il était venu chercher et était disparu en un clin d’œil.
* * *
La première journée d’école à Old Park Hill, Faith traversa ce qui avait été une avenue marchande à ciel ouvert. Elle tourna du côté des décombres et se fraya un chemin à travers des ruines modernes de béton et d’armatures d’acier. Faith n’avait jamais connu cet endroit en tant que destination commerciale. Elle faisait tous ses achats sur sa Tablette qui reposait confortablement dans sa poche arrière. Elle l’en retira et la tint par le coin inférieur droit et le coin supérieur gauche avec ses pouces et ses index. Elle appliqua une légère pression, entendit un bruit familier et, tenant les deux extrémités de l’appareil, elle le sentit s’étirer comme du caramel mou. La Tablette, maintenant beaucoup plus large, de nouveau rigide et prête à être utilisée, émit encore un bruit. Faith pianota sur le clavier, lut un message de sa mère, jeta un coup d’œil à son horaire de la journée, puis envoya un mot à une amie. Après avoir acheté plusieurs émissions qu’elle voulait voir au cours de sa journée, elle ramena la Tablette à sa taille normale et la remit dans sa poche.
Pour Faith, l’idée même du magasinage se trouvait incarnée au sein du monde numérique dans lequel tout lui était aussi familier que l’air qu’elle respirait, un objet tant personnel que collectif. Des chansons, des émissions télévisées, des livres — c’étaient là les choses pour lesquelles elle déboursait son argent ; c’était ça, le magasinage. Ces choses faisaient partie de son nuage de connaissances. Et il s’y trouvait des jeans, des t-shirts moulants et du maquillage, tout comme il y en avait toujours eu — mais les véritables articles étaient très chers, et il était rare qu’on les achète.
Il y avait partout, semblait-il à Faith, des espaces vides rendus encore plus vides par ce qui les remplissait : un regret honteux, la sensation brûlante, étrangère à l’Amérique, de l’échec. Les gens avaient simplement commencé à déménager, la plupart d’entre eux dans l’un des deux États, et ils ne revenaient pas. Depuis longtemps, Faith avait décidé que la chose lui convenait tout à fait. Il y avait dans la ville abandonnée une solitude frappante, un vaste espace qui correspondait à sa personnalité. Elle aimait l’idée de faire partie d’un petit groupe plutôt que d’une masse de gens. Pourtant, l’endroit semblait parfois hanté, comme s’il rôdait dans l’air autour d’elle l’âme d’une chose invisible. Comme si quelque chose essayait de remplir l’espace vide.
Les adultes autour d’elle attribuaient constamment plusieurs raisons à l’abandon de la ville, des raisons qui n’intéressaient pas Faith. Parce qu’elle n’en avait pas souvenir, elle n’éprouvait aucune nostalgie pour une époque passée où le monde était différent. Malgré toute sa désolation, l’époque et le monde actuels étaient les siens, et Faith Daniels les aimait. La façon dont ce monde était devenu ce qu’il était ou le moment auquel il avait changé n’avaient pour elle aucun intérêt. Elle n’était pas non plus tentée de déménager dans un des États où cent millions de personnes vivaient empilées les unes sur les autres. Ce qui l’intéressait, c’était sa Tablette, sa musique, son art, sa taille. Les garçons.
Faith aimait s’asseoir sur les marches de ce qui avait été une boutique Old Navy, comme elle le faisait maintenant, et acheter une chanson. Les chansons ne coûtaient pratiquement rien ; une seule Pièce lui en procurait des dizaines. Faith avait déjà des milliers de chansons. Elles lui faisaient éprouver des sentiments, et c’était une chose qui la réjouissait. D’une manière ou d’une autre, elle se sentait toujours bien lorsqu’elle faisait ses achats installée dans les décombres des magasins de détail tout autour d’elle. Deux semaines plus tôt, elle s’était assise exactement au même endroit et avait acheté quelque chose de très dispendieux, une chose pour laquelle elle avait économisé beaucoup de Pièces. C’était l’expédition du produit qui coûtait une petite fortune. La distance entre elle et l’État le plus proche où était fabriqué ce qu’elle voulait était si grande qu’il était difficile de s’y brancher.
Quatre-vingt-seize Pièces pour le jean qu’elle portait, un jean suffisamment long pour ses jambes exceptionnellement longues.
Quand elle eut acheté sa chanson et qu’elle se mit à l’écouter, Faith se leva dans son jean neuf et passa devant un magasin inoccupé — Macy’s, d’après l’enseigne —, puis tourna brusquement et sortit du stationnement vide. Son ancienne école située à un peu plus d’un kilomètre dans la direction opposée avait été fermée un mois plus tôt parce que les inscriptions avaient chuté en dessous de la centaine. Elle avait déjà changé d’école trois fois au cours des deux dernières années, alors elle y était habituée, mais c’était la première fois qu’elle faisait partie d’une fusion entre deux écoles moribondes si proches l’une de l’autre. Elle avait aussi quitté deux fois des villes éloignées d’où la dépopulation avait chassé sa famille. Ses parents demeuraient toujours aussi longtemps que possible au même endroit, mais ils finissaient chaque fois par déménager plus près de l’État de l’Ouest dont la population croissait sans cesse.
Elle s’efforçait même d’oublier les noms des écoles abandonnées, les amis qu’elle avait perdus, le fait d’ignorer qui disparaîtrait du jour au lendemain. C’était là sa réalité : les choses changeaient, les gens disparaissaient, et tout devenait plus petit et plus vide et, un jour, quand il ne resterait plus personne, elle aussi serait obligée d’emménager dans un État, et son style de vie s’en trouverait irrémédiablement modifié. La fin était proche ; elle pouvait presque étendre le bras et la toucher. Elle n’en ressentait pas de la tristesse, mais éprouvait plutôt le sentiment de devoir faire beaucoup en peu de temps.
Elle pouvait maintenant apercevoir l’école qui, du haut de la colline, lui faisait face à travers une brume matinale encore accrochée aux arbres. Elle se sentit serrée dans son jean et sourit à la perspective de rencontrer davantage de garçons plutôt que moins, parce que le fait de tomber en amour se trouvait au tout début de la liste des choses qu’elle devait faire en peu de temps.
— Quand allons-nous ravoir cette voiture ? Il faut que ça s’arrête.
Liz Brinn approchait sur le trottoir en regardant Faith puis sa Tablette, laquelle avait repris son petit format. Elle la tenait d’une main en écrivant avec son pouce un message sur le petit écran.
— À moins que tu aies à peu près un million de Pièces cachées dans ta Tablette, je crois que nous allons demeurer à pied pendant le reste de notre vie, répondit Faith. Ce n’est pas si mal. La journée est belle. Et tu devrais regarder devant toi quand tu marches.
Liz, qui était plus petite que Faith d’une bonne tête, leva les yeux de sa Tablette et jeta un coup d’œil derrière elle.
— C’était un long trajet jusqu’ici, plus long que jusqu’au dernier endroit où nous sommes allées à l’école.
— Peut-être que tu devrais acheter un vélo, suggéra Faith.
Liz et Faith étaient devenues inséparables depuis que le petit ami de Liz, Noah, était soudainement parti dans l’État de l’Ouest. Son départ avait dévasté Liz, l’avait laissée désorientée et fragile. Après Noah, il n’y avait plus qu’elles deux — Faith et Liz — s’accrochant l’une à l’autre sans lâcher prise. À mesure qu’elles regardaient partir de plus en plus de gens, elles avaient renouvelé une promesse : « Nous allons passer à travers ça ensemble et ne laisserons personne d’autre se joindre à nous. Trop risqué, trop douloureux. Mieux vaut l’expulser de nos entrailles et nous cramponner l’une à l’autre. » Là, devant une nouvelle école remplie de gens qui partiraient bientôt, Faith regarda Liz et se demanda si le jour viendrait où elle se retrouverait seule, sans son unique amie.
— Ensemble jusqu’au bout, comme nous en avons parlé, dit Liz en affichant un sourire en coin et en fronçant ses sourcils noirs. Peut-être que nous allons te trouver un petit ami à court terme, juste pour le plaisir.
Faith se sentit frémir devant cette perspective. Ces derniers temps, elle était devenue obsédée à l’idée d’avoir un petit ami, une chose qu’elle n’avait pas connue depuis un peu trop longtemps. Elle en attribuait la cause au fait qu’elle était grande et efflanquée comme une cigogne et qu’aucun garçon ne voulait fréquenter une fille plus grande que lui. Il y avait aussi la malheureuse question du manque de choix : les garçons suffisamment grands étaient si peu nombreux qu’elle pouvait à peine les compter sur les doigts de la main.
Liz se pencha et regarda les fesses de Faith.
— Beau jean ; ça va t’aider. Il te reste des Pièces ou il t’a lessivée ?
— Lessivée, avoua Faith.
— Ça en valait la peine, dit Liz, puis elle claqua les fesses de Faith et rit assez bruyamment pour attirer l’attention du directeur qui se tenait à l’entrée principale en serrant la main des nouveaux étudiants à mesure qu’ils arrivaient.
Faith et Liz s’arrêtèrent devant le grand campus de l’école secondaire. Il avait été construit en 1975, il y avait soixante-seize ans, mais il paraissait plus que centenaire. Il y avait un panneau au sommet d’un poteau blanc à la peinture écaillée sur lequel on pouvait lire :
Bienvenue aux nouveaux élèves.
Nous sommes heureux de vous accueillir.
Liz regarda le panneau en secouant la tête.
— Je parie qu’ils le sont, fit-elle d’un ton sarcastique.
Elles saluèrent mollement quelques élèves de leur ancienne école qui entraient dans l’immeuble principal. Les autres élèves paraissaient sous le choc à la perspective de commencer à fréquenter une nouvelle école et à celle de devoir serrer la main froide et molle du directeur. En atteignant la porte, Faith regarda pour la première fois M. Reichert et se trouva immédiatement inquiète. Sa peau avait la texture pâle d’une personne qui a été ravagée par l’acné durant son adolescence. Il se coupait lui-même les cheveux ou avait embauché un tondeur de pelouse pour le faire à sa place. Ceux-ci ressemblaient à un dôme noir sur sa tête ovale, droits et parsemés de pellicules. Il fit un large sourire, exposant des dents blanches qu’il était manifestement fier de montrer.
— Bienvenue, les filles, nous sommes heureux de vous accueillir, dit-il.
Il tenait la porte ouverte avec son épaule tandis qu’il tendait la main. Liz regarda Faith comme si elle venait de sentir un verre de lait suri. Faith inclina la tête et sourit, puis passa devant M. Reichert sans dire un mot et sans serrer sa main molle.
— Restez sur la droite, le long du corridor, dit-il en affichant de nouveau ce sourire. Vous allez trouver votre chemin. Et ne franchissez aucune barrière ; certaines parties sont fermées.
Liz se glissa dans l’entrée avant que M. Reichert puisse lui prendre la main, et les deux filles se retrouvèrent à l’intérieur de leur nouvelle école, soulagées. L’endroit était plus tranquille que Faith l’avait espéré, de lointains échos se répercutant le long des corridors qui s’éloignaient dans trois directions.
— Nous y voilà, dit Faith, tout à coup moins certaine à propos de son jean serré et de la perspective d’une nouvelle école.
— Ouais, fit Liz d’un ton nerveux. Nous y voilà.
* * *
L’école Old Park Hill avait été construite et aménagée en supposant que deux mille étudiants rempliraient ses corridors par une journée normale, et il y avait une époque où cela avait été vrai. Dans les années 2010, il y avait même eu surpopulation pendant un moment. Mais maintenant, le corps étudiant était tombé à quatre-vingts élèves par rapport à cent quarante l’année précédente. L’ancienne école de Faith avait même été encore plus petite ; au dernier recensement, cinquante-trois élèves l’occupaient. Old Park Hill étant la moins délabrée des deux, elle accueillait désormais fièrement les cent trente-trois élèves des deux écoles.
Alors que Faith quittait Liz pour commencer à chercher sa première classe, elle se rendit compte du manque presque complet de supervision d’adultes. Les budgets étant ce qu’ils étaient — selon certaines estimations —, le ratio élève-enseignant-administrateur avait même diminué. Quand elle était fréquentée par deux mille élèves, il y avait soixante-quinze enseignants. Maintenant, il n’y avait que cent trente-trois élèves, et un couple d’enseignants devait suffire. Et ils avaient dû accepter en plus le double rôle de directeur et de directeur-adjoint.
Cent trente-trois élèves.
Deux enseignants.
Et un concierge surchargé de travail.
C’était ce à quoi ressemblait Old Park Hill en l’année 2051.
Faith jeta un coup d’œil le long du corridor à la recherche de quelqu’un qui pourrait l’aider à trouver sa classe et vit une fille rousse entourée de garçons. Elle avait le teint blanc d’un ventre de poisson qui faisait ressortir ses yeux verts comme des billes brillantes sur le point de lui jaillir de la tête. Faith la connaissait de son autre école. Elle s’appelait Amy. Elle se demanda ce que les garçons trouvaient toujours si attrayant chez elle ; ce devait être le fait qu’elle était bien roulée.
— Hé, Amy ! cria Faith dans le long corridor pratiquement vide.
Amy se retourna en entendant son nom, sa tignasse rousse bougeant doucement comme les flammes d’un feu de camp.
— Aide-moi à trouver Anglais 300, tu veux bien ? demanda-t-elle.
Aucun des mecs qui entouraient Amy n’avait fréquenté l’ancienne école de Faith, mais Amy n’avait jamais été du genre à perdre son temps à rassembler autour d’elle une bande de garçons mourant d’envie d’attirer son attention. Dès qu’Amy vit venir Faith, elle prit le bras de l’un d’entre eux et l’attira dans une classe.
— Quelle conne, murmura Faith.
Hormis Liz, Amy était la seule personne de l’ancienne époque qui était demeurée dans la vie de Faith. Elle prenait encore souvent des attitudes théâtrales de finissante du secondaire, et quand il s’agissait des garçons, c’était la terreur de l’école.
Faith arriva en retard à son premier cours avec Mlle Newhouse, qui représentait la moitié du personnel enseignant. Mlle Newhouse ne prêtait pratiquement attention à personne dans la pièce, et c’était là l’autre raison pour laquelle il y avait si peu d’enseignants à Old Park Hill : on n’avait pas vraiment besoin d’eux.
Faith avait souvent du mal à imaginer la situation d’une autre façon tellement sa Tablette jouait le rôle d’enseignant, d’orienteur et de responsable de la discipline. Les enseignants n’enseignaient pas. Ils faisaient office de nounous. C’était la Tablette qui accomplissait le vrai travail. Les cours étaient donnés en flux continu via Internet par les meilleurs enseignants de chacun des deux États qui se voyaient attribuer des contrats de millions de dollars, des voitures de luxe et d’immenses maisons parce qu’ils étaient non seulement des spécialistes dans leur domaine, mais aussi parce qu’ils avaient un talent considérable pour transmettre leurs connaissances. À Old Park Hill, les enseignants ne faisaient même pas passer de tests. Ils y étaient pour s’assurer que personne ne se blesse, pour restreindre l’usage des drogues, pour empêcher les bagarres d’éclater et pour maintenir les lumières allumées.
Faith s’assit à son pupitre et prit sa Tablette.
— Qui est-ce que tu as, en littérature anglaise ? dit une voix derrière elle. J’ai Rollins. Bon Dieu qu’il est dément. Tellement bon. S’il n’enseignait pas Shakespeare, ce serait un humoriste génial, sans blague. Qui tu as déjà ?
Faith se retourna sur sa chaise et vit une petite jeune fille à l’allure ringarde.
— Je ne te l’ai pas dit, murmura Faith avant de se retourner tandis que son premier cours débutait (non pas celui de Rollins, mais de Buford, qui était également renversant, mais n’avait pas la réputation d’être drôle).
Elle mit ses écouteurs et reporta son attention sur le cours alors qu’un pavé numérique rouge était projeté sur la surface plate du pupitre devant elle. Elle pouvait prendre des notes sur l’écran tactile et les insérer sur une ligne de temps qui s’étirait en marge de l’image, où elle pourrait les consulter plus tard. C’était aussi de cette façon qu’elle passait des tests et des examens et posait des questions au besoin. Les enseignants avaient entre mille et dix mille assistants, selon le nombre d’élèves qui suivaient leurs cours. Si un élève avait une question, il pouvait la taper au clavier vingt-quatre heures par jour et obtenir habituellement une réponse en moins de cinq minutes. La Tablette indiquait les salles de classe, les blocs d’examens préparatoires et affichait des commentaires instantanés sur les travaux à la maison. La seule chose qu’elle ne fournissait pas, c’étaient les collations pour micro-ondes, et il circulait une rumeur selon laquelle une version future ferait même ça.
Faith s’étonna de voir apparaître un message au bas de son écran. D’habitude, sa Tablette bloquait automatiquement tous les messages entrants au début d’un cours.
Je vois que tu as Buford. Il est très bon. Rollins est meilleur. Comment tu t’appelles déjà ?
Faith parcourut des yeux la classe qui contenait environ la moitié de tous les élèves. Un autre message apparut sur son écran.
Derrière toi : )
Faith tourna lentement la tête et sourit péniblement. Puis, elle revint à sa Tablette, levant les yeux au ciel aussitôt qu’elle le put sans être vue par le prince des idiots.
« Parfait », pensa Faith en écoutant Buford disséquer la signification d’Henry V. « Je suis ici depuis dix minutes et j’ai déjà un harceleur sur le dos. Et un pirate informatique. »
Faith tapa un message laconique, puis l’expédia.
Comment as-tu activé la messagerie pendant un cours ? Et je suis occupée.
Il y eut un temps d’arrêt d’environ quatre secondes.
Facile ! Il y a une trappe dans la version 25. Ça prend à peu près une heure pour encoder chaque Tablette, mais une fois à l’intérieur,