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Tremblement
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Livre électronique328 pages4 heures

Tremblement

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À propos de ce livre électronique

Comme tous ceux qui ont «la pulsation», Faith Daniels et Dylan Gilmore possèdent des pouvoirs télékinésiques: ils peuvent déplacer des objets par la pensée. Mais il existe dans le monde cinq personnes dotées de la «seconde pulsation» qui détiennent un pouvoir encore plus grand. Presque rien ne peut les blesser. Ils sont pratiquement indestructibles. Faith et Dylan possèdent tous deux la seconde pulsation, mais leurs adversaires l’ont aussi et ils se sont entraînés en vue d’une guerre qui se prépare depuis leur naissance. Alors que Dylan met en oeuvre un plan visant à infiltrer le camp ennemi, il sera confronté à sa seule faiblesse — et à un secret de famille qui menacera jusqu’à sa vie. Ensemble, Faith et Dylan représentent le seul espoir qu’il reste à l’humanité, mais pour exécuter leur plan, ils doivent suivre des voies différentes. Leur amour survivra-t-il? Avec des personnages bien en chair et des scènes d’action à couper le souffle, le deuxième tome de la trilogie Pulsation de Patrick Carman poursuit cette histoire post-apocalyptique d’amour et de vengeance.
LangueFrançais
Date de sortie23 févr. 2015
ISBN9782897523435
Tremblement
Auteur

Patrick Carman

Patrick Carman is the New York Times bestselling author of over thirty books, including the acclaimed series the Land of Elyon and Floors and the teen superhero novel Thirteen Days to Midnight. A multimedia pioneer, Patrick authored The Black Circle, the fifth title in the 39 Clues series, and the Dark Eden, Skeleton Creek, Trackers, Fizzopolis, and Voyagers series. An enthusiastic reading advocate, Patrick has visited more than a thousand schools, developed village library projects in Central America, and created author outreach programs for communities. He lives in Walla Walla, Washington, with his family. You can visit him online at www.patrickcarman.com.

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    Aperçu du livre

    Tremblement - Patrick Carman

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    Éloges pour PULSATION

    « Envoûtant et original, bourré d’action trépidante et mettant en scène une histoire d’amour bouleversante. »

    — Pittacus Lore, auteur à succès n

    o

    1 du New York Times et auteur de Numéro quatre

    « Impressionnant ! Fascinant et stimulant. »

    — James Dashner, auteur à succès du New York Times et auteur de la trilogie Maze

    « L’amalgame réussi de suspense et d’amour se conjugue à des revirements de situations inattendus pour tenir le lecteur en haleine du début à la fin. »

    Kirkus Reviews

    « Un bond en avant impressionnant en matière de roman post-apocalyptique. »

    Publishers Weekly

    « Captivant et rempli de suspense. »

    School Library Journal

    142115.jpg

    Copyright © 2014 Patrick Carman

    Titre original anglais : Tremor

    Copyright © 2015 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec HarperCollins Publishers, New York, NY

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Guy Rivest

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Catherine Vallée-Dumas

    Conception de la couverture : Matthieu Fortin

    Photo de la couverture : © 2014 vimark/Max Mitenkov

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89752-341-1

    ISBN PDF numérique 978-2-89752-342-8

    ISBN ePub 978-2-89752-343-5

    Première impression : 2015

    Dépôt légal : 2015

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    [email protected]

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    43599.png

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Carman, Patrick

    [Tremor. Français]

    Tremblement

    (Pulsation ; 2)

    Traduction de : Tremor.

    Pour les jeunes de 13 ans et plus.

    ISBN 978-2-89752-341-1

    I. Rivest, Guy. II. Titre. III. Titre : Tremor. Français.

    PZ23.C37Tr 2015 j813’.6 C2014-942486-8

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Aucun problème ne peut être résolu

    sans changer le niveau de conscience qui l’a engendré.

    — Albert Einstein

    Première partie

    La route d’octobre

    Chapitre 1

    Départ en avion à réaction

    Bien avant que Faith Daniels et Dylan Gilmore se soient rencontrés aux limites irrégulières du monde chaotique de l’extérieur, une femme gisait seule sur son lit, songeant à quitter la personne qu’elle aimait. L’idée ressemblait à celle qu’elle avait eue longtemps auparavant, et elle en était surprise parce que, vraiment, au cours de toutes les années écoulées entre les deux, elle ne lui avait jamais traversé l’esprit.

    « Qu’adviendrait-il de moi si je quittais cet endroit et ces gens ? »

    Mais une fois l’idée apparue et rebondissant sur les parois fragiles de son esprit comme une abeille piégée dans un sac de toile, elle sut que le temps passé avec ces gens approchait de sa fin. Elle en conclut sans l’ombre d’une émotion que c’était la grossesse. C’était ce qui l’avait menée à cette abeille agitée dans sa tête : un geste qui ferait davantage que piquer si son imagination se laissait aller à y céder. Le temps venu, il répandrait beaucoup de sang.

    Étrangement, c’était cette même idée qui, une dizaine d’années plus tôt, l’avait conduite à Hotspur Chance au départ. C’était à une époque de sa vie au cours de laquelle elle possédait deux qualités essentielles : elle était tout à la fois impitoyablement intelligente et déplorablement imprudente. Elle ne partageait pas l’avis de ses parents à propos de ce que l’avenir leur réservait, non seulement pour eux, mais pour tous les gens. Et quand elle discutait avec ses collègues, elle émettait ses opinions avec audace et vigueur. En fin de compte, personne n’avait plus voulu argumenter avec elle et, après un certain temps, elle était devenue plus ou moins solitaire. Alors qu’elle serrait un billet dans sa main et essayait d’imaginer ce que ce serait de voler dans les airs, son intelligence hors du commun et son manque d’expérience étaient sur le point de lui causer de graves problèmes.

    À cette époque, il y avait encore un petit nombre d’avions qui volaient entre les aéroports, et elle s’était retrouvée à fredonner une très ancienne et mélancolique chanson tandis qu’elle volait loin du lieu de sa naissance et de ses parents. La chanson concernait une fille, ou du moins le croyait-elle, qui partait sur un avion à réaction et espérait que celui qu’elle aimait serait toujours là si jamais elle revenait.

    Elle savait que c’était une chanson d’amour et elle s’était apitoyée sur son sort, car elle ne laissait personne en partant. Malgré toute son intelligence, elle n’avait pas réussi à attirer la bonne personne au bon moment. L’amour était comme un écrin de velours verrouillé au moyen d’une combinaison indéchiffrable. Cet aspect essentiel de la vie d’adulte lui avait complètement échappé et avait engendré chez elle une sorte de tristesse frémissante dont elle ne parvenait pas à se débarrasser.

    Elle avait essuyé ses larmes dans l’aéroport presque vide et avait tenté de se concentrer sur le fait que dans un monde devenu fou, elle avait au moins été choisie, et non pas par le premier venu, mais par l’homme qui avait imaginé les États et qui, de l’avis de tous, était en bonne voie de sauver la planète. Malgré ce qu’elle avait espéré, il ne l’attendait pas à la barrière quand elle était arrivée. Quelqu’un d’autre était présent. Il avait à peu près son âge, une chevelure noire et il affichait un grand sourire gêné.

    — Je suis tellement heureux que vous ayez décidé de vous joindre à nous, vraiment. Vous serez tellement ravie.

    Ils s’étaient présentés, puis avaient échangé des plaisanteries, et il l’avait escortée jusqu’à une camionnette blanche du type de celle qui prenait habituellement à son bord ceux qui voulaient entrer dans l’État de l’Ouest. De plus en plus de gens arrivaient dans les États en laissant simplement tout derrière eux, sans se retourner. Et il n’y avait pas de place dans les États pour un camion de déménagement rempli d’effets personnels. Cela faisait partie de l’entente avec les États : venez comme vous êtes, apportez votre Tablette, abandonnez tout le reste. Ses propres parents avaient parlé de partir, et elle s’était soudainement rendu compte tandis qu’elle se tenait à l’extérieur, sur l’asphalte fissuré, qu’elle pourrait ne jamais les revoir. Elle pourrait retourner chez elle et découvrir qu’eux aussi avaient quitté le monde extérieur sans elle.

    La camionnette blanche l’avait déposée dans le désert, où le jeune homme au sourire radieux lui avait ouvert la porte, lui touchant doucement le coude en pointant un doigt en direction d’un immeuble bas complètement isolé. La chaleur du désert lui avait coupé le souffle, comme si elle venait de pénétrer dans un sauna, et elle avait espéré que l’immeuble était climatisé. Elle n’oublierait jamais à quel point la couleur blanche de la camionnette était éclatante par rapport à l’étendue sablonneuse infinie au moment où elle s’éloignait et la laissait derrière.

    — Il n’y a aucune règle ici. Vous ne pouvez imaginer comment il est, ce qu’il a accompli.

    — Je ne sais pas. J’ai une imagination assez fertile, avait-elle répondu.

    — Pas à ce point.

    Et il s’était trouvé qu’il avait raison. Hotspur Chance, l’homme qui avait résolu le problème du réchauffement climatique et conçu les États avait tourné son attention vers la biologie et l’esprit humains. Quand une personne aussi brillante que Chance commençait à jouer avec l’ADN, les résultats ne pouvaient qu’être renversants.

    Chance avait entendu parler de l’idée qui prévalait selon laquelle les humains ne se servaient que de dix pour cent de leur cerveau. Il savait que cette affirmation était absolument fausse parce que n’importe quelle partie du cerveau non utilisée meurt rapidement. Les gens ne se servent que de dix pour cent du potentiel de leur cerveau. Il n’en était pas ainsi pour Hotspur Chance. Il utilisait quatre-vingt-dix pour cent de ce potentiel, et on disait qu’il aidait les autres à faire de même. Et ce n’était pas au moyen de drogues qui augmentaient les capacités du cerveau ou d’un recâblage cérébral ou d’une thérapie de choc. Il savait tout simplement comment déverrouiller des niveaux remarquables du potentiel humain chez certains individus.

    * * *

    — J’espérais que vous accepteriez mon invitation. Je suis très heureux que vous ayez décidé de vous joindre à nous. Venez. Asseyez-vous.

    Ce furent les premières paroles que lui adressa Hotspur Chance à son arrivée. Réflexion faite, elles étaient étrangement semblables à l’accueil que lui avait réservé l’homme qui l’avait prise à l’aéroport. Quand Chance mentionna l’invitation, elle se souvint de la façon dont elle avait fini par se retrouver ici au départ. Elle avait passé un test inhabituel sur sa Tablette, une épreuve qu’on demandait à tous, et apparemment, ses résultats étaient prometteurs. Il s’agissait de regarder des objets sur ce qui semblait être une image statique sur une table. Il y avait une pomme verte, une balle rouge, une Pièce, un couteau, une image. Elle devait faire bouger des objets avec son esprit et, tout en supposant qu’il s’agissait d’un truc quelconque, elle l’avait réussi. Elle avait même envoyé voler le couteau dans les airs, l’avait fait se retourner et retomber pour finalement se planter dans le bois de la table.

    — Voyons voir si vous ne pourriez pas le faire dans la réalité.

    Hotspur Chance semblait lire ses pensées, comprendre ce qui lui traversait l’esprit. Ou peut-être était-ce seulement évident, compte tenu qu’elle était assise à la même table qu’affichait le test avec les mêmes objets devant elle. À quoi d’autre aurait-elle bien pu penser ?

    — Songez à l’objet que vous voulez déplacer, dit Hotspur. Regardez-le. Maintenant, maîtrisez-le.

    Malgré ses cheveux prématurément gris coupés très courts, Hotspur Chance ne semblait pas avoir plus de trente-cinq ans. Tout le monde savait qu’il avait au moins soixante ans, mais la peau de son visage était tendue et fraîche, ses yeux brillants et son regard jeune. Il supposa que Meredith était distraite, alors il précisa ses directives.

    — Pensez à la pomme, poursuivit-il. Regardez-la.

    Ce n’était pas ce qu’elle aurait qualifié de présentation convenable entre Chance et elle puis, regardant autour de la pièce les visages qui la fixaient, elle commença même à se demander pourquoi elle était venue. Il y avait là une autre femme. Elle était grande et affichait un regard à la fois grave et intense qui semblait exprimer quelque chose.

    « Pourquoi me regardez-vous ? Il vous a dit de regarder la pomme. Regardez-la. »

    Elle jeta un coup d’œil au jeune homme qui était allé la chercher à l’aéroport, se réjouit de son sourire chaleureux, puis retourna son attention vers la tâche à accomplir. Ce fut à ce moment qu’elle remarqua la seule différence à propos des objets devant elle : dans le test qu’elle avait déjà passé, la pomme était verte, alors que celle-ci était rouge.

    — Déplacez la pomme, dit Hotspur Chance. Prenez-en la maîtrise avec votre esprit.

    C’était ainsi que ça avait commencé, toutes ces années auparavant, au moment où la pomme avait vacillé, roulé, puis était tombée de la table.

    — Dommage, fit la femme au regard grave.

    — Ce n’est pas ce que nous avions espéré.

    — C’est suffisant, dit le jeune homme au sourire radieux.

    Au fur et à mesure que le temps passait, l’isolement la dérangeait, mais pas les expériences. En fait, elle aimait assez l’attention dont elle faisait l’objet tandis que ses pouvoirs augmentaient. Au fil du temps, elle réussit à maîtriser avec son esprit le déplacement d’objets plus gros : des barils d’eau, une motocyclette et même une voiture. Ils ne parlèrent jamais de la pomme rouge, et il ne lui traversa jamais vraiment l’esprit que les seuls autres objets rouges qu’elle vit pendant le temps qu’elle passa à cet endroit étaient liés à Hotspur lui-même. Il portait un sarrau rouge par-dessus une chemise blanche pressée et une cravate rouge, mais curieusement, personne n’aborda jamais le sujet de la couleur.

    Sa formation suffisait à la distraire de la lente et à peine remarquable descente vers ce qui pourrait seulement être décrit plus tard comme de la vénération. Elle en vint à voir Hotspur Chance comme le faisaient tous les autres, comme un être plus qu’humain. Presque une décennie plus tard, alors que le monde extérieur continuait à se déverser dans les États, elle perçut le premier indice lui laissant croire qu’elle s’était peut-être, par inadvertance, liée à un culte des plus dangereux.

    — Les États ne sont pas exactement tels que je les avais conçus, avoua Hotspur. Il se pourrait que nous devions faire, disons, quelques retouches.

    Hotspur leur remplissait l’esprit d’idées qu’elle savait être fausses. Mais avant longtemps, elle était tombée amoureuse du jeune homme aux cheveux foncés, et c’était lui qui l’assurait que tout ce que leur disait Hotspur aurait en fin de compte du sens. Hotspur Chance avait sauvé le monde et leur avait accordé ces remarquables pouvoirs. Il les nourrissait, leur fournissait des vêtements et les protégeait. Il savait ce qui était le mieux.

    Alors, elle persévéra. Elle devint plus puissante selon les talents qu’elle possédait. Elle tenta de résister à la volonté implacable de Hotspur. Elle espérait que certains événements ne surviendraient jamais, des choses terribles que ces gens planifiaient. Jusqu’à ce qu’un jour, elle se réveille enceinte et que l’abeille bourdonnante que constituait une vieille idée s’installe une fois de plus dans sa tête.

    « Qu’adviendrait-il de moi si je quittais cet endroit et ces gens ? »

    Il y avait un homme qu’elle quitterait maintenant, et en l’embrassant pendant qu’il dormait, elle l’imagina lui rendre son baiser et lui sourire en lui disant qu’il l’attendrait. Elle sortit et chanta l’ancienne chanson dans sa tête, mais elle savait qu’il n’y avait plus d’avions à prendre. Cette époque était révolue. Et finalement, cette situation finit par lui convenir parce qu’elle n’avait pas besoin d’un avion pour prendre ses distances. À ce moment, elle pouvait s’éloigner en volant elle-même.

    L’homme qu’elle quitta s’appelait André Quinn.

    La femme au regard d’acier qui allait prendre sa place s’appelait Gretchen.

    Les enfants qui allaient naître en son absence étaient les jumeaux Wade et Clara Quinn.

    Cette femme qui s’éloigna en volant était Meredith. Dix-sept ans plus tard, elle allait devenir la dirigeante solitaire d’une résistance quasi désespérée.

    Et l’enfant qu’elle avait porté grandit pour devenir un jeune homme qui n’avait pas une mais deux pulsations. Il s’appelait Dylan Gilmore, et même s’il posa plusieurs fois la question, Meredith ne lui révéla jamais l’identité de son père.

    Le temps venait où Dylan aurait besoin de la connaître.

    Chapitre 2

    L’épreuve des boules de bowling

    Faith Daniels se tenait au milieu d’un vaste entrepôt à viande vide quand la première boule de bowling se souleva du plancher et commença à tourner d’un côté à l’autre. Les trous où auraient dû se trouver ses doigts et son pouce si elle avait effectivement joué aux quilles ressemblaient à un nez rond et à deux yeux absents qui la regardaient d’une dizaine de mètres. Faith se calma, déplaça son poids d’un côté à l’autre tandis qu’elle se concentrait, puis passa sa main dans l’air devant elle.

    — Voyons voir si un peu de bruit peut vous déséquilibrer, murmura-t-elle d’une voix suffisamment basse pour que les Rôdeurs qui se tenaient debout derrière les boules flottantes d’uréthane ne l’entendent pas.

    Elle n’avait pas touché les crochets vides qui pendaient dans la pièce, mais elle les avait fait danser comme des carillons agités par un vent d’été.

    Quatre autres boules rouges s’élevèrent dans les airs, l’entourant de tous côtés dans la lumière blafarde et les crochets de métal qui s’entrechoquaient.

    Chacune des boules pesait environ cinq kilos, et elles se déplacèrent soudain comme si elles avaient été tirées de cinq canons vers le centre de la pièce.

    Faith n’avait que récemment maîtrisé les objets rouges, une couleur qui présentait de sérieux problèmes pour les gens dotés de la seconde pulsation quand ils étaient nouveaux dans l’art de déplacer des objets avec leur esprit. Ceux qui possédaient la première pulsation, comme les Rôdeurs dans la pièce avec elle, n’avaient absolument aucun problème avec la couleur rouge. C’était entre autres ainsi que Meredith, la dirigeante de la rébellion des Rôdeurs, avait appris que Faith possédait deux pulsations avant même que cette dernière ne s’en rende compte. Meredith n’avait jamais oublié à quel point il lui avait été facile de déplacer la pomme rouge tant d’années plus tôt quand elle avait rencontré pour la première fois Hotspur Chance. Elle avait compris qu’elle n’aurait jamais de seconde pulsation, mais il en allait différemment avec Faith Daniels. Faith pou-vait faire dévier tout ce qui se dirigeait vers elle. Elle était invincible.

    Tout en elle lui criait : « Bouge ! » Mais elle savait que le fait de bouger ne résoudrait rien. Ces Rôdeurs faisaient partie des combattants les plus expérimentés au sein de la rébellion. Ils savaient comment diriger les objets droit sur une cible, qu’elle bouge ou non. Faith avait compris que la meilleure façon de composer avec le rouge était de demeurer immobile. Elle ferma les yeux, serra les poings et retint son souffle. Quand les cinq boules de bowling l’entourèrent d’un seul mouvement au milieu de l’entrepôt, elle les sentit s’approcher, mais à peine. Elle les repoussa comme des billes bondissant sur la chaussée, répliquant à l’assaut à une vitesse deux fois supérieure. Les Rôdeurs, qui étaient tous en danger de mort parce qu’ils n’étaient pas protégés par une seconde pulsation, plongèrent sur le sol alors que les boules ricochaient sur les murs de métal et frappaient les lumières fluorescentes au-dessus de leur tête.

    — Vas-y mollo ! cria un des Rôdeurs.

    Faith rassembla toutes les boules et les aligna comme des wagons de train, puis les mit en mouvement. Elles bougèrent si rapidement qu’on avait l’impression d’observer un anneau de feu autour du vaste périmètre de la pièce. Les Rôdeurs essayèrent de prendre le dessus sur quelque chose — quoi que ce soit —, mais découvrirent que Faith était beaucoup trop puissante pour pouvoir la vaincre dans un espace confiné. Elle saisit tous les Rôdeurs un à un et les suspendit sur les crochets de boucherie par leurs longs manteaux.

    — N’en fais pas trop, Faith. Je suis sérieuse.

    La voix de Meredith dans les haut-parleurs avait le ton et la qualité de celle d’un sergent instructeur. Il n’y avait pas à en douter.

    Faith parut ne pas avoir entendu tandis que les boules changeaient de direction.

    — Faith, dit Meredith, je sais que le rouge te met en colère, mais tu dois maîtriser cette émotion. Tu comprends ?

    Les boules demeurèrent en suspens à deux mètres au-dessus de la tête des Rôdeurs. Ils portaient des casques de football qu’ils s’étaient procurés dans la boutique d’équipements sportifs d’un centre commercial déserté, tout près. Les crochets de boucherie cliquetèrent de plus en plus fort alors que Faith faisait tourner les boules sur elles-mêmes et qu’elle commençait à les faire descendre vers les gens qui les avaient projetées.

    — Ne dis pas que je ne t’avais pas avertie, fit Meredith.

    Les portes de l’entrepôt s’ouvrirent brusquement, et un rayon de lumière traversa la pièce. Faith prit deux longs crochets, un dans chaque main, puis s’éloigna dans la lumière. Aussitôt qu’elle atteignit les portes, le véritable assaut commença. Dernièrement, Dylan et un groupe de Rôdeurs avaient effectué un raid dans un Sears non loin, et ils avaient aligné une trentaine de laveuses et de sécheuses dans la rue. Pour une personne possédant la pulsation, c’étaient des objets d’une taille idéale à lancer. Ils étaient l’équivalent d’une balle molle pour une personne normale, et Dylan avait même l’impression qu’ils avaient cette taille pendant qu’il les lançait les uns après les autres, les propulsant sur Faith, qui les esquivait en passant les portes. Elle se servit des boules de bowling comme d’une défense antiaérienne, les projetant dans les laveuses et les sécheuses à mesure qu’elles s’approchaient d’elle. Des morceaux de métal volaient près d’elle de tous côtés, et elle frappait à coups redoublés avec ses crochets de boucherie tout ce qui menaçait de l’atteindre. Elle ne se maîtrisait plus et adorait la sensation, acceptant tout ce que Dylan jetait dans sa direction et lui renvoyant directement les objets.

    Un Rôdeur se tenait sur un des côtés de la zone d’entraînement, et quand il décida de prendre un pneu de camion et de le lancer dans la direction de Faith, celle-ci se retourna contre lui. Le pneu fendit l’air en tournant, et Faith projeta une boule de bowling à travers le trou, l’envoyant frapper un pilier de béton derrière lequel se cachait le Rôdeur. Si la boule avait atteint sa cible, l’homme n’aurait peut-être pas survécu.

    — C’est assez ! cria Meredith.

    Elle se tenait debout sur une plate-forme métallique au-dessus d’eux, les observant par-dessus la peinture écaillée d’un garde-fou.

    En un instant, toutes les laveuses, les sécheuses et les boules de bowling tombèrent sur le sol, et d’un mouvement du bras, Meredith évacua tous les objets. C’était comme si un balai géant avait ratissé le plancher et les avait tous repoussés.

    — Dommage que tu n’aies pas une seconde pulsation, dit Faith en levant la tête pour la regarder tandis qu’elle laissait tomber les crochets métalliques avec un bruit retentissant. Tu ferais une foutue…

    — Recommençons et essayons une simulation de tempête, l’interrompit Meredith, et cette fois, pourquoi ne pas laisser tomber les effets spectaculaires ?

    — Mais j’ai plus de facilité à me concentrer quand je les mets sur des crochets, se plaignit Faith. Autrement, ils sont plus difficiles à maîtriser.

    Un Rôdeur colossal de descendance samoane arriva en tenant une boule de bowling rouge. Il s’appelait Semana et il portait un casque de football qui ne dissimulait en rien ses larges sourcils noirs. Sa tête, inhabituellement grosse, entrait à peine dans le casque protecteur.

    — Ça ne me dérange pas d’être suspendu, dit-il à travers la visière de son casque, mais évite de me frapper avec ma propre boule. Ça dépasserait les limites.

    La séance d’entraînement recommença sous le regard de Meredith. À la hauteur où elle se trouvait, elle était relativement à l’abri de tout objet volant qu’elle ne pourrait voir à temps pour le faire dévier. Ils poursuivaient cette formation depuis presque quatre mois, se concentrant presque entièrement sur le fait de pousser l’entraînement de Faith aussi loin que possible dans le peu de temps qu’ils avaient. Elle était remarquablement talentueuse, mais Meredith avait encore du mal à contenir les élans imprudents de Faith. Une demi-douzaine de Rôdeurs avaient été blessés lors de séances au cours desquelles Faith était allée trop loin trop vite. Ils étaient comme des partenaires d’entraînement dans un combat de boxe contre un adversaire invincible. Ils ne se plaignaient jamais, mais être suspendus sur des crochets de boucherie ? Ce n’était là qu’une série d’événements semblables qui inquiétaient Meredith.

    Les autres Rôdeurs sortirent de l’entrepôt en tenant tous des boules rouges qu’ils avaient retirées de la pile de débris. En passant près d’elle, certains la regardèrent avec colère, et aucun d’eux ne souriait.

    — Nous sommes de ton côté, tu sais, dit une femme parmi eux.

    Elle était la seule femme parmi les cinq Rôdeurs qui pénétraient dans la pièce. Faith croisa son regard et vit ses narines palpiter légèrement.

    — Et je suis de votre côté, répondit Faith en s’éloignant sans leur jeter plus qu’un coup d’œil. Je dirais que ça fait de vous des gens passablement chanceux.

    C’était le seul pas que Faith allait faire qui puisse se rapprocher d’une excuse, et ça ne servit qu’à creuser un peu plus le fossé entre elle et le reste du mouvement de résistance. Elle possédait le véritable pouvoir, la seconde pulsation, dont très peu de gens étaient dotés. Rien ne pouvait la blesser. Tous ces Rôdeurs pouvaient lancer des voitures dans les airs avec la seule force de leur pensée du matin au soir, mais s’ils ne s’écartaient pas assez rapidement de sous elles, ils finissaient comme toute personne normale, c’est-à-dire morts.

    La Rôdeuse secoua la tête et poursuivit son chemin.

    — Tu ferais mieux de jouer selon les règles, fit-elle par-dessus son épaule. Tu pourrais avoir besoin de nous un jour.

    « J’en doute », pensa Faith.

    Au moins, elle était assez intelligente pour ne pas le dire à voix haute tandis qu’elle rentrait dans l’entrepôt et refermait brutalement les portes de métal avec

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