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là où naissent les étoiles
là où naissent les étoiles
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Livre électronique138 pages2 heures

là où naissent les étoiles

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À propos de ce livre électronique

Quand j'entends la sonnerie de mon téléphone portable je m'apprête à tourner la clé de contact. Au lieu de cela je regarde le nom s'afficher à l'écran, décroche et cale la nuque à l'appui-tête. Je pose une main sur le volant et avec l'autre, j'approche l'écouteur de l'oreille et soupire un timide :
- Allô ?
La voix calme de Chloé, ma soeur aînée, répond :
- Ton père vient de mourir.
La phrase est choc, les mots devraient agir comme un électrochoc, mais étrangement je ne ressens aucune tristesse, à peine une légère mélancolie.

"Là où naissent les étoiles" vous emporte dans un torrent d'émotions où s'entremêlent finement la haine et l'amour.
LangueFrançais
Date de sortie5 avr. 2020
ISBN9782322213924
là où naissent les étoiles
Auteur

Yannick Felix

Yannick Felix est né près de Reims en 1969. Son premier roman "Légendaire de la Champagne-Ardenne" paraît en 1998 aux éditions Lacour-Ollé - collection Colporteur. Il sort en 2001 "Les prêcheurs de l'ombre", un roman historique traitant de l'Inquisition et du catharisme. "Un goût d'écorces dans les veines", paru en 2014, reçoit d'excellents retours et un prix de la Fédération Française des Salons du Livre. 2015 est l'année de sortie de "De sang mêlé", son premier roman policier. "La où naissent les étoiles" est son cinquième roman.

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    Aperçu du livre

    là où naissent les étoiles - Yannick Felix

    DU MÊME AUTEUR

    LÉGENDAIRE DE LA CHAMPAGNE-ARDENNE

    Éditions Lacour-Ollé, collection Colporteur, 1998

    LES PRÊCHEURS DE L’OMBRE

    Éditions Delbarre, 2001

    UN GOÛT D’ÉCORCE DANS LES VEINES

    Éditions Le Nuage d’Orion, 2014

    Prix d’encouragements de la FFDSL

    (Fédération Française des Salons du Livre)

    DE SANG MÊLÉ

    Éditions Le Nuage d’Orion, 2015

    Pour Sylvie, Élisa, Bastien

    Passionnément

    Un soir, un vieillard s'adresse à son petit-fils :

    Mon enfant, il y a une lutte entre deux loups à l'intérieur

    de chacun de nous. L'un est mauvais et l'autre est bon.

    L'enfant réfléchit, puis demande :

    Quel loup va gagner ?

    Celui que tu nourris, répond le vieil homme.

    Frédéric Lenoir

    Sommaire

    NÉ PAR ACCIDENT

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    Chapitre 5

    Chapitre 6

    UNE JEUNESSE RÉVOLTÉE

    Chapitre 7

    Chapitre 8

    Chapitre 9

    Chapitre 10

    Chapitre 11

    Chapitre 12

    Chapitre 13

    LA DÉLIVRANCE

    Chapitre 14

    Chapitre 15

    Chapitre 16

    Chapitre 17

    Chapitre 18

    Chapitre 19

    Chapitre 20

    Chapitre 21

    I

    NÉ PAR ACCIDENT

    « Si mes parents m’avaient consulté avant de me mettre au monde, j’aurais posé mes conditions »

    Jean-Louis-Auguste Commerson

    1

    Quand j’entends la sonnerie de mon téléphone portable je m’apprête à tourner la clé de contact. Au lieu de cela je regarde le nom s’afficher à l’écran, décroche et cale la nuque à l’appuie-tête. Je pose une main sur le volant et avec l’autre, j’approche l’écouteur de l’oreille et soupire un timide :

    ̶ Allô ?

    La voix calme de Chloé, ma sœur aînée, répond :

    ̶ Ton père vient de mourir.

    La phrase est choc, les mots devraient agir comme un électrochoc, mais étrangement je ne ressens aucune tristesse, à peine une légère mélancolie. Je chancelle un court instant tandis que mon regard se perd sur toute la grisaille de mai. Une grisaille qui me crache à la gueule. Il n’arrête pas de pleuvoir. Il y a du gris partout, sur l’horizon, sur les immeubles au long de la rue, les trottoirs, le square sur ma gauche, le ciel. Tout n’est que grisaille.

    Agacé, je corrige :

    ̶ C’est le tien de père, pas le mien. Plus le mien.

    ̶ Hum, si tu le dis…

    ̶ Le mien tu le sais bien, il y a longtemps qu’il est mort.

    Ma réponse se glace. Chloé demeure silencieuse. Avec la mort de mon père j’ai le sentiment que le cours de ma vie va pouvoir enfin se reposer, s’endormir, et pourtant je suis à cet instant comme la rivière qui sort de son lit. Cet homme restera à jamais dans mon esprit comme mon géniteur, un procréateur à sang-froid.

    Je raccroche puis tourne la clé de contact. Le claquement froid du diesel résonne dans l’habitacle et étouffe la guitare d’Éric Clapton que diffuse la radio FM. Je réfléchis au fait qu’il n’existe nulle part dans le monde une loi contraignant des enfants à aimer leurs parents. L’inverse est possible. J’en suis la preuve vivante.

    J’ai rompu avec mes parents il y a vingt ans, sans consentement mutuel. Un divorce contentieux, plutôt compliqué, qui impliqua tant de désaccords au sein du cercle familial. Ce sont mes choix, j’en suis responsable et je les assume.

    Je suis entré dans la tranche des quinquas sans répercussions sur mon quotidien, comme une fleur. La barre fatidique des 50 ans ! On m’avait prédit le contraire. J’ai seulement l’impression d’avoir passé ces années à essayer de me construire, avec l’amer sensation de vivre sur les ruines de ma jeunesse, des ruines semblables à une vieille maison qu’il faut sans cesse retaper. Alors de temps en temps j’époussette la saleté, j’étaie les plafonds, je consolide les murs, parfois je renforce les fondations. Je comble mon traumatisme comme je peux. C’est usant, déprimant par moments. En fait je me rends compte que faire construire aurait été plus simple. Mais aucune loi n’existe qui oblige des parents à aimer leurs enfants. L’inverse est aussi possible.

    Je ne fume plus depuis six ans, après de nombreuses tentatives restées vaines. Au rythme d’un paquet par jour j’ai échappé à 36500 putains de clopes. Une peccadille qui m’a permis d’économiser l’équivalent de la valeur d’une belle bagnole d’occasion et, accessoirement, d’échapper à un cancer de la gorge ou du poumon. Je suis brun grisonnant, les yeux marrons. J’échoue aux portes du mètre quatre-vingts à un foutu centimètre ; ça l’aurait pourtant fait sur la carte d’identité. Je porte une hermine autour du cou, symbole breton qui représente loyauté et pureté. J’ai fait tatouer ma date de naissance en chiffres romains sur l’avant-bras gauche, côté du cœur, pour conserver une lucarne, un lien, un trait d’union vers mon passé, m’unir à l’organe de pierre qui m’a conçu. Sans me la raconter, je pense ne pas être trop mal conservé pour mon âge. La pratique du vélo de route n’y est pas étrangère. Je roule beaucoup, entre cinq et sept mille kilomètres selon les années. De rares sorties en peloton, quelques courses, mais seul le plus souvent, solitaire avec ma machine : un BMC carbone, fidèle compagnon de route. Freins à disque, dérailleur électrique, roues profil haut. Une machine à rouler. Je me suis fait plaisir en me l’offrant – le prix d’une bagnole d’occasion justement. Je n’ai rien trouvé de mieux pour me vider la tête et ne penser qu’à moi durant ces longues heures d’entraînement. Je pratique aussi le running. Quatre à cinq kilomètres au plus, avec ma femme de temps en temps comme partenaire. Des séances destinées principalement à apporter un bénéfice cardio pour les sorties vélo. Parfois des séances de gainage. Je n’ai toujours pas réussi à poser mes valises, même si ma femme et moi avons fondé une famille formidable. Une fille et un garçon, que nous aimons profondément. Ils volent à présent de leurs propres ailes après des études durement menées.

    Professionnellement ma devise est ni Dieu ni maître. J’ai commencé indépendant, puis salarié, puis de nouveau indépendant, puis de nouveau salarié. Comme tout un chacun recevoir des ordres m’est difficilement supportable. J’ai soupé probablement de tellement d’injustices étant jeune qu’il n’est pas né celui qui me fera abdiquer, quelle que soit la valeur qu’il se donne pour cela. Je n’ai d’ailleurs pas hésité un instant à démissionner du poste de manager commercial pour lequel j’étais grassement payé 4200 euros par mois. À 50 ans passés. Je crois rêver ! J’ai foncé tête baissée tel un taureau dans l’arène. C’était cela ou baisser mon froc. Comme je suis frileux j’ai préféré courir. Suis-je fou ou est-ce de l’inconscience ? Probablement que l’inconnu ne me fait pas peur. Comme Sega : « c’est plus fort que moi ». Mon côté autodestructeur. Être heureux m’est difficile ; je dois trop penser au bonheur. Il paraît que c’est le syndrome de l’enfant non désiré : vouloir en faire beaucoup, trop parfois, le piège étant de rechercher à l’extérieur ce qu’on n’arrive pas à se donner à soi-même. Je ne tiens pas en place. Ça tombe bien, ma femme est fille de militaire et a grandi avec cette habitude de bouger. 31 ans que nous nous sommes rencontrés. Elle est ma béquille, celle qui me comprend, qui me donne confiance, qui me canalise, qui me fait confiance. Une dizaine de déménagements à notre actif. Difficile de construire sur du long terme dans ces conditions. Mais nous ne sommes ni prévoyants, ni prudents.

    Aujourd’hui mon kif est de tout plaquer, tout laisser derrière moi et parcourir le monde à vélo, un sac, un tapis de sol, une toile de tente sur le dos, dans une vertigineuse quête de liberté. Je ferais éventuellement la concession d’un vieux van si ma femme accepte de me suivre. La couche est plus confortable. Dans mon concept parcourir le monde ne signifie pas tour du monde. Il n’y a pas de retour possible en arrière. À quoi bon si c’est pour être libre. La raison principale pour laquelle ma femme hésite encore. Un dernier voyage. La boucle est bouclée. Ce statut d’enfant non désiré offre une vision de la vie différente. Une vie à crédit, un sursis pour chaque jour vécu. Je ne crains pas la mort, je la verrais plutôt comme un repos de l’esprit, pout mettre son âme en veille et non comme une douleur éternelle.

    Je reprends donc le chemin de l’indépendance. C’est acté. Écouter mon instinct et seulement le mien. C’est mieux.

    2

    Le doute est un brouillard qui enveloppe les toits de la ville, s’enroule poussivement en volutes autour des bâtiments, s’épaissit et forme une barrière nébuleuse infranchissable. Il étouffe les bruits de la ville, ne laisse percevoir qu’une sourde rumeur. Alors vient le choix de s’élancer aveuglément avec l’objectif de fendre ce mur, sans se soucier de ce qu’il y a derrière, ou se contenter du côté où l’on se trouve avec le risque de ruminer à vie des regrets.

    Après un demi-siècle d’existence le moment est venu pour moi de passer de l’autre côté du brouillard, pour voir ce qui s’y passe. Je suis comme un naufragé qui jette une bouteille à la mer, caressant l’espoir qu’elle sera découverte un jour, peu importe du temps que cela prendra, de ce que son découvreur en fera. L’idée est de saisir le courage. Il ne se passe pas une journée sans que j’y pense. Je cohabite avec cette idée au quotidien. Elle est source de douleur invisible, muette, imperceptible, me plombe la tête au point d’avoir le sentiment que je pourrais devenir fou si je ne fais rien. J’ai l’habitude de dire que chaque jour qui passe est un sursis qui m’est offert. Mais je ressens à présent le besoin d’exorciser mes blessures intérieures, d’exécuter des prières spéciales dont les signes religieux sont les mots de la langue française, pour me soustraire à mon passé, me délivrer de cette existence. Je veux conjurer mes démons. Je conçois qu’il puisse être difficile, au commun des mortels, de comprendre combien il est compliqué de trouver sa place au sein d’une famille sans y avoir été invité, compliqué d’y justifier sa présence. La sensation de ne pas être le bienvenu m’obsède. Tout ceci finit par créer un gloubi-boulga débordant de sentiments indigestes, un besoin d’affectivité excessif, incontrôlable, exaspérant. L’âpreté de vivre avec la blessure du rejet c’est comme partager un appartement avec un colocataire devenu

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