L’École des femmes
Par Moliere
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À propos de ce livre électronique
La pièce de théâtre, novatrice par son mélange inédit des ressources de la farce et de la grande comédie en vers, est un immense succès, et suscite une série de débats connus sous le nom de « Querelle de L’École des femmes. » Cette querelle, habilement exploitée par Molière, lui donne l’occasion de répondre aux critiques qui lui sont adressées et de préciser son projet dramatique dans une comédie intitulée La Critique de l’École des femmes, représentée sur la scène du même théâtre au mois de juin de l’année suivante.
Extrait
| Scène I
CHRYSALDE, ARNOLPHE
CHRYSALDE
Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main ?
ARNOLPHE
Oui, je veux terminer la chose dans demain.
CHRYSALDE
Nous sommes ici seuls ; et l’on peut, ce me semble,
Sans craindre d’être ouïs, y discourir ensemble.
Voulez-vous qu’en ami je vous ouvre mon cœur ?
Votre dessein pour vous me fait trembler de peur ;
Et de quelque façon que vous tourniez l’affaire,
Prendre femme est à vous un coup bien téméraire.
ARNOLPHE
Il est vrai, notre ami. Peut-être que chez vous
Vous trouvez des sujets de craindre pour chez nous ;
Et votre front, je crois, veut que du mariage
Les cornes soient partout l’infaillible apanage.
CHRYSALDE
Ce sont coups du hasard, dont on n’est point garant,
Et bien sot, ce me semble, est le soin qu’on en prend.
Mais quand je crains pour vous, c’est cette raillerie
Dont cent pauvres maris ont souffert la furie :
Car enfin vous savez qu’il n’est grands, ni petits,
Que de votre critique on ait vus garantis ;
Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes,
De faire cent éclats des intrigues secrète...|
Moliere
Molière was a French playwright, actor, and poet. Widely regarded as one of the greatest writers in the French language and universal literature, his extant works include comedies, farces, tragicomedies, comédie-ballets, and more.
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Avis sur L’École des femmes
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Aperçu du livre
L’École des femmes - Moliere
2
NOTICE
Cette pièce fut représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Palais-Royal, le 26 décembre 1662. Habitué déjà à de brillants succès, Molière obtint encore, ce jour-là, auprès du public, un triomphe éclatant. Son ouvrage, dit Loret,
… Fit rire leurs majestés
Jusqu’à s’en tenir les côtés ;
mais si ses admirateurs furent nombreux, les détracteurs ne le furent pas moins. Ils attaquèrent la pièce au nom du goût, de la morale, de la grammaire, et, ce qui était plus grave et plus dangereux pour l’auteur, au nom de la religion. Les gens pieux s’en offensèrent, et la scène dans laquelle Arnolphe veut endoctriner sa pupille, leur parut et non sans cause, dit M. Bazin, « parodier insolemment les formes d’un sermon ; le vers même qui la termine reproduisait presque textuellement la bénédiction finale du prédicateur. « Les chaudières bouillantes » dont il menace Agnès, la « blancheur du lis » qu’il promet à « son âme » en récompense dune bonne conduite, la « noirceur du charbon » dont il lui fait peur si elle agit mal, et enfin ces Maximes du Mariage ou Devoirs de la Femme mariée avec son exercice journalier, dont il veut qu’elle lise dix commandements, ressemblaient trop en effet au langage le moins éclairé, et par conséquent le plus usité, du catéchisme ou du confessionnal, pour ne point paraître aux dévots un attentat contre les choses saintes. Ils n’allaient pourtant pas encore jusqu’à le dire publiquement ; car la dispute, sur ce terrain, était périlleuse ; mais ils s’en prenaient à d’autres licences qui offensaient seulement les bonnes mœurs. Le prince de Conti, l’ancien protecteur de la troupe de Molière en Languedoc, devenu fervent janséniste et théologien, écrivait ce qui suit dans son Traité de la Comédie et des Spectacles : « Il faut avouer de bonne foi que la comédie moderne est exempte d’idolâtrie et de superstition, mais il faut qu’on convienne aussi qu’elle n’est pas exempte d’impureté ; qu’au contraire cette honnêteté apparente, qui avoit été le prétexte des approbations mal fondées qu’on lui donnoit, commence présentement à céder à une immodestie ouverte et sans ménagement, et qu’il n’y a rien, par exemple, de plus scandaleux que la cinquième scène du second acte de l’École des Femmes, qui est une des plus nouvelles comédies. »
Heureusement pour Molière, Louis XIV se rangea au nombre de ses défenseurs, et comme compensation des insultes de la critique, Boileau lui adressa pour étrennes le 1er janvier 1663, des stances où se trouvent ces vers :
En vain mille jaloux esprits,
Molière, osent avec mépris
Censurer un si bel ouvrage ;
Ta charmante naïveté
S’en va pour jamais d’âge en âge
Enjouer la postérité.
Ceux même qui attaquaient la nouvelle comédie avec le plus d’acharnement, lui donnaient à côté du blâme les plus pompeux éloges, témoin ce passage où de Visé, l’un des critiques les plus ardents, après avoir dit « qu’on ne vit jamais tant de méchantes choses ensemble, » ajoute : « Mais il y en a de si naturelles, qu’il semble que la nature ait elle-même travaillé à les faire : il y a des endroits qui sont inimitables, et qui sont si bien exprimés, que je manque de termes assez forts et assez significatifs pour les bien faire concevoir. Il n’y a personne au monde qui les pût si bien exprimer, à moins qu’il n’eût son génie, quand il seroit un siècle à les tourner. Ce sont des portraits de la nature qui peuvent passer pour des originaux : il semble qu’elle y parle elle-même ; et ces endroits ne se rencontrent pas seulement dans ce que dit Agnès, mais dans tous les rôles de la pièce. »
Les avis, on le voit, au moment même de l’apparition de l’École des Femmes, furent très-partagés ; et depuis Molière jusqu’à nos jours, ou retrouve la même divergence entre les diverses opinions des critiques. Fénelon, Jean-Jacques Rousseau et Geoffroy, entre autres, se sont montrés fort sévères.
« Molière, dit Geoffroy à propos de la pièce qui nous occupe, a flatté le goût du siècle qui voulait secouer le joug de l’ancienne sévérité, et opérer un plus grand rapprochement entre les sexes. De son temps la galanterie, la politesse et les plaisirs étaient concentrés à la cour et dans les premières maisons de la ville. La bourgeoisie et le peuple étaient encore dans l’état d’une demi-barbarie ; c’est Molière qui a poli l’ordre mitoyen et les dernières classes ; c’est lui qui a ébranlé ces vieux préjugés de l’éducation, soutiens des vieilles mœurs ; c’est lui quia brisé les entraves qui retenaient chacun dans la dépendance de son état et de ses devoirs, et cette impulsion qu’il a donnée aux penchants de son siècle, a beaucoup contribué à son succès. »
En d’autres termes, Molière, d’après Geoffroy, introduisait dans la comédie la morale relâchée des nouveaux casuistes, et c’était surtout par l’attrait du scandale qu’elle attirait la foule. « Aujourd’hui, ajoute Geoffroy, on joue encore de temps en temps l’École des Femmes… mais les changements survenus dans nos mœurs, le grand progrès de nos lumières ont proscrit le ridicule attaqué dans cette pièce… c’est un chef-d’œuvre comique, comme don Quichotte, sur un travers qui n’existe plus. Le préjugé qui attachait l’honneur d’un mari à la vertu de sa femme, est absolument détruit ; la folie d’un homme qui regarde l’infidélité conjugale comme le premier des affronts et le dernier des malheurs, n’est plus au nombre des folies convenues qui circulent librement dans la société. Aujourd’hui toutes les plaisanteries sur le mariage et ses accidents sont ignobles et du plus mauvais ton. Le silence est recommandé sur cet article délicat. »
M. Aimé Martin, qui ne laisse jamais passer, sans essayer de les réfuter, les critiques adressées à Molière, s’est livré à une discussion approfondie pour montrer que si l’on avait accusé l’auteur de l’École des Femmes de donner un ton gracieux au vice et une austérité ridicule et odieuse à la vertu, c’était faute d’avoir suffisamment compris la pièce. Comme notre rôle, dans cette édition variorum,