La Divine Comédie: Tome III : Le Paradis
Par Dante Alighieri
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À propos de ce livre électronique
Dante Alighieri
Durante degli Alighieri, simply referred to as Dante (12651321), was a major Italian poet of the Middle Ages. His Divine Comedy, originally called La Comedia and later called Divina by Boccaccio, is widely considered the greatest literary work composed in the Italian language and a masterpiece of world literature.In Italy he is known as il Sommo Poeta ("the Supreme Poet") or just il Poeta. He, Petrarch and Boccaccio are also known as "the three fountains" or "the three crowns". Dante is also called the "Father of the Italian language".
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Aperçu du livre
La Divine Comédie - Dante Alighieri
La Divine Comédie
La Divine Comédie
CHANT I
CHANT II
CHANT III
CHANT IV
CHANT V
CHANT VI
CHANT VII
CHANT VIII
CHANT IX
CHANT X
CHANT XI
CHANT XII
CHANT XIII
CHANT XIV
CHANT XV
CHANT XVI
CHANT XVII
CHANT XVIII
CHANT XIX
CHANT XX
CHANT XXI
CHANT XXII
CHANT XXIII
CHANT XXIV
CHANT XXV
CHANT XXVI
CHANT XXVII
CHANT XXVIII
CHANT XXIX
CHANT XXX
CHANT XXXI
CHANT XXXII
CHANT XXXIII
Page de copyright
La Divine Comédie
Dante Alighieri
CHANT I
La gloire de Celui qui met le monde en branle
remplit tout l’univers, mais son éclat est tel
qu’il resplendit plus fort ou moins, selon les lieu[i].
Je montai jusqu’au ciel qui prend de sa splendeur
la plus grande partie, et j’ai connu des choses
qu’on ne peut ni sait dire en rentrant de là-haut,
car en se rapprochant de l’objet de ses vœux
l’intelligence y court et s’avance si loin
qu’on ne saurait la suivre avec notre mémoire.
Mais tout ce que j’ai vu pendant ce saint voyage,
tout ce que j’ai pu mettre au trésor de l’esprit
servira maintenant de matière à mon chant.
Rends-moi, doux Apollon, pour ce dernier labeur
un vase bien rempli de ta propre vertu,
que je sois digne enfin de ton laurier aimé.
J’ai pu me contenter jusqu’à présent d’un seul
des sommets du Parnasse : il me faut maintenant
monter sur tous les deux, pour ce dernier parcours[ii].
Pénètre dans mon sein, partage-moi ton souffle,
comme au jour d’autrefois où ton chant eut le don
de tirer Marsyas du fourreau de ses membres[iii] !
Ô divine vertu, livre-toi, que je puisse
raconter pour le moins l’ombre du règne heureux,
tel que je l’emportai gravé dans ma mémoire ;
tu me verras monter vers l’arbre bien-aimé[iv]
et faire couronner mon front de son feuillage,
le thème et ton concours m’en ayant rendu digne.
Nous pouvons le cueillir si peu souvent, ô père,
pour fêter d’un César, d’un poète la gloire
(c’est là des passions l’opprobre et la rançon),
que l’arbre pénéen et ses feuilles devraient
inonder de plaisir le cœur du dieu de Delphes,
chaque fois que nous point le soin de les gagner[v].
La petite étincelle allume le grand feu ;
et peut-être quelqu’un, d’une voix plus habile,
va prier après moi, pour que Cyrrha[vi] réponde.
L’astre du jour se lève aux regards des mortels
sur plus d’un horizon ; mais il en est un seul
auquel on voit trois croix sortant des quatre cercles[vii],
où son éclat reluit sous de meilleurs auspices,
suivant un cours meilleur, qui dispose et modèle
plus à sa volonté la matière du monde.
C’est à peu près ce point qui, faisant là le jour,
portait chez nous la nuit ; et dans cet hémisphère
tout s’habillait de blanc, et de noir dans le nôtre,
quand je vis qu’ayant fait un demi-tour à gauche
Béatrice rivait son regard au soleil,
bien plus intensément que ne le peut un aigle.
Comme l’on voit jaillir d’un rayon de lumière
un rayon réfléchi qui monte vers le haut,
semblable au pèlerin qui retourne chez lui,
de même, mon maintien reproduisant le sien,
tel que dans mon esprit il entrait par la vue,
je fixai le soleil d’un regard plus qu’humain.
Bien des choses, là-haut, qui ne sont pas permises
à notre faculté, deviennent naturelles
par la vertu du lieu conçu pour notre bien.
J’en souffrais mal l’aspect, mais assez cependant
pour voir étinceler les éclats qu’il jetait
comme le fer ardent qu’on sort de la fournaise.
On eût dit que le jour multipliait le jour,
comme si tout à coup Celui qui peut tout faire
avait mis sur le ciel deux soleils à la fois.
Béatrice restait tout entière attachée
par son regard intense aux sphères éternelles,
et moi, l’en détachant, je le posais sur elle
et en la contemplant je devins en moi-même
tel que devint Glaucus, lorsqu’il eut goûté l’herbe
qui le rendait égal aux autres dieux des mers[viii].
Traduire per verba cette métamorphose
ne serait pas possible ; et l’exemple doit seul
suffire à qui la grâce un jour l’enseignera.
Amour, toi qui régis le ciel et qui m’as fait
monter par ton effet, tu sais s’il me restait
autre chose de moi, que le don de la fin[ix].
Lorsque la sphère enfin qui se meut le plus vite
par le désir de toi[x], rappela mon regard
avec tous ses accords que tu conduis et règles,
j’y vis incendier de si vastes surfaces
par le feu du soleil, qu’il n’est pas de déluge
ou de fleuve qui pût faire un lac aussi grand.
Ces accents surprenants, cette immense splendeur
m’enflammaient du désir de connaître leur cause,
tel que jamais avant je n’en eus de plus vif ;
et elle, qui voyait en moi comme moi-même,
pour apaiser la soif de l’âme, ouvrit la bouche
plus vite encor que moi pour le lui demander
et elle commença : « Tu t’étourdis tout seul
par des pensers trompeurs, qui t’empêchent de voir
ce qui serait très clair, si tu t’en secouais.
Tu n’es pas sur la terre, ainsi que tu supposes[xi] ;
mais l’éclair qui descend du lieu de sa demeure
est moins prompt à le fuir, que toi tu n’y reviens. »
Si je me vis alors libre du premier doute,
par ces propos si brefs, dits avec un sourire,
un autre embarrassait davantage l’esprit.
« De mon étonnement, lui dis-je, je reviens.
Me voici satisfait ; mais ma surprise est grande,
de me voir traverser ces éléments légers[xii]. »
Elle poussa d’abord un soupir de pitié,
me regardant ensuite avec l’expression
de la mère veillant sur son fils qui délire,
puis elle me parla : « Tous les objets du monde
ont un ordre commun : et cet ordre est la forme
qui fait de l’univers une image de Dieu.
Les êtres de là-haut y retrouvent l’empreinte
du pouvoir éternel, qui fait la fin suprême
où tend la loi de tous, dont je viens de parler.
Bien que tous les objets qui sont dans la nature
dépendent de ces lois, la façon en diffère
selon qu’ils sont plus loin ou plus près de leur source.
Ils naviguent ainsi vers des ports différents
sur l’océan de l’être, et chacun d’eux possède
un instinct qui le guide et dont on lui fit don.
C’est lui qui fait monter le feu jusqu’à la lune[xiii] ;
c’est lui, du cœur mortel le premier des moteurs ;
c’est lui qui tient ensemble et compose la terre ;
c’est lui qui, comme un arc, lance dans l’existence
avec tous les objets privés d’intelligence
tous les êtres doués d’intellect et d’amour.
La Providence donc, qui gouverne le monde,
porte par son éclat le repos éternel
aux cieux au sein desquels roule le plus rapide ;
et c’est là maintenant, comme à l’endroit prévu,
que nous sommes lancés par la force de l’arc
qui tire droit au but les flèches qu’il décoche.
Il est vrai cependant que, comme bien souvent
la forme reste sourde aux propos de l’artiste,
qui ne peut pas plier la matière à ses fins,
de même l’être peut s’écarter quelquefois
du cours ainsi tracé, puisqu’il a le pouvoir,
tout en étant guidé, de s’incliner ailleurs
(comme au lieu de monter, le feu tombe des nues),
si l’on vient dévier l’impulsion première
par quelque faux plaisir qui pousse vers le sol[xiv].
Si tu comprends cela, le fait qu’ainsi tu montes
n’est pas plus étonnant que le cours d’un ruisseau
qui descend des sommets au creux d’une vallée.
Le surprenant serait que, libre des entraves,
tu puisses demeurer prisonnier de la terre,
ou que l’on puisse voir une flamme immobile. »
Ensuite elle tourna son regard vers les sphères.
[i] Selon que les objets créés par lui sont plus ou moins rapprochés de la perfection, et donc plus ou moins aptes à le recevoir.
[ii] Le Parnasse a deux sommets, l’un consacré aux Muses et l’autre à Apollon : Dante dit donc qu’il s’est contenté jusqu’à présent du seul concours des Muses.
[iii] Apollon vainquit le satyre Marsyas dans un concours musical et s’adjugea pour trophée la peau du vaincu, qu’il écorcha lui-même.
[iv] Le laurier, dont on fait les couronnes des poètes; il est appelé plus loin « l’arbre pénéen », car Daphné, qu’Apollon obligea de se transformer en laurier, était fille du fleuve Pénée.
[v] Le sens est clair; mais la forte anacoluthe, qui fait que le poète s’adresse d’abord à Apollon au vocatif, « ô père », et finit par parler à la troisième personne du « dieu de Delphes » a induit certains commentateurs à interpréter autrement. C’est ainsi, par exemple, que Federzoni, Studi e diporti danteschi, Bologne 1902, pp. 471-484, considère que le « dieu de Delphes » doit être plutôt le poète en général, et que l’idée de Dante est que le triomphe d’un poète devrait li1 de joie le cœur de tous ses confrères. Cette explication n’emporte pas la conviction.
[vi] L’un des deux sommets du Parnasse, consacré à Apollon.
[vii] Le cercle du zodiaque, l’équateur et le cercle équinoxial forment trois croix à leur intersection avec le quatrième cercle, celui de l’horizon; mais l’intention de Dante n’est pas claire, et les interprétations de cette indication varient considérablement. D’après l’opinion la plus courante, il faut entendre que le soleil se lève sur un horizon coïncidant avec les trois croix, ce qui se produit lorsqu’il se trouve dans le signe du Bélier, au commencement du printemps : c’est à cause du printemps qu’il est dit que le soleil suit alors « un cours meilleur ». Pour d’autres, les quatre cercles et les trois croix sont les quatre vertus cardinales et les trois théologales, et le soleil est l’image de Dieu.
[viii] Glaucus était un pêcheur de Béotie qui, d’après Ovide, avait vu ses poissons reprendre vie et sauter dans l’eau après avoir mangé d’une certaine herbe; il en fit de même, et devint dieu.
[ix] L’âme, qui est insufflée à l’homme lorsque le corps est déjà formé : Dante pense donc qu’il est peut-être réduit à l’état de pur esprit.
[x] Le Premier Mobile, voisin immédiat de l’Empyrée, et qui tourne plus vite que les autres cieux « à cause de l’appétit immense de ce neuvième ciel » de se réunir avec dixième (Dante, Convivio, II, 3); cf. la note 391.
[xi] Béatrice et Dante ont déjà abandonné la terre et se dirigent vers le premier ciel, qui est celui de la Lune.
[xii] En d’autres termes, de me voir voler.
[xiii] Le feu tend normalement vers sa sphère, qui se trouve entre celle de l’air et la lune; cf. Purgatoire, note 190.
[xiv] Dante monte vers la Lune et puis vers les autres cieux « comme à l’endroit prévu » pour l’âme, qui s’y dirige naturellement et sans effort, sitôt qu’elle y a été appelée. Il est vrai que la loi qui pousse l’âme vers le haut peut être contrecarrée parfois par des lois ou des impulsions différentes, de même que le feu, qui est fait pour monter naturellement jusqu’à sa sphère, peut, dans des cas particuliers tomber des nues, sous forme de foudre, au lieu de monter.
CHANT II
Ô vous, qui naviguez dans vos petites barques,
désireux de m’entendre, et suivez à la trace
la route de ma nef qui s’avance en chantant,
retournez maintenant auprès de vos rivages ;
ne vous hasardez pas au large, car peut-être,
resterez-vous perdus, si vous vous écartez !
Personne n’a suivi la route que je prends ;
Minerve tend ma voile et Apollon me guide,
et ce sont les neuf sœurs qui me montrent les Ourses.
Et vous, le petit chœur de ceux qui de bonne heure
avez tendu le cou vers le pain angélique
dont on vit ici-bas sans se rassasier[i],
envoyez hardiment vos nefs en haute mer,
mais en prenant bien soin de suivre mon sillage,
tant que sur l’eau mouvante il n’est pas effacé.
Les héros qui jadis abordaient en Colchide
furent moins étonnés que vous ne le serez,
lorsqu’ils virent Jason devenu laboureur[ii].
La soif perpétuelle, innée au cœur de l’homme,
du royaume construit selon Dieu, nous portait
aussi rapidement que le cours des étoiles.
Béatrice fixait le ciel, moi Béatrice ;
et le temps plus ou moins que mettrait un carreau
à quitter l’arbalète et à frapper le but,
je parvins en un point dont l’éclat merveilleux
me donnait dans les yeux ; à l’instant cette dame,
qui connaissait toujours le fond de ma pensée,
se retourna vers moi, belle autant que joyeuse :
« Élève ton esprit et rends grâces à Dieu,
qui nous fait arriver à la première étoile[iii] ! »
Un nuage parut nous revêtir alors,
épais et rutilant, éblouissant et dru,
pareil au diamant où le soleil se baigne.
Cet éternel joyau nous reçut dans son sein,
comme l’onde reçoit un rayon de lumière
restant en même temps parfaitement unie.
Si j’étais corps (sur terre on ne saurait comprendre
qu’un espace tolère un autre espace en soi,
ce qui doit advenir, si deux corps se pénètrent),
il devait s’enflammer d’un plus ardent désir
de contempler l’essence en laquelle l’on voit
comment notre nature est confondue en Dieu ;
et nous verrons là-haut ce qu’ici nous croyons
sans qu’on l’ait démontré, mais qui s’offre à l’esprit,
de même que l’on croit aux principes premiers[iv].
Je répondis : « Ma dame, aussi dévotement
qu’il est en mon pouvoir, je rends grâce à Celui
qui me sépare ainsi du monde des mortels.
Dites-moi cependant, que sont ces taches sombres[v]
que l’on voit sur ce corps et qui là-bas, sur terre,
ont fait croire à la fable où l’on nomme Caïn ? »
Elle sourit un peu, puis dit : « Si des mortels
le raisonnement court vers l’erreur, chaque fois
qu’il ne peut se servir de la clef des cinq sens,
par contre, désormais la pointe des surprises
doit s’émousser pour toi : tu vois que la raison
que desservent les sens a les ailes trop courtes.
Mais fais-moi voir d’abord comment tu te l’expliques ! »
« Les aspects différents que l’on y trouve, dis-je,
sont l’effet, à mon sens, des corps plus ou moins denses[vi]. »
Elle dit : « Tu verras que ton opinion
a sombré dans l’erreur, si tu suis avec soin
mon exposition des arguments contraires.
Dans la huitième sphère on observe un grand nombre
d’astres, dont on voit bien que, pour la qualité
comme pour la grandeur, l’aspect est différent.
Si le rare ou le dense en étaient seuls la cause,
on trouverait en tous une seule vertu,
plus dans l’un, moins dans l’autre, ou bien pareillement.
Mais nécessairement des vertus différentes
de principes formels différents font la preuve ;
dans ton raisonnement il n’en subsiste qu’un[vii].
Or, si la densité fut la cause des taches
que tu veux t’expliquer, il s’ensuit que cet astre
serait de part en part privé de sa matière ;
ou bien, comme ces corps où l’on trouve à la fois
le gras avec le maigre, ce serait un volume
formé, selon l’endroit, de plus ou moins de feuilles[viii].
Si le premier était, il serait manifeste
dans les éclipses : lors, les rayons du soleil
traverseraient l’espace ainsi raréfié.
Il n’en est pas ainsi : voyons donc l’autre cas ;
et si je peux prouver qu’il n’est pas mieux fondé,
il en résultera que tes raisons sont fausses.
Puisque le clairsemé ne forme pas un trou,
il s’ensuit qu’il existe un point où son contraire
finit par l’empêcher de s’enfoncer plus loin
et repousse à son tour les rayons du soleil,
tout comme le cristal réfléchit les couleurs,
lorsqu’on l’a fait doubler d’une couche de plomb[ix].
Tu pourrais répliquer que, si certains rayons
se montrent plus obscurs que ceux venant d’ailleurs,
c’est parce que leur source était plus reculée.
Si tu veux l’éprouver, la simple expérience
pourra facilement éliminer tes doutes,
elle, qui sert de source au fleuve de vos arts.
Ayant pris trois miroirs, à la même distance
de toi, places-en deux ; et que ton œil retrouve
entre ces deux premiers le dernier, mais plus