Confidences et grain de folie: Chroniques pas ordinaires de mes 42 ans de commerce
()
À propos de ce livre électronique
Je relate des souvenirs cocasses, des réparties à l'emporte-pièces, des échanges désopilants et des anecdotes jubilatoires et hilarantes.
Cette existence s'écroule brutalement face à des calomnies infâmes et des trahisons destructrices...
Confidences d'une accro du travail sur un parcours jonché d'épreuves mais qui m'a fait un cadeau extraordinaire : mon instinct de survie... et un grain de folie !
Bienvenue dans ma vie, une vie entre rire et larmes.
Mais quelle vie !
Brigitte Meg-Lanor
Brigitte Meg-Lanor est originaire d'une petite ville de la Beauce. Elle a évolué quarante-deux ans dans le commerce, passionnée par ses métiers. Elle partage désormais sa vie entre Paris et le centre de la France.
Lié à Confidences et grain de folie
Livres électroniques liés
Quand les mots ont manqué Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationViens, on va voir les lapins Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMi-maman mi-moi: Chroniques d'une mère Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPupille 0877PE: Témoignage Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne existence comme les autres…: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJ'peux pas j'ai psychiatrie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationOublier pour toujours: Saga Pour Toujours Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBetty: chronique d'une enfance écorchée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEn vers et contre tout Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa victoire de Vic : mi-fille, mi-garçon Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSans un bruit Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAnothe me: (Un garçon pas comme les autres) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationToi, moi et le cancer Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEst-il possible de cicatriser ? Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBorderlove Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMélanie's revenge Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPartie de loin puis rien, pour devenir... Moi ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMes deux moi: Aide moi Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEncore quelques instants Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMon combat contre la dépression: Comment mes liens spirituels m'ont sauvée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMon fils est trisomique, et alors ?: Témoignage Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation« De l'ombre à la lumière »: Témoignage d'un aidant Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes marches de la sagesse: De Nantes à Nantes 80 ans d'une vie exceptionnelle Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTreize ans plus tard... Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDroit dans les yeux: Témoignage d'une jeune femme malvoyante Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLES SECRETS DE NORAH Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation"Silence ou" Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMon père est mort deux fois Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÀ présent, je me souviens: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa chambre blanche Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur Confidences et grain de folie
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Confidences et grain de folie - Brigitte Meg-Lanor
fois…
1
Quand j’étais petite, je n’étais pas grande…
Je me demande si je suis née le jour de ma naissance. En tout cas, un convoi exceptionnel a déversé des tonnes de soucis dans mon berceau… Ma vie n’est pas un conte de fées, le prince charmant a perdu mon adresse, qu’est-ce qu’il va prendre quand il sonnera à ma porte…
J’ai toujours vu mes parents travailler d’arrache-pied pour que nous vivions dans une jolie maison. Je ne peux que les remercier de m’avoir inculqué ce respect de la vie active. J’ai dû déteindre sur eux, car mes filles sont courageuses et soucieuses de leurs activités professionnelles, conscientes du travail bien fait, je leur ai souvent dit qu’il faut aimer son travail, c’est si beau et bon d’y être heureux et épanoui.
Mes parents étaient enfants lors de la seconde guerre mondiale. Ils ont connu soit la faim, soit l’exode, soit le père prisonnier pendant des années. Allez-vous jeter dans les bras d’un inconnu qui revient après cinq ans de captivité… Quatre ans quand il est parti, grandi sans câlins ni bisous. A cette époque, cela ne se fait pas, alors comment donner à ses propres enfants ce que l’on n’a pas reçu… On ne s’arrêtait pas à ce « Détail ». Mes frères, ma sœur et moi avons grandi ainsi. Dis bonjour à la dame, respecte les personnes âgées, ne parle que si on t’adresse la parole, et pas la bouche pleine, pas les coudes sur la table …
Il ne se passe pas une semaine sans que j’aide un quidam dans le métro, porte le panier d’une mamie, tienne la porte d’un magasin, l’autre jour j’ai aidé une dame à monter dans le train, sa jupe était trop serrée, j’ai mis mes deux mains sur son postérieur, hop, sinon je serais restée sur le quai.
Je demandais à mes filles de se présenter à table pour les repas, les mains propres et les cheveux attachés. Le Dieu smartphone n’existait heureusement pas encore sinon il en aurait été banni. Je suis une enquiquineuse ? Mélancolique du tam-tam ou des signaux de fumée…
Je dis souvent que j’ai été battue pour 150 générations. Je n’ai jamais levé la main sur quiconque, la violence me fait peur. Je la fuis. Je pousse juste quelques GRANDS cris quand je suis en colère et je boude. Ma fille, Ludivine qui a le talent de me stresser, s’est vue pendant deux semaines, répondre à ses questions multiples et répétitives, par un mot sur un post-it. Je ne voulais plus m’exprimer sinon je pétais une durite…
Toute ma famille maternelle étant immergée dans l’Education Nationale, les instituteurs et professeurs de toute ma scolarité, étaient amis ou ex élèves de mes grands-parents, difficile, d’être cancre dans ces conditions.
Je me souviens de Madame Binoche, délicieuse « Maîtresse » de primaire, qui un jour en classe, fait l’appel des élèves. Mon nom résonne sans réponse, et les élèves disent que je suis dans le vestiaire.
Elle s’approche de moi, je me cache la tête dans les mains. Je couvre mon visage d’enfant de huit ans, gonflé par les larmes de honte et de chagrin, que je ne peux empêcher de couler. Elle se baisse, écarte mes menottes, et reste interdite devant moi : j’ai un œil poché. Qu’il est difficile, voire impossible, de dire que j’ai été battue, la petite victime se sent coupable. Si mon père me bat, c’est parce que je ne suis pas sage ? Facile à dire quand on n’a pas connu ceci ! Je n’ai pas oublié, cinquante-trois ans plus tard, l’immense tendresse dans ses yeux, on ne m’avait jamais regardée ainsi.
Le bonheur de l’enfance a fondu sur moi et glissé dans mes doigts comme du sable. J’affronterai tant d’épreuves par la suite. Bien des années plus tard, quand j’accueillerai de jeunes enfants dans mes boutiques, j’accomplirai les mêmes gestes que cette femme a eu pour moi, un regarde d’adulte humain vers un regard d’enfant humain en souffrance. La seule personne à me regarder sans pitié, mais avec son cœur, avec les yeux du cœur, avec les yeux et les tripes d’une femme, d’une mère. Madame Binoche, je ne vous ai jamais oubliée. J’ai transmis l’attention que vous m’avez donnée, et j’ai toujours été à l’écoute des plus jeunes. J’ai su écouter, je vous le dois. Merci.
Un mot, un geste peuvent changer tellement de choses. Une vie.
Nous dînions dans la salle à manger pour les grandes occasions, deux fois par an. J’ai connu les habits du dimanche, même en restant à la maison, on devait être sur son 31.
Et beurk les embrassades du premier jour de l’année, le supplice ! Le tour de la grande famille à bécoter des tontons, des tatas, des mémères, des jeunes, des vieux. « Bonne Année. Bonne Santé ». C’était un enfer, on rentrait les joues en pistes de courses d’escargots, pleines de bave.
Le père buvait le petit verre chez chacun. Toujours un abruti pour dire « Un petit dernier pour la route ». Et le soir, c’était parti. Le lendemain, il avait honte de nous voir les joues marbrées, le bras levé pour éviter un éventuel coup. Quelquefois, nous allions chercher un voisin âgé. Il lui parlait comme un père à un fils. Mon père avait perdu le sien très jeune, pas de repères et trop sensible. Mais ceci, je n’ai pu le comprendre que beaucoup plus tard, au prix d’un travail intérieur lourd et long, et indispensable pour admettre bien des situations et pardonner. Comment expliquer que lors du dernier adieu, j’étais si malheureuse de le voir étendu devant moi ? J’aurais encore préféré qu’il se lève et me donne une gifle… Pour une fois j’en aurais été heureuse.
Ce maudit alcool l’a emmené à 47 ans, en 1983. Il ne nous a pas connus adultes et parents. Sur ses 10 petits-enfants, il n’aura rencontré que ma fille aînée à deux reprises, d’ailleurs née comme lui, le 6 septembre. Un soir, il s’est enfermé seul dans la maison avec elle, bébé de quelques semaines. Les gendarmes sont arrivés, ce n’était pas la première fois. Et moi j’étais folle d’angoisse de savoir mon bébé tout seul.
J’ai fêté mes 30 ans dans une élégante discothèque du huitième arrondissement parisien. Un seul verre, et je dansais en mini-jupe, abat-jour au ras de l’ampoule, sur une table ! Comment j’y suis montée, et descendue ? Question qui n’aura jamais de réponse… Malade trois jours, donc plus jamais d’alcool. Je ne bois pas ni ne fume, je travaille dur, suis-je la femme idéale… ? !
Mon père était un sanguin, mais il adorait son chat et son chien. Rentrant du boulot le soir à dix-huit heures, il embarquait son matou qui l’attendait au coin de la rue, dans son camion, et le gardait sur l’épaule toute la soirée. Il se levait la nuit pour le faire rentrer de sa balade nocturne alors que nous les enfants, n’avions pas le droit de mette un demi-pied dans la chambre des parents. Et le berger allemand, installé sur le siège du bahut, qui gardait, mais quoi ? Il ne nous laissait même pas approcher.
Enfance si tristounette, travailleuse pour entretenir la maison et le jardin, et entourée d’animaux. Ainsi se tissera le trépied de mon équilibre : le travail sera mon refuge, la lecture sera mon évasion, et les animaux seront ma béquille de survie.
Combien de fois j’ai pris les chats de la maison contre moi pour noyer mes larmes dans leur toison…
Combien de fois j’ai plongé dans mes livres d’enfants pour noyer ma peine…
Combien de fois j’ai foncé dans le travail pour noyer mes souffrances…
Ces trois valeurs vont m’accompagner toute mon existence.
Eté 68 je n’ai pas 12 ans, je ramasse les patates dans les champs avec mes frères, Patrick 13 ans et Bruno 10 ans, c’est lourd, l’un tient le sac de jute pendant que les deux autres y renversent les paniers.
Je gagne de quoi m’acheter un manteau, l’année précédente, ma mère qui travaille dans un grand magasin de vêtements, m’avait « déguisée » d’un imper vert pomme d’une mocheté universelle, c’était l’époque des « CHEVALIERS DU CIEL » à la télévision, et quand j’arrivais au collège un troupeau d’andouilles (un gros troupeau) m’appelait LAVERDURE... J’en pleurais de rage. Comment draguer avec ça ? Plus jamais je n’approcherais cette couleur maudite à jamais… Cinquante ans plus tard je la boude toujours, d’ailleurs je suis une grande boudeuse, et une mauvaise dragueuse !
Avec mon nouveau manteau, noir, j’entre en cinquième, j’apprécie l’allemand, le français et j’adore l’histoire qui sera la passion de ma vie, quant au reste j’ai retenu le lac Titicaca sans pouvoir le situer, si nulle que le jour où le professeur demande qui n’est jamais allé en Europe, je suis la seule à lever le doigt ! Des maths je ne retiendrai que la règle de 3 (proportionnalité) utile quand je ferai des promos, et « my tailor is rich but my doctor is poor » ce qui me vaudra les foudres des douaniers ricains quand je serais incapable d’aligner deux mots. Pas douée pour les langues vivantes.
Bien des années plus tard, en vacances en Espagne, je ne sais dire que « Pollo al ast », j’ai mangé du poulet pendant une semaine…
Quand je n’aime pas, je n’aime pas, NA.
Je serais éjectée du premier cours de latin tout comme je l’avais été du premier cours de caté, je n’admettais pas la façon de rentrer dans les chères têtes blondes (pas la mienne je suis brune et compte pas pour une prune) des mots lourds de sens incompris, et une langue morte. Tout au long de ma longue carrière je serai ultra attentive à comprendre, expliquer le pourquoi du comment, il est primordial de savoir détailler les choses et savoir se faire comprendre. Formation et discipline, mes maîtres mots.
En tout cas le curé et le prof de latin ne m’ont plus revue, tant mieux pour eux et pour moi.
BEPC en poche, à l’époque bel examen avec toutes les matières, je proclame que je veux être infirmière, refus paternel absolu… Déception impardonnable. Je voulais m’étourdir au travail, sortie de secours à bien des maux, mon père m’avait surnommée « La porte de prison » car je ne souriais jamais.
Certains conçoivent le travail comme un moyen de faire bouillir la marmite, l’œil sur la montre, grévistes manifestant avec leur syndicat, d’autres s’éclatent dans leur job, médical, commerce, agriculteurs, artisans, militaires (que je salue, j’ai été nourrie par les défilés du juillet, ils sont formés, encadrés, bravo à mon ami de toujours, Bernard, qui gardera éternellement son âme de militaire)
Dimanche, jours fériés, horaires décalés, pas de ponts ni RTT. On apprécie d’aller aux urgences médicales au milieu de la nuit, au ciné à la séance de 22 heures, que les fourmis du MIN de Rungis galopent dès minuit, merci les routiers de dormir dans vos camions loin de chez vous. Quant aux agriculteurs œuvrant 7/7, sans congés, je n’ai pas assez de mots pour leur dire mon admiration.
Ces deux univers se côtoient, sont différents, et malgré le désir de mes parents de me voir secrétaire, moi la bordélique organisée qui retrouve tout après un très long temps de recherches, la reine incontestée de la chaussette orpheline au sortir de la machine à laver, cette dernière s’en régalant ou me désirant unijambiste, je choisis la seconde voie.
Je commence donc une longue, très longue carrière professionnelle, mais j’ai toujours eu le grand bonheur d’adorer ce que j’ai fait dans mes diverses professions, alors j’ouvre en grand la porte de ma mémoire, et laisse s’échapper mes souvenirs qui ne demandent pas mieux.
Bienvenue dans le monde où les 35 ou 39 heures représentent la moitié, voire le tiers de la semaine, sans ponts ni jours fériés. Pendant plus de 40 ans j’ai ri, j’ai pleuré de rire, j’ai ri aux larmes, j’ai bossé jusqu’à tomber d’épuisement, me lever le matin était une pure joie. Carrière exercée pendant tant d’années, avec un immense plaisir, à laquelle je devrais mettre fin, je n’ai pas su, pas pu ou pas voulu me changer, ne plus être moi-même pour m’intégrer au nouveau comportement des clients. J’en ai servi des milliers, des dizaines de milliers show-biz, sportifs réputés, grands industriels… Ceux des derniers mois m’auraient-ils fait oublier ceux qui m’ont apporté tant de plaisir ??? Le commerce a évolué et je suis descendue du train.
Commençons par le début car il ne faut pas rater un épisode.
Mi 1972, je n’ai pas 16 ans, l’employeur de ma mère accepte de me prendre dans son immense magasin pour un mois, ayé j’ai chopé le virus du commerce, j’y ai mis un pied.
Je suis en charge de ranger le grenier, vu ma dégaine de mercière pleine d’acné, on me cacherait ??? J’étais si fière de traverser les rayons en promenant mes sacs poubelles.
Je monte à l’étage et entre... dans une caverne magique, ni Ali Baba ni Prince Charmant, mais deux niveaux de salles immenses, grandes comme trois galeries des glaces.
Des piles de cartons débordant de boules de Noël cassées, des milliers de cintres étalés, des bacs remplis de gants démodés, de vieux chapeaux, des sachets en papier s’échappent de sacs en quantité démente, des vêtements que devait porter la nourrice de mon arrière-grand-mère, des corsets, des décennies de vieilleries empilées, jaunies, porteuses de rêves oubliés.
Je patauge à pleins bras dans ce bazar monstrueux, une farfouille qui attendait mes grandes brassées et qui se jette dans mes mains avec la joie d’être enfin rangée, je rentre chez mes parents cracra comme une héroïne de Germinal, des toiles d’araignée sur la tête et pendouillant sur mes oreilles, véritable sorcière de Halloween mais des étoiles plein les yeux.
Je suis Brigitte au pays des Merveilles, Cendrillon qui range, balaie, classe, trie, affublée d’un chapeau des années 30… Je regarde par la fenêtre les commerçants lors du marché, et j’entends le poissonnier, le boucher, je renifle le fleuriste mais pas le fromager… Quand je redescends sur terre, je dépose mon déguisement de fée du logis jusqu’au lendemain.
Le premier jour des soldes j’arrive avec les employés par la porte de service, une minute avant l’ouverture. Je vois des dizaines des personnes agglutinées derrière les portes, une telle poussée que celles-ci exploseront (la police interviendra) et que tout ce monde entre en même temps, un troupeau qui se rue non pas vers l’or mais vers les caleçons, chaussettes…
Epouvantée, je cours me réfugier dans mon cher grenier, courant si vite que je dus battre des records olympiques, je n’en sors que lorsqu’on m’appelle pour ranger les bacs ou les piles renversées au sol, slalomant entre les harpies qui se partagent le même pantalon (que je ramasse déchiré). Au secours je suis face à une horde sauvage, chevauchée fantastique pour la meilleure offre, je n’ai pas vu Zorro ou les 7 mercenaires arriver… On m’envoie à l’étage plus calme au rayon des tissus… Calme, mon œil et même les deux, on s’arrachait le velours bleu, la popeline rose, la doublure, la soie, le creps, c’était au Malheur des Dames. (Zola a toujours été mon auteur favori).
Fresque de la ville beauceronne qui m’a vu naître. Ville qui porte le nom d’un fameux gâteau, à moins que ce ne soit l’inverse. J’y ai reçu une éducation rigide dans une petite ville où l’opinion des voisins prévalait. J’en ai tant souffert que toute ma vie je vais fuir les rumeurs et ceux qui les colportent.
Un jour, le Tour de France traverse à grands coups de pédales le centre-ville, mes parents vont encourager Poupou et je décide de me déguiser en grisette, option vamp.
Affublée d’un short, faut bien montrer mes jolies jambes de majorette, je me maquille comme un camion volé, et je pars au boulot une clope (la première) vissée au coin de ma bouche rouge fraise Tagada.
Je décide de me pavaner dans le patelin, et horreur, un couple perdu dans la foule se retourne et me regarde, ce sont mes parents... Je rentre le soir vêtue des vêtements de rechange prévus, jouant à la petite fille modèle, mais je ne me suis plus assise pendant trois jours et j’ai perdu le goût de fumer à jamais.
Beau salaire de 450.00 francs qui sera versé à mes parents. A cette époque préhistorique, tout le monde faisait bouillir la marmite familiale, au grand jamais je ne demanderai la moindre dîme à mes filles plus tard, mère cuisinière, repasseuse, ménagère que je me voulais, à savoir si c’est le bon moyen de les préparer à l’avenir, chacune sa réponse. Mais je n’ai jamais supporté l’irrespect de leur part, je suis la mère, pas la copine.
Du 14 Août au 2 Septembre 1972, je travaille à Prisunic, rayon bazar, mercerie, balais, casseroles, je vide les camions puis les cartons, j’utilise une vieille caisse dont il faut tourner la manivelle pour enregistrer les achats, je pédale comme une forcenée dessus au risque de choper le biceps de Popeye, et jamais une erreur de caisse.
Le matin il faut arriver une heure plus tôt pour laver le sol.
On me parle mal, je suis une petite gamine de seize ans, face à des matrones désagréables fortes de leurs vingt années d’ancienneté. Jamais je ne pourrai agir ainsi c’est totalement ridicule, il ne faut jamais oublier qu’on a tous et toutes débuté un jour. Important de transmettre son savoir à la nouvelle génération. Je vais garder à vie de ne pas supporter l’irrespect, et je ne rencontrerai cette situation que quarante ans plus tard.
Une fois de plus, NON et NON, j’arrête les dégâts, trop de méchancetés et pourtant mon envie de continuer dans le commerce perdure, le royal salaire sera versé à mes parents 434.22 francs… Cosette/Brigitte a rendu sa serpillière et rangé son balai.
Le voisin de mes parents est directeur d’usine. Mon père s’y rend un soir pour négocier un emploi pour moi. Mon avenir professionnel se décide sur une toile cirée devant un apéro. Heureusement que ce voisin n’a pas de fils, sinon c’était mariage conclu, et dot contre 14 ans de travail gratis !
Pour le moment j’entre à l’usine, câbleuse peigneuse, contrat de 40 heures par semaine, je fais souvent des heures supplémentaires à 25 et 50 %, beaucoup de travail et je réponds « Présente».
Toit en tôle, on étouffe l’été et on gèle l’hiver, travail à la chaîne, n° de pointage 259, j’avais peur que la pointeuse n’avale ma main, j’aurais travaillé avec un moignon.
Le 1er jour la chef me demande si je veux une carte de syndicat :
— De syndiquoi ?
— Syndicat, c’est pour te défendre.
— Pourquoi on va m’attaquer dans l’usine ?
— Au cas où, si tu veux une augmentation on t’épaulerait.
— Ben je vais la demander toute seule (ce que je ferais un jour et j’obtiendrais 5 centimes et si je ne suis pas contente, je prends ma pelle et mon seau et vais dépoter ailleurs).
Je n’ai jamais été syndiquée de ma vie, ni fait grève. Débile de demander ceci à une gamine.
Pendant huit à dix heures par jour, je suis penchée sur un tréteau à câbler des pièces pour les tanks. Dénuder les fils, chauffer les manchons, souder… Comme j’ai des mains d’ado, petites et menues, on m’installe à tisser des « peignes ». Croiser des fils de toutes couleurs, le fil bleu avec le fil bleu… Il faut être attentive, habile, et scrupuleuse des plans, ne pas mettre le fil rouge avec le fil vert. Grande usine où nous sommes toutes penchées sur des pupitres dans un silence monacal. Sans doute que je dois à ceci une conscience professionnelle exacerbée. Je fais des peignes, je ne peigne pas la girafe !
Le Président de la République de l’époque a proclamé l’âge de la majorité à 18 ans en 1974. Le 15 Septembre 1974 à minuit et 2 minutes, je me lève, je fais ma valise et je quitte la maison familiale sur la pointe de mes sabots, j’entre dans la vie d’adulte. Première fuite.
J’ai loué une chambre minuscule et un soir j’entends des pas dans le couloir, je ferme ma porte et la cale. Toute la nuit des pas montent et descendent les deux étages. Le lendemain, j’en parle à la demoiselle de la chambre voisine (immeuble interdit aux hommes, pas de danger avec moi je me cramponne à mon auréole) qui me confirme les faits. La