Comme il vous plaira
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À propos de ce livre électronique
I love not man the less, but nature more.
(CHILDE HAROLD, chant IV.)
William Shakespeare
William Shakespeare is the world's greatest ever playwright. Born in 1564, he split his time between Stratford-upon-Avon and London, where he worked as a playwright, poet and actor. In 1582 he married Anne Hathaway. Shakespeare died in 1616 at the age of fifty-two, leaving three children—Susanna, Hamnet and Judith. The rest is silence.
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Aperçu du livre
Comme il vous plaira - William Shakespeare
etc.
PERSONNAGES
LE DUC, vivant dans l'exil.
FRÉDÉRIC, frère du duc, et usurpateur de son duché.
AMIENS, } seigneurs qui ont suivi
JACQUES,} le duc dans son exil.
LE BEAU, courtisan à la suite de Frédéric.
CHARLES, son lutteur.
OLIVIER, }
JACQUES, }fils de sir Rowland des
ORLANDO, }Bois.
ADAM, }serviteurs d'Olivier.
DENNIS, }
TOUCHSTONE, paysan bouffon.
SIR OLIVIER MAR-TEXT, vicaire.
CORIN, }
SYLVIUS, }bergers.
WILLIAM, paysan, amoureux d'Audrey.
PERSONNAGE REPRÉSENTANT L'HYMEN.
ROSALINDE, fille du duc exilé.
CÉLIE, fille de Frédéric.
PHÉBÉ, bergère.
AUDREY, jeune villageoise.
SEIGNEURS A LA SUITE DES DEUX DUCS,
PAGES, GARDES-CHASSE, ETC., ETC.
La scène est d'abord dans le voisinage de la maison d'Olivier, ensuite en partie à la cour de l'usurpateur, et en partie dans la forêt des Ardennes.
ACTE PREMIER
SCÈNE I
Verger, près de la maison d'Olivier.
Entrent ORLANDO ET ADAM.
ORLANDO.—Je me rappelle bien, Adam; tel a été mon legs, une misérable somme de mille écus dans son testament; et, comme tu dis, il a chargé mon frère, sous peine de sa malédiction, de me bien élever, et voilà la cause de mes chagrins. Il entretient mon frère Jacques à l'école, et la renommée parle magnifiquement de ses progrès. Pour moi, il m'entretient au logis en paysan, ou pour mieux dire, il me garde ici sans aucun entretien; car peut-on appeler entretien pour un gentilhomme de ma naissance, un traitement qui ne diffère en aucune façon de celui des boeufs à l'étable? Ses chevaux sont mieux traités; car, outre qu'ils sont très-bien nourris, on les dresse au manége; et à cette fin on paye bien cher des écuyers: moi, qui suis son frère, je ne gagne sous sa tutelle que de la croissance: et pour cela les animaux qui vivent sur les fumiers de la basse-cour lui sont aussi obligés que moi; et pour ce néant qu'il me prodigue si libéralement, sa conduite à mon égard me fait perdre le peu de dons réels que j'ai reçus de la nature. Il me fait manger avec ses valets; il m'interdit la place d'un frère, et il dégrade autant qu'il est en lui ma distinction naturelle par mon éducation. C'est là, Adam, ce qui m'afflige. Mais l'âme de mon père, qui est, je crois, en moi, commence à se révolter contre cette servitude. Non, je ne l'endurerai pas plus longtemps, quoique je ne connaisse pas encore d'expédient raisonnable et sûr pour m'y soustraire.
(Olivier survient.)
ADAM.—Voilà votre frère, mon maître, qui vient.
ORLANDO.—Tiens-toi à l'écart, Adam, et tu entendras comme il va me secouer.
OLIVIER.—Eh bien! monsieur, que faites-vous ici?
ORLANDO.—Rien: on ne m'apprend point à faire quelque chose.
OLIVIER.—Que gâtez-vous alors, monsieur?
ORLANDO.—Vraiment, monsieur, je vous aide à gâter ce que Dieu a fait, votre pauvre misérable frère, à force d'oisiveté.
OLIVIER.—Que diable! monsieur occupez-vous mieux, et en attendant soyez un zéro.
ORLANDO.—Irai-je garder vos pourceaux et manger des carouges avec eux? Quelle portion de patrimoine ai-je follement dépensée, pour en être réduit à une telle détresse?
OLIVIER.—Savez-vous où vous êtes, monsieur?
ORLANDO.—Oh! très-bien, monsieur: je suis ici dans votre verger.
OLIVIER.—Savez-vous devant qui vous êtes, monsieur?
ORLANDO.—Oui, je le sais mieux que celui devant qui je suis ne sait me connaître. Je sais que vous êtes mon frère aîné; et, selon les droits du sang, vous devriez me connaître sous ce rapport. La coutume des nations veut que vous soyez plus que moi, parce que vous êtes né avant moi: mais cette tradition ne me ravit pas mon sang, y eût-il vingt frères entre nous. J'ai en moi autant de mon père que vous, bien que j'avoue qu'étant venu avant moi, vous vous êtes trouvé plus près de ses titres.
OLIVIER.—Que dites-vous, mon garçon?
ORLANDO.—Allons, allons, frère aîné, quant à cela vous êtes trop jeune.
OLIVIER.—Vilain ¹ , veux-tu mettre la main sur moi?
Note 1: (retour)
Vilain, coquin et homme de basse extraction, les deux frères lui donnent chacun un sens différent.
ORLANDO.—Je ne suis point un vilain: je suis le plus jeune des fils du chevalier Rowland des Bois; il était mon père, et il est trois fois vilain celui qui dit qu'un tel père engendra des vilains.—Si tu n'étais pas mon frère, je ne détacherais pas cette main de ta gorge que l'autre ne t'eût arraché la langue, pour avoir parlé ainsi; tu t'es insulté toi-même.
ADAM.—Mes chers maîtres, soyez patients: au nom du souvenir de votre père, soyez d'accord.
OLIVIER.—Lâche-moi, te dis-je.
ORLANDO.—Je ne vous lâcherai que quand il me plaira.—Il faut que vous m'écoutiez. Mon père vous a chargé, par son testament, de me donner une bonne éducation, et vous m'avez élevé comme un paysan, en cherchant à obscurcir, à étouffer en moi toutes les qualités d'un gentilhomme. L'âme de mon père grandit en moi, et je ne le souffrirai pas plus longtemps. Permettez-moi donc les exercices qui conviennent à un gentilhomme, ou bien donnez-moi le chétif lot que mon père m'a laissé par son testament, et avec cela j'irai chercher fortune.
OLIVIER.—Et que voulez-vous faire? Mendier, sans doute, après que vous aurez tout dépensé? Allons, soit, monsieur; venez; entrez. Je ne veux plus être chargé de vous: vous aurez une partie de ce que vous demandez. Laissez-moi aller, je vous prie.
ORLANDO.—Je ne veux point vous offenser au delà de ce que mon intérêt exige.
OLIVIER.—Va-t'en avec lui, toi, vieux chien.
ADAM.— Vieux chien : c'est donc là ma récompense!—Vous avez bien raison, car j'ai perdu mes dents à votre service. Dieu soit avec l'âme de mon vieux maître! Il n'aurait jamais dit un mot pareil.
(Orlando et Adam sortent.)
OLIVIER.—Quoi, en est-il ainsi? Commencez-vous à prendre ce ton? Je remédierai à votre insolence, et pourtant je ne vous donnerai pas mille écus.—Holà, Dennis!
(Dennis se présente.)
DENNIS.—Monsieur m'appelle-t-il?
OLIVIER.—Charles, le lutteur du duc, n'est-il pas venu ici pour me parler?
DENNIS.—Oui, monsieur; il est ici, à la porte, et il demande même avec importunité à être introduit auprès de vous.
OLIVIER.—Fais-le entrer. ( Dennis sort .) Ce sera un excellent moyen; c'est demain que la lutte doit se faire.
(Entre Charles.)
CHARLES.—Je souhaite le bonjour à Votre Seigneurie.
OLIVIER.—Mon bon monsieur Charles, quelles nouvelles nouvelles y a-t-il à la nouvelle cour?
CHARLES.—Il n'y a de nouvelles à la cour que les vieilles nouvelles de la cour, monsieur; c'est-à-dire que le vieux duc est banni par son jeune frère le nouveau duc, et trois ou quatre seigneurs, qui lui sont attachés, se sont exilés volontairement avec lui; leurs terres et leurs revenus enrichissent le nouveau duc; ce qui fait qu'il consent volontiers qu'ils aillent où bon leur semble.
OLIVIER.—Savez-vous si Rosalinde, la fille du duc, est bannie avec son père?
CHARLES.—Oh! non, monsieur; car sa cousine, la fille du duc, l'aime à un tel point (ayant été élevées ensemble depuis le berceau), qu'elle l'aurait suivie dans son exil, ou serait morte de douleur, si elle n'avait pu la suivre. Elle est à la cour, où son oncle l'aime autant que sa propre fille, et jamais deux dames ne s'aimèrent comme elles s'aiment.
OLIVIER.—Où doit vivre le vieux duc?
CHARLES.—On dit qu'il est déjà dans la forêt des Ardennes, et qu'il a avec lui plusieurs braves seigneurs qui vivent là comme le vieux Robin Hood d'Angleterre: on assure que beaucoup de jeunes gentilshommes s'empressent tous les jours auprès de lui, et qu'ils passent les jours sans soucis, comme on faisait dans l'âge d'or.
OLIVIER.—Ne devez-vous pas lutter demain devant le nouveau duc?
CHARLES.—Oui vraiment, monsieur, et je viens vous faire part d'une chose. On m'a donné secrètement à entendre, monsieur, que votre jeune frère Orlando avait envie de venir déguisé s'essayer contre moi. Demain, monsieur, je lutte pour ma réputation, et celui qui m'échappera sans avoir quelque membre cassé, il faudra qu'il se batte bien. Votre frère est jeune et délicat, et je ne voudrais pas, par considération pour vous, lui faire aucun mal; ce que je serai cependant forcé de faire pour mon honneur s'il entre dans l'arène. Ainsi, l'affection que j'ai pour vous m'engage à vous en prévenir, afin que vous tâchiez de le dissuader de son projet, ou que vous