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L'Académie maudite Tome 1 - Le demi-vampire
L'Académie maudite Tome 1 - Le demi-vampire
L'Académie maudite Tome 1 - Le demi-vampire
Livre électronique607 pages14 heures

L'Académie maudite Tome 1 - Le demi-vampire

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À propos de ce livre électronique

Ce livre va vous emmener dans un monde parallèle plein de mystères.

Julian Laurent n'est pas comme les autres vampires : le Seigneur des immortels a refusé de le marquer. C'est la raison pour laquelle sa vie à l'Académie maudite va vite devenir un enfer : les autres immortels, vampires, anges, démons et mortels au sang mêlé, le considèrent comme un être inférieur. Comme si cela ne suffisait pas, il devra gérer le retour de Mia, son ex dont il n'a plus aucun souvenir.

Julian pense que sa vie d'adolescent est compliquée mais il est loin d'imaginer ce qui l'attend derrière les murs de l'Académie. Bientôt, une bande de renégats va essayer d'avoir sa peau alors qu'un pouvoir dangereusement puissant ne cesse de croitre au fond de lui. Julian prend ses responsabilités et essaye de libérer les étudiants de l'emprise de la marque, mais un lien invisible le lie au Seigneur des immortels et l'empêche de mener à bien sa mission.La vérité dépasse ses pires cauchemars.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie10 juin 2016
ISBN9781507143452
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    Aperçu du livre

    L'Académie maudite Tome 1 - Le demi-vampire - Belinda Laj

    Belinda Laj

    L’ACADÉMIE MAUDITE TOME 1

    ––––––––

    LE DEMI-VAMPIRE

    À moitié vampire

    Saga : L’académie maudite

    Tous droits réservés

    Copyright © 2015 Belinda Laj

    © Couverture by Cora Graphics

    Toute reproduction, intégrale ou partielle, et toute diffusion en format numérique, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, sont considérées comme une violation des droits d’auteur et sont donc punissables par la loi. 

    Ce livre est une fiction : les noms, les personnages, les lieux et les faits sont le fruit de l’imagination de l’auteur et sont utilisés de manière fictive.

    Toute ressemblance avec des faits, des lieux ou des personnes réels serait pure coïncidence.

    À mes lecteurs,

    Julian ouvrit les yeux : il se trouvait étendu dans le noir. Il battit des paupières, mais ne réussit pas à capter le moindre faisceau de lumière dans l’obscurité qui l’enveloppait.

    Soudain, il se rendit compte que toute la douleur avait disparu : il n’avait plus l’estomac en feu, le martèlement dans sa tête avait cessé et ses os ne lui faisaient plus aucun mal, il n’avait plus la désagréable impression qu’ils allaient se briser d’un moment à l’autre.

    Peut-être était-il mort, ou en train de rêver et la douleur allait resurgir d’un moment à l’autre...

    Il ferma les yeux quelques instants, mais rien ne se passa. Il se trouvait toujours plongé dans l’obscurité, ce qui l’empêchait de comprendre où il se trouvait.

    Il fut victime d’une crise d’angoisse.

    La dernière chose dont il se souvenait était le miroir qui se brisait sur le sol, le fracas, sonore et assourdissant, des débris de verre qui retentissait dans sa tête.

    L’obscurité profonde lui donnait à présent l’impression qu’elle allait le broyer. Il essaya de garder son calme, inspira profondément et laissa choir ses bras, croisés sur son torse, le long de son corps. Il bougea ses doigts, ce qui l’aurait fait se tordre de douleur il y a peu, et n’éprouva aucun élancement. Se lever et marcher n’aurait donc plus dû s’apparenter à de la torture. Il essaya de se redresser, mais en vain. Il était comme piégé.

    Il se mordit la lèvre inférieure. Il ne comprenait pas pourquoi il n’arrivait pas à se lever.

    La peur s’intensifia et son cœur s’emballa, de plus en plus vite, lui rappelant qu’il était encore en vie.

    Julian sourit, soulagé, mais ce sentiment de joie fut de courte durée, car lorsqu’il tendit les bras en l’air, il sentit quelque chose de lisse et de soyeux au-dessus de lui.

    « Mais, qu’est-ce que... », murmura-t-il horrifié. Non, ce n’était pas possible.

    Une pensée insoutenable traversa son esprit, mais il la chassa d’un revers de la main, alors que la peur gagnait du terrain. Il émit un cri étouffé et ses mains commencèrent à trembler de manière incontrôlée.

    Non, non, non et non ! Ce n’était pas possible que ce genre de choses lui arrive, à lui.

    Il cligna des yeux, toujours dans les ténèbres, et frissonna. « Calme-toi, au moins tu es vivant », se dit-il, mais cela ne suffit pas à le rassurer.

    Il baissa les bras et ses doigts effleurèrent à nouveau ce tissu soyeux qui l’entourait. Il en eut le souffle coupé. « C’est un cauchemar », murmura-t-il d’une voix étouffée, incapable d’ajouter quoi que ce soit.

    Je suis enfermé dans un cercueil!

    Il se mit à hurler de toutes ses forces. Rien. Pas un bruit de l’extérieur, personne ne l’avait entendu.

    Il se remit à crier, conscient que, tôt au tard, l’air viendrait à manquer.

    Alors, il se rappela les pleurs de ses parents et les gémissements des domestiques alors qu’il n’avait pas eu la force d’ouvrir les yeux et de leur dire qu’il s’était seulement évanoui. Maintenant, il y avait de grandes chances pour qu’il soit déjà six pieds sous terre. À cet instant, il les détestait tous autant qu’ils étaient. Ils l’avaient pris pour mort et enfermé dans un cercueil. Bande d’idiots ! Comment avaient-ils pu lui faire une chose pareille ?

    À cause de leur stupidité, il allait vraiment mourir, pris au piège sans aucune issue de secours. La rage et la peur le mettaient hors de lui.

    « Sortez-moi de là ! », hurla-t-il. Il martela de ses poings le couvercle qui le surplombait. Puis, il réessaya de soulever ses jambes dans cet espace exigu, mais sans succès.

    Peut-être qu’il ne s’ouvrirait jamais.

    Il se remit à hurler jusqu’à en avoir la gorge sèche et sentir les forces lui manquer. Ses yeux se remplirent de larmes. « Faites-moi sortir ! », supplia-t-il d’une voix étouffée.

    C’était inutile, personne ne viendrait à son secours.

    Il ferma les yeux et attendit la mort alors que son cœur, bien décidé à ne pas s’arrêter, continuait à battre la chamade.

    Peu de temps après, il crut entendre quelque chose : un bruit de pas feutrés, que les battements de son cœur recouvraient. Animé par une lueur d’espoir, il ouvrit les yeux et se mit à hurler de plus belle.

    1

    « Hé, réveille-toi. »

    Une voix étrangère, douce et limpide, arrivait à ses oreilles tel un écho lointain. Julian n’osait pas ouvrir les yeux. Il n’aurait pas supporté de faire face une nouvelle fois à cette obscurité suffocante. Son dos semblait reposer sur quelque chose de dur et de gelé et il avait l’impression d’être assis les jambes tendues. Il redressa lentement sa tête ; une goutte d’eau glaciale lui tomba dans les cheveux et un frisson le parcourut. Il percevait des voix et des murmures autour de lui, mais c’était très probablement le fruit de son imagination, tout comme le remugle qui régnait dans l’air. 

    En réalité, je suis enfermé dans un cercueil...

    Une autre goutte lui tomba sur le front et coula le long de sa joue, cela commençait à l’intriguer quand soudain,  quelque chose ou quelqu’un lui effleura la jambe.

    Julian serra un peu plus fort ses paupières alors que des ricanements s’élevaient tout autour de lui : des fantômes.

    Il craignait d’être condamné à passer l’éternité enfermé dans ce maudit cercueil, plongé dans l’obscurité, et persécuté par des esprits frappeurs. Il n’arrivait pas à imaginer un destin plus tragique que celui-là. Ses mains posées sur ses genoux le démangeaient. Il bougea délicatement ses doigts engourdis et un gémissement de protestation s’échappa de ses lèvres. Ces fantômes étaient vraiment bruyants.

    « Réveille-toi, Belle au bois dormant, allez, ouvre les yeux. » La voix cristalline du gentil spectre se fit de plus en plus proche et s’accompagnait de bruits de pas légers. Julian garda les yeux fermés pour ne pas voir sa silhouette vaporeuse.

    « Moi, je pense qu’il a fumé quelque chose de fort », dit un fantôme avec conviction.

    « À mon avis, il est narcoleptique », ajouta un autre en riant. 

    Trois voix différentes, trois fantômes. Il aurait aimé leur crier d’aller tourmenter quelqu’un d’autre et de le laisser tranquille, mais cela n’aurait servi à rien. Il était mort, et dès à présent, il allait devoir supporter ces esprits pour l’éternité. La peur le prit à la gorge, telle une main invisible prête à l’étrangler. « Allez-vous-en », murmura-t-il d’une voix lasse et pâteuse.

    Quelqu’un soupira de manière théâtrale. « Hunter, ça ne sert à rien de rester penché sur lui comme si tu étais son ange gardien, ça fait presque un quart d’heure que tu essayes de le réveiller. Qu’il aille au diable. Tu n’as toujours pas compris qu’il veut continuer à dormir ? Peut-être que si une des filles se proposait de l’embrasser, Blanche Neige daignerait ouvrir les yeux. »

    De nouveaux éclats de rire fusèrent. Julian se mordit les lèvres, irrité.

    Le quatrième esprit, avec sa voix prétentieuse et moqueuse, semblait être le plus insupportable du groupe. Ça ne serait pas aisé de devoir le supporter pour l’éternité, Julian maudit son infortune.

    « Réveille-toi, sérieux, ou ils vont tous te prendre pour un attardé », lui conseilla tout bas le premier esprit, une pointe d’amusement dans la voix. « Tu sais, ce n’est pas très malin de dormir dans un moment pareil... et je suis prêt à parier tout le sang de démon du monde que tu es le premier à faire une chose pareille. »

    Cette fois, Julian sentit le souffle de l’esprit sur son visage et, alors que son cerveau cherchait une explication rationnelle au fait que le fantôme – ou lui-même d’ailleurs – respirait encore, puis il sentit les doigts glacés du spectre sur ses joues. Il sursauta, surpris par le réalisme de ce toucher, et écarquilla les yeux. Il se trouvait nez à nez avec deux grands yeux bleus qui le fixaient, pleins de curiosité. De peur, son cœur fit un bon dans sa poitrine. Il avait toujours cru que les fantômes n’avaient pas d’enveloppe corporelle, apparemment il avait eu tort. Le jeune spectre qui l’avait réveillé semblait vivant ; il avait le teint pâle et des cheveux très clairs. Il ressemblait plus à un ange qu’à un fantôme. L’étranger lui adressa un sourire amical que Julian ignora. « Tout va bien ? »

    Julian le regarda en chien de faïence, ne répondit pas et dégagea brutalement les mains que le garçon avait posées sur son visage. Il prit une grande inspiration et mit une main sur sa propre poitrine, alors que son cœur battait à tout rompre. « Je suis encore en vie... », murmura-t-il soulagé, et un des spectres éclata de rire.

    Le jeune à la voix douce recula.

    La tête de Julian le faisait terriblement souffrir, comme s’il venait de se réveiller d’un cauchemar. Et peut-être était-ce le cas. Il repensa au cercueil et un frisson le parcourut de la tête aux pieds.

    Désorienté, il scruta l’endroit où il se trouvait : il était assis contre un mur de pierre, dans un long couloir faiblement éclairé. Tous les autres jeunes présents dans cette pénombre étaient debout et discutaient entre eux avec ferveur, ils semblaient attendre quelque chose. Parmi tous ces beaux visages, aucun ne lui était familier : certains l’observaient avec curiosité, tandis que d’autres ne daignaient pas lui adresser un seul regard.

    « Mais regardez un peu, Blanche-Neige est réveillée. Qui connait ce type ? »

    Julian reconnut la voix arrogante du gars qui s’était moqué de lui auparavant et l’identifia immédiatement. Il était debout de l’autre côté du mur et le scrutait attentivement avec ses yeux vert bouteille. Il avait les bras croisés et prenait un air pensif, avec sa tête à claques. « Personne n’a levé la main, ça serait un minimum de te présenter », ajouta-t-il, en lui adressant un sourire suffisant.

    Julian préféra l’ignorer, il ramena ses genoux contre sa poitrine et posa son menton par-dessus, puis se perdit dans ses pensées. En vain, il essaya de se rappeler comment il avait pu atterrir dans ce lieu inconnu au milieu de tous ces étrangers. Ses doigts effleurèrent le sol en pierre glacé ; il était devant le miroir quand une douleur atroce l’avait assailli, lui coupant le souffle. Le miroir s’était brisé sur le sol puis il avait fermé les yeux et lorsqu’il se réveilla il était dans l’obscurité la plus totale... dans un cercueil. Il secoua la tête, essayant d’oublier les horreurs qu’il avait vécues.

    Une jeune fille s’approcha de lui. « Tu viens d’où ? », lui demanda-t-elle curieuse, le rappelant à la réalité.

    Julian releva la tête et la regarda avec méfiance, il n’avait pas l’habitude de se confier à des étrangers.

    Pour être honnête, il n’était pas habitué à parler avec qui que ce soit, excepté les domestiques qui travaillaient chez lui ou ses parents.

    Il ne se rappelait même pas de sa dernière conversation qu’il avait tenue avec quelqu’un de son âge, cela remontait très certainement à plus de trois ans. Il n’avait jamais rencontré ses amis virtuels, il se contentait de chatter avec eux lorsque la douleur était suffisamment supportable pour lui permettre de se tenir devant son écran d’ordinateur. Ses amis réels l’avaient abandonné peu de temps après son déménagement, aucun d’eux n’avait essayé de le contacter et il se souvenait à peine de leurs visages. Leurs numéros de téléphone s’étaient évaporés, comme par enchantement, et leurs noms s’étaient effacés de sa mémoire.

    « Ne sois pas timide, tu peux au moins nous dire comment tu t’appelles. » La jeune fille lui adressa un sourire encourageant et attendit une réponse qui ne vint pas. Agacée par son silence, elle redirigea son attention sur le reste du groupe. « Je ne sais pas vous, mais je suis sûre de ne jamais l’avoir vu à une de nos soirées ».

    Une autre se pencha sur lui pour l’examiner, comme s’il s’agissait d’une bête de foire. Finalement, elle secoua la tête, faisant onduler ses cheveux courts et châtains. « Jamais vu de ma vie », confirma-t-elle. « Un mec pareil, ça ne s’oublie pas. Les filles, je viens de trouver mon cavalier pour le Bal d’automne. »

    Cette boutade déclencha de nouveaux éclats de rire qui se répandirent le long du couloir glacial et résonnèrent dans les oreilles de Julian. Il l’incendia du regard tout en se redressant.

    Il regarda autour de lui encore confus, puis il se massa le front du bout des doigts, essayant de clarifier ses idées et de comprendre comment il en était arrivé là ; l’odeur rance lui retournait l’estomac et la promiscuité de ces jeunes le rendait anxieux. Il ne savait plus ce que signifiait être en société. « Où sommes-nous ? », demanda-t-il avec une pointe de panique dans la voix. Personne ne répondit. Tout à coup, il avait l’impression d’être devenu invisible aux yeux des autres. Le blondinet qui l’avait réveillé était en pleine discussion avec celui qui s’était moqué de lui, les filles qui lui avaient adressé la parole un peu plus tôt conversaient et riaient entre elles, et les autres regardaient silencieux une porte scellée au fond de l’étroit couloir délabré. Ils semblaient tous sereins, comme si le fait d’être enfermés ici était tout à fait normal.

    Il posa ses poings sur les hanches et s’éclaircit la voix afin d’attirer l’attention de quelqu’un. « D’accord, comme vous voudrez, je vais me présenter. Je m’appelle Julian Laurent, et vous qui êtes-vous bon sang? » Il avait essayé, sans succès, de dissimuler l’impatience dans sa voix.

    « Donc, quand tu veux, tu sais parler », le railla la fille qui avait essayé d’engager la conversation avec lui un peu plus tôt, ses yeux couleur ambre brillaient dans la semi-obscurité. « Laurent... Je ne connais pas de vampires qui portent ce nom », dit-elle pensive.

    Julian la dévisagea interdit. Il avait probablement mal entendu, cette fille n’avait quand même pas parlé de vampires !

    Il fronça les sourcils et passa les doigts dans ses cheveux ébouriffés, il avait probablement cru entendre ce mot, car il était encore sous le choc. « Mon père est français », dit-il après une courte pause, « j’ai emménagé à Londres avec mes parents parce que.... ». Il s’interrompit et observa les jeunes qui l’entouraient ; ils avaient coupé court à leurs conversations et le regardaient, attendant la suite du récit. Le jeune arrogant arborait un demi-sourire sarcastique et ses yeux, brillants comme ceux d’un chat dans la nuit, le fixaient.

    « Parce que ? », l’encouragea un garçon, mais Julian resta silencieux, perdu dans ses pensées.

    Il y a trois ans, lorsque les douleurs avaient commencé, ce fut la fin de sa petite vie tranquille. Il avait dû quitter l’école,  puis ses amis, pour emménager à Londres avec ses parents, dans la maison des grands-parents maternels. Seul et coupé du reste du monde, où l’unique contact qu’il avait gardé avec l’extérieur se résumait à internet. Puis, il avait ouvert les yeux et s’était retrouvé, Dieu seul sait comment, dans un lieu lugubre et humide avec des jeunes qu’il n’avait jamais vus auparavant.

    Julian décida de ne pas raconter à ces inconnus l’histoire de sa pathétique vie dans la maison des grands-parents maternels, une prison de laquelle il s’était peut-être échappé en fin de compte. Même si, en y regardant de plus près, il s’avérait qu’il était tombé dans une prison bien pire encore. « Laissez tomber », coupa-t-il en appuyant son dos contre le mur. Il lut instantanément la déception sur ces visages inconnus.

    « L’année dernière, j’ai rencontré des vampires français en vacances », expliqua un garçon, capturant l’attention d’une bonne partie de l’assemblée. Julian se crispa. Des vampires. Encore. Il avait donc bien entendu. 

    C’était la deuxième fois que l’on prononçait ce mot en quelques minutes.

    Il plissa le front et pensa aux vampires, ces êtres morts ou presque, que l’on retrouvait dans les romans et qui avaient le vent en poupe ces derniers temps dans les films et les séries TV. Les vampires, ces créatures inutiles qui se cachent dans des cercueils la journée et passent la nuit à sucer le sang des mortels. Julian n’avait jamais aimé ce personnage de fiction. Une stupide invention humaine, voilà tout.

    Trois garçons se mirent à parler d’une certaine soirée des immortels et il s’approcha d’eux, intrigué. Il était bien décidé à saboter cette conversation qui n’avait ni queue ni tête. « Je parie que Dracula s’est également bien amusé », les railla-t-il. Ils se  turent tous immédiatement. « Dracula ? », répéta un des garçons incrédule. Julian lui adressa un sourire sarcastique. « Oui, Dracula, votre compagnon de beuverie... je parle du sang bien entendu », expliqua-t-il avec arrogance. Pour toute réponse, ils lui lancèrent un regard noir et l’exclurent de la conversation. Après avoir entendu une énième fois le mot vampire, Julian perdit son sang-froid et fut emporté par une vague de colère. « J’ai un scoop pour vous : les vampires n’existent pas », dit-il, toisant le trio. Ce ne fut pas une partie de plaisir, il avait l’impression d’être un parent qui expliquait à son enfant que le père Noël n’existait pas.

    Aucun des trois jeunes n’eut l’occasion de répliquer, car des cris retentirent dans le couloir et réduisirent tout le monde au silence. Julian en eut la chair de poule, ces cris de douleur lui perforèrent les tympans tels des milliers de petites aiguilles. La panique le gagna et il eut du mal à respirer. Toutes les sensations désagréables qu’il avait éprouvées dans le cercueil resurgirent et il eut l’impression que son cœur allait transpercer sa poitrine. Les cris se firent de plus en plus perçants, il pouvait ressentir la douleur des malheureux qui se trouvaient derrière l’une de ces portes. Soudain, il comprit ce qu’il s’était réellement passé : personne ne l’avait sorti du cercueil, il était mort et il allait passer l’éternité à être torturé et à hurler à pleins poumons. Son cœur ne battait plus, c’était juste une illusion.

    Il recula jusqu’à être dos au mur, alors qu’un nouveau cri brisait le silence du couloir. Il tressaillit, tout en essayant de garder sa respiration sous contrôle. « Je suis mort et je suis en enfer », constata-t-il terrorisé. Hier encore, il ne croyait pas en son existence et aujourd’hui on l’y avait jeté sans crier gare. Il entendit un rire retentir dans le couloir et recouvrit son visage de ses mains tremblantes.

    « Quel péché ai-je commis pour mériter l’enfer ? », se questionna-t-il bouleversé. « Je n’ai tué personne, à part quelques insectes. Bon, c’est vrai que j’ai eu quelques envies de meurtre envers les domestiques et mes parents, mais seulement parce qu’ils ne me laissaient pas souffrir en paix. D’accord, j’ai également regardé des vidéos pornos, mais ce n’est quand même pas suffisant pour être damné, pas vrai ? Peut-être qu’il s’agit d’une punition divine pour ne jamais avoir vraiment eu la foi, ou peut-être que j’ai fini ici parce que je ne suis jamais entré dans une église. » Il continua son monologue, peu lui importait si les autres morts l’écoutaient. Les rires, cette fois-ci plus forts, résonnaient dans le couloir infernal. Les moqueries attisaient sa frustration. Comment pouvaient-ils rire alors que nous étions sur le point de subir les pires tortures ?

    « L’enfer ? Tu m’en diras tant. Nous sommes dans les sous-sols de l’Académie maudite. »

    Julian reconnut la voix limpide du jeune garçon qui l’avait réveillé, il découvrit son visage et croisa ses yeux cristallins.

    « Tu connais l’Académie maudite, n’est-ce pas ? », lui demanda-t-il comme s’il parlait à un écervelé.

    L’Académie maudite... Julian se frotta le menton. Non, il n’en avait jamais entendu parler. Il jeta un coup d’œil à la fenêtre, de l’autre côté du mur, qui permettait à l’air nocturne, ainsi qu’à la faible clarté de la lune, d’entrer dans le couloir. Il s’agissait de petits rectangles à travers lesquels il aurait été impossible de s’échapper. Il s’approcha de la première fenêtre et souleva sa main afin de faire sortir ses doigts de la prison où il était enfermé. Un vent frais et léger les caressa. « Je suis pris au piège. Je suis mort et pris au piège », murmura-t-il, retirant brusquement sa main.

    « Calme-toi, personne n’est mort. Je suis Hunter Cross, un vampire tout comme toi et tous les autres », poursuivit le garçon en se désignant ainsi que le reste du groupe.

    La peur laissa place au soulagement puis à l’irritation. Julian ne supportait plus entendre parler de vampires à tout bout de champ. Il n’était pas mort, mais se trouvait dans le sous-sol d’une école, voilà enfin une information réaliste. « Je n’aime pas me répéter indéfiniment. Les vampires. N’existent. PAS. » Cette affirmation, pleine de rage, refroidit l’atmosphère et certains jeunes le regardèrent d’un air menaçant.

    Par contre, Hunter mit son bras autour du cou de Julian en lui souriant. « Les fées n’existent pas. Pas plus que les elfes ou les trolls. Mais comme tu peux le voir, nous sommes bien réels. Toi aussi d’ailleurs, au cas où tu ne l’aurais pas encore remarqué, tu es réel. »

    Julian resta bouche bée.

    « Tu sais quoi ? Je te trouve plutôt marrant », précisa Hunter en l’examinant minutieusement.

    « Sérieusement, avec toi le temps passe plus vite et l’attente devient plus supportable. »

    « Moi, je le trouve pénible. Je n’ai pas envie d’entendre dire que je n’existe pas », l’interrompit un autre garçon d’une voix sèche.

    Julian croisa les bras sur sa poitrine, appuya son dos contre le mur glacial et se mordit les lèvres.  Il n’arrivait pas à en croire ses oreilles ; ces mecs ne pouvaient quand même pas sérieusement se prendre pour des vampires !

    « Où sont vos dents pointues ? », les défia-t-il, incapable de s’en empêcher, tout en observant les visages des autres jeunes présents. Il souleva la manche de son pull et offrit son poignet. « Je veux les voir maintenant. Allez, un peu de courage, j’attends que quelqu’un vienne me mordre. »

    « Même les autres immortels savent que les dents s’allongent seulement lorsque la soif se fait sentir, et même si les veines de ton poignet sont très appétissantes on n’est pas encore autorisés à boire du sang humain, tu devrais le savoir », répondit une fille, un sourire provocant pendu aux lèvres. « Mais tu pourras venir près de moi d’ici quelques jours et je te satisferai en cachette. »

    « Oui, pourquoi pas, tu as sûrement oublié tes fausses dents à la maison », lui fit-il remarquer. La fille prit un air offusqué et elle le dévisagea comme s’il venait de la menacer de la tuer.

    Un autre affirma que sa place n’était pas à l’Académie, mais dans l’asile le plus proche.

    Julian ouvrit la bouche pour les envoyer au diable, mais les mots restèrent coincés dans sa gorge : à ce moment précis, un nouveau hurlement terrifiant le transperça et cette fois il put identifier la porte d’où il provenait. Ce n’était pas très loin de l’endroit où ils se tenaient, il la fixa et retint son souffle. « Qu’est-ce qu’il se passe ? », demanda-t-il apeuré, les yeux écarquillés.

    « Rien de spécial. Ce sont les démons », expliqua Hunter d’une voix calme.

    Des vampires et maintenant des démons. Ils me prennent vraiment pour une bille ?

    Julian lui lança un regard assassin, quelqu’un souffrait derrière cette porte et le blondinet avait encore envie de plaisanter ; il croisa les mains derrière son dos alors que dans sa tête il donnait une bonne leçon à cet énergumène. « Des démons », répéta-t-il avec rage, et Hunter acquiesça, nullement intimidé par son air sévère. « Regarde par-là », lui dit Hunter en s’approchant de lui. À contrecœur, Julian tourna la tête dans la direction indiquée. Il plissa les yeux et fixa un groupe de jeunes qui se trouvait plus loin, à l’autre bout du couloir ; leurs cheveux, aux couleurs chatoyantes, brillaient dans la lueur de ce lieu sinistre. « Merveilleux, un autre groupe d’illuminés que je n’avais pas encore remarqué. Je suis où là, à la consécration de la bizarrerie ou c’est un concours de cosplayer ? », ironisa-t-il, sans quitter des yeux ces inconnus à l’aspect étrange. Eux aussi, contrairement à lui, étaient à l’aise dans le couloir de ces sous-sols. Personne n’avait l’air de vouloir s’enfuir ou ne semblait préoccupé par ce qui se passait dans la salle de torture. Il constata également que le groupe se trouvait à proximité de deux portes closes.

    Hunter ricana. « Non il ne s’agit pas de cosplayer, ce sont des anges », lui expliqua-t-il.

    Julian était dépassé et Hunter fronça les sourcils, visiblement sceptique. « Je n’arrive pas à croire que tu n’en ais jamais vu un auparavant ! Mais où étais-tu caché jusqu’à aujourd’hui ? »

    « Dans le monde réel », maugréa-t-il.

    Hunter parut contrarié. « Moi aussi, pour ta gouverne. J’ai été à Saint-Paul, où j’en ai rencontré des tas, tout comme lors des fêtes des immortels. De vue, je connais tous les gens dans ce groupe, certains étaient en classe avec moi. »

    Julian secoua la tête et se remit à observer les jeunes farfelus qui plaisantaient et riaient entre eux. Une fille aux longs cheveux violets le désigna d’un coup de tête à un autre membre du groupe qui se retourna pour le regarder ; puis leurs sourires s’effacèrent et ils le défièrent du regard. 

    « Ne les dévisage pas comme s’ils constituaient une erreur de la nature, tu vas les froisser. Dis, vu que tu viens de France tu connais des vampires français ? Et elles sont comment les soirées pour les immortels là-bas ? Il y a deux ans, j’ai été en Allemagne avec mon père, les trois mois les plus longs de toute ma vie. Lui, il donnait des leçons de chasse à de vieux immortels un peu rouillés et moi j’étais obligé de rester avec les deux fils de son ami qui refusaient de parler anglais quand on se retrouvait seuls, ils se comportaient vraiment comme des crétins. Tu imagines à quel point c’était difficile de communiquer avec eux ? On est quand même amis sur Facebook, mais on ne se parle jamais. C’est mon père qui m’a forcé à les ajouter. »

    Julian détourna son regard du groupe composé de prétendus anges et reporta son attention sur Hunter, ce garçon qui, pour une mystérieuse raison, se prenait pour un vampire.

    Il évita de répondre à ses demandes insensées. « Écoute. Des anges, des démons, des vampires et puis quoi encore ? Une bande d’ogres-garou ? », lui demanda-t-il d’une voix cassante. Il voulait voir jusqu’où irait cet abruti de blondinet.

    Hunter fronça les sourcils. « Des mortels au sang-mêlé », répondit-il en désignant une des deux portes à côté des soi-disant anges. « Mais je ne pense pas qu’il y en ait encore ici. C’était les premiers arrivés, ils ont probablement fini et sont déjà remontés. »

    Julian éclata de rire, tellement cette histoire était ridicule. Tous les prétendus vampires se turent en entendant son rire cristallin. Pendant un instant, ils furent nombreux à l’observer et à murmurer entre eux. « Des mortels, bien entendu. J’aurais dû y penser », commenta-t-il railleur. Hunter resta silencieux et s’affaissa contre le mur, se mettant à côté de lui. « Raconte-nous un peu les soirées des immortels en France », insista-t-il.

    « Désolé de te décevoir, mais je préfère rester chez moi. Disons que je suis allergique aux fêtes, surtout celles des immortels. »

    « OK, tu n’es pas très sociable, sans vouloir t’offenser on l’avait remarqué. Par contre moi, je déteste rester à la maison, je préfère y être le moins possible. Ça me fait penser à des choses désagréables et ça me déprime », expliqua Hunter en se figeant. Il fixait le mur et on aurait dit qu’il ressassait de vieux souvenirs. L’instant d’après, il secoua la tête comme s’il essayait de chasser quelque pensée. « Je suis tellement impatient de découvrir le reste de l’académie », affirma-t-il en retrouvant sa bonne humeur. Il joua encore un peu avec son pied contre le mur avant de reprendre la parole, cette fois sans plus s’arrêter.

    Julian rêvait d’avoir une super glu pour lui coller les lèvres et le faire taire.

    « Ces sous-sols semblent sortir tout droit d’un film d’horreur. Selon mon père, c’est le pire endroit de l’école, et heureusement d’ailleurs. Figure-toi qu’il a étudié ici il y a près de trois siècles, plus ou moins à l’époque de sa création. L’académie de Londres est la plus ancienne, toutes les autres ont été construites par la suite. Je l’ai lu dans un livre, il y a longtemps, ne me demande pas le titre. Je suis impatient de voir notre Seigneur, pas toi ? Même si cette nuit il fait le tour de toutes les autres académies pour marquer les nouveaux étudiants, demain matin il sera à nouveau parmi nous. »

    Julian soupira, exaspéré, Hunter croyait que son père était âgé de plusieurs siècles et qu’un type était capable de faire le tour du monde en une nuit. N’importe quoi. Il se mordit la langue pour ne pas l’insulter. Afin de ne plus entendre ces absurdités, il chercha son mp3 dans la poche de son pull et puis dans celles de son jeans. C’était bien sa veine, il avait disparu. Il jura à voix basse s’attirant quelques regards réprobateurs. 

    « À l’époque de la création des académies, les marques n’existaient pas encore. Elles sont relativement récentes puisque c’est notre Seigneur qui les a introduites. » Hunter sourit et indiqua le couloir avec toutes les portes : « Aucun rituel ne se déroulait ici. Chaque vampire terminait sa transformation par ses propres moyens, en buvant du sang de mortel et d’autres immortels... »

    « Où est le bouton pour t’éteindre ? »

    Le garçon se tut en voyant l’air exaspéré de son interlocuteur. Le ton acerbe que Julian avait utilisé fit mouche. Le blondinet semblait à présent embarrassé : « Excuse-moi. Tu as déjà probablement lu l’histoire de l’académie et des marques dans un livre sur l’histoire des immortels. »

    Julian grimaça. « Oui, bien entendu. Qui ne connait pas ces ouvrages ? Je lis des livres sur l’histoire des immortels tous les jours. Mon préféré c’est celui d’un elfe suédois qui vit sur l’Himalaya. Après un millénaire de fêtes avec les immortels,  il en avait eu assez des forêts et des vampires et il a donc décidé de vivre là-bas, en ermite, et d’écrire le meilleur livre sur l’histoire des immortels de tous les temps », lui répondit-il sarcastiquement.

    Hunter sembla offensé par sa réaction, croisa les bras et resta silencieux.

    « S’il te plaît, soyons un peu sérieux. Selon ma mère, il y a un siècle encore, certains étudiants venaient dans les sous-sols en cachette pour sortir de l’enceinte de l’académie sans être vus. On dit qu’il y a plusieurs passages secrets derrière ses murs », affirma un autre type en caressant la pierre froide du bout des doigts.

    Exaspéré, Julian leva les yeux au ciel. Le plafond était couvert de fissures et de moisissures et il l’observa avec dégoût. J’ai atterri, d’un coup de baguette magique, dans un endroit immonde entouré de fous. Et sans musique.

    « Génial », grommela-t-il sèchement, tout en serrant les poings. « Vraiment génial. »

    Mais il y avait quand même un élément positif : il avait retrouvé une vue parfaite et le mal de tête qu’il avait au réveil avait disparu. Il vit une petite goutte d’eau se détacher du plafond humide et bougea la tête juste à temps pour la voir s’écraser sur le sol.

    « D’autres étudiants étaient envoyés ici en punition. Peut-être qu’une salle de torture se cache derrière une de ces portes... »

    La mâchoire de Julian se crispa, ses joues s’enflammèrent ainsi que ses yeux ; le dernier garçon à avoir pris la parole sursauta et fit un pas en arrière, s’écartant de lui. 

    « Vous êtes sourds ou quoi ? C’est évident qu’il y a une satanée salle de torture et nous allons tous nous y retrouver d’un moment à l’autre. Vous n’avez pas entendu les hurlements ? Bon sang, pourquoi on n’essaye pas de s’échapper d’ici ? »

    Son ton hautain et accusateur réduit tout le monde au silence, y compris ceux que Hunter avait qualifiés d’anges. Julian posa son regard sur le garçon qui avait mentionné les passages secrets. « Tu as dit qu’il existait des passages secrets alors fais en sorte de m’en trouver un. Je ne veux pas me faire écorcher vivant, j’ai d’autres projets dans l’immédiat et aucun d’eux n’implique de se faire torturer... Des vampires, des démons, des parents vieux de plusieurs siècles. Et c’est moi le cinglé ? Regardez-vous et écoutez-vous nom de Dieu! »

    « Torturer... Ce n’est pas l’envie qui me manque de t’écorcher sur le champ. Je te couperais la langue et te l’enfoncerais dans la gorge, pour t’empêcher de raconter de telles inepties. Tu viens de quelle planète, abruti ? » Ses yeux verts contenaient autant de rage que ceux de Julian qui lui décocha un regard glacial.

    « Nous sommes ici pour recevoir la marque, comme tous les premières années. Ça va bientôt commencer, et une fois le rite accompli je ne serai plus obligé de voir ta face avant demain matin. Tu as la frousse ? Je n’y crois pas, un vampire qui a peur de la marque ! », poursuivit-il dédaigneux, alors que sa frange châtain, longue et lisse, recouvrait son oreille gauche. « Heureusement pour toi c’est indolore. Même si je dois avouer que ça ne me déplairait pas de t’entendre hurler de douleur », ajouta-t-il avec un petit sourire perfide.

    « La marque, hein ? », répéta-t-il sarcastique, en ignorant cette dernière provocation. Il appuya son coude contre le mur, croisa ses pieds et continua de fixer ce mec irascible et exaspérant avec un air de défi. « Si tu crois que je vais laisser quelqu’un me toucher, tu rêves. Les tatouages, ça n’a jamais été mon truc et je n’ai pas l’intention de me laisser faire une foutue marque. »

    « Fais attention à ce que tu dis », l’avertit son détracteur en le pointant du doigt. Julian ouvrit la bouche, prêt à jeter de l’huile sur le feu quand la porte d’où provenaient les hurlements s’ouvrit dans un vacarme assourdissant suite auquel tout le monde se tut et se tourna dans cette direction. Un groupe d’étudiants en sortit, précédé d’un homme encapuchonné, le visage dissimulé derrière un masque doré, qui les guida le long du couloir.

    « Par ici. » La voix glaciale de l’homme brisa le silence angoissé que son apparition avait créé. Julian regarda le petit groupe défiler devant lui aux pas de course et en silence. Ses yeux investigateurs croisèrent le regard d’un étudiant, à vrai dire peu menaçant.

    Ce qui le marqua principalement fut la couleur de leurs yeux : orange, verts, rouges, rose, tous fluorescents et inquiétants. Des yeux qui auraient effrayé quiconque les aurait croisés dans le noir. Julian se résonna, il s’agissait de lentilles de contact, voilà tout.  

    Il nota que presque tous les jeunes qui suivaient l’homme encapuchonné se touchaient le bras droit, comme s’il les faisait souffrir. Les survêtements à manches courtes permettaient d’apercevoir des tatouages noirs, tous identiques, en forme de serpent enroulé autour du biceps, avec des yeux qui semblaient l’observer. Julian examina ces tatouages, à la fois fasciné et intimidé. Ils ne ressemblaient en rien à des tatouages ordinaires, c’était un peu comme s’ils étaient... vivants. Il lui avait d’ailleurs semblé qu’un des serpents avait émis un sifflement lorsque son maitre avait passé sa main devant lui.

    « Les démons viennent d’être marqués. » Le chuchotement de Hunter le ramena à la réalité. Julian réprima un frisson de peur et continua de suivre ces jeunes gens du regard, jusqu’à ce qu’ils disparaissent à l’angle du couloir. Il fut tenté de les suivre pour s’échapper de cet endroit, quand un nouveau bruit sec le fit sursauter, il tourna aussitôt la tête de l’autre côté du couloir : les anges aux cheveux bigarrés franchirent la pas de la porte qui venait de s’ouvrir et un autre individu masqué la referma silencieusement derrière eux. Il ne restait plus qu’une dizaine de personnes dans le long couloir : lui et ceux qui se prenaient pour des vampires.

    « On dit que la marque du serpent est la plus douloureuse », affirma le type aux yeux verts. Julian se retourna et lui lança un regard méfiant.

    « Tu veux savoir pourquoi ils hurlaient ? », lui demanda-t-il avec une lueur amusée dans les yeux. Il poursuivit sans attendre sa réponse : « Une fois que notre Seigneur les marque, c’est comme si un feu invisible les consumait et le moindre muscle de leur corps se met à brûler. La douleur ne dure que quelques minutes, mais durant ce court instant ils préfèreraient mourir. » Le garçon jeta un regard aux autres jeunes qui l’observaient. « Ce sont des démons, des amis à mon frère, qui me l’ont expliqué. Généralement, ils n’aiment pas parler de ce qu’ils éprouvent lorsqu’ils reçoivent la marque, du moins pas avec les vampires. Nous, les vampires, ainsi que les sang-mêlé, ne peuvent pas comprendre. Pour nous, recevoir la marque est plutôt agréable. » Il conclut son discours avec un haussement d’épaules.

    « Je suppose que les sang-mêlé ont déjà reçu leur marque. Je n’ai pas entendu de bruit dans la pièce où ils étaient entrés, j’imagine qu’ils sont déjà remontés. Ce qui est sûr, c’est que d’un moment à l’autre on va entendre les anges hurler », dit-il d’une voix impassible.

    Julian soupira, exaspéré. « N’importe quoi », se lamenta-t-il. Le type aux yeux vert bouteille lui adressa un sourire moqueur.

    « La coupe des ailes doit être tout aussi épouvantable », commenta Hunter. À la vue de l’air incrédule de Julian, il s’adressa directement à lui.  « Leur marque représente un aigle. Mais ils doivent également endurer deux incisions au niveau des omoplates. Les ailes ne poussent pas d’un coup, elles grandissent progressivement, et à leur sortie, elles seront de la couleur de leurs cheveux. Durant la transformation, leurs cheveux changent constamment de couleur en fonction des humeurs et des émotions éprouvées par les anges. Tu aurais dû voir les tons qu’ils pouvaient prendre durant les examens de mathématique, sous les yeux des élèves ignorants et mortels et du professeur... »

    « Pourquoi tu te fatigues encore à lui adresser la parole ? », l’interrompit le casse-pieds d’une voix irritée. « Regarde la tête qu’il fait lorsque tu lui parles, on dirait que tu es en train de lui proposer d’aller coloniser Pluton. Épargne ta salive, les idiots ne méritent pas qu’on les prenne en considération. Ce n’est pas vrai, on va encore attendre longtemps ? », ajouta-t-il, regardant autour de lui avec impatience.

    Julian observa toutes les personnes présentes, écœuré. Il n’avait jamais entendu autant d’idioties en une seule journée. Il se demanda si, durant les trois années où il avait été malade, le monde n’était pas devenu fou.  

    Il posa sa tête contre le mur, regarda une nouvelle fois le plafond humide et essaya de rester calme. Il entendait les battements de son cœur s’emballer dans ses tympans.

    Le silence était retombé une nouvelle fois dans les sous-sols, puis de nouveaux hurlements se firent entendre. Julian sentit ses membres se glacer et il ne put s’empêcher de repenser à ce qu’il avait enduré ces trois dernières années. Lui aussi avait hurlé à la mort ; trois années où il avait agonisé, comme si une main cherchait à lui arracher le cœur ou comme si quelqu’un lui avait injecté un poison dans les veines faisant bouillir son sang et irradiant son corps d’atroces douleurs. Sans répit. Respirer le faisait souffrir, tout comme parler et marcher. Il était hors de question qu’il revive tout cela. 

    « C’en est assez, je m’en vais », déclara-t-il. Il reçut des regards noirs pour toute réponse. « Qui vient avec moi ? », s’hasarda-t-il. Personne ne bougea d’un pouce, ils n’avaient pas l’intention de le suivre. Quelqu’un ricana. Tant pis pour eux.

    « Tu n’iras nulle part. Essaye de t’échapper et je te trainerai de force devant notre Seigneur. » Julian fit comme s’il ne l’avait pas entendu, il y avait des choses plus importantes à faire en ce moment que de se disputer avec cet abruti. D’autres hurlements terrifiants résonnèrent dans le couloir. « Quelqu’un veut bien me dire ce qu’il se passe réellement ici ? », s’écria-t-il, à bout de nerfs.

    « Essaye de te détendre », suggéra Hunter avec calme, mais Julian le toisa avec rage. « Nous attendons tous ce moment avec impatience et cela devrait valoir pour toi aussi. On rêve tous de recevoir la marque des vampires depuis qu’on est gamin. »

    « Tu n’es pas un vampire, pas plus que moi d’ailleurs. Pourquoi insister avec cette histoire à dormir debout, bon sang ? », hurla-t-il en agrippant le bras de Hunter et en le secouant légèrement pour le faire revenir à la raison. Ce dernier écarquilla les yeux et resta sans voix.

    « Lâche-le. Tout de suite. Je vais compter jusqu’à trois et si tu ne fais pas marche arrière je vais te faire regretter d’avoir levé la main sur lui. » On percevait de la colère dans la voix de ce type qui insupportait Julian depuis le début. Ses yeux plissés étaient rouge sang, tel un lion prêt à bondir pour défendre son petit en danger.

    « Et qu’est-ce que tu comptes me faire exactement ? », le provoqua Julian, pas intimidé le moins du monde. « J’ai déjà compté jusque cinq dans ma tête. Tu es un peu lent si tu n’es pas encore arrivé à trois. »

    « Je sais me défendre tout seul, Logan. Il ne fait rien de mal. S’il avait voulu me frapper, je l’aurais déjà mis K-O depuis longtemps », dit Hunter irrité, libérant son bras de l’emprise de Julian. Logan prit un air contrarié et s’éloigna en maugréant.

    Une porte grinça et s’ouvrit, dévoilant un nouvel être encapuchonné, le visage dissimulé derrière un masque. « Entrez », leur dit-il.

    Julian regarda ses compagnons obéir sur-le-champ. « Qu’est-ce qu’il se passe encore ? », grommela-t-il sans avancer.

    Personne ne lui prêta attention. Seul Hunter l’invita à le suivre avant de disparaitre dans l’embrasure de la porte, comme tous les autres. Julian jeta un coup d’œil au long couloir vide qui se dressait derrière lui et un juron lui échappa lorsqu’il se rendit compte qu’il était pris au piège. Il passa en revue les alternatives qui s’offraient à lui : il pouvait parcourir le couloir à l’aveugle, tourner à l’angle et espérer trouver une porte, un passage secret ou un autre couloir qui le conduirait à l’air libre. Ou alors il pouvait suivre les prétendus vampires et entrer dans la pièce où, pour le moment, personne ne hurlait de douleur. Qu’est-ce qui pouvait bien se trouver derrière cette porte ?

    Il était partagé entre la curiosité de savoir ce qui allait arriver à Hunter et aux autres cinglés, et  la peur d’être torturé avec eux. Une étrange odeur provenait de cette pièce mystérieuse, une odeur délicieuse qui l’attirait. Il plissa les yeux, attentif, essayant de percevoir un cri, en vain. Il hésitait toujours sur la marche à suivre lorsque l’odeur l’envahit une fraction de seconde, couvrant la puanteur des moisissures et de l’humidité des sous-sols. Et lorsqu’elle s’évanouit, la décision s’imposa à lui. Il devait découvrir de quoi il s’agissait. Il devait suivre ce parfum.

    Lentement, il arriva à la hauteur de l’homme et franchit le seuil de la porte.

    2

    L’homme encapuchonné ferma la porte derrière lui dans un vacarme assourdissant.

    Julian avait les jambes en coton ; elles se mirent à trembler à peine le seuil de la porte franchi. À chaque pas, il sentait la terre se dérober sous ses pieds. Il arriva à la hauteur des autres jeunes qui semblaient décontractés et puis s’arrêta, dans l’attente qu’il se passe quelque chose. Il avait probablement pris la mauvaise décision en suivant ces prétendus vampires et cette odeur.

    Ses yeux bleus explorèrent la pièce avec appréhension : elle était rectangulaire et relativement vaste, illuminée par des lampadaires muraux et imprégnée de cette odeur enchanteresse qu’il avait sentie dans le couloir. À l’intérieur, cette dernière était plus intense et il n’y avait plus aucune trace des mauvaises odeurs qu’il avait été contraint de respirer dans le couloir. Il cligna des yeux et emplit ses poumons de cette délicieuse odeur. Plus il l’inhalait, plus elle lui semblait familière.

    Le sol clair, en pierre ancienne, était poussiéreux comme celui du couloir et donnait l’impression que les visiteurs étaient plutôt rares. Quelques toiles d’araignée pendaient également au plafond.

    Julian fit la moue. Il avait l’impression d’être tombé dans une maison hantée, comme on peut en trouver dans les parcs d’attractions et qu’il avait seulement vu dans les films. Il manquait juste quelques squelettes, par-ci, par-là, pour parfaire l’atmosphère macabre. Il nota quand même l’absence d’objets de torture, mais cela ne suffit pas à calmer la peur qui le tenaillait.

    Un frisson le parcourut, il se força à ne pas se focaliser sur l’absence de fenêtre afin d’éviter une crise de claustrophobie. Il détestait les lieux clos, il détestait le fait de se trouver dans un sous-sol au milieu de tous ces inconnus. Peut-être allait-il bientôt retrouver sa maison ainsi que le confort et la sécurité de sa chambre. De plus, les douleurs qui lui avaient fait vivre un calvaire pendant trois ans avaient disparu et il allait donc pouvoir à nouveau mener une vie ordinaire,  comme tous les jeunes de son âge. Il aurait enfin des amis et ses parents ne le séquestraient plus à la maison. Ou alors, il ne s’échapperait jamais de cet endroit sinistre et il mourait ici, avec les fous qui l’entouraient, mort à cause de sa curiosité et cet effluve qu’il avait suivi.

    À la simple éventualité de cette fin tragique, il sentit ses membres se glacer et suffoqua.

    Pendant ce temps, cet effluve enivrant et séduisant ne se dissipait pas.

    Il finit enfin par identifier l’origine de ce fumet et en resta coi : il émanait d’un jeune homme. L’être le plus beau qu’il ait jamais vu. Il était assis sur l’autel en pierre, au centre de la pièce, les jambes croisées et les mains posées nonchalamment sur ses cuisses. Une mèche de cheveux lui barrait le front et il la glissa derrière son oreille, révélant une boucle d’oreille en forme de serpent. Ces longs cils effleuraient ses pommettes hautes et délicates, sa peau diaphane ressemblait à de la porcelaine et ses cheveux à du chocolat fondant. Après s’être attardés sur chaque visage, les yeux du garçon, tels deux puits obscurs, se posèrent sur Julian et ses douces lèvres s’étirèrent en un léger sourire. À cet instant, un barrage dont Julian ignorait l’existence céda au tréfonds de son âme et une vague d’émotions le submergea. Pris en otage, il n’arrivait pas à détacher son regard du jeune homme. Son cœur dérapa : il avait l’impression de le connaitre depuis toujours, même s’il savait que c’était impossible. Sans comprendre pourquoi, Julian avait envie de courir dans ses bras et l’enlacer, il désirait plonger son visage et passer ses doigts dans ses cheveux soyeux et en humer l’odeur.

    Il rougit, gêné par ses propres pensées insensées.

    Il avait quitté Paris il y a trois ans et ici, à Londres, il n’avait jamais rencontré personne. Trois longues et maudites années, enfermé dans la maison de ses grands-parents, seul et sans ami à cause de cette étrange maladie qui l’avait frappé sans crier gare et qui l’empêchait de sortir de chez lui. Certains jours, il ne supportait pas la lumière du soleil et d’autres, le moindre bruit lui était insoutenable ; sans parler des moments où il était assailli par la douleur qui le pliait en deux et l’obligeait à rester au lit et à pleurer la tête enfouie dans ses oreillers.

    Julian fronça les sourcils, les yeux toujours plongés dans ceux du garçon, se demandant de qui il pouvait bien s’agir. Ces yeux noirs l’attiraient tel le chant des sirènes et brouillaient son esprit. Il espéra de tout son cœur que ce garçon, contrairement aux autres qu’il avait rencontrés jusqu’ici, soit sain d’esprit.

    Le visage lisse et angélique de ce dernier se rembrunit un court instant, puis se radoucit. Il passa une main dans ses cheveux, l’air pensif, et reporta son attention sur les  vampires.

    Julian se força à suivre son exemple. Inquiet, il regarda les jeunes présents dans cette pièce souterraine : ils avaient tous incliné légèrement leur tête devant le garçon assis sur l’autel. Julian les observa, abasourdi, il ne comprenait pas la motivation d’un tel geste.

    « Vous pouvez relever la tête. »

    Sa voix lui coupa le souffle. Elle aurait pu enchanter n’importe quel auditeur : veloutée et douce tels les pétales d’une fleur, tellement belle qu’elle pourrait se révéler dangereuse. Elle le transperça et réveilla quelque chose d’assoupi au tréfonds de son âme. Un frisson le traversa. 

    Julian s’aperçut alors que les autres regardaient ce garçon envoûtant avec une pure adoration dans les yeux. Du coin de l’œil, il le vit descendre de l’autel et s’appuyer contre

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