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Le surréalisme
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Livre électronique411 pages7 heures

Le surréalisme

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À propos de ce livre électronique

Dépassant son admiration, Gerry Souter, auteur du remarquable Frida Kahlo, n’hésite pas à ramener Diego Rivera à une dimension humaine, en constatant ses choix politiques, ses amours, et « qu’au fond de lui bouillonnait le Mexique, langue de ses pensées, sang de ses veines, azur du ciel au-dessus de sa tombe. »
LangueFrançais
Date de sortie15 sept. 2015
ISBN9781783108732
Le surréalisme

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    Aperçu du livre

    Le surréalisme - Nathalia Brodskaia

    NOTES

    Giorgio de Chirico, Portrait prémonitoire de

    Guillaume Apollinaire, 1914. Huile et fusain sur toile,

    81,5 x 65 cm. Centre Georges-Pompidou,

    Musée national d’art moderne, Paris.

    LE SURRÉALISME

    GIORGIO DE CHIRICO – INSPIRATEUR DU SURRÉALISME

    Des nombreux mythes qui participèrent à forger la légende du surréalisme, celui du marin Yves Tanguy demeure l’un des plus significatifs. De retour à Paris après un long séjour en mer, alors qu’il passait en autobus par la rue de La Boétie, il aperçut une toile, dans une des nombreuses galeries. Celle-ci représentait un torse d’homme nu sur fond de ville sombre et transparente. Au premier plan, un livre est posé sur une table mais l’homme a les yeux clos et ne peut le voir. Yves Tanguy sauta de l’autobus en route et s’approcha de la vitrine pour examiner cette toile étrange. Elle était intitulée Le Cerveau de l’enfant et était l’œuvre d’un artiste italien, Giorgio de Chirico. Cette rencontre avec la toile décida de l’avenir du marin. Tanguy ne reprit plus jamais la mer et devint artiste bien qu’il n’eût encore jamais manié un pinceau. Il occupa dès lors une place importante au sein du mouvement surréaliste.

    Cette histoire remonte à 1923, soit un an avant que le poète et psychiatre André Breton ne publie son Manifeste du surréalisme. Comme toute légende, elle ne prétend pas à la vraisemblance. Une seule chose est sûre : les toiles de Giorgio de Chirico marquent profondément l’esprit et l’imaginaire, et c’est ce qui fit de lui un des précurseurs de l’art surréaliste. Le Cerveau de l’enfant n’eut pas un effet miraculeux sur le seul Yves Tanguy.

    « … Passant en autobus rue de La Boétie devant la vitrine de l’ancienne Galerie Paul Guillaume où elle était exposée, mu par un ressort, je me levai pour descendre et aller l’examiner de près, racontera plus tard André Breton. Je mis longtemps à me soustraire à sa contemplation et, à partir de là, n’eus plus de cesse avant de pouvoir l’acquérir. Quelques années plus tard, à l’occasion d’une exposition d’ensemble de Chirico, cette toile étant retournée de chez moi à sa place antérieure (la vitrine de Paul Guillaume), quelqu’un qui, lui aussi, passait par-là en autobus, céda exactement au même réflexe, comme il s’en ouvrit à moi lors de notre première rencontre assez longtemps après, en retrouvant Le Cerveau de l’enfant à mon mur. C’était Yves Tanguy. »[1]

    Ce ne sont pas tant les détails et les circonstances de l’anecdote qui importent ici, mais plutôt l’effet inhabituel des toiles de Chirico sur les surréalistes en devenir. On ne comprit vraiment le génie de Chirico que bien des années plus tard, une fois le surréalisme devenu un objet d’étude pour les historiens de l’art. On rapprocha son œuvre de l’esthétique des romantiques et des symbolistes, pour qui la peinture du monde se devait d’être une exploration de son essence, et non une pâle copie de ce que la réalité grossière offre à nos sens. Malgré cela, Chirico avait dans cette toile représenté son sujet avec un réalisme presque prosaïque. Son visage caractéristique, ses oreilles décollées, ses moustaches soignées et les quelques rares poils sur le menton se marient à un embonpoint exagéré, pour faire de cet homme un personnage grotesque. Cette contradiction entre la recherche d’une vérité essentielle, située au-delà du monde sensoriel, et la représentation minutieuse de ce personnage caricatural rendit ce tableau formidablement saisissant et énigmatique.

    Les toiles métaphysiques de Chirico furent pour ses contemporains un modèle de surréalisme. Salvador Dalí les définira plus tard comme étant « la fixation en trompe-l’œil des images du rêve. »[2] Chacun des artistes appliqua ce principe à sa manière et c’est justement cette façon de l’appliquer qui fit franchir à leurs œuvres la frontière du réalisme pour devenir du surréalisme. Personne ne peut affirmer aujourd’hui que le surréalisme aurait pu un jour exister sans Giorgio de Chirico.  

    Le destin lia Giorgio de Chirico avec les lieux et paysages qui nourrirent son inspiration. Il naquit en 1888, en Grèce, où son père était constructeur de chemins de fer. Il vint au monde plus exactement à Volos, capitale de la Thessalie et ville d’où, selon légende, partirent les Argonautes pour aller trouver la Toison d’or. Toute sa vie durant Chirico conserva en lui l’éclat de l’architecture antique d’Athènes.

    « Tous les magnifiques spectacles que je vis en Grèce dans mon enfance (je n’en ai jamais vu d’aussi beaux depuis) m’impressionnèrent certainement profondément et restèrent solidement imprimés dans mon âme et dans mon esprit », écrivit-il dans ses mémoires.[3]

    On retrouve ces souvenirs de l’architecture et des sculptures de la Grèce antique dans presque toutes ses toiles. C’est en Grèce qu’il reçut ses premières leçons de dessin et de peinture. À l’âge de douze ans, Chirico commença à étudier à l’Académie des beaux-arts d’Athènes. À seize ans, après la mort de son père, il partit avec sa mère et son frère en Italie. S’ouvrirent alors à Chirico de magnifiques villes italiennes à jamais teintées de l’esprit médiéval : Turin, Milan, Florence, Venise, Ferrare. Ces villes vinrent s’ajouter à ses souvenirs de la Grèce pour créer la base du monde imaginaire de ses toiles. Les toiles du jeune Chirico, qualifiées de toiles de la « période arcades » tirent leur charme de ce qui manquait à la peinture avant-gardiste du début du XXe siècle. Chirico construisit la ville de ses rêves. Une ville blanche sur les rives d’une mer bleue. Une ville dont les rues droites, bordées d’arcades tout comme à Turin ou Ferrare, débouchent sur des places décorées de statues antiques. Cette ville est totalement déserte. On aperçoit parfois, dans la perspective d’une rue, une vague silhouette, une ombre. Parfois une canne appuyée contre un mur, oubliée par quelqu’un. Parfois une petite fille courant seule dans les rues de cette ville déserte. Tout le monde pouvait rêver de cette ville, elle était magnifique. Les pierres ayant servi à la construire mais aussi les ombres plongeantes étaient étonnantes de réalisme. De plus, cette ville renfermait un secret, la possibilité d’un autre monde dont nous soupçonnons l’existence mais que seuls quelques élus peuvent admirer. Le post-surréaliste Paul Éluard écrivit ces vers pour Chirico :

    « Un mur dénonce un autre mur

    Et l’ombre me défend de mon ombre peureuse.

    Ô tour de mon amour autour de mon amour,

    Tous les murs filaient blanc autour de mon silence.

    Toi, qui défendais-tu ? Ciel insensible et pur

    Tremblant tu m’abritais. La lumière en relief

    Sur le ciel qui n’est plus le Miroir du Soleil,

    Les étoiles de jour parmi les feuilles vertes,

    Le souvenir de ceux qui parlaient sans savoir,

    Maîtres de ma faiblesse et je suis à leur place

    Avec les yeux d’amour et des mains trop fidèles

    Pour dépeupler un monde dont je suis absent. »[4]

    La vie offrit à Giorgio de Chirico une autre chance inouïe : il passa deux ans à Munich où il apprit non seulement la peinture mais également la philosophie classique allemande.

    « Pour avoir des idées originales, extraordinaires, peut-être même immortelles, écrivit Schopenhauer, il suffit de s’isoler si absolument du monde et des choses pendant quelques instants que les objets et les événements les plus ordinaires nous apparaissent comme complètement nouveaux et inconnus, ce qui révèle leur véritable essence. »[5]

    Giorgio de Chirico, Printemps à Turin, 1914.

    Huile sur toile. Collection privée.

    Giorgio de Chirico, Melancholia, 1912.

    Huile sur toile. Estorick Foundation, Londres.

    À Munich, il vit une peinture qui réveilla l’attrait pour le secret qui sommeillait en lui : il découvrit Böcklin. En 1911, Giorgio de Chirico vint à Paris et logea dans le quartier de Montparnasse, rue Campagne-Première. Lorsque ses toiles furent exposées au Salon d’automne, les artistes parisiens virent en lui déjà ce Chirico qui les étonnerait plus tard avec son Cerveau de l’enfant et qui écrivit : « Ce que j’écoute ne vaut rien, il n’y a que ce que mes yeux voient ouverts et plus encore fermés »[6]. Chirico lui-même qualifia son art de métaphysique.

    Giorgio de Chirico apparut au bon moment et au bon endroit. Pour la jeunesse de Montmartre et Montparnasse il devint un inspirateur, voire un prophète. En 1914, Chirico représenta Apollinaire sous forme de silhouette sur fond de fenêtre. Sur la tempe du poète il dessina un cercle blanc. Apollinaire partit bientôt au front et fut blessé à l’endroit indiqué d’un cercle sur la toile. Pour lui Chirico était un visionnaire, capable de voir l’avenir. Guillaume Apollinaire lui-même, bien qu’étant un fervent apôtre du cubisme, se soumit au secret romantique des toiles de Chirico. Il lui écrivit ces vers qui étaient déjà un prototype de surréalisme en littérature et les intitula Océan de terre :

    « J’ai bâti une maison au milieu de l’Océan

    Ses fenêtres sont les fleuves qui s’écoulent de mes yeux

    Des poulpes grouillent partout où se tiennent les murailles

    Entendez battre leur triple Cœur et leur bec cogner aux vitres

    Maison humide

    Maison ardente

    Saison rapide

    Saison qui chante

    Les avions pondent des œufs

    Attention on va jeter l’ancre

    Attention à l’ancre que l’on jette

    Il serait bon que vous vinssiez du ciel

    Le chèvrefeuille du ciel grimpe

    Les poulpes terrestres palpitent

    Et puis nous sommes tant et tant à être nos propres fossoyeurs

    Pâles poulpes des vagues crayeuses ô poulpes aux becs pâles

    Autour de la maison il y a cet océan que tu connais

    Et qui ne repose jamais. »[7]

    Giorgio de Chirico amena à la surface tout ce qui était caché très profondément dans les entrailles de l’art du début du XXe siècle. Durant les décennies qui suivirent, l’esprit de Giorgio de Chirico hanta la peinture de tous les artistes surréalistes. On aperçut dans leurs toiles des répliques de ses tableaux mais aussi des symboles et signes secrets nés de son imagination, et les mannequins auxquels il avait donné vie continuaient de vivre. Cependant, pour que la graine de l’art de Giorgio de Chirico puisse germer, il fallut à la jeune génération du XXe siècle un grand bouleversement.

    Carlo Carrà, La Chambre enchantée, 1917.

    Huile sur toile, 65 x 52 cm. Collection privée, Milan.

    LA GUERRE – STIMULUS DE DADA

    Le surréalisme fut un pur produit de son époque. Les artistes qui y participèrent étaient de la génération née à la fin du XIXe siècle. Ils avaient tous environ vingt ans au début de la Première Guerre mondiale. Lors des premières années du XXe siècle on assista à des poussées militaires aux quatre coins du monde et l’on avait l’impression de vivre sur un volcan prêt à entrer en éruption. Le début de la guerre fut cependant inattendu. Le 28 juin 1914, dans la ville serbe de Sarajevo, un jeune étudiant, Gavrilo Princip, assassina l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche et son épouse. La guerre commença dans les Balkans. Les événements se bousculèrent à grande vitesse. Le 1 août la Russie entra en guerre avec l’Allemagne, les 3 et 4 août la France et la Grande-Bretagne déclarèrent la guerre à l’Allemagne. Seule la défaite des Allemands sur la Marne du 5 au 10 septembre permit de sauver Paris de la destruction. Cela instaura par-là même une longue guerre de position qui se mua en cauchemar. Des milliers de jeunes de tous les pays participèrent à cette guerre et ne revirent jamais leur famille, moururent sous les obus ou dans les tranchées des suites de maladies, d’autres furent empoisonnés au gaz, nouvelle arme utilisée pour la première fois par les Allemands en 1916. De nombreux soldats retournèrent chez eux invalides et moururent plus tard de leurs blessures de guerre. Et c’est justement cette génération qui eut pour charge de créer l’art du XXe siècle et de suivre les traces audacieuses de leurs prédécesseurs.

    Le Paris artistique d’avant-guerre se nourrissait de liberté, cette liberté pleine et délicieuse. Les impressionnistes et les maîtres de l’époque post-impressionniste délièrent les mains des artistes. Les limites fixées en art par la tradition et les écoles tombèrent. Les jeunes artistes pouvaient absolument tout se permettre. Cette audace les entraîna dans la recherche sur la couleur et les formes. En 1890, le jeune Maurice Denis, peintre et théoricien de l’art, put le premier mettre des mots sur ce dont il avait pris conscience grâce aux exemples de toiles des prédécesseurs : « Un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane, recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées »[8]. Le plus important en peinture était la couleur et il fallait l’étudier. Seurat et Signac s’étaient déjà adressés, autour de 1880, à des chimistes et physiciens afin de mettre au point une science de la couleur. La couleur était renforcée par la texture de la peinture apposée sur la toile. L’expression nerveuse des touches colorées des tableaux de Van Gogh transporta les jeunes artistes lors des expositions posthumes.

    Giorgio de Chirico, Hector et Andromaque, 1917.

    Huile sur toile, 90 x 60 cm. Collection privée, Milan.

    Dès 1884, apparut à Paris le Salon des indépendants où tout un chacun pouvait exposer ses œuvres sans se heurter au jury académique. En 1903, les artistes rejetés lors du Salon officiel s’ouvrant au printemps créèrent leur Salon d’automne. C’est justement en 1905 que Matisse et son groupe reçurent le nom de « fauves », en raison de la frénésie de leurs couleurs qui évoquait les animaux sauvages de la jungle. En 1907, le jeune poète Guillaume Apollinaire effectua un entretien avec Matisse, pour qui il avait une grande admiration. Dans son article il rapporta les dires de l’artiste : « J’ai des couleurs et une toile et je dois m’exprimer de manière claire, bien que simplifiée, en apposant par exemple trois ou quatre touches de peinture et en tirant trois ou quatre lignes expressives. »[9] L’exposition de Cézanne en octobre 1906, juste après sa mort, attira l’attention de tous les jeunes artistes sur la forme des objets. Ils trouvaient la forme de base dans les œuvres de l’art primitif, dans les statuettes d’Afrique ou d’Océanie qui étaient nombreuses en Europe. L’expression la plus marquante de cette découverte fut le cubisme de Picasso. En 1907, il montra à ses amis sa première grande toile cubiste, Les Demoiselles d’Avignon.

    De tels procédés de réappropriation de l’expression directe par la couleur et les formes eurent lieu en même temps dans d’autres pays européens. En 1905, Dresde vit naître le groupe « Die Brücke » (en français « le pont ») qui fit concurrence aux Parisiens dans le domaine de la couleur. Plus tard, les artistes allemands contestèrent le droit des Français à se considérer comme pionniers de l’art primitif. En 1909, à Milan puis à Paris, fut publié le Manifeste du futurisme. Son auteur, Filippo Tommaso Marinetti écrivit : « Notre poésie, c’est la bravoure, l’insolence et la révolte. » Ce sont les futuristes qui, les premiers, se rebellèrent contre l’art ancien et la tradition.

    « À bas musées et bibliothèques ! [...], écrivit Marinetti, nous proclamons ce manifeste enflammé, et annonçons la création du futurisme car nous voulons éviter à ce pays de voir des tumeurs malignes se développer sur son corps. Nous voulons le protéger des professeurs, archéologues, Cicérons et autres antiquaires. [...] Dépêchez-vous de venir ! Brûlez les bibliothèques ! Fermez les canaux et brûlez les musées ! Que le courant emmène les peintures auréolées de gloire ! Prenez vos hachettes et massues ! Détruisez les murs de ces vénérables villes ! »[10]

    La forme leur servit à représenter la rapidité du mouvement, la dynamique d’un nouveau monde inventé. En Russie, l’artiste Kazimir Malevitch tenta de soustraire l’art aux liens de la littérature, tenta de le libérer « de tout ce contenu dans lequel on l’a maintenu pendant des milliers d’années »[11]. Les toiles et sculptures se libérèrent totalement des sujets de la littérature et il ne resta que le motif, donnant l’impulsion à l’appropriation de la couleur, de la forme et du mouvement. On vit se regrouper à Munich, autour de la revue Le Cavalier bleu un groupe d’artistes parmi lesquels le russe Wassily Kandinsky. Leur peinture utilisait toute la richesse de la couleur découverte par l’avant-garde européenne. En 1910, Kandinsky réalisait sa première aquarelle, où n’apparaissent que des taches de couleurs et des lignes. L’apparition de la peinture abstraite devint le résultat logique du développement rapide de l’art. L’avant-garde artistique se sépara sans pitié de l’esthétique bourgeoise.

    Salvador Dalí, Gala et l’Angélus de Millet précédant

    l’arrivée imminente des anamorphoses coniques, 1933.

    Huile sur bois, 24 x 18,8 cm. The National Gallery of Canada, Ottawa.

    Hannah Höch, Coupe au couteau de cuisine

    dans la dernière époque culturelle de l’Allemagne,

    celle de la grosse bedaine weimarienne, 1919-1920.

    Photomontage, 114 x 90,2 cm. Staaliche Museen zu Berlin,

    Preussischer Kulturbesitz, Nationalgalerie, Berlin.

    Francis Picabia, L’Œil cacodylate, 1921. Huile sur

    toile et collage de photographies, cartes postales,

    papiers divers découpés, 148,6 x 117,4 cm.

    Centre Georges-Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris.

    Man Ray (Emmanuel Radnitszky), Soleil de nuit, 1943. Collection privée.

    Il est tout aussi important de constater que ce nouvel art devint international. Paris attira tous les contestataires, tous ceux qui prônaient le rejet de la tradition. Un nouveau monde artistique naquit tout d’abord à Montmartre puis à Montparnasse. Vers 1900, à Montmartre, « une inconfortable maison de bois, surnommée le Bateau-Lavoir, abrita des peintres, des sculpteurs, des littérateurs, des humoristes, des acteurs, des blanchisseuses, des couturières et des marchands des quatre-saisons. »[12] C’est là qu’habitait Kees van Dongen « pieds nus dans des sandales, la barbe rouge agrémentée d’une pipe et d’un sourire. »[13] Un étage plus bas, à partir de 1904, vécut l’espagnol Pablo Picasso avec sa compagne Fernande Olivier. Poètes, sculpteurs et artistes espagnols se retrouvaient dans son entourage. On y voyait aussi les fauves de la banlieue de Chatou et surtout des géants comme André Derain et Maurice de Vlaminck. D’autres poètes se joignirent à leur compagnie comme Max Jacob ou André Salmon. Le chef de file de la bande était Guillaume Apollinaire. Il rencontra Picasso tout juste après son arrivée à Montmartre et devint le plus ardent défenseur de son cubisme. En 1906, la bande internationale de Montmartre accueillit dans ses rangs l’Italien de Livourne, Amedeo Modigliani. Des juifs de Russie et de Pologne, des Allemands, Roumains, et même des ressortissants du Japon et d’Amérique latine vinrent grossir les rangs de cette communauté artistique bigarrée qu’un journaliste de Montmartre, André Varnaut appela si brillamment « l’école parisienne ».

    Mettant fin à tous les espoirs, la guerre détruisit le monde coloré de Montmartre qui était la force motrice de leur Œuvre. Les Allemands de Paris durent retourner en Allemagne pour prendre les armes contre leurs amis. Les Français furent également mobilisés, certains partirent au front, d’autres comme Vlaminck travaillèrent dans des usines d’armement. En décembre 1914, Apollinaire écrit :

    « Tous les souvenirs de naguère

    Ô mes amis partis en guerre [...]

    Où sont-ils Braque et Max Jacob

    Derain aux yeux gris comme l’aube

    Où sont Raynal Billy Dalize

    Dont les noms se mélancolisent

    Comme des pas dans une église

    Où est Cremnitz qui s’engagea

    Peut-être sont-ils

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