Anglaid
Par Brûlé Michel
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Aperçu du livre
Anglaid - Brûlé Michel
ANGLAID
Une langue irrémédiablement vouée à l’impérialisme
et à l’ethnocentrisme
Du même auteur :
Le Manifeste des Intouchables, essai, Éditions des Intouchables, Montréal, 1993.
Ail, aïe !, roman, Éditions des Intouchables, Montréal, 1993.
Fond de semaine, roman, Éditions des Intouchables, Montréal, 1994.
Les Cœurs de pierre lapidés, nouvelles, Éditions des Intouchables, Montréal, 1995.
L’Esquisse d’une mémoire, biographie, Éditions des Intouchables, Montréal, 1996.
PQ-de-sac, essai, Éditions des Intouchables, Montréal, 1997.
La Religion cathodique, roman, Éditions des Intouchables, Montréal, 1998.
L’Implacable destin, roman, Éditions des Intouchables, Montréal, 2000.
L’Enfant qui voulait dormir, roman, Éditions Grasset, Paris, 2005.
Anglaid, essai, les éditions Michel Brûlé, Montréal, 2009.
La grammaire en chansons pour tous, cahier d’exercices, Éditions des
Intouchables, Montréal, 2009.
Les bouctouche à Star Épidémie, bande dessinée, Éditions des Intouchables,
Montréal, 2009.
Les bouctouche à Montréal, bande dessinée, Éditions des Intouchables,
Montréal, 2009.
Les bouctouche au café de la place royale, bande dessinée, Éditions des
Intouchables, Montréal, 2009.
5, rue Saint-Ursule
Québec, Québec G1R 4C7
Téléphone : 418 692-0377
Télécopieur : 418 692-0605
www.michelbrule.com
Maquette de la couverture et mise en pages : Jimmy Gagné, Studio C1C4
Photo de la couverture : Mathieu Lacasse
Peinture murale : Zïlon
Révision : Annie-Christine Roberge, Anne Masson
Correction : Élise Bachant, Nicolas Therrien
Distribution : Prologue
1650, boul. Lionel-Bertrand
Boisbriand, Québec J7H 1N7
Téléphone : 450 434-0306 / 1 800 363-2864
Télécopieur : 450 434-2627 / 1 800 361-8088
Distribution en Europe : D.N.M. (Distribution du Nouveau Monde)
30, rue Gay-Lussac
75005 Paris, France
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Télécopieur : 01 43 54 39 15
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Les éditions Michel Brûlé bénéficient du soutien financier du gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC et sont inscrites au Programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
© Michel Brûlé, Les éditions Michel Brûlé, 2009
Dépôt légal — 2009
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN 13 : 978-2-89485-431-0
Nul n’est plus esclave que celui qui se croit libre sans l’être.
Johann Wolfgang von Goethe
PRÉFACE
Dans le monde d’aujourd’hui, la langue anglaise est aussi omniprésente que le ciel, le soleil, les étoiles et la lune. Pour certains, elle est encore plus grande que toutes ces splendeurs. Plus omniprésente, certes. S’il n’est pas rare de passer une semaine sans voir le soleil, est-il possible d’être où que ce soit sur la planète Terre sans entendre un mot d’anglais ? Pour la plupart des gens, cet état de fait constitue la normalité.
Je vais tout de suite vous surprendre en citant un écrivain de langue anglaise : « L’homme raisonnable s’adapte au monde ; l’homme déraisonnable s’obstine à essayer d’adapter le monde à lui-même. Tout progrès dépend donc de l’homme déraisonnable », disait l’Irlandais George Bernard Shaw. Me présenté-je comme un homme déraisonnable ou ai-je le maléfique dessein de me servir du génie anglais pour bouleverser le bel équilibre anglo-états-unien du globe ? Vous remarquerez que je confonds Irlandais et génie anglais pour des raisons qui relèvent de l’anglocentrisme. J’y reviendrai plus tard dans cet ouvrage.
Vous aurez déjà compris que je ne suis pas du genre à tout tenir pour acquis, même pas la prédominance de l’anglais. D’ailleurs, j’ai souvent l’impression d’être le dernier des sceptiques. Heureusement, je ne suis pas seul. Si les Français singent les États-Uniens en répétant comme de pauvres perroquets le mot « Américains » pour désigner les États-Uniens comme le font aussi les germanophones ou les néerlandophones en disant « Amerikaner » ou « Amerikaan », les hispanophones utilisent régulièrement le mot « Estadounses » ou encore l’expression « Gringos ». Il va sans dire que les hispanophones et les rares francophones qui utilisent le mot « états-uniens » font figure d’exceptions. Il reste que le fait qu’un peuple s’approprie le nom du continent pour se désigner est un exemple intolérable d’impérialisme ! Lorsque les États-Uniens utilisent le mot « Américains », c’est comme si ce peuple faisait abstraction des cent millions de Mexicains et des cent quatre-vingts millions de Brésiliens.
Il existe plus de 6 600 langues sur la terre, et des dizaines d’entre elles meurent chaque année. Les linguistes prévoient que, dans cinquante ans, il n’en restera plus que 10 $. Il serait surprenant que l’anglais fasse partie de ces langues disparues. Il n’empêche que c’est d’une langue prédominante, mais maintenant morte, que je tire ma prochaine citation : « Quia nomilor leo », parce que je m’appelle lion. On pourrait dire que les « Américains » se sont approprié le continent et comme l’appétit vient en mangeant, ils veulent s’approprier le monde. Je ne fais pas référence à leur puissance militaire. On le sait : les États-Unis ont été les grands gagnants de la Seconde Guerre mondiale, mais ils se sont cassé la gueule au Vietnam et en Irak. De toute façon, l’ancienne colonie anglaise mène depuis belle lurette une guerre plus subtile et plus efficace, soit celle de la domination culturelle. Déjà en 1938, William Hays, le président de l’association des plus importants producteurs et distributeurs du cinéma hollywoodien, disait : « La marchandise suit le film ; partout où entre le film américain, nous vendons davantage de produits américains. » Et quand cette domination culturelle est achevée, personne n’est surpris de voir les « Américains » chanter We are the World de Michael Jackson et de Lionel Richie. Ces derniers avaient de bonnes intentions ; ils voulaient recueillir de l’argent pour venir en aide aux Éthiopiens terrassés par une famine, mais il n’en reste pas moins que ce We are the World chanté par une vingtaine de chanteurs et chanteuses états-uniens est un immense cri impérialiste. Maintenant que je le dis, cela paraît peut-être évident, mais à cette époque, en 1985, personne n’a bronché. Comme disait Dostoïevski : « La tyrannie est une habitude ».
Je poursuis ma démonstration en citant Jean-Jacques Rousseau : « Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté […] ». Et les États-Uniens ont tellement bien réussi à donner l’illusion de cette liberté ! Il suffit de penser aux publicités de McDonald’s et de Coca-Cola, qui sont presque toujours empreintes de joie, de bonheur et de fraternité. L’anglais s’est imposé comme langue universelle en utilisant le même message que celui qui est véhiculé dans ce genre de publicités. Comme dans le cas de McDonald’s, les promoteurs de l’anglais ont cherché à séduire les jeunes en utilisant l’argument de la facilité. Et Dieu sait que, dans le monde d’aujourd’hui, la facilité est représentée comme une fin en soi. Qui serait donc assez malfaisant pour s’attaquer à la langue parfaite ? De toute façon, qui est assez fort ? D’ailleurs, tous les « super héros » sont « Américains » !
Le philosophe grec Platon disait : « L’homme est un aveugle qui va dans le droit chemin ». Ce qui m’amène à parler du concours Eurovision de la chanson 2008. Que des Français soient fiers que Divine, une chanson minable en anglais, représente la France ou que l’oligarchie russe ait décidé que Believe, une autre mauvaise chanson en anglais, représenterait la Russie, on peut le comprendre. Ils font honneur à Platon en lui donnant raison. Si les hispanophones sont plus sceptiques à l’égard de l’anglais, c’est que les États-Uniens les ont beaucoup fait souffrir. Idem pour les Québécois, dont je suis et dont les bourreaux sont les demi-frères des États-Uniens, soit les Canadiens anglais.
Je ne peux donc pas me vanter d’avoir fait une observation majeure. Disons que, avec mon approche dubitative, j’étais naturellement disposé à la faire. J’ai découvert qu’une des composantes les plus importantes de la langue anglaise était mauvaise. En effet, je me suis rendu compte que le fait que le « je » anglais, le « I », soit toujours en majuscule, était un défaut, une tare dont il fallait débarrasser la langue anglaise. Pourquoi est-ce si grave ? On s’entend que la vie en société est faite de relations entre individus, relations qui se caractérisent par le rapport que chaque individu se désignant par un « je » entretient avec l’autre. Or, dans la langue anglaise, le « je » est hypertrophié, et l’autre, représenté par le « you », est complètement atrophié. À vrai dire, rares sont les langues qui ne possèdent pas de formule de politesse pour désigner l’autre. En anglais, il y a « moi » versus les autres. Quand il vouvoie quelqu’un, le locuteur francophone, lusophone ou germanophone le met sur un piédestal, mais le locuteur anglophone avec son « je » hypertrophié se met lui-même sur un piédestal. Cette relation entre le « I » tout-puissant et le « vo-you » n’en est-elle pas une de subordination, d’assujettissement ? En français, on fait la distinction entre « tu » et « vous », et, en allemand, la formule de politesse « Sie » s’écrit avec une majuscule. Certains prétendent que le « I » est toujours en majuscule afin qu’on distingue bien ce mot dans un texte même s’il n’est constitué que d’une seule lettre. Cet argument ne tient pas. Dans la langue russe, le « je » est aussi constitué d’une seule lettre, « я », et s’écrit pourtant avec une minuscule. Qui plus est, comme dans la langue de Goethe, la formule de politesse russe qui sert à désigner l’autre s’écrit avec une majuscule. Autre fait intéressant au sujet du russe, le mot « autre » signifie aussi « ami ». On est loin de « L’enfer, c’est les autres » de Sartre. C’est à croire que le philosophe français était, en réalité, un Anglais. Blague à part, il est évident que tout le monde peut développer une hypertrophie du « je ». Le hic avec l’anglais est que cette hypertrophie est attribuable à tous ceux qui parlent anglais.
Que le « je » soit hypertrophié et que la désignation de l’autre soit complètement atrophiée explique-t-il l’impérialisme des Anglais et des États-Uniens ? Ce raisonnement serait trop simpliste. Et puis, comment expliquer l’impérialisme des Japonais, dont la langue est caractérisée par une multitude de formules de politesse à l’égard de l’autre ? Et puis aussi, comment expliquer l’impérialisme de toutes les autres puissances impérialistes des siècles derniers ? Mais qu’il s’agisse de l’impérialisme des Portugais, des Russes, des Turcs ou des Japonais, il y a une chose qui les distingue de celui des Anglais et des États-Uniens, c’est leur ouverture sur le monde. Avant les Anglais et les États-Uniens, les Français étaient les « maîtres du monde ». S’il est vrai que bon nombre d’entre eux avaient le « je » très hypertrophié, il n’en reste pas moins que l’intelligentsia française était très ouverte sur le monde. Selon les préjugés de l’époque, on considérait que les plus grands opéras étaient italiens ou allemands, que la littérature russe était au moins aussi bonne que la française, que Shakespeare était supérieur à Molière, et que la musique et la philosophie étaient avant tout allemandes. Les Anglais et les États-Uniens n’écoutent que leur musique, ne lisent que leurs livres et ne regardent que leurs films. Ce phénomène unique d’absence d’ouverture quant au reste de la production artistique mondiale doit bien venir de quelque part. Je pense que le fameux « I » tout-puissant y est pour quelque chose. Si le but ultime de l’humanité est de bâtir un monde plus fraternel et plus équitable, il est impossible d’y arriver en adoptant comme langue internationale l’anglais, qui est, à la base, ségrégationniste.
UNE PETITE HISTOIRE
DE L'ANGLETERRE ET DE L'ANGLAIS
Pour faire ce petit cours d’histoire sur l’Angleterre, je vais commencer par citer un livre, auquel je fais très souvent référence dans mon ouvrage. « Dès le VIIIe siècle avant notre ère, les Phéniciens et les Grecs visitaient Albion pour y cueillir de l’alun, de l’étain et du fer. L’Angleterre était alors habitée par des Celtes. Un peu à la manière des Anglais en Inde, les Romains vont d’abord faire du commerce avec les Celtes d’Angleterre pour se transformer par la suite en envahisseurs en 55 et en 54 avant notre ère lors des deux expéditions de César en Britannia¹. » Il est intéressant de savoir que les Romains ne réussiront jamais à conquérir l’Écosse, que l’on appelait alors la Calédonie, pas plus que l’Irlande. « Le génie romain a marqué ce pays [l’Angleterre] et lui a donné une bonne avance sur ses voisins écossais et irlandais qui vont en être les victimes². »
Les Bretons font partie de la grande famille des Celtes, mais on en retrouve aussi en Galice, province espagnole qui se situe aux confins du pays, près du Portugal. On y parle le galicien, langue qui ressemble davantage au portugais qu’à l’espagnol, et les Galiciens jouent de la cornemuse et portent le kilt. J’ai déjà lu les résultats d’une étude anthropologique qui révélait qu’il existait de nombreuses similitudes sur le plan génétique entre les Espagnols et les Anglais. Notamment, les Espagnols ont, tout comme les Anglais, subi un métissage avec des peuples germaniques. Par contre, contrairement aux Espagnols, les Anglais n’ont pas vécu sous le joug des Maures pendant huit siècles. Chose certaine, quand on remonte aussi loin dans le temps, il est difficile d’avoir des certitudes. Les Saxons ont effectivement envahi l’Angleterre. « Alors que l’Empire romain se meurt, les Saxons, au IVe siècle, envahissent l’Angleterre. En 367, les Scots d’Hibernie (Irlande) franchissent le mur d’Hadrien. En 383, les Pictes de Calédonie en font autant. En 410, les Romains quittent leur chère Britannia. L’Angleterre aura donc été colonie romaine pendant presque quatre siècles. […] Les Saxons vont remplacer les Romains. Une nouvelle ère de six siècles commence et s’étend de l’arrivée des Saxons au Ve siècle jusqu’à l’invasion des Normands au XIe siècle³. » On dit que les Saxons n’étaient pas le seul peuple germanique à envahir l’Angleterre. Les Jutes, les Frisons et les Angles en auraient fait de même. En ce qui concerne les Jutes, c’est simple, ils viennent de la péninsule du Jutland, qui se trouve au Danemark. Les Frisons viendraient du nord de l’Allemagne, du Danemark et de la Norvège. Par contre, pour plusieurs, l’origine des Angles reste mystérieuse. Et s’ils n’avaient pas existé, tout simplement ! J’ai toujours pensé que l’Angleterre portait