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Les Fauves
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Livre électronique261 pages7 heures

Les Fauves

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À propos de ce livre électronique

Apparu à l’aube du XXe siècle, le Fauvisme explosa sur la scène artistique lors du Salon d’automne de 1905 en un scandale retentissant. En jetant des couleurs pures sur la toile, les fauves défièrent les conventions artistiques.
Matisse, Derain, Van Dongen ou encore Vlaminck expérimentèrent ainsi un nouveau langage chromatique en détournant la couleur de son signifié. Libérée de tout sens, la couleur saturée et appliquée en larges aplats devint leur principal matériau.
Dans cet ouvrage, l’auteur entraîne le lecteur dans un tourbillon de couleurs vives et franches, et montre combien la violence des fauves laissa son empreinte sur le chemin de la modernité.
LangueFrançais
Date de sortie10 mai 2014
ISBN9781783103720
Les Fauves

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    Aperçu du livre

    Les Fauves - Nathalia Brodskaya

    Moscou.

    L’ART DES FAUVES

    Des décennies entières s’écoulent les unes après les autres, ternissant ce qui autrefois paraissait briller avec éclat. Mais tout ne dépend pas du temps dans une égale mesure. À cet égard, l’art des fauves garde toute sa splendeur. Formé au sein de la peinture française à la charnière des XIXe et XXe siècles, le Fauvisme attira immédiatement l’attention du public. Le scandale qu’il provoqua au fameux Salon d’automne de 1905 prouvait qu’un nouveau courant à force explosive était né. Le Fauvisme (tel fut le nom qui lui fut donné par la suite) représentait un véritable danger pour l’art académique, qui répondait aux goûts de la société de consommation, ainsi que pour tous les peintres reconnus par cette société qui prenaient bien soin de ne pas choquer les convenances de la bourgeoisie avec des tableaux trop audacieux.

    Moins de trois années s’avérèrent suffisantes pour que se formât autour des peintres fauves sinon un cercle étroit de spectateurs constants, du moins un groupe d’admirateurs et de marchands. Leurs détracteurs n’arrivaient pourtant pas à les empêcher de rivaliser avec les autres tendances artistiques. Chacun de ces peintres eut son propre destin, conforme à ses traits caractéristiques, mais aucun d’entre eux ne connut la gêne ou l’impuissance dans sa lutte contre l’art officiel. Pas un ne laissa après sa mort un atelier rempli d’œuvres inappréciées, se distinguant totalement en cela de Gauguin, Van Gogh ou Toulouse-Lautrec. Les fauves virent de leur vivant leurs œuvres accrochées aux murs des plus célèbres collectionneurs, et même plus tard des musées. Ils étaient l’objet d’une attention particulière de la part de la presse et jouissaient d’une grande estime de la part de leurs contemporains. Ils furent considérés maîtres éminents bien avant d’avoir atteint l’âge mûr, lorsque souvent les cheveux blancs remplacent le talent. On pourrait penser que l’habitude a affaibli l’acuité des premières impressions ; mais elles gardent toujours leur éclat initial. Les peintres fauves sont depuis longtemps morts, mais leurs œuvres, tout aussi vivantes, produisent sur le visiteur le même choc qu’au début du siècle.

    Le terme de « fauve » a été employé pour la première fois par un critique en 1905 pour marquer sa désapprobation devant ces tableaux aux couleurs hurlantes tous rassemblés dans une salle du fameux Salon d’automne. En effet, dans son article consacré à l’œuvre des quelques dix coloristes qui s’étaient manifestés pour la première fois publiquement et en commun, article publié dans la revue Gil Blas, Louis Vauxcelles écrivait : « Au centre de la salle VII un torse d’enfant d’Albert Marque. La candeur de ce buste surprend au milieu de l’orgie des tons purs : Donatello chez les fauves. » [1]Ce terme si inattendu pour un critique d’art – fauves, bêtes sauvages – se trouva être tellement précis qu’il fit très rapidement fortune et se généralisa la même année. Le critique Jean Aubry notait déjà dans son article concernant la même exposition et daté du mois de novembre 1905 : « Enfin, voici ceux que je ne sais plus qui a appelé les jeunes fauves. » [2] Ainsi, l’origine du terme est très simple et due en grande partie à un simple hasard. Dès lors, Matisse, Derain, Vlaminck, Van Dongen, Camoin, Puy, Marquet, Manguin, Rouault, Dufy, Friesz, Valtat, ainsi que certains autres peintres se trouvèrent liés au « Fauvisme ».

    Henri Matisse, Pot bleu et citron, 1897.

    Huile sur toile, 39 x 46,5 cm.

    Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

    La simple apparition du terme démontre sans aucun doute que le courant nouvellement né avait déjà acquis des traits spécifiques. Néanmoins, personne, pas même Vauxcelles, ne pouvait encore ni désigner ses limites, ni prévoir son importance. Il faudra près d’un demi-siècle pour que le public revienne au Salon de 1905 et prenne conscience de ce qui s’y était alors passé.

    Vers la seconde moitié du XXe siècle, les souvenirs et l’appréciation des contemporains cédèrent la place à une étude scientifique beaucoup plus approfondie. Toutefois, les critiques d’art se heurtèrent à une particularité étonnante : approuvé par le temps, le Fauvisme, de par sa chronologie et ses particularités, échappe à toute classification. La parution de nouveaux ouvrages tels que L’Histoire du Fauvisme revue et corrigée, ou encore Fauvism Reexamined [3] n’est donc pas un hasard, même si de nombreuses publications existent déjà sur le sujet. Les expositions se succèdent les unes aux autres, témoignant d’un intérêt international envers l’art des fauves. On le compare aux autres tendances artistiques qui lui étaient contemporaines, revenant encore et encore à ces toiles exposées pour la première fois en 1905. Cette attention suivie est probablement due aux faits suivants : premièrement, le temps révèle toujours de nouveaux aspects du tournant qu’effectua la peinture au début du XXe siècle, et, deuxièmement, ce qui n’est pas moins important, tous les « jeunes fauves », sans aucune exception, constituèrent la gloire de la peinture française. Le Fauvisme, cette communauté artistique qui réunit des personnalités incontestables, a permis de mettre en évidence les capacités de chacun au lieu de les uniformiser.

    De tout temps, les Salons officiels de Paris jouirent d’une grande renommée grâce au grand nombre d’œuvres exposées ainsi que de participants. Ils bénéficiaient en effet du soutien de l’État et la critique leur prêtait une attention toute particulière, influençant ainsi sensiblement le marché artistique. Cette suprématie des Salons officiels, véritables remparts de l’art académique, fut respectée jusqu’à la fin du XIXe siècle et rien ne présageait un tel retournement de situation. Il suffit de se rappeler que de nombreux impressionnistes se prononçaient certes contre l’école académique mais rêvaient néanmoins d’y exposer leurs œuvres, espérant ainsi sinon les vendre, du moins acquérir une certaine notoriété dans le monde artistique.

    Cette situation changea brusquement vers la fin du XIXe siècle lorsque de nombreux peintres tournèrent le dos aux Salons. L’avenir de la jeune génération ne dépendait plus aussi étroitement qu’avant de ses succès dans ces Salons prisés du public et de la critique. Les peintres s’entouraient de leurs propres marchands qui les aidaient à réaliser leurs œuvres. Pourtant, il serait injuste d’affirmer que les Salons officiels n’eussent pas du tout changé, mais ces changements ne touchèrent pas du tout l’essence même de leur activité : tout comme avant, des revues des éditions Goupil leur étaient consacrées (notamment à celui de 1905), des articles étaient publiés dans la Gazette des Beaux-Arts, L’Art et les artistes et d’autres revues tout aussi importantes. Mais face au conservatisme de l’académisme, la somptuosité et le caractère démesuré des Salons devinrent souvent la cause d’une ironie non dissimulée de la part des critiques et la moindre divergence artistique susceptible de troubler la bienséance de ces Salons, aussi minime soit-elle, sembla alors sauvage. Même les impressionnistes ou les peintres du groupe des nabis (Vuillard, Bonnard, Denis, etc.), tout à fait inoffensifs pour l’art officiel, se trouvèrent concernés et n’eurent pas d’autre choix que d’exposer leurs œuvres au dénommé Salon des indépendants, pourtant hué par le public et la presse.

    Henri Matisse, Nature morte avec

    cafetière et fruits, vers 1898.

    Huile sur toile, 38,5 x 46,5 cm.

    Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

    André Derain, Nature morte au pichet,

    torchon et aux fruits, vers 1912.

    Huile sur toile, 61 x 50 cm.

    Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

    André Derain, Table et chaises, vers 1912.

    Huile sur toile, 88 x 86,5 cm.

    Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

    Henri Matisse,

    Portrait de la famille du peintre, 1911.

    Huile sur toile, 143 x 194 cm.

    Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

    André Derain,

    Le Séchage des voiles, 1905.

    Huile sur toile, 82 x 101 cm.

    Musée Pouchkine, Moscou.

    Henri Matisse, Vue de Collioure, 1906.

    Huile sur toile, 59,5 x 73 cm.

    Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

    Fondé en 1884 par les peintres qui furent rejetés par le Salon officiel, le Salon des indépendants abrita sans exception tous les rebelles. Tous y étaient égaux, il n’y avait aucun jury ou prix. La critique officielle entama une campagne sans merci contre ce nouveau Salon, voyant dans les exposants des originaux scandaleux. Qui plus est, il invitait le public à venir railler les tableaux naïfs du Douanier Rousseau et de ses camarades. Néanmoins, le conservatisme inflexible des expositions officielles rendit un service imprévu au Salon des indépendants. En effet, vers le début du XXe siècle, son impartialité soulignée, qui assurait à tous les participants l’égalité, laissa place à une tendance bien déterminée : peu à peu, le Salon des indépendants servit de rempart à la véritable nouveauté dans l’art, de sorte que même les impressionnistes n’y furent pas mieux accueillis qu’aux expositions officielles. Mais le destin de ces derniers était déjà tracé : on avait enfin apprécié leur travail, contrairement à celui de la jeune génération qui nécessitait plus que jamais la possibilité d’exposer ses œuvres et d’être défendue, ne fût-ce que par le cercle auquel elle appartenait, même si celui-ci n’avait encore ni objectif ni programme précis.

    Henri Matisse,

    Femme sur la terrasse, vers 1906.

    Huile sur toile, 65 x 80,5 cm.

    Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

    Au début du XXe siècle, le Salon des indépendants jouissait déjà d’une sérieuse considération. Même l’État, si bureaucratique qu’il fût, se trouva obligé de prendre en compte les nouveaux goûts qui s’étaient formés et de faire un pas vers la réconciliation. Depuis déjà un certain temps, la Direction des beaux-arts y envoyait ses commissaires afin qu’ils choisissent ce qu’il y avait de meilleur et

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