George Sand
Born Amantine-Lucile-Aurore Dupin, George Sand (1804–1876) was a French romantic novelist and memoirist. She was raised in the countryside, and her appreciation for it influenced her work. In 1831, following a divorce, Sand moved to Paris where she wrote articles for the newspaper Le Figaro. She then adopted the pseudonym George Sand, subsequently releasing her novel Indiana, which rejected the notions of the time that a woman must be subservient to her husband—and brought Sand immediate fame. She followed this with two other novels, Lélia and Valentine, which encompassed the same themes. Sand soon became notable for her numerous affairs with artists, including Alfred de Musset and Frédéric Chopin. She found her niche and passion in rustic novels, which she continued to write until her death.
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Aperçu du livre
La Marquise - George Sand
The Project Gutenberg EBook of La Marquise, by George Sand
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Title: La Marquise
Author: George Sand
Release Date: July 26, 2004 [EBook #13025]
Language: French
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LA MARQUISE
I.
La marquise de R... n'était pas fort spirituelle, quoiqu'il soit reçu en littérature que toutes les vieilles femmes doivent pétiller d'esprit. Son ignorance était extrême sur toutes les choses que le frottement du monde ne lui avait point apprises. Elle n'avait pas non plus cette excessive délicatesse d'expression, cette pénétration exquise, ce tact merveilleux qui distinguent, à ce qu'on dit, les femmes qui ont beaucoup vécu. Elle était, au contraire, étourdie, brusque, franche, quelquefois même cynique. Elle détruisait absolument toutes les idées que je m'étais faites d'une marquise du bon temps. Et pourtant elle était bien marquise, et elle avait vu la cour de Louis XV; mais, comme ç'avait été dès lors un caractère d'exception, je vous prie de ne pas chercher dans son histoire l'étude sérieuse des moeurs d'une époque. La société me semble si difficile à connaître bien et à bien peindre dans tous les temps, que je ne veux point m'en mêler. Je me bornerai à vous raconter de ces faits particuliers qui établissent des rapports de sympathie irrécusable entre les hommes de toutes les sociétés et de tous les siècles.
Je n'avais jamais trouvé un grand charme dans la société de cette marquise. Elle ne me semblait remarquable que pour la prodigieuse mémoire qu'elle avait conservée du temps de sa jeunesse, et pour la lucidité virile avec laquelle s'exprimaient ses souvenirs. Du reste, elle était, comme tous les vieillards, oublieuse des choses de la veille et insouciante des événements qui n'avaient point sur sa destinée une influence directe.
Elle n'avait pas eu une de ces beautés piquantes qui, manquant d'éclat et de régularité, ne pouvaient se passer d'esprit. Une femme ainsi faite en acquérait pour devenir aussi belle que celles qui l'étaient davantage. La marquise, au contraire, avait eu le malheur d'être incontestablement belle. Je n'ai vu d'elle que son portrait, qu'elle avait, comme toutes les vieilles femmes, la coquetterie d'étaler dans sa chambre à tous les regards. Elle y était représentée en nymphe chasseresse, avec un corsage de satin imprimé imitant la peau de tigre, des manches de dentelle, un arc de bois de sandal et un croissant de perles qui se jouait sur ses cheveux crêpés. C'était, malgré tout, une admirable peinture, et surtout une admirable femme; grande, svelte, brune, avec des yeux noirs, des traits sévères et nobles, une bouche vermeille qui ne souriait point, et des mains qui, dit-on, avaient fait le désespoir de la princesse de Lamballe. Sans la dentelle, le satin et la poudre, c'eût été vraiment là une de ces nymphes fières et agiles que les mortels apercevaient au fond des forêts ou sur le flanc des montagnes pour en devenir fous d'amour et de regret.
Pourtant la marquise avait eu peu d'aventures. De son propre aveu, elle avait passé pour manquer d'esprit. Les hommes blasés d'alors aimaient moins la beauté pour elle-même que pour ses agaceries coquettes. Des femmes infiniment moins admirées lui avaient ravi tous ses adorateurs, et, ce qu'il y a d'étrange, elle n'avait pas semblé s'en soucier beaucoup. Ce qu'elle m'avait raconté, à bâtons rompus, de sa vie me faisait penser que ce coeur-là n'avait point eu de jeunesse, et que la froideur de l'égoïsme avait dominé toute autre faculté. Cependant je voyais autour d'elle des amitiés assez vives pour la vieillesse: ses petits-enfants la chérissaient, et elle faisait du bien sans ostentation; mais comme elle ne se piquait pas de principes, et avouait n'avoir jamais aimé son amant, le vicomte de Larrieux, je ne pouvais pas trouver d'autre explication à son caractère.
Un soir je la vis plus expansive encore que de coutume. Il y avait de la tristesse dans ses pensées. «Mon cher enfant, me dit-elle, le vicomte de Larrieux vient de mourir de sa goutte; c'est une grande douleur pour moi, qui fus son amie pendant soixante ans. Et puis il est effrayant de voir comme l'on meurt! Ce n'est pas étonnant, il était si vieux!
—Quel âge avait-il? demandai-je.
—Quatre-vingt-quatre ans. Pour moi, j'en ai quatre-vingts; mais je ne suis pas infirme comme il