Que nous arrive-t-il ? Question simple, réponse compliquée. « Tenons le constat pour acquis : il y a bien quelque chose comme “une crise de la démocratie” », annonce le philosophe Marcel Gauchet en première phrase de son nouveau livre. Mais quelle crise ? » S’ensuivent 256 pages qui prennent la hauteur nécessaire pour trier ce qui relève du trompel’oeil de ce qui travaille vraiment nos sociétés libérales. Le Noeud démocratique, qui vient de paraître chez Gallimard, est un ouvrage qui assume « d’aller aux concepts » – passage obligé de l’analyse –, mais on est frappés, après l’avoir lu, de constater à quel point l’actualité politique nous y renvoie sans cesse. Sur la question de l’Etat de droit (et de la polémique suscitée par le ministre de l’Intérieur), sur la dette, sur la place de la France dans le monde, par exemple. Une clé de lecture essentielle.
Votre livre fouille la dislocation de deux éléments, dont l’harmonie est pourtant essentielle au bon fonctionnement de la démocratie : les droits individuels, d’une part, et la souveraineté populaire, de l’autre. Qu’est-ce qui s’est grippé, et à quel moment ?
Cette dissociation s’est faite dans une décennie dont on mesure rétrospectivement à quel point elle fut charnière : 1975-1985. La crise provoquée par le choc pétrolier