UNE VRAIE CRISE DE CONSCIENCE. Pendant des années, Yoshua Bengio a fait progresser l’intelligence artificielle à pas de géant. Les travaux qu’il a menés sur le deep learning avec Yann Le Cun et Geoffrey Hinton ont valu au trio de recevoir le prestigieux prix Turing (du nom du mathématicien britannique) en 2018. Aujourd’hui, le parrain de l’IA moderne, désigné par le magazine Time parmi les 100 personnes les plus influentes de 2024, s’inquiète vivement de l’impact qu’aura son « enfant » turbulent sur la société. De passage à Paris, le fondateur et directeur scientifique de l’institut québécois d’intelligence artificielle Mila explique à L’Express pourquoi il ne regarde plus l’IA avec des lunettes roses.
En mars 2023, vous avez cosigné un appel à un moratoire sur l’IA, en compagnie d’autres chercheurs ou de figures comme Elon Musk. Avec un an de recul, êtes-vous toujours aussi inquiet ?
Yoshua Bengio Mes principales inquiétudes ne sont pas liées à l’immédiat, mais au long terme. De façon presque inévitable, nous nous dirigeons vers des systèmes d’IA qui seront au moins aussi intelligents que nous, humains. Et il est certain que ces systèmes seront utilisés pour de bonnes comme de mauvaises choses. Par ailleurs, si l’IA devient plus intelligente que nous, nous courons le risque d’en perdre le contrôle.
A quel horizon une AGI, ou intelligence artificielle générale, pourrait voir le jour ? Geoffrey Hinton, avec qui vous avez partagé le prix Turing, l’annonce