Veit Valentin écrit en 1946 : « L’histoire d’Hitler est celle de sa sous-estimation. » Mort l’année suivante, l’historien allemand n’a pu constater à quel point son affirmation s’est vérifiée dans l’après-guerre. Les ex-généraux du Reich en portent la responsabilité, eux qui ont façonné au début de la guerre froide leurs vues de l’histoire de la Wehrmacht afin de persuader les vainqueurs occidentaux que leur expérience militaire était indispensable.
Les États-Unis, au premier chef, leur ont donné de multiples occasions de le faire car l’US Army voulait savoir comment combattre au mieux l’Armée rouge. C’est ainsi qu’immédiatement après la fin de la guerre a démarré, entre Américains et anciens de la Wehrmacht, une collaboration fructueuse qui a duré jusque dans les années 1960. En quinze ans, les ex-officiers supérieurs de la Wehrmacht ont livré à l’armée américaine des milliers d’études, publié des centaines d’articles et des dizaines d’ouvrages de mémoires. Tous ces écrits avaient pour point commun de développer un même thème: les officiers allemands auraient été des professionnels apolitiques attachés à leur honneur. Toutes les erreurs militaires qui ont conduit à la défaite allemande, mais aussi leurs crimes auraient été le fait exclusif d’Hitler et de la petite clique de nationaux-socialistes qui le suivaient.
Amateur plutôt que dilettante
Hitler lui-même aurait été un dilettante incorrigible qui ne comprenait rien aux problèmes militaires, en particulier à la conduite des opérations. Ses succès initiaux sur le champ de bataille n’auraient été dus qu’à la chance et au professionnalisme des généraux qui ont longtemps pu rattraper ses plus graves erreurs. Mais les efforts en ce sens auraient fini par ne plus suffire à mesure qu’Hitler s’immisçait de plus en plus fréquemment dans la direction des campagnes, et prenait seul les décisions. En bref, le