ILLIMITÉ

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Emily Brontë LE GÉNIE DE LA LANDE

’était un fantôme. Un esprit égaré dans un grand corps clôturé que n’approcha jamais aucun frôlement amoureux. Le portrait qu’en laissa son frère Branwell laisse deviner des yeux qui ne se soumettaient pas au monde réel, passant selon l’humeur du gris foncé au bleu foncé. Ellen Nussey, une camarade de classe de sa sœur Charlotte, les décrivait Un fin voile invisible mettait à bonne distance des autres la plus énigmatique des sœurs Brontë. La plus solitaire et la plus farouche, comme certains témoins s’accordent à définir celle dont Emily Jane (1818-1848) était le cinquième des six enfants dans l’ordre d’apparition après Maria, Elizabeth, Charlotte, Branwell (le seul garçon) et Le fouet souhaité, l’instrument invisible de sa propre édification corsetée. Le fouet dont elle n’hésitait pas à faire usage à la moindre peccadille de ses chiens aimés. Emily fut marquée très jeune par les disparitions prématurées de Maria et d’Elizabeth emportées par la tuberculose, ce poison qui anéantira toute la fratrie. Abreuvée de sermons par Patrick, le père révérend, la jeune femme bâtit son existence sur une abscisse bornée par l’horizon familial, le presbytère d’Haworth cerné de lande venteuse, et sur l’ordonnée façonnée de croyances – plus animistes que purement religieuses – en un monde peuplé d’esprits nichés dans l’herbe, le vent, la pierre… L’horizon et la verticale du ciel lorsqu’elle redressait la tête dessinaient sa croix ténébreuse. Elle y accrochait ses rêves dans lesquels se glissaient d’ardentes manifestations du mal plébiscitées comme autant de preuves de l’existence du bien. De ce paradoxe, elle fit un chef-d’œuvre, au départ incompris.

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