A la faculté de médecine, un jour, nous avions eu droit à une scène assez pénible, des garçons avaient formé une barrière humaine pour empêcher les étudiantes d’entrer dans les locaux. Ils hurlaient : « Pas de femmes, la science se fait entre hommes ! » Il fallait voir les pauvres filles, elles n’étaient que six et ne savaient plus où se mettre. Toutes sont reparties sauf une ; une très jeune demoiselle, des cheveux roux bouclés sous un petit béret de velours vert, une longue veste sur un jupon qui battait ses bottines. Elle tenait ses livres sous le bras, un sac en tapisserie de l’autre main. Elle fixait les braillards sans sourciller et s’était glissée entre eux dès que leur attention s’était un peu détournée. Un jeune homme l’avait traitée de « poil de carotte », un autre de « donzelle ». Elle n’avait rien répondu, s’était installée sur le dernier banc de la salle, dans un coin, mais n’avait pas raté un mot de l’exposé.
Le matin suivant, les demoiselles n’étaient pas revenues. J’étais très étonné de voir combien les professeurs semblaient indifférents au problème des étudiantes. Beaucoup d’entre eux ne semblaient pas d’accord avec leur présence à la faculté.
Au souper, j’avais échangé avec Camille et François sur le sujet. Notre amie était scandalisée par la situation :
– Quels vieux barbons ! Ils se croient encore au dix-huitième siècle ma parole !
– Eh bien, ma chère, je ne vous savais pas suffragette !
– Pas du tout, mais je vis avec mon temps, je n’ai pas envie que des hommes complètement dépassés empêchent notre fille de faire toutes les études qu’elle désire.
– Eh bien, moi, je n’apprécierais pas du tout que ma fille passe de longues heures en compagnie de ces carabins grossiers et dépravés.
– Oh, mon ami, que dites-vous là ! Notre Jean est un jeune homme très bien élevé et…
– Jean est une exception, ma très chère, mais de toute
