ILLIMITÉ
Au bord du lac de Sylans
Le groupe de touristes s’était approché du grand mur en ruine. Roland les attendait pour commencer la visite. La chaleur était encore douce pour cette journée d’été. Autour d’eux, le lac miroitant reflétait les plateaux du Jura et la haute muraille des roches de Peney. A mi-hauteur, on apercevait la circulation de l’autoroute qui filait vers Genève. Depuis trois ans, chaque été, Roland guidait les touristes sur le site des anciennes glacières de Sylans. A l’Institut national du patrimoine où il terminait ses études, on s’était étonné qu’il s’intéresse à des ruines aussi insignifiantes – même pour son job d’été.
Mais à ses yeux, rien n’était insignifiant et encore moins ce site au bord du lac qui racontait à la fois l’aventure des premières glacières industrielles et le travail pénible des ouvriers, agriculteurs pour la plupart, qui venaient se louer pendant la morte-saison pour récolter la glace sur le lac gelé.
Son grand-père, Maurice Margat, lui avait donné l’envie de raconter cette dure époque, souvent oubliée. Enfant, pendant ses vacances dans la ferme familiale perchée au-dessus de Nantua, Roland écoutait l’aïeul lui parler des glacières – il avait lui-même entendu ces histoires de la bouche de son propre grand-père, l’un des derniers ouvriers des glacières. Le vieux Gaston les racontait, paraît-il, avec des larmes dans la voix : on vivait chichement de quelques vaches et d’un lopin de terre, dans ces montagnes jurassiennes, cent cinquante ans plus tôt. Les sous récoltés pendant l’hiver en cassant la glace amélioraient le quotidien. Mais à quel prix !
De l’usine n’avaient subsisté que des bâtiments délabrés, abandonnés depuis les années 1920. Le site était resté en l’état jusqu’à ce qu’on décide de remettre en valeur ce patrimoine oublié.
Ce jour-là, devant les touristes attentifs, Roland déroulait une fois de plus son histoire :
– C’est un cafetier, dans
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits