ILLIMITÉ
«Pour l’ouverture continue de nouveaux espaces critiques»
En 1995, Francis Chateauraynaud enquêtait sur celles et ceux qui disent non. Qui, un jour, osent s’opposer au système et le dénoncer. Pour le changer. Pour nous faire évoluer. A l’époque, on les appelait les «prophètes de malheur». Une formule trop disqualifiante «pour ceux qui prenaient la parole afin d’éviter que le pire ne se réalise», a alors estimé le sociologue avant, dans la foulée, d’inventer le terme de «lanceur d’alerte». Un concept qui a depuis évolué. Et tant mieux, confie l’auteur, avec Didier Torny, de l’essai fondamental Les Sombres précurseurs – Une sociologie pragmatique de l’alerte et du risque .
Tout est parti d’un programme de recherche qui s’intitulait les «prophètes de malheur». Il visait à étudier les formes de dénonciation dans le domaine des risques, en prenant appui sur des travaux antérieurs, popularisés depuis sous l’expression de «sociologie de la critique». Luc Boltanski, avec qui je travaillais à l'Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, m’avait confié la responsabilité de ce programme. Au moment précis où commençaient les recherches de terrain à la fin de l’année 1995, plusieurs objets d’alerte et de controverse surgissaient ou resurgissaient dans les espaces politico-médiatiques français et européens: l’amiante, la radioactivité, à l’occasion des dix ans de l’accident nucléaire de Tchernobyl, ou encore le scandale de la vache folle. Lors des premiers entretiens avec des acteurs, en particulier Henri Pézerat, toxicologue à l’Université de Jussieu, j’étais gêné par la référence à
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