Derrida, Jacques - El Monolingüismo Del Otro (En Español) 1

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— Imagine-le, figure-toi quelqu'un qui cultiverait

le français.

- Imagínate, figúrate a alguien que cultivase


el francés.

Ce qui s'appelle le français.

Esto que se denomina el francés.

Et que le français cultiverait.

Y que al francés cultivase.

Et qui, citoyen français de surcroît, serait donc


un sujet, comme on dit, de culture française.

Y que además de ciudadano francés también


fuese un sujeto de cultura francesa, como se
suele decir.

Or un jour ce sujet de culture française viendrait


te dire, par exemple, en bon français: “Je n'ai
qu'une langue, ce n'est pas la mienne”

Ahora bien, un día ese sujeto de cultura


francesa te dice, por ejemplo, en buen francés:
“Yo no tengo más que una lengua, que no es la
mía”

Et encore, ou encore:
Y aún o incluso:

“Je suis monolingüe”. Mon monolinguisme


demeure, et je l'appelle ma demeure, et je le
ressens comme tel, j'y reste et je l'habite.

“Yo soy monolingüe”. Mi monolingüismo se


domicilia en mí. Yo lo llamo mi hogar, yo lo
siento así; yo me quedo en él y yo lo habito.

Il m'habite. Le monolinguisme dans lequel je


respire, même, c'est pour moi l'élément.

Él me habita. El monolingüismo dentro del que


respiro, aun incluso, es para mí el elemento
(fundamental).

Non pas un élé-ment naturel, non pas la


transparence de l'éther mais un milieu absolu.

Ni siquiera un elemento natural, ni siquiera la


transparencia del éter, sino un medio absoluto.

Indépassable, incontestable: je ne peux le


récuser qu'en attestant son omniprésence en
moi.

Insuperable, incuestionable: yo no puedo


recusarlo más que dando testimonio de su
omnipresencia en mí.
Il m'aura de tout temps précédé. C'est moi. Ce
monolinguisme, pour moi, c'est moi.

Él desde todo tiempo me habrá precedido. Soy


yo. Este monolingüismo, para mí, soy yo.

Cela ne veut pas dire, surtout pas, ne va pas le


croire, que je sois une figure allégorique de cet
animal ou de cette vérité, le monolinguisme.

Esto no quiere decir, de ningún modo -no lo


vayas a creer- que yo soy una representación
alegórica de este animal o de esta verdad, el
monolingüismo.

Mais hors de lui je ne serais pas moi-même.

Sin embargo, fuera de él yo ni siquiera sería yo


mismo.

Il me constitue, il me dicte jusqu'à l'ipséité de


tout, il me prescrit, aussi, une solitude
monacale, comme si des vœux m'avaient lié
avant même que j'apprenne à parler.

Él me constituye, él me dicta hasta la ipseidad


de todo, él me prescribe, también, una soledad
monástica, como si ciertos votos me hubiesen
tenido amarrado a él aun antes de que
aprendiera a hablar.
Ce solipsisme intarissable, c'est moi avant moi.
À demeure.

Este solipsismo inagotable soy yo antes que yo.


Continuamente.

Or jamais cette langue, la seule que je sois ainsi


voué à parler, tant que parler me sera possible,
à la vie à la mort, cette seule langue, voistu,
jamais ce ne sera la mienne. Jamais elle ne le fut
en vérité.

Ahora bien, esta lengua, la única a la que estoy


consagrado a hablar, en tanto que me sea
posible hablar, en la vida, en la muerte, esta
única lengua, verás, jamás será la mía. Nunca lo
fue en verdad.

Tu perçois du coup l'origine de mes souffrances,


puisque cette langue les traverse de part en
part, et le lieu de mes passions, de mes désirs,
de mes prières, la vocation de mes espérances.

Y así, repentinamente, acabas tú de percibir el


origen de mis sufrimientos, pues esta lengua los
atraviesa de parte a parte y también la zona de
mis pasiones, de mis deseos, de mis plegarias,
la finalidad de mis esperanzas.

Mais j'ai tort, j'ai tort à parler de traversée et de


lieu. Car c'est au bord du français, uniquement,
ni en lui ni hors de lui, sur la ligne introuvable
de sa côte que, depuis toujours, à demeure, je
me demande si on peut aimer, jouir, prier,
crever de douleur ou crever tout court dans une
autre langue ou sans rien en dire à personne,
sans parler même.

Mas yo me equivoco, al hablar de travesía y de


zona. Porque esto permanece en el borde del
francés, exclusivamente, ni en su zona ni fuera
de su zona, sobre la línea inhallable de su costa
que desde siempre me interrogo si se le puede
amar, orar, morir de dolor o morir simplemente
en otra lengua o sin decírselo a nadie, sin
inclusive hablarlo.
- Imagínate, figúrate a alguien que cultivase
el francés. Esto que se denomina el francés.

Y que al francés cultivase.

Y que además de ciudadano francés también


fuese un sujeto de cultura francesa, como se
suele decir.

Ahora bien, un día ese sujeto de cultura


francesa te dice, por ejemplo, en buen francés:
“Yo no tengo más que una lengua, que no es la
mía”

Y aún o incluso:
“Yo soy monolingüe”. Mi monolingüismo se
domicilia en mí. Yo lo llamo mi hogar, yo lo
siento así; yo me quedo en él y yo lo habito. Él
me habita. El monolingüismo dentro del que
respiro, aun incluso, es para mí el elemento
(fundamental). Ni siquiera un elemento natural,
ni siquiera la transparencia del éter, sino un
medio absoluto. Insuperable, incuestionable: yo
no puedo recusarlo más que dando testimonio
de su omnipresencia en mí. Él desde todo
tiempo me habrá precedido. Soy yo. Este
monolingüismo, para mí, soy yo. Esto no quiere
decir, de ningún modo -no lo vayas a creer- que
yo soy una representación alegórica de este
animal o de esta verdad, el monolingüismo. Sin
embargo, fuera de él yo ni siquiera sería yo
mismo. Él me constituye, él me dicta hasta la
ipseidad de todo, él me prescribe, también, una
soledad monástica, como si ciertos votos me
hubiesen tenido amarrado a él aun antes de que
aprendiera a hablar. Este solipsismo inagotable
soy yo antes que yo. Continuamente.

Ahora bien, esta lengua, la única a la que estoy


consagrado a hablar, en tanto que me sea
posible hablar, en la vida, en la muerte, esta
única lengua, verás, jamás será la mía. Nunca lo
fue en verdad.

Y así, repentinamente, acabas tú de percibir el


origen de mis sufrimientos, pues esta lengua los
atraviesa de parte a parte y también la zona de
mis pasiones, de mis deseos, de mis plegarias,
la finalidad de mis esperanzas.

Mas yo me equivoco, al hablar de travesía y de


zona. Porque esto permanece en el borde del
francés, exclusivamente, ni en su zona ni fuera
de su zona, sobre la línea inhallable de su costa
que desde siempre me interrogo si se le puede
amar, orar, morir de dolor o morir simplemente
en otra lengua o sin decírselo a nadie, sin
inclusive hablarlo.

Derrida, Jacques – “El monolingüismo del otro, o


la prótesis del origen”, 1996.

— Imagine-le, figure-toi quelqu'un qui cultiverait


le français.

Ce qui s'appelle le français.

Et que le français cultiverait.

Et qui, citoyen français de surcroît, serait donc


un sujet, comme on dit, de culture française.
Or un jour ce sujet de culture française viendrait
te dire, par exemple, en bon français: “Je n'ai
qu'une langue, ce n'est pas la mienne”

Et encore, ou encore:

“Je suis monolingüe”. Mon monolinguisme


demeure, et je l'appelle ma demeure, et je le
ressens comme tel, j'y reste et je l'habite. Il
m'habite. Le monolinguisme dans lequel je
respire, même, c'est pour moi l'élément. Non
pas un élé-ment naturel, non pas la
transparence de l'éther mais un milieu absolu.
Indépassable, incontestable: je ne peux le
récuser qu'en attestant son omniprésence en
moi. Il m'aura de tout temps précédé. C'est moi.
Ce monolinguisme, pour moi, c'est moi. Cela ne
veut pas dire, surtout pas, ne va pas le croire,
que je sois une figure allégorique de cet animal
ou de cette vérité, le monolinguisme. Mais hors
de lui je ne serais pas moi-même. Il me
constitue, il me dicte jusqu'à l'ipséité de tout, il
me prescrit, aussi, une solitude monacale,
comme si des vœux m'avaient lié avant même
que j'apprenne à parler. Ce solipsisme
intarissable, c'est moi avant moi. À demeure.

Or jamais cette langue, la seule que je sois ainsi


voué à parler, tant que parler me sera possible,
à la vie à la mort, cette seule langue, voistu,
jamais ce ne sera la mienne. Jamais elle ne le fut
en vérité.
Tu perçois du coup l'origine de mes souffrances,
puisque cette langue les traverse de part en
part, et le lieu de mes passions, de mes désirs,
de mes prières, la vocation de mes espérances.

Mais j'ai tort, j'ai tort à parler de traversée et de


lieu. Car c'est au bord du français, uniquement,
ni en lui ni hors de lui, sur la ligne introuvable
de sa côte que, depuis toujours, à demeure, je
me demande si on peut aimer, jouir, prier,
crever de douleur ou crever tout court dans une
autre langue ou sans rien en dire à personne,
sans parler même.
Derrida, Jacques – “Le monolinguisme de l’outre.
ou la prothèse d’origine”, 1996.

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