Teoria y Paisaje
Teoria y Paisaje
Teoria y Paisaje
Théorie et paysage:
réflexions provenant de regards interdisciplinaires
Teoría y paisaje: reflexiones desde miradas interdisciplinarias = Theory
and Landscape: Reflections from Interdisciplinary Perspectives =
Théorie et paysage: réflexions provenant de regards interdisciplinaires
/ Dirección de la obra: Toni Luna y Isabel Valverde; Edición a cargo de:
Laura Puigbert, Àgata Losantos y Gemma Bretcha. – Olot: Observatorio
del Paisaje de Cataluña; Barcelona: Universidad Pompeu Fabra. – p. ;
cm.
712.2
Dirección de la obra:
Toni Luna, Isabel Valverde
Diseño gráfico:
Eumogràfic
Fotografías:
Observatorio del Paisaje de Cataluña: p. 11, 17, 20, 29,
33, 35, 53, 76, 80, 83
Szilas: p. 23
iStockphoto: p. 31, 37, 46, 48, 50
Jordi Bas: p. 38
Rosser1954 - Roger Griffith: p. 78
Carme Nogueira: p. 92
NoguerasBlanchard: p. 93
Ergonomik: p. 94
The Yorck Project: p. 96, 98
Stalker: p. 101
Edita:
Observatorio del Paisaje de Cataluña
C. Hospici, 8. 17800 Olot
www.catpaisatge.net
Universidad Pompeu Fabra
Pl. de la Mercè, 10-12. 08002 Barcelona
ISBN: 978-84-615-4911-5
Índice
Presentación 5
Toni Luna
Director del departamento de Humanidades de la Universidad Pompeu Fabra
Metacritique de l’omnipaysage 43
Michael Jakob
Los textos de esta publicación son parte de las ponencias del seminario
Teoría y Paisaje organizado por Isabel Valverde y yo mismo durante la
última semana de febrero del 2010 en el departamento de Humanidades
de la Universidad Pompeu Fabra (UPF) de Barcelona. El seminario, que
contó con el apoyo del Instituto Universitario de Cultura de la UPF y con
el del Observatorio del Paisaje de Cataluña, reunió a un grupo de desta-
cados especialistas en diferentes aspectos del paisaje, desde arquitectos y
urbanistas hasta historiadores del arte, geógrafos o filósofos. La idea del
seminario era discutir aspectos metodológicos y epistemológicos alrede-
dor del concepto de paisaje desde una perspectiva multidisciplinaria. Por
ese motivo el encuentro recibió el título de Teoría y Paisaje: Reflexiones
desde miradas interdisciplinarias.
Con un gran éxito de público y de participantes, el seminario, ade-
más de las aportaciones de los ponentes, contó con interesantes debates
entre estos y el público asistente. Asimismo, los entreactos, durante las
pausas y las comidas, permitieron a los asistentes seguir debatiendo en
un ambiente más relajado los mismos temas que se habían presentado
en las sesiones. Es una lástima que este volumen no pueda recoger el as-
pecto convivencial y humano que se desarrolló durante los tres días de
duración del seminario.
En este libro se han agrupado algunas de las aportaciones más sig-
nificativas del encuentro, representativas de las diferentes áreas temá-
ticas desde las que se abordó el tema del paisaje. En primer lugar, desde
la perspectiva de la geografía, el artículo de Jean-Marc Besse estudia el
concepto del paisaje como experiencia fenomenológica y también como
experiencia geográfica. Desde un punto de vista cercano pero epistemo-
lógicamente diferente, Joan Nogué pone la lupa sobre las dimensiones
Presentación 5
comunicativa y emocional del paisaje, así como sobre la interrelación
entre geografía y comunicación. Una segunda área de trabajo se centra
en perspectivas más filosóficas, como es el capítulo de Michael Jakob,
que analiza el uso y abuso del concepto de paisaje para definir realidades
objetivas y subjetivas muy diferentes. En contraste a esta posición en-
contramos una aportación mucho más material del concepto del paisaje
a partir del trabajo de Daniela Colafranceschi, que ahonda en las rela-
ciones entre la concepción arquitectónica del espacio y el concepto de
paisaje. En último lugar se exponen las aportaciones desde la historia y
la teoría del arte. Por un lado el capítulo de Federico López Silvestre, que
analiza desde perspectivas estéticas los conceptos de paisajes abiertos y
paisajes cerrados en la sociedad contemporánea. Por otro lado, Malcolm
Andrews diserta sobre la experiencia paisajística personal, a partir de la
descripción intimista, detallada y sosegada de un paisaje cotidiano para
el autor, analizando las características culturales de nuestra concepción
del paisaje.
El estudio del paisaje, como alguno de los autores apunta en este vo-
lumen, ha sido en algunos momentos raptado para justificar diferentes
actuaciones del territorio, y al hacerlo han substraído al mismo concepto
de paisaje su riqueza como concepto que permite relacionar diferentes
ámbitos disciplinarios y conceptuales y permite comprender mejor nues-
tra relación con el medio físico, humano o cultural. Para contrarrestar
esta tendencia simplificadora, este volumen recoge aportaciones desde
diferentes disciplinas y diferentes puntos de partida teóricos. Asimismo,
las aportaciones provienen de mundos académicos cercanos pero al mis-
mo tiempo con tradiciones o puntos de vista distintos, procedentes de
Italia, Francia, Suiza, Reino Unido, Cataluña o Galicia, que añaden va-
lor al conjunto de intervenciones que aquí recogemos. El resultado de
esta compilación es enriquecedor y esclarecedor sobre las posibilidades
de hibridación y colaboración metodológica y epistemológica, y permite
apuntar futuras líneas de investigación en que se unan las aportaciones
más materiales y objetivas con nuevas conceptualizaciones teóricas.
Jean-Marc Besse
Pendant une bonne partie du XXe siècle, la géographie humaine s’est
appuyée sur une conception du paysage qui faisait de celui-ci une réa-
lité territoriale, et surtout le considérait comme une expression visible
des sociétés qui contribuent à le fabriquer. Cette manière de penser re-
joignait les définitions classiques qui présentaient le paysage comme la
partie du territoire offerte à la vue d’un spectateur, généralement placé
sur une hauteur. On continue, aujourd’hui encore, à percevoir, à penser,
à pratiquer, voire à fabriquer le paysage et à le vendre (en réalité et en
image), en fonction de cette définition.
Pourtant, comme on sait, cette manière d’envisager le paysage et de
le définir a été soumise depuis une vingtaine d’années à toute une série
d’opérations critiques de « déconstruction », aussi bien dans le champ de
l’histoire que dans celui des sciences sociales. À la suite de Denis Cos-
grove, un nombre très important de travaux d’inspiration culturaliste et
sémiotique ont mis en place, développé et illustré l’idée selon laquelle le
paysage devait être compris non plus comme une réalité objective, mais
avant tout comme une manière de voir et de représenter le monde envi-
ronnant, et parfois comme une image projetée sur le monde. Le paysage,
ou plus exactement le regard paysager, correspondraient, s’accorde-t-on
à dire désormais, au déploiement et à la projection sur le monde extérieur
d’une grille mentale ou d’un code culturel, dont les origines seraient à
chercher du côté de l’histoire de la peinture principalement.
Dans la même perspective, le paysage a été également mis en rela-
tion avec des univers perceptifs et mentaux qui ne sont plus limités à
la seule sphère de l’art, mais qui se situent plutôt dans l’articulation de
l’esthétique avec d’autres dimensions de la culture, comme la science, la
religion, ou la politique notamment. Autrement dit, c’est du point de vue
L’espace du paysage 9
de l’histoire des cultures visuelles modernes que les historiens, les so-
ciologues, les géographes, se sont mis à considérer le paysage, et ils ont
cherché à élucider le rôle que les représentations paysagères avaient joué
dans la mise en place de ces cultures visuelles.
Il est admis aujourd’hui, de manière générale, que la conception clas-
sique du paysage correspond en vérité à une production idéologique de
la culture moderne. Ou, pour reprendre ici les propos de James et Nancy
Duncan : « On peut dire que l’un des rôles principaux joués par le paysa-
ge dans le processus social est d’ordre idéologique, servant de support
à un ensemble d’idées et de valeurs, à des hypothèses incontestées sur
la manière dont une société est ou devrait être organisée. » (Duncan et
Duncan, 2001 : p. 221) Le paysage, plus exactement le paysage classique,
aurait été dessiné et construit comme une relation imaginaire à la nature,
grâce à laquelle l’aristocratie et la bourgeoisie ont pu se représenter elles-
mêmes et leur rôle dans la société. Cette perception paysagère du monde
aurait, en fait, accompagné l’apparition et le développement du capita-
lisme européen, c’est-à-dire la transformation du territoire tout à la fois
en marchandise et en spectacle à contempler visuellement de l’extérieur,
depuis la hauteur d’un belvédère par exemple. Le paysage, plus précisé-
ment, aurait servi idéologiquement à « naturaliser » la dimension inéga-
litaire des rapports sociaux, en occultant la réalité des processus histori-
ques et conflictuels qui les ont produits.
Les sciences sociales contemporaines ont ajouté plusieurs carac-
téristiques supplémentaires à cette institution bourgeoise que serait la
culture paysagère européenne. On peut les résumer ainsi, schématique-
ment : 1) c’est une culture qui met l’œil et la vision au centre du processus
de perception du paysage, au détriment des autres sens ; 2) c’est une cul-
ture principalement européenne, occidentale, blanche, qui ne tient pas
compte d’autres modèles culturels de rapport au paysage ; 3) c’est une
culture essentiellement masculine ; 4) la représentation du paysage co-
rrespond à la mise en œuvre d’un espace de contrôle de type militaire ; 5)
les images de paysage ont joué un rôle fondamental dans la constitution
des imaginaires nationaux, voire nationalistes (voir l’image 1) ; 6) enfin
l’imagerie paysagère, sous toutes ses formes, qu’elles soient artistiques
ou médiatiques, a joué un rôle décisif dans la « naturalisation » des entre-
prises coloniales.
Au total, si l’on résume ces quelques remarques, du point de vue de
la théorie critique la représentation moderne du paysage, du moins dans
sa définition courante, correspondrait à une construction culturelle, de
type idéologique, dont la vocation serait, entre autres choses, de masquer
par une série d’artifices imaginaires la réalité des conflits sociaux et po-
L’espace du paysage
L’espace du paysage 11
sément, et plus explicitement, on peut considérer que l’essor et le dé-
veloppement de certaines approches contemporaines qui s’efforcent de
mettre en relief et d’interroger la nature de l’expérience spatiale spécifi-
que qui est mise en œuvre dans le paysage, ouvrent des enjeux essentiels
pour la question de l’élaboration ou de la reformulation d’une théorie du
paysage.
Au-delà d’une approche critique qui serait formulée uniquement en
termes de représentation culturelle, comme on l’a fait depuis vingt ans,
il semble indispensable désormais de poser la question de l’espace du
paysage, et plus précisément celle de la diversité des spatialités qui sont
impliquées dans les représentations, les pratiques, et les expériences
paysagères. Le paysage met en œuvre et en jeu un certain sens de l’espace,
qu’il est nécessaire de faire apparaître.
Pour saisir les enjeux de cette question, il faut encore une fois re-
venir à la définition « classique » du paysage, qui le présente comme un
spectacle visuel obtenu depuis une hauteur, comme un panorama. Le
paysage, dit-on, ce serait la partie du territoire à laquelle on peut accé-
der par la vue, mais depuis une certaine distance, en ayant pris du recul.
Les notions de distance et de recul par rapport au territoire jouent ici
un rôle décisif. D’une part c’est grâce à cette prise de distance, grâce à
cette mise en perspective que le paysage pourrait apparaître, devant les
yeux du spectateur, du voyageur, du touriste. Mais surtout, d’autre part,
le paysage existerait devant un spectateur qui serait extérieur au mon-
de qui se manifeste devant ses yeux. Du point de vue de cette définition
classique, le paysage correspondrait à la mise en œuvre d’un certain sens
et d’une certaine pratique de l’espace, caractérisés par la visibilité, la dis-
tance et l’extériorité. Ce sont justement ces points, et précisément le type
d’expérience de l’espace qui est induit par cette conception du paysage,
qu’il est aujourd’hui nécessaire de discuter et de commenter. Qu’en est-il
aujourd’hui de la distance dans le paysage ? Qu’en est-il plus générale-
ment, au bout du compte, de l’espace du paysage ?
Il est bien entendu impossible de traiter cette question de manière
exhaustive dans le cadre de ce texte. Je me contenterai de deux remar-
ques assez différentes dans leur intention, et donc qui ne seront pas forcé-
ment articulées l’une à l’autre, mais dans lesquelles j’essaierai d’indiquer
certaines pistes de réflexion concernant la spatialité du paysage, qui me
semblent aujourd’hui devoir être approfondies.
Dans un premier temps, j’envisagerai la question de « l’espace du
paysage » sous son aspect phénoménologique. Il s’agira alors d’explorer
la dimension poly-sensorielle présente dans les expériences paysagères,
L’espace du paysage 13
Nous devrions nous habituer, semble-t-il, à l’idée que les paysages
sont des milieux dans lesquels nous sommes plongés, avant d’être des
objets à contempler. Ils ne sont pas faits d’abord pour être vus. Nous ha-
bitons les paysages avant de les voir. Plus précisément, il faudrait dire :
même si nous regardons le paysage, nous ne pouvons prétendre le voir de
l’extérieur, dans une sorte de représentation souveraine. Nous le voyons
de l’intérieur en quelque sorte, nous sommes dans les plis du monde, ce
qui correspond le mieux à la notion d’une implication dans le monde. C’est
ce que dit d’une autre manière l’anthropologue Tim Ingold : « Le paysa-
ge […] n’est pas une totalité sur laquelle vous ou qui que ce soit d’autre
peut porter le regard, il est plutôt le monde à l’intérieur duquel nous nous
tenons en prenant un point de vue sur ce qui nous entoure. Et c’est dans
le contexte de cet engagement attentif dans le paysage que l’imagination
humaine travaille, en élaborant des idées à son sujet. Car le paysage, pour
emprunter une phrase à Merleau-Ponty, n’est pas tant l’objet que la patrie
de nos pensées » (Ingold, 2000 : p. 207, mes italiques).
Mais alors, si le paysage correspond à notre implication dans le mon-
de, cela veut dire qu’il n’est pas loin de nous, à l’horizon, mais qu’au con-
traire il est proche, que nous sommes à son contact, qu’il nous enveloppe
pour ainsi dire. On pourrait même aller jusqu’à dire que c’est ce contact,
ou plutôt l’ensemble des contacts avec le monde environnant, bref cette
expérience physique, qui fait paysage, qui fait le paysage. Le paysage est
un espace haptique, plutôt qu’optique. Précisons ce point.
La sociologie et l’anthropologie des sens, la géographie culturelle,
l’histoire des sensibilités, l’esthétique philosophique, et aussi de nom-
breuses études sur les environnements urbains, ont fait apparaître en
quoi le paysage prenait en charge une dimension de la relation humaine
au monde et à la nature que la science moderne avait laissé de côté : le
rapport direct, immédiat, physique, aux éléments sensibles du monde te-
rrestre. L’eau, l’air, la lumière, la terre, avant d’être des objets de science,
sont des aspects matériels du monde ouverts aux cinq sens, à l’émotion,
à une sorte de géographie affective qui répercute les pouvoirs de reten-
tissement que possèdent les lieux sur l’imagination. Le paysage serait
d’abord de l’ordre de l’expérience vécue, sur le plan de la sensibilité.
Plus précisément, le paysage serait de l’ordre de l’expérience sen-
sorielle, voire poly-sensorielle, à l’opposé des entreprises « anesthési-
ques » (R. Sennett) qui caractérisent le monde moderne et contemporain.
Contre la phobie moderne du contact avec le monde et avec les autres, le
paysage affirmerait le rôle central des expériences sensibles dans la fa-
brication des identités territoriales. Mais la question deviendrait alors la
suivante : comment reconnaître la « poly-sensorialité » propre au paysa-
L’espace du paysage 15
et l’espace, n’est pas une géographie intérieure, un « paysage de l’âme ». Si
la subjectivité est impliquée dans cette expérience ou cette géographie,
elle n’est pas repliée sur elle-même à l’exclusion du monde et de l’espace.
Elle est de part en part spatiale, mobilisée par l’espace, déplacée dans
l’espace, elle traverse l’espace. Elle est dehors, à l’extérieur. Elle est expo-
sée. Et bien entendu il y a des regards sur le paysage, nous sommes aussi
dans l’univers de la visibilité. Mais ce qu’il s’agit de penser alors c’est un
regard qui reste dans l’intimité avec le monde, un regard en contact avec
le monde, un regard qui palpe l’espace. C’est ce regard haptique dont par-
lent Aloïs Riegl, Maurice Merleau-Ponty et Gilles Deleuze.
Bien entendu, il ne s’agit pas d’en conclure que les conceptions opti-
ques et représentationnelles du paysage sont fausses. Une telle affirma-
tion n’aurait guère de sens en effet. Pourtant, dans la perspective adoptée
ici, on peut considérer que ces conceptions sont épistémologiquement
insuffisantes, parce qu’elles ne rendent pas compte de la complexité et de
la diversité des expériences paysagères, des expériences qui ne sont pas
toutes, et en tout cas qui ne sont pas uniquement, de l’ordre de la vision
perspective et de la prise de distance, c’est-à-dire de l’ordre de la repré-
sentation, au sens que les sciences de la culture ont donné à ce dernier
terme. Autrement dit, certaines expériences paysagères contemporaines
mettent en œuvre un nouveau sens de l’espace, un sens non représenta-
tionnel, qui se forme dans une sorte de proximité avec le monde, et dont
il s’agirait de tenir compte.
Évoquons rapidement deux exemples à cet égard, qu’il est mal-
heureusement impossible de présenter ici de façon approfondie.
Depuis les années 1970, à la suite des travaux fondateurs du musi-
cien canadien Raymond Murray Schafer, on parle de « paysage sonore »
(soundscape), pour désigner « ce qui dans l’environnement sonore est
perceptible comme unité esthétique » (J.-F. Augoyard). Murray Schafer
a très bien montré dans son ouvrage fondateur (R. Murray Schafer, 2010
[1977]) comment le monde naturel est générateur de sonorités identifia-
bles (la pluie, les animaux, la neige) et, surtout, comment ces sonorités
peuvent être considérées comme caractéristiques des lieux d’où elles
s’élèvent (voir l’image 2). Et de même pour le monde humain, notam-
ment urbain (les voix, les machines, les déplacements des automobiles,
la résonance des sols), dont les sonorités se sont modifiées dans l’histoire
en relation avec les transformations de la vie sociale, urbaine, économi-
que. Il y a une histoire et une géographie sonores du monde. Par con-
séquent, les lieux et les espaces ne sont pas seulement visibles, ils sont
audibles également. Ils dégagent des sonorités particulières qui d’une
Image 2. Ces sonorités peuvent être considérées comme caractéristiques des lieux d’où elles s’élèvent.
L’espace du paysage 17
souvent on réduit le paysage. Renvoyons, pour le commentaire de cette
expression, non seulement à Aloïs Riegl, qui en a été l’introducteur, mais
aussi aux pages magnifiques de Gilles Deleuze et Félix Guattari sur cet
espace, qu’ils appellent « l’espace lisse » (Deleuze et Guattari, 1980 : p.
614 et suiv.), et qui s’ouvre devant un « observateur nomade » : « L’espace
lisse, haptique et de vision rapprochée, a un premier aspect : c’est la va-
riation continue de ses orientations, de ses repères et de ses raccorde-
ments ; il opère de proche en proche. »
Plus précisément : il existe aussi dans le paysage une spatialité du
proche, du contact et de la participation avec un environnement extérieur
qui est compris lui-même comme complexe, c’est-à-dire comme une am-
biance composée de plusieurs dimensions sensorielles (sonores, tactiles,
olfactives, visuelles, etc.) qui interagissent en réalité et dans laquelle le
corps est comme « plongé ». De manière plus générale, il serait possible de
s’interroger sur la coexistence et les transitions entre plusieurs niveaux
ou formes de spatialité à l’intérieur de ce qu’on appelle « le paysage » : le
visuel, le tactile, l’olfactif, le sonore. Dans l’expérience que nous faisons
des paysages, nous sommes engagés simultanément dans plusieurs ty-
pes d’espaces sensoriels, qui se coordonnent tout en restant distincts. Et,
au bout du compte, nous sommes amenés aujourd’hui à questionner et à
relativiser les conceptions strictement « visuelles » et « représentation-
nelles » du paysage, du moins telles qu’elles ont été développées dans le
domaine des sciences sociales depuis une vingtaine d’années, et ceci au
profit d’une approche poly-sensorielle et non représentationnelle des es-
paces paysagers, dont il faudrait désormais tenir compte.
L’espace du paysage 19
nous sommes, que nous existons et agissons. La base terrestre, plus pré-
cisément la situation géographique, est la condition même de l’humanité,
une condition qui est « antérieure à toute objectivation ».
Cependant, l’affirmation de cette coappartenance de l’homme et de
la terre ne conduit pas Éric Dardel vers un discours de type « fondamen-
taliste » ou « pathétique », vers un « romantisme de la Terre » comme
il le désigne lui-même. Car, à l’inverse, du point de vue géographique,
cette « base » n’existe que dans sa relation et sa tension avec un horizon,
c’est-à-dire une ouverture de l’espace grâce à laquelle le monde émerge
au-dessus des choses, pour ainsi dire. Pour Dardel, c’est l’expérience du
paysage qui correspond le mieux à l’ouverture de cet espace de la géo-
graphicité humaine. Le paysage est ce qui est autour de l’être humain,
non comme un cercle fermé, mais comme un déploiement de distances et
d’orientations qui appellent au mouvement (voir l’image 3). « Le paysage,
écrit Dardel, est une échappée vers toute la Terre, une fenêtre sur des
possibilités illimitées : un horizon. » ( Dardel, 1990 : p. 42) L’expérience
géographique de l’espace se donne d’abord dans un élan, plus précisé-
ment dans un mouvement qui s’élance à partir d’un lieu. C’est ce mouve-
ment qui littéralement dessine l’espace, et c’est dans ce mouvement que
s’édifie l’existence humaine.
Image 3. Le paysage est ce qui est autour de l’être humain, non comme un cercle fermé, mais comme un déploiement de
distances et d’orientations qui appellent au mouvement.
L’espace du paysage 21
En 1493, dans un discours prononcé devant le pape Alexandre VI,
Fernando de Almeida, le représentant du roi du Portugal Jean II, décla-
rait que son roi avait « ajouté à la terre un grand nombre de nouvelles îles
très éloignées de nous » et qu’il avait « ainsi élargi le monde ». Peut-être
la grande nouveauté du XVIe siècle, s’agissant du paysage, réside-t-elle
dans l’écho et le retentissement de cette expérience d’élargissement du
monde, qui est précisément d’ordre géographique. Le XVIe siècle con-
naît, pour reprendre ici une formule de Jean Starobinski commentant
Montaigne, un formidable enrichissement de l’idée du monde terres-
tre. Plus encore que la représentation de nouveaux mondes, plus enco-
re même qu’une quatrième partie du monde qu’on baptisera Amérique,
cette époque qu’on a appelé celle des « grandes découvertes » a intro-
duit dans la conscience européenne une ampleur résolument nouvelle
de l’espace terrestre, une mesure, une taille et une échelle inédites de
l’espace. À la surface de cette Terre devenue vraiment immense, de cette
Terre à la grandeur inimaginable dans un premier temps, on a pris cons-
cience que l’espace était ouvert. Un sentiment d’espace s’est alors libéré,
il était devenu possible d’avancer indéfiniment à la surface de cette Terre
universelle. Peut-être est-ce à ce moment que la notion d’horizon a véri-
tablement reçu sa signification moderne, qui est paysagère.
Il y a eu ainsi un moment de l’histoire européenne où est apparu le
sentiment positif de l’espace comme tel, où la possibilité d’une vie menée
selon l’espace a été pensée non plus comme une faiblesse ou comme une
faute de l’âme, mais au contraire comme un horizon pouvant être par-
couru. Le paysage, la terre comme paysage, se sont révélés dans ce mo-
ment et dans ce lieu précis où, devant le voyageur progressant sur la route
et les océans la surface de la terre s’est ouverte, s’est étendue de proche
en proche et indéfiniment comme un espace invitant à la découverte, à
l’allégresse aussi, tout autant qu’à l’inquiétude.
C’est ce que les peintres flamands du XVIe siècle ont compris, appa-
remment, lorsqu’ils ont mis au point la formule que les historiens ont
pris l’habitude de nommer « paysage de monde ». On a souvent relevé
la proximité entre d’une part ces grands paysages peints par Bruegel et
Patinir les tout premiers, et d’autre part les mappemondes réalisées à la
même époque par les cartographes flamands (voir l’image 4). Dans la
carte comme dans le paysage, on observe une même volonté de décrire
la profusion du monde et des expériences qu’il rend désormais possible
et de les mettre en ordre, la même volonté de penser l’espace terrestre
comme un tout. Un tout qui nous parle de voyage. Les oiseaux et les au-
tres bêtes, les bateaux de toute nature, les véhicules, les piétons et les
cavaliers, c’est tout un peuplement qui semble traverser de tous côtés la
surface de la Terre. Le monde est un espace où l’on circule.
Conclusion
L’espace du paysage 23
ne. Autrement dit, pour rendre compte de la portée réelle de la naissance
du paysage dans l’histoire de la culture moderne, il faut, semble-t-il, aller
un peu plus loin que la seule référence à la peinture et à l’esthétique. Il
faut se placer du point de vue d’une anthropologie ou d’une psycholo-
gie historique qui s’interrogerait sur la succession des conceptions et des
expériences de l’espace terrestre. Le paysage a ouvert un espace à la vie
humaine, un espace dans lequel la vie humaine s’est développée et ac-
complie selon certaines formes et dans certaines directions. Il ne s’agit
pas, bien entendu, de rejeter la leçon des arts et celle de la peinture en
particulier, il s’agit plutôt de recueillir dans la peinture les éléments pour
une compréhension de la mise en forme de la vie, de cette vie, plus pré-
cisément, qui se mène au sein de l’espace et à la surface de la Terre, dans
les plis de ses paysages.
Références bibliographiques
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social (XVIIIe-XIXe siècle). Paris : Flammarion. [1ère édition 1982].
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Staszak J.-F. (dir.). Géographies anglo-saxonnes. Tendances contempo-
raines. Paris : Belin, p. 212-225.
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laire. Arles : Actes Sud.
Levinas, Emmanuel (1947). De l’existence à l’existant. Paris : Vrin.
Porteous, John Douglas (1990). Landscapes of the Mind: worlds of sense
and metaphor. Toronto : University of Toronto Press.
Schafer, Raymond Murray (2010). Le paysage sonore. Paris : Wildproject.
[1ère édition 1977].
Joan Nogué
En las páginas que siguen pretendo mostrar un acercamiento al concepto
de paisaje vinculando dos disciplinas aparentemente alejadas entre sí: la
geografía y la comunicación1. Siempre me ha interesado la relación entre
ambas disciplinas en el estudio del paisaje y, de hecho, varios de los capí-
tulos de mi libro Entre paisajes (Nogué, 2009) se refieren específicamente
a la cuestión, a pesar de que yo soy geógrafo y no especialista en comu-
nicación y que mi aproximación al tema se produce, por tanto, desde la
geografía.
No sé hasta qué punto la geografía es consciente del enorme poten-
cial comunicativo del paisaje, algo que la teoría de la comunicación tiene
muy claro, y ello sin haber profundizado demasiado en el propio concep-
to de paisaje, como sí hemos hecho los geógrafos. La teoría de la comu-
nicación ha explorado con cierta profundidad los conceptos de espacio y
de medio ambiente, pero no así el de paisaje, un concepto fundamental,
en cambio, en la tradición académica geográfica de los dos últimos siglos.
Hoy, además, es un elemento clave en las nuevas políticas de ordenación
del territorio, inspiradas cada vez más por el Convenio Europeo del Pai-
saje. Sea como fuere, lo cierto es que, en el contexto de la contempora-
neidad, el paisaje es uno de los conceptos geográficos con una dimensión
comunicativa más notable. El paisaje es utilizado una y otra vez en el pro-
ceso comunicativo contemporáneo en prácticamente todas sus formas y
variantes. Y, en ese contexto, creo que la geografía podría aportar a la
teoría de la comunicación su rico legado de reflexión en torno al concep-
to de paisaje y, por su parte, la teoría de la comunicación podría prestar a
1 Este capítulo se inspira en un trabajo de investigación que estoy llevando a cabo con mi colega
Jordi de San Eugenio, de la Universidad de Vic.
Nunca como ahora se había hablado tanto de paisaje. Hay varias razo-
nes que explican este fenómeno: la progresiva concienciación ambiental
de los últimos veinte años, que ha beneficiado indirectamente al paisaje;
la extensión galopante de la ciudad dispersa que, por primera vez en la
historia, ha sido capaz de transformar la fisonomía de muchos territorios
en un cortísimo espacio de tiempo; la implantación sobre el territorio de
infraestructuras de todo tipo, algunas de ellas antipáticas y molestas a los
ojos de los ciudadanos que ya vivían en esos enclaves; una mayor sensi-
bilidad estética por parte de determinados grupos y colectivos capaces
de crear opinión en los medios de comunicación; y, finalmente, el papel
relevante que el paisaje tiene y ha tenido siempre en la formación y con-
solidación de identidades territoriales, a todas las escalas. En el contexto
de este capítulo, la última razón es la que tiene para mí más interés.
Imagen 2. A partir de la década de 1970, la geografía evoca un paisaje que no es solo visual sino también sonoro, táctil,
olfativo e incluso gustativo.
Imagen 3. La aparición de paisajes en anuncios publicitarios de bienes de consumo de todo tipo es cada vez más notoria, en
especial en los spots de automóviles.
Imágenes 4 y 5. Se da una proliferación de enormes carteles publicitarios en las vías de entrada de pueblos y ciudades en
los que se presenta el paisaje de la zona a través de una imagen estereotipada del mismo. Se suelen emplazar de tal manera
que se percibe a la vez el paisaje real y el representado.
Imagen 6. A menudo se considera bello un paisaje cuando se puede reconocer en él el paisaje previamente percibido a través
de una revista, la televisión o una guía de viajes.
A modo de conclusión
Imagen 7. Se constata, globalmente, un interés por construir identidades territoriales a partir, sobre todo, de los valores
intangibles que se le asocian (simbólicos, estéticos, identitarios, mitológicos). En la imagen, monasterio de Poblet.
Referencias bibliográficas
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les méthodes d’étude, leurs utilsation dans la recherche géographique.
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tual understanding in a global world. Cambridge: Cambridge Univer-
sity Press.
Buttimer, Anne; Seamon, David (eds)(1980). The Human Experience of
Space and Place. Londres: Croom Helm.
Metacritique de l’omnipaysage 45
B
Image 1. Le Fuji, mais aussi autres endroits au potentiel paysager important, ne nous surprennent plus dus à la pollution
iconique.
Metacritique de l’omnipaysage 47
Image 2. Les techniques de reproduction graphiques et jusqu’à l’appareil photo, la caméra et le GPS ont plus qu’influencé le
paysage. Si le paysage est ce qu’il est, c’est aussi grâce à ces technologies.
1 Cf. le parler du Heimatschutz, les textes de Rudorff et de Ruskin qui évoquent la « mélodie sa-
crée du paysage » etc.
Metacritique de l’omnipaysage 49
exercé par le citadin. Cette dialectique ville-campagne a marqué de façon
essentielle l’histoire du paysage (de l’époque hellénistique au tourisme
paysager du XVIIIe et XIXe siècles). Pensons également à la temporalité
distincte du paysage et de la ville : l’un, l’espace du paysage, est caracté-
risé par le temps de la nature ; l’autre, l’espace urbain, par le temps des
activités humaines. Ou bien à une spatialité distincte, renvoyant à la fois,
de par son ouverture, à la liberté (Rosario Assunto l’a très bien formulé :
« Dans le plaisir de la contemplation, la nature est en effet un objet pour
l’homme, qui vit sa propre liberté : la liberté d’être la nature, mais aussi la
liberté de se situer face à la nature » [Assunto, 1994 : p. 359]), mais égale-
ment à la contrainte, à un ordre, à une structure qui enferme le sujet. Il y
a bon nombre de différences entre la ville et la non-ville potentiellement
paysage : clôture vs ouverture, spatialité fermée vs horizon, complexité
et densité vs organisation organique etc.
Image 3. Historiquement le paysage a été l’autre de la ville, à savoir aussi bien la non-ville — une entité rencontrée extra
muros — que la non-ville-grâce-à-la-ville.
Metacritique de l’omnipaysage 51
tables. La distinction heideggérienne authentique / inauthentique est,
elle aussi, profondément idéologique et dangereuse. Je ne pense pas non
plus à une Vergessenheit, à un oubli du vrai paysage de la part des hoi pol-
loi. Dans notre domaine il n’y a jamais de hoi polloi, mais des personnes,
des individus qui constituent des paysages, ici et maintenant.
Qu’est-ce qui dérange alors dans l’omnipaysage ? Qu’est-ce qui y ap-
paraît comme inauthentique ( je ne dis pas ‘mauvais’) ? Quel est ce trop
impliquant un pas assez ? Formulons-le ainsi : il y a, si nous pensons au
paysage aujourd’hui, quelque chose d’imposé, de forcé. Nous subissons,
nous sommes passifs, complètement passifs (il ne s’agit pas d’une passi-
vité contemplative, dense, ‘active’) ; nous constituons nos paysages mé-
caniquement, nous ne sommes que des appareils à prendre des paysages.
Imposé — cela veut dire, qu’il n’y a plus de surprise, qu’il y a peu d’impli-
cation, peu d’attention également, qu’il n’y a point de rencontre.
Il existe donc une passivité et une uniformité quant à la réception-
constitution du paysage, un état de faits ayant également des répercus-
sions sur la gestion ou la création de ‘paysages’ (voici une autre façon de
parler que l’on devrait repenser : peut-on créer, bâtir, aménager des pay-
sages ou faudra-t-il plutôt dire que nous intervenons dans des territoires
qui se donnent en tant que paysages ?).
Mais attention : je ne veux point affirmer par cela, à la façon d’Henri
Maldiney (dont j’admire l’œuvre pas assez connue), que le paysage est un
phénomène foncièrement rare. Pour Maldiney le paysage est rare dans la
peinture et aussi en tant qu’expérience in situ : « Sans doute existe-t-il, et
en nombre, des peintres de régions précises, de campagnes particulières.
Mais ces représentations de villes ou de régions déterminées sont des
vues, des portraits si l’on veut, mais non des paysages. » (Maldiney, 2000 :
p. 129). D’après lui, nous désignons par ce terme bien des choses — sur-
tout dans l’ère de l’omnipaysage —, mais le paysage est difficile à saisir :
« Il est extrêmement rare qu’un artiste arrive à saisir, à l’état naissant [...]
l’ouverture de l’espace du paysage » (Maldiney, 2000 : p. 129). Le philo-
sophe français pense donc à une « expérience inaugurale », à un état, où
« nous sommes perdus ». « Être perdu c’est ne plus avoir ses marques
dans le monde, ce qui est n’avoir plus de monde. Il faut pour l’éprouver se
trouver transporté d’un coup, sans transition ni souvenir, hors de l’espace
géographique et historique. » (Maldiney, 2000 : p. 128). Compris à par-
tir d’un tel point de vue radical ou ‘pur’, l’omnipaysage serait en effet le
contraire du paysage. D’un côté, le paysage comme Ereignis, événement
inaugural et déstabilisant, de l’autre, le babil incessant des vues, portraits,
descriptions, la re-connaissance de ce qui est déjà classé.
Image 4. Nous devrions retrouver la lenteur, la patience, les temps ‘morts’, et donc l’attention, également dans la sphère
esthétique.
Metacritique de l’omnipaysage 53
faudra chercher des explications, plutôt que de dénoncer un diktat idéo-
logique ou bien un discours (lequel, justement ?). Ce que j’entends expri-
mer par le terme omnipaysage, c’est qu’il y a un sens de fatigue, quelque
chose de galvaudé, c’est que le cliché et la routine semblent l’emporter
sur une autre expérience, une alternative plus riche et plus complexe.
Cette situation n’est pas originale (le phénomène s’était déjà présenté
vers 1800), mais elle exige peut-être une autre attitude. Tout comme le
mouvement Slow Food, nous devrions retrouver la lenteur, la patience,
les temps ‘morts’, et donc l’attention, également dans la sphère esthé-
tique (voir l’image 4). Il faudra regagner le point de vue d’un Robert Wal-
ser marcheur, ou de Natsume Sôseki (Kusamakura). Voilà une recette
simple et efficace pour sortir de l’omnipaysage.
Références bibliographiques
Assunto, Rosario (1994). Il paesaggio e l’estetica. Palermo : Novecento, p.
359.
Battisti, Eugenio (2004). Iconologia ed ecologia del giardino e del paesag-
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--- (2009). Le paysage. Gollion : Infolio.
Maldiney, Henri (2000). Ouvrir le rien l’art nu. La Versanne : Encre Ma-
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Mitchell, W.J.T. (2002). “Imperial Landscape”, dans Landscape and
Power. Chicago : The University of Chicago Press, p. 5-34.
Osamu, Dazai (1993). Cent vues du Mont Fuji. Paris : Philippe Picquier, p.
82.
Daniela Colafranceschi
Este capítulo trata la relación entre la arquitectura y el paisaje, aten-
diendo a la que ha sido y es mi experiencia formativa, investigadora y
docente. Soy arquitecta y he recalado en los estudios sobre paisaje hace
relativamente poco, pero desde entonces no he parado de interesarme
por las relaciones que se generan entre estos dos conceptos, por el ca-
rácter tan transversal y poliédrico que adquiere en nuestra época el fe-
nómeno paisaje y sobre todo por sus traducciones prácticas, en términos
proyectuales.
Una relación, pues, la que define arquitectura y paisaje, abordable
desde múltiples puntos de vista. Es un hecho que el concepto de paisa-
je se escapa de proclamas categóricas y teorías absolutas, permitiendo
solo propuestas de aproximación, de acercamiento al fenómeno, de inter-
pretación del mismo. Y en esta ocasión lo que pretendo es establecer la
relación entre arquitectura y paisaje y paisaje y arquitectura subrayando
analogías y recíprocas contaminaciones entre ambos. El binomio arqui-
tectura y paisaje es una prueba más de que hoy, y cada vez más, sentimos
la necesidad de añadir algo al término paisaje para así dar cuenta de su
actual condición interdisciplinar, para así aclararnos mejor nosotros mis-
mos, como si con la palabra sola no tuviéramos suficiente. Valgan, entre
los muchos ejemplos que podrían aducirse, los distintos capítulos de este
libro, muestras de lo que es el paisaje en nuestra época. Y esto ocurre no
solo porque ya no es posible definir determinados modelos conceptua-
les con un único término (véase el término urbanalización en el original
ensayo de Francesc Muñoz, 2008), sino también porque el paisaje de-
muestra tener cada vez más su especificidad en el hecho de estar entre, de
funcionar como una interfaz, condición que nos permite descubrir en él
un fenómeno nuevo, sacarlo a la luz; en otras palabras, analizarlo.
Imagen 1. Los jardines efímeros, terreno abonado para la experimentación, se erigen como premonitores de los cambios
de tendencias. En la imagen, propuesta de Daniela Colafranceschi y Pep Admetlla para la exposición Girona, Temps de Flors
de 2002.
Imagen 6. Propuesta del equipo de la Universidad Mediterránea de Reggio Calabria para la redacción del Plan paisajístico
regional.
Imagen 7. Los límites de Reggio Calabria han ido avanzando de forma desordenada a modo de ciudad no declarada, no
institucionalizada, no formalmente acabada. En la imagen, detalle del barrio de San Sperato.
Imagen 8. El pavimento de adoquines de Lisboa tiene la capacidad de invitarnos a pasear, a sentarnos, a citarnos, hasta hacer
que nos tumbemos para intercambiar un largo beso.
Malcolm Andrews
The theme of this book is landscape and interdisciplinarity. Let me begin
with some reflections on interdisciplinarity as an idea, because I want
later to relate it to the particular issues on landscape aesthetics that are
the subject of my chapter.
Interdisciplinarity is premised, obviously, on the prior existence of
disciplinarity, the separation and territorialising of forms of knowledge
into ‘disciplines’, and the generation by each of those disciplines of its
own particular discourse. Individual disciplines themselves evolved
over a period of time, with a marked acceleration and proliferation in
the nineteenth century. However, there must have been a pre-discipli-
nary era, when forms of knowledge were not so discretely packaged; we
could therefore see interdisciplinarity not as a new, or newish intellec-
tual project, but as the attempt to retrieve a lost, more holistic mindset.
Centuries back, perhaps, pre-Enlightenment certainly, our intellectual
behaviour might have been interdisciplinary avant la lettre.
It puts me in mind of T. S. Eliot’s well-known theory of the dissocia-
tion of sensibility. According to this, the omnivorous imaginative sensi-
bility of the English Renaissance poets – John Donne is his principal ex-
ample – devoured all kinds of human experience, implicitly recognising
that ‘the ordinary man’s experience is chaotic, irregular, fragmentary…
[he] falls in love, or reads Spinoza, and these two experiences have noth-
ing to do with each other, or with the noise of the typewriter or the smell
of cooking; in the mind of the poet these experiences are always form-
ing new wholes’ (Eliot, 1953 [1921]). In the seventeenth century, so Eliot
argues, this unified sensibility was fractured, by forces which he doesn’t
specify: the result is that while a greater degree of refinement evolved
(for example in poetic language), there was a corresponding crudeness
Image 1. According to William Wordsworth, the first stage of the evolutionary model of landscape responsiveness is the
child’s unreflecting delight in nature as a big playground with trees to climb and fields to race around in.
Image 2. The Picturesque broke the link between beauty and utility, and beauty and morality. In the image, William Gilpin’s
view of Penrith Castle, Cumbria, England.
Landscape historians can read the palimpsest more skilfully than me,
but to begin to see it like this is to go some way towards rescuing oneself
from the brain-curdling effects of degraded late Romanticism, which still
shapes the way most of us instinctively think about landscape and place. In
Britain, it’s led to the cult of the antique-picturesque, in the United States to
the parallel cult of ‘pristine’ wilderness. Devotees of both practise a highly
selective, self-induced blindness, cancelling from their view, and all claims
to their sympathy, everything that intrudes on their preconceived pictures
of how landscape ought to be. This sort of mental bulldozing tends to bring
real bulldozing in its wake, in fits of Cromwellian zeal, to erase from the
land whatever offends the eye and taste of the temporary beholder. Better
by far to learn to value the landscape, as a reader, for its long accumulation
of contradictions and ambiguities – an accumulation to which we’re con-
stantly adding by our presence here” (Raban, 2009: p. 39).
1 Raymond Williams saw this as the crucial moment in the history of English landscape, when
the observation of landscape became divided into ‘practical’ and ‘aesthetic’, and he associated
that eighteenth-century move with the separation of production and consumption. (Williams,
1973: p. 120-121).
Image 3. When we fight to defend ‘areas of outstanding natural beauty’ from development, we are probably constituting
beauty very much according to familiar models of natural beauty, or ‘preconceived pictures’.
So, these writers and artists illustrate the tensions within the range of
landscape perceptions, arguing for the primacy of spiritual, or pictorial,
or historical responses. Faced with the perplexing mystery of landscape,
Wordsworth and Adams, Gilpin and Raban drew deeply on their own
experiences, and articulated their responses in a strenuously thoughtful
way. It is an enterprise that every person who has thought at all inten-
sively about landscape and culture is driven back to from time to time.
I would like to use this occasion now to work from my own expe-
rience and try to identify in some detail what comes into play at such
moments. I don’t think that what I’m describing is unfamiliar: much of
it may indeed seem too obvious. I also realise this is a particular kind of
experience of a particular kind of landscape, but maybe some of the more
Image 5. A landscape isn’t naturally rectangular, so as photographers we have to make editing choices when taking pictures.
References
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Little, Brown and Company.
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Egan, Michael (2007). Barry Commoner and the Science of Survival. Cam-
bridge: MIT Press.
En los últimos años nos hemos quejado con frecuencia de lo mucho que
entorpecen el paso de los viandantes las jardineras que nuestros ediles y
funcionarios tienen a bien colocar con profusión en las ajadas aceras de
nuestras tristes ciudades. Como este aspecto pintoresco (y, a todas lu-
ces, peligroso –para tibias y peronés–) de nuestros paisajes urbanos ya
ha sido suficientemente tratado, comenzaré llamando la atención sobre
otra cuestión cercana pero diferente, a saber, la obsesiva fascinación que
macetas, vitrinas y jardineras han provocado y provocan entre artistas y
arquitectos contemporáneos.
Sólo Baudelaire fue capaz de vislumbrar un hemisferio entero en una
cabellera; sin embargo, en las macetas somos cientos los que atisbamos
pequeños cosmos en miniatura. Creo, como es obvio, que el éxito se debe
a su valor como metáfora. Los cuadros de Friedrich son reconocidos por
sus ventanas, pero nadie se fija en las macetas. Sin embargo, como le ocu-
rre a Rosalind Krauss con las ventanas reticuladas (grids), creo yo que
también ellas –las más humildes macetas– dan juego a la hora de hablar
del proceso de reducción de la experiencia al rígido corsé de los esque-
mas.
Durante el siglo xix las macetas se vulgarizan. La temática aparece
en los versos de Gautier, en las aparentemente ingenuas obras de Redon
y en cuadros de artistas menores como el danés Martinus Rorbye. A pesar
de las transformaciones de lo moderno, a pesar del éxito de la antimí-
mesis, las macetas tampoco desaparecen del arte del siglo xx, siendo, de
hecho, fundamentales para el fauvismo y el cubismo. Las encontramos de
nuevo con frecuencia en el surrealismo, en las instalaciones de Cornell y
Imagen 1. En la imagen, Travesía de Vigo, de Carme Nogueira, en que jardineras ficticias realizadas en madera aparecen
forradas con fotos que reproducen las imágenes de las jardineras del centro de Vigo, pero dispuestas ahora en los suburbios
de la ciudad.
Imagen 2. La artista Ester Partegàs recurre a las macetas como metáfora de la cristalización de la realidad en Samesation,
expuesto en la Rice University Art Gallery, Houston, Estados Unidos, en 2002.
Imagen 3. Según la lógica del reconocimiento, se disfruta estéticamente de un paisaje al reconocer en él algo artístico ya
aprendido. El jardín Little Sparta de Ian Hamilton Finlay, inspirado en el movimiento pintoresco inglés, parece recrearse en
esta teoría idealista del paisaje.
De Barbizon al planeta-maceta
Con los años me he dado cuenta de que no basta con teorizar; las
teorías, del tipo que sean, tienen que estar a la altura de los tiempos. En el
presente, para el caso del paisaje, hay muchos frentes abiertos. Entiendo
que, ante la furia desregularizadora del capitalismo rampante, y ante el
miedo a la ilegibilidad de los sesenta y setenta, surgiese una teoría como
la de Alain Roger, que vio la luz en 1978 y que, básicamente, sirvió para
reivindicar los valores paisajísticos y artísticos ya dados. Cabe, ahora, ha-
cer otro gesto: el problema no siempre es la falta de regla o artialización;
el problema, a veces, es su exceso –la “barbarie de la reflexión”, que diría
Vico (2006 [1725]: Libro V, § 1106)–.
Tengo un proyecto en mente: escribir Un viaje a Italia subtitulado
El anti-Goethe. Pasaré por los mismos lugares por los que pasó el alemán
para comprobar hasta qué punto se hace difícil enfrentarse a las cosas sin
la mediación de los códigos. Si, cuando lo haga, sigo asumiendo la tesis
rogeriana, estaré contento porque, de acuerdo con su teoría, comprobaré
que hoy “casi todo es paisaje”; miles de cuadros, miles de postales, miles
de relatos, casi todo en el camino remitirá a algo: a una forma artística,
Imagen 7. El arte contemporáneo puede ayudar a recuperar la experiencia genuina del paisaje en un planeta excesivamente
codificado y humanizado.
¿Es el paisaje simple reconocimiento? Sobre mis problemas de atención en Barbizon 101
duda, hablar de macetas, de grandes macetas seriadas, estandarizadas,
reproducidas y mil veces copiadas. ¿Es posible en este contexto la expe-
riencia genuina del paisaje? ¿Dónde buscar su espacio?
Advierto desde ya de que no creo que tenga sentido ponerse pesimis-
ta afirmando que la vivencia del paisaje es cosa del pasado, el espacio de
la ciudad, territorio banalizado, y la filosofía que se ocupa de todo ello,
refugio para nostálgicos. Si casi nada se parece al paisaje y todo recuerda
algo, digámoslo: descendamos al infierno del código y veamos qué está
ocurriendo allí; planteemos una estrategia de evaluación, estudiemos
cuáles son las consecuencias de su imperio y cuáles las líneas de resisten-
cia que se abren; concentrémonos, no en la naturalidad o antinaturalidad
del mundo, sino en su grado de codificación. Al hacerlo, se nos ofrecerá
una perspectiva del paisaje inesperada, una perspectiva que tiene mu-
cho de estética natural invertida porque, por acción o por omisión, en el
planeta-maceta todo procede de un ser humano que, sin embargo, puede
ser naturaleza. En relación con esto último sólo afirmo una cosa: si que-
remos seguir hablando de paisaje en un planeta humanizado y mil veces
codificado, mucha atención al arte contemporáneo.
Referencias bibliográficas
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