Chapitre IV. — Sifflantes et chuintantes
§ 70. A l’inverse des occlusives et des spirantes, les sifflantes ne comportent pas d’opposition entre sourdes et sonores.
En regard du riche jeu d’occlusives que nous avons vu, le parler ne possède que deux sifflantes, une sifflante proprement dite s, et une chuintante ʃ, l’une et l’autre sourdes, et qui s’opposent l’une à l’autre comme, dans tout le reste du consonantisme, les phonèmes palataux aux phonèmes vélaires.
s, qui apparaît là où on pourrait avoir une consonne vélaire, est en général nettement, à tout le moins faiblement, vélarisé ; ʃ, qui apparaît là où on pourrait avoir une consonne palatale, est en général nettement, parfois plus faiblement, palatalisé. Ni s palatale, ni vélaire ne se rencontrent.
Ce point qui ne nous paraît faire aucun doute, du moins pour la région qui nous occupe, est établi, tant sur l’impossibilité où nous nous sommes trouvée de relever ces phonèmes dans les positions où on les a signalés, que par le fait que s et ʃ se comportent, dans leurs combinaisons avec les voyelles, respectivement comme des consonnes vélaires et palatales (cf. IIe partie, chap. I et II) et par les exemples qui suivent.
La position de la langue dans l’articulation de s est analogue à celle que nous avons décrite, à propos des occlusives dentales vélaires : la pointe de la langue se trouve, dans les deux cas, à la hauteur des dents inférieures. Le canal pour le passage de l’air est formé dans la partie frontale de la langue, rapprochée des dents supérieures et de la partie inférieure des alvéoles. Le s est donc produit, selon les sujets, à peu près à la même hauteur que les occlusives dentales ou légèrement plus haut, mais sensiblement plus bas que les sons s que l’on rencontre dans la plupart des langues. L’effet acoustique est caractéristique si le canal se resserrait, le son se rapprocherait de la spirante dentale.
La vélarisation est souvent faible, quoique presque toujours nette, et n’est pas assez forte pour provoquer l’apparition devant voyelle d’avant ou mixte d’avant d’un glide w, indépendamment audible. Nous avons vu qu’il en était de même pour t, d, n, la position de la langue exigée par l’articulation d’une dentale rendant incommode, sinon impossible, un retrait suffisamment marqué pour permettre une vélarisation prononcée (cf. § 23).
En revanche après voyelle longue d’avant ou mixte d’avant s est fréquemment (sinon tout à fait régulièrement) précédé du glide ə, caractéristique des consonnes vélaires, comme on le verra § 95.
La position des lèvres se modèle sur celle des phonèmes voisins.
§ 72. s apparaît en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, aussi, régulièrement, devant b̬ʹ, mʹ, et, alternant d’un sujet à l’autre avec ʃ, devant g̬ʹ.
sɑ꞉l (sál) « talon » ; sᴀ̃ᴜ̃rə (samhradh) « été » ; sɔləs (solas) « lumière » ; sölʹe꞉rʹ (soiléir) « clair » ; sᴜ꞉ⁱlʹ (súil) « œil » ; sɪ꞉mʹ (suim) « estime, considération » ; sᴇ̈ᵊl (saoghal) « monde » ; sᴇ̈꞉lʹ (saoghail), gén. du précédent ; sɛvʹɩrʹ (saidhbhir) « riche » ; snɑ̃꞉v (snámh) « nage » ; sg̬o̤lʹ (scoil) « école » ; smɑχt (smacht) « châtiment » ; sb̬ərɑ:n (sparán) « bourse » ; smʹαrə (smeara) « graisse » ; sb̬ʹe꞉rʹ (spéir) « ciel » ; sg̬ʲaᴜχ (sceamhach) « écumeux » ; sg̬ʹiꞏəhɑ̃꞉n et ʃg̬iꞏəhɑ̃꞉n (sciathán) « aile » ; sg̬ʹe꞉hi꞉n et ʃg̬ʹe꞉hi꞉nʹ (scéithín) « creux de l’estomac » ; sg̬rʹi꞉ᵊb (scríob) « attaque, crise ».
fɑ꞉səχ (fásach) « désert » ; iꞏəsg̬ (iasc) « poisson » ; pʹαrsə (pearsa) « personne » ; təsaꞏχ (tosach) « début ».
ɑgəs (agus) « et » ; bɑ꞉s (bás) « mort » ; blɑs (blas) « goût » ; glɑs (glas) « vert » ; klᴜꞏəs (cluas) « oreille » ; fʹïs (fios) « science » ; vʹi꞉ᵊs (bhíos) « j’étais », mais vʹi꞉ʃ (bhís) « tu étais » ; sɪgʹ ʃi꞉ᵊs (suidh síos) « assieds-toi » ; hi꞉ᵊs (thíos) « en bas » ; ɩnʹi꞉ᵊs (aníos) « en venant du bas » ; kʹαnɪ꞉ᵊs (ceannuigheas) « j’achetai », mais kʹαnɪ꞉ʃ (ceannuighis) « tu achetais ».
On peut avoir aussi : ʃi꞉s, hi꞉s, etc.
Durant l’articulation de ʃ la pointe de lan langue se troube derrière les dents supérieures, comme dans l’articulation des occlusives dentales palatales. La partie frontale de la langue est creusée en forme de cuiller, ce qui produit la résonance caractéristique des phonèmes chuintants.
La palatalisation, moins marquée que dans le cas des occlusives palatales, est cependant toujours audible, particulièrement devant voyelle d’arrière ou mixte d’arrière. Devant ces voyelles, le développement d’un glide palatal j est chose commune chez la majorité des sujet que j’ai pu observer ; si le phénomène est moins net et moins régulier que dans le cas des consonnes palatales que nous avons vues jusqu’à présent, c’est là un trait commun à ʃ et à rʹ, cf. § 84. D’autre part après voyelle longue d’avant ou mixte d’avant on entend le glide i, qui apparaît devant consonnes palatales, comme on le verra § 95.
La position des lèvres se modèle sur celle des phonèmes voisins.
§ 74. ʃ apparaît en contact avec des voyelles ou avec des consonnes palatales, excepté devant b̬ʹ et mʹ, devant lesquelles on a s (cf. § 72) ; aussi après r (cf. § 81).
ʃi꞉ᵊl (síol) « semence, race » ; ʃi꞉ᵊdə (síoda) « soie » ; ʃe꞉dʹɩmʹ (séidim) « je souffle » ; ʃᴇfʹtʹ (seift) « plan » ; ʃαnəg (seang) « gracieux » ; ʃαnəχəs (seanchas) « récit » ; ʃʲaᴜk et ʃaᴜk (seabhac) « faucon » ; ʃʲɑ̃꞉n et ʃɑ̃꞉n (Seán) « Jean » ; ʃʲᴜ꞉l et ʃᴜ꞉l (siubhal) « marcher » ; fʹαr ʃʲu꞉ⁱlʹ (fear siubhail) « mendiant, vagabond » (noter la transformation de l’ᴜ en u, caractéristique de la position entre consonnes palatales, cf. § 165) ; ʃʲᴜ꞉kᵊrə (siúcra) « sucre » ; fʹαr ʃʲo꞉ⁱgʹ (fear seóigh) « homme plaisant » ; on a de même ʃʲλpə et ʃλpə (siopa) « boutique » ; ʃʲλlə et ʃλlə, ainsi que ʃïlə (siolla) « rafale, bourrasque ».
ʃlʹi꞉ (slighe) « façon » ; ʃnʹαχtə (sneachta) « neige » ; ʃlʹäλⁱnʹ (sleamhain) « glissant » ; ʃrʹiꞏən (srian) « trace ».
bʹrʹiʃɩmʹ (brisim) « je brise » ; klʹiʃtʹɩ (cliste) « habile » ; klöʃɩmʹ (cloisim) « j’entends » ; dᴜ꞉ⁱʃi꞉mʹ (dúisighim) « j’éveille » ; i꞉ʃəl (íseal) « bas » ; löʃtʹi꞉nʹ (loistín) « logement » ; mʹiʃɩ (mise) « moi » ; no꞉ʃʲən (notion) « notion » ; sb̬ʹeʃʲɑ꞉ltə (speiseálta) « spécial » ; sailʹʃʲᴜ꞉ (soillsiughadh) « briller ».
dʹi꞉lʹɩʃ (dílis) « cher » ; ənɪʃ (anois) « maintenant » ; trᴇ̈꞉ʃ (tréis) « après » ; hər naʃ (har nais) « de retour » ; taʃ (tais) « humide » ; kɑ꞉ⁱʃ et kɑ꞉ʃ (cáis), gén. de kɑ꞉s (cás) « sort, destin » ; pʹiŋʹgʹɩnʹ frɑ꞉ⁱʃ (pinginn phráis) « un penny de cuivre » de prɑ꞉s (prás) « cuivre » ; kᴜ꞉ⁱʃ (cúis) « cause » ; gnᴜ꞉ⁱʃ (gnúis) « apparence, face (de Dieu) » ; ɛr dᴜ꞉ⁱʃ (ar dtúis) « d’abord » ; ə raλⁱʃ (an rabhais) « est-ce que tu étais ? » ; mais ə rᴀᴜs (an rabhas) « est-ce que j’étais ? »