1
— Oh! moi, mademoiselle, ce sont les femmes elles-mêmes qui m’ont
cuirassé contre les séductions de l’amour.
— Cuirassé? Tu veux dire « entôlé »! Dessin de Lauro.
— Comment, tu portes des chaussettes, maintenant?
— C’est la première fois que tu les remarques depuis six mois que
je les ai aux pieds ? Dessin de Bouret.
NOËL !
A son bureau s’assit le brillant écrivain. Au regard qu’il lança
à son porte-plume, à son encrier qui, l’un près de l’autre, se re-
posaient, on eût dit d’un caporal de chambrée qui crie : « Allons!
debout, là-dedans! »
Or, c’était le 25 juin, et la Revue des Trois-Mondes lui avait
demandé un conte de Noël. Peu importait que ce fût court : il
suffisait que ce fût excellent, nouveau surtout. Mais Dieu ignore
si la nouveauté court les rues.
11 faut, en tout cas, la cher-
cher, et le brillant écrivain
n’avait pas de trop, pour la
trouver, de six mois.
— Voyons! voyons! se dit-
il. Que je note, avant mes
idées, celles des autres :
Ah ! contes de Noël que
vous êtes surannés ! Vous
dites que les animaux par-
lent, pendant la messe de
minuit. Vous avez imaginé
d’invraisemblables dialogues,
monologues de chevaux d’om-
nibus, à Paris. Mais c’est,
de préférence, à cause du
décor réputé pittoresque, des
bœufs et des ânes que vous
nous présentez, dans des éta-
bles, à minuit. Ce qu’ils di-
sent, vous l’inventez. Moi, je
le sais. Les bœufs demandent :
— Qu’est-ce que nous allons
trouver dans nos sabots ?
Il y a la femme pauvre
qui se morfond de ne pas
pouvoir donner d’étrennes à
ses enfants. Elle leur dit :
— Le petit Jésus ne con-
naît pas notre cheminée!
Mais voici, tout à coup, que
l’on frappe à la porte : des
soupeurs en habit ont eu
l’excellente idée, en sortant
de leurs cabinets très particuliers, d’aller porter quelques louis
et beaucoup de jouets dans les taudis de Ménilmontant. Ah !
contes de Noël, que vous êtes touchants!
Il y a le jeune homme qui, le chapeau sur la nuque, traverse
les boulevards avec ses compagnons et leurs compagnes, filles
d’exécrable vie. Tout à coup, en passant devant une église, il
entend les sons religieux de l’orgue. Cela suffit à lui rappeler
son enfance si pure, à lui inspirer le violent désir, la ferme vo-
lonté de mener, à trente ans, la même vie qu’à huit. Tous les
vieux souvenirs lui reviennent en foule; et vous ne manquez
point, ô contes de Noël, d’insister sur la mère aux cheveux
blancs qui, dans l’humble
église du village lointain,
priait, à cet instant môme,
pour son fils 1
Il y a le vieux mendiant
qui, transi, gelé, — le froid
est obligatoire la nuit du 24
au 25 décembre, — se réfugie
sous un porche : Saint-Ger-
main-l’Auxerrois est tout in-
diqué. Abandonné de tous,
sans famille, il exhale son
dernier souffle, et les anges
viennent chercher son âme.
Il y a... il y a...
Le brillant écrivain cher-
cha une idée personnelle : il
n’en trouva point. J’en connais
plus d’un à qui pareille chose
arrive. Il avait trop lu de
contes de Noël. Il ne sortait
point des animaux, des mères,
des noceurs, des vieillards.
Alors, il arrangea ses notes,
les développa, les intitula :
Conte de Noël qui n’en est
pas un... mais plusieurs, et
les envoya à la Revue des
Trois-Mondes.
Mais le directeur refusa de
le payer, sous prétexte — les
temps ont bien changé! —
que ce Conte de Noël n’était
pas de lui, mais de tout le
monde. Henri Bachelin.
— Hein! on se laisserait volontiers tomber...
LE lutteur. — De combien ? Dessin de Hubert’s.
— Oh! moi, mademoiselle, ce sont les femmes elles-mêmes qui m’ont
cuirassé contre les séductions de l’amour.
— Cuirassé? Tu veux dire « entôlé »! Dessin de Lauro.
— Comment, tu portes des chaussettes, maintenant?
— C’est la première fois que tu les remarques depuis six mois que
je les ai aux pieds ? Dessin de Bouret.
NOËL !
A son bureau s’assit le brillant écrivain. Au regard qu’il lança
à son porte-plume, à son encrier qui, l’un près de l’autre, se re-
posaient, on eût dit d’un caporal de chambrée qui crie : « Allons!
debout, là-dedans! »
Or, c’était le 25 juin, et la Revue des Trois-Mondes lui avait
demandé un conte de Noël. Peu importait que ce fût court : il
suffisait que ce fût excellent, nouveau surtout. Mais Dieu ignore
si la nouveauté court les rues.
11 faut, en tout cas, la cher-
cher, et le brillant écrivain
n’avait pas de trop, pour la
trouver, de six mois.
— Voyons! voyons! se dit-
il. Que je note, avant mes
idées, celles des autres :
Ah ! contes de Noël que
vous êtes surannés ! Vous
dites que les animaux par-
lent, pendant la messe de
minuit. Vous avez imaginé
d’invraisemblables dialogues,
monologues de chevaux d’om-
nibus, à Paris. Mais c’est,
de préférence, à cause du
décor réputé pittoresque, des
bœufs et des ânes que vous
nous présentez, dans des éta-
bles, à minuit. Ce qu’ils di-
sent, vous l’inventez. Moi, je
le sais. Les bœufs demandent :
— Qu’est-ce que nous allons
trouver dans nos sabots ?
Il y a la femme pauvre
qui se morfond de ne pas
pouvoir donner d’étrennes à
ses enfants. Elle leur dit :
— Le petit Jésus ne con-
naît pas notre cheminée!
Mais voici, tout à coup, que
l’on frappe à la porte : des
soupeurs en habit ont eu
l’excellente idée, en sortant
de leurs cabinets très particuliers, d’aller porter quelques louis
et beaucoup de jouets dans les taudis de Ménilmontant. Ah !
contes de Noël, que vous êtes touchants!
Il y a le jeune homme qui, le chapeau sur la nuque, traverse
les boulevards avec ses compagnons et leurs compagnes, filles
d’exécrable vie. Tout à coup, en passant devant une église, il
entend les sons religieux de l’orgue. Cela suffit à lui rappeler
son enfance si pure, à lui inspirer le violent désir, la ferme vo-
lonté de mener, à trente ans, la même vie qu’à huit. Tous les
vieux souvenirs lui reviennent en foule; et vous ne manquez
point, ô contes de Noël, d’insister sur la mère aux cheveux
blancs qui, dans l’humble
église du village lointain,
priait, à cet instant môme,
pour son fils 1
Il y a le vieux mendiant
qui, transi, gelé, — le froid
est obligatoire la nuit du 24
au 25 décembre, — se réfugie
sous un porche : Saint-Ger-
main-l’Auxerrois est tout in-
diqué. Abandonné de tous,
sans famille, il exhale son
dernier souffle, et les anges
viennent chercher son âme.
Il y a... il y a...
Le brillant écrivain cher-
cha une idée personnelle : il
n’en trouva point. J’en connais
plus d’un à qui pareille chose
arrive. Il avait trop lu de
contes de Noël. Il ne sortait
point des animaux, des mères,
des noceurs, des vieillards.
Alors, il arrangea ses notes,
les développa, les intitula :
Conte de Noël qui n’en est
pas un... mais plusieurs, et
les envoya à la Revue des
Trois-Mondes.
Mais le directeur refusa de
le payer, sous prétexte — les
temps ont bien changé! —
que ce Conte de Noël n’était
pas de lui, mais de tout le
monde. Henri Bachelin.
— Hein! on se laisserait volontiers tomber...
LE lutteur. — De combien ? Dessin de Hubert’s.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
– Oh! moi, mademoiselle, ce sont les femmes ells-mêmes qui m’ont cuirassé contre les seductions de l’amour.;
– Comment, tu portes des chaussettes, maintenant?;
– Hein! On se laisserait volontiers tomber…
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le rire: journal humoristique
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
G 3555 Folio RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1907
Entstehungsdatum (normiert)
1902 - 1912
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)