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Le charivari — 56.1887

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Février
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GINQUANTF-SIXIEME ANNEE

Fris dn Numéro : 2 5 centimes

MARDI 1er FEVRIER 1887

ABONNEMENTS

PARIS

Trois mois. 18 fr.

Six mois. 36 —

ün an. 72 —

Les abonnements partent des 4tx et 46 de chaque mois

DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef

BUREAUX

O* LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION

Rue de la Victoire, 20

La moutarde après dîner est une des formules
usuelles de la raillerie courante. Mais il y a aussi la
moutarde avant dîner qui peut prêter à rire.

Or, c’est un cas de moutarde avant dîner que nous
avons à signaler aujourd’hui.

Il vient en effet de se constituer un Comité d’ini-
tiative pour la propagande républicaine.

La dénomination est assez vague. On l’appelle
aussi Comité de V Union des Gauches et Comité na-
tional républicain. Abondance de titres ne nuit pas,
mais n’éclaircit pas non plus grand’chose.

Quel est au juste le but poursuivi?

Il semble indiqué dans ce fragment d’un premier
appel :

« Le programme de notre propagande, c’est celui
même de la Révolution française : c’est la réalisa-
tion des droits de l'homme; c’est la proclamation et
l’exercice de toutes les libertés dans les limites de
la loi et sous la réserve de l’ordre public ; c’est la
contribution de tous aux charges communes,, en
proportion des facultés de chacun ; c’est le service
militaire obligatoire pour tous les citoyens; c’est
l’enseignement public à la portée de toutes les fa-
milles ; c’est l’Etat laïque se dégageant de tous les
liens qui entravaient son action et l’assujettissaient
à l’Eglise ; c’est, en un mot, la voie ouverte à tous
les progrès d’ordre politique, écanomique et social
que dicte la raison, que l’expérience prépare et que
le peuple est en droit de demander. »

Tout cela est bel et bon. Mais reste la question
d’à-propos, qui ne se dégage pas très nettement.

Pourquoi prend-on cette initiative aujourd’hui
plutôt qu’hier? Evidemment dans un but électoral.

Le Comité d’initiative propose une réunion, à Pa-
ris, de délégués des comités républicains qui parta-
gent ces idées. Le congrès désignerait les membres
d’un comité national républicain, qui serait chargé
de la propagande et qui, sans empiéter sur l’indé-
pendance des comités départementaux, deviendrait
le lien de l’œuvre commune « Il y a, disent les si-
gnataires du programme, un moyen terme entre un
comité directeur autoritaire, grand électeur, dont
nous ne voulons pas, et la dispersion absolue, l’é-
parpillement, l’isolement. »

La première réflexion que suggère cette manifes-
tation assez inattendue est celle-ci :

On croit donc à des élections prochaines ?

Et si l’on croit à des élections prochaines, n’est-ce
pas avouer qu'on prévoit la nécessité d’une disso-
lution ?

Cet aveu-là serait tout naturel de la part de ceux
qui, comme nous, estiment que cette dissolution est
Inévitable. Mais il a lieu de surprendre, venant de
gens qui répètent sans cesse : « Il ne faut dissoudre
à aucun prix. »

Le Comité d’initiative pour la propagande répu-

- - — --

blicaine montre, en outre, par sa tentative, que le
scrutin de liste est, comme nous n’avons cessé de
le répéter, un scrutin en tutelle, un scrutin à deux
degrés qui n’a pas le courage de son opinion.

Ce qu’on veut, c’est évidemment constituer une
manière de grand électorat qui expédiera à toute la
province des candidatures toutes faites.

Démonstration éclatante de l’absurdité du sys-
tème qui fonctionne aujourd’hui.

On reconnaît ainsi qu’avec le scrutin de liste l’é-
lecteur, livré à lui-même, est incapable de savoir ce
qu’il fait, qu’il est par conséquent forcé de subir la
domination indirecte du premier venu et de voter
en laisse.

Le Comité d’initiative nous paraît donc faire trop
tôt un effort à la fois inutile et compromettant.

On pourrait ouvrir dans les journaux cette ru-
brique spéciale : Chron ique de la paix.

Et au-dessous de cet intitulé, tous les matins on
enregistrerait quelque nouvelle invention destruc-
tive autant qu’explosive.

Hier, c’était la mélinite qui triomphait ; aujour-
d’hui, c’est la roburite.

La roburite, comme la mélinite, est une substance
mystérieuse qui se propose de faire sauter en l’air
toute la population du globe. On assure qu’avec la
roburite le saut sera encore bien plus terrible.

Acceptons-en l’augure.

Mais demain arrivera un troisième larron qui aura
imaginé Vescrabouillite, plus foudroyante encore.

Et ainsi de suite.

Noble labeur que celui de ces savants qui, dans le
silence du cabinet, pâlissent sur ces généreux pro-
blèmes!

Labeur lucratif, du reste. N’annonçait-on pas hier
que M. Krupp s’est fait, avec l’art de massacrer,
six millions de rente 1 Cela enfonce évidemment l’art
d’élever des lapins.

Mais je me demande si l’humanité, quoique mas-
sacrablé à merci, ne finira pas par se dégoûter un
jour de jouer ainsi le rôle de chair à pâtée, si elle
n’enverra pas au diable les méliniteurs, les roburi-
teurs et autres bipèdes nuisibles, si les peuples ne
s’apercevront pas que trop longtemps ils ont été
battus et contents.

Au surplus, il n’y a pas d’inconvénient à laisser
faire le génie destructeur de ces messieurs.

La géomélrie pratique la démonstration par l’ab-
surde. Ils sont en train de pratiquer la démonstra-
tion par l’horrible.

11 faudra bien qu’on renonce à la guerre, le jour
où, dès le premier choc, quelques douzaines de pé-
tards suffiront pour qu’il ne reste rien des deux na-
tions engagées.

Si moutons de Panurge que nous soyons, les jeux
de l’abattoir ont des limites.

M’est avis que nous touchons à ces limites-la. En-
core une fois peut-être on verra se heurter, dans un
conflit formidable, les prétendants champions de la
civilisation. Puis, devant les résultats du carnage,
la race humaine sera prise d’un tel dégoût de la
gloire à feu et à sang, qu’on avisera à trouver un
autre moyen d’entente cordiale.

ABONNEMENTS

DÉPARTEMENTS

Trois mois. 20 fr.

Six mois. 40 —

Un an. 80 —

L’abonnement dun an donne droit à la prime gratuite

DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef

ANNONCES

ADOLPHE EWIG, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
Rue Joquelet, 11

Inventez donc, illustres chimistes, inventez tant
que vous pourrez. Plus vous serez ingénieux et plus
vite nous verrons la fin des assassinats internatio-
naux.

Ainsi-soit-il !

Pierre Véron.

ANTHROPOLOGIE

Nous savons de source certaine que d’étranges
testaments s’élaborent en ce moment dans le monde
des auteurs dramatiques et autres gens connus.

Cette avalanche de « dernières volontés > a été
provoquée par le récent événement qui s’est passé
dans le cabinet de M. Claretie, administrateur de la
Comédie-Française.

Le mobilier de ce cabinet, on le sait, est mainte-
nant augmenté d’un socle élégant surmonté d’un
coussin de velours bleu sur lequel repose la fameuse
mâchoire de Molière.

C’est un objet d’art comme un autre, quelque
chose comme une <r nature morte », et il n’y aurait
pas autrement à s’en préoccuper, s’il n’en découlait
les plus curieuses conséquences.

Sans doute l'ombre de Molière ne peut qu’être
flattée de savoir sa mâchoire conservée en lieu sûr,
dans le’monument consacré à la gloire éternelle de
son ex-propriétaire.

Mais encore n’est-ce là quune supposition, l’au-
teur du Misanthrope n’ayant laissé à ce sujet aucune
indication.

# &

Ladite mâchoire, sans une série d’heureux ha-
sards, courrait sans doute le monde, au lieu de re-
poser tranquillement an bout de l’avenue de l’Opéra.
On la montrerait pour deux sous dans les foires, ou
pour deux francs dans les musées de cire.

Pérégrinations douloureuses et profondément
vexantes !

Il s’ensuit que le cas de Molière est bien fait pour
inquiéter à juste titre les "hommes célèbres de notre
temps et de tous les temps.

La nécessité de disposer, avant de mourir, de son
propre individu, s’impose à tout personnage illustre
— ou croyant l’être.

Littérateurs, musiciens, politiciens et savants se
doivent à eux-mêmes d'indiquer, en un acte dûment
signé et paraphé, le sort qu’ils veulent réserver aux
divers membres de leur précieuse dépouille.

Beaucoup y songent sérieusement. On assure que
M. Emile Zola vient d’ajouter un codicille à son tes-
tament, par lequel il lègue au théâtre de l’Ambigu
l’os supérieur de la phalange de son index droit,
l’index qui a écrit Nana et Y Assommoir.

M. Alexandre Dumas laisse, dit-on, son thorax à
la Comédie-Française et l’un de ses fémurs au Gym-
nase.
 
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