Matthew F.A. Symonds: Protecting the Roman Empire. Fortlets, Frontiers, and the Quest for Post-Conquest Security, Cambridge: Cambridge University Press 2018, XIV + 251 S., 13 Kt., 49 s/w-Abb., ISBN 978-1-108-42155-3, GBP 75,00
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Brian Campbell / Lawrence A. Tritle (eds.): The Oxford Handbook of Warfare in the Classical World, Oxford: Oxford University Press 2013
Mark Hebblewhite: The Emperor and the Army in the Later Roman Empire, AD 235-395, London / New York: Routledge 2017
Jacqueline Fabre-Serris / Alison Keith (eds.): Women and War in Antiquity, Baltimore / London: The Johns Hopkins University Press 2015
Le livre que nous propose Matthew Symonds aborde donc la question des «fortlets »: qu'étaient-ils, et à quoi servaient-ils?
Un premier élément de surprise pour le lecteur est de voir analyser une réalité ancienne (romaine) au moyen d'un concept pris dans une langue moderne (l'anglais). L'auteur a bien vu qu'il fallait essayer de raccrocher son objet d'étude à des mots latins, et il a trouvé centenarium, praesidium, praetensio et burgus (12). Il aurait pu penser à castellum, pour désigner des petits castra, à munitiones, hiberna, aestiva, statio, et surtout à hibernacula et à turris, la forme latine de burgus (πύργος). Pour le reste, il a centré son étude sur l'Europe du nord-ouest (2), sans s'interdire d'étudier les déserts d'Égypte; pour la chronologie, il va depuis le début du Haut-Empire jusqu'à la fin du Bas-Empire.
L'introduction du livre définit son objet (les fortlets) et donne quelques définitions. Ces postes abritaient de petites unités de soldats et, pour les tours, il y a eu une grande diversité de construction: les unes étaient isolées, d'autres appuyées à un mur; les unes étaient surmontées par un toit, d'autres par des merlons (13-16).
Le corps du livre est divisé en trois parties. En un premier temps, l'auteur explique que les fortlets ont servi à consolider la conquête (33-92). Nous serions tenté de lui faire remarquer que tous les forts, grands et petits, avaient reçu la même finalité. Il note que beaucoup de fortlets étaient installés le long de voies fluviales et d'autres sur des routes. De fait, les cours d'eau servaient de voies de communication, comme il est loisible de le voir pour le Bas-Rhin, la Rétie et la Bretagne (35-54); il fallait les surveiller, mission assignée aux soldats qui vivaient dans ces constructions. La même nécessité s'imposait pour les routes (55-92). Les exemples choisis concernent surtout le pays de Galles et la Gask Ridge, située au nord de l'Écosse. Ici, il est loisible de regretter l'emploi abusif fait du mot limes; il ne s'est diffusé que tardivement et pour désigner une section de la zone frontière, comme l'a montré B. Isaac, dans un article oublié par Matthew Symonds: «The meaning of the terms limes and limitanei», JRS, 78, 1988, p. 125-147.
Une deuxième partie est consacrée à l'étude des fortlets comme moyens de contrôler la frontière (93-176). C'est logique: une fois la conquête assurée, il fallait la protéger. Mais là encore il est possible de remarquer que tous les forts, quelle que soit leur taille, avaient la même raison d'être, la même finalité. Dans ce cas, l'auteur a divisé la matière en trois sous-parties, qui sont consacrée chacune à un monument particulier, au demeurant bien connu, le mur d'Hadrien, le mur d'Antonin et le «limes» germano-rétique. Il ne faut donc pas attendre de révélations sur leur construction ou leur structure. Le mur d'Hadrien, tout d'abord, avait une fonction de contrôle des barbares; le cas du Stanegate System illustre ce propos. Un court paragraphe est consacré à son destin au IVe siècle (130-131). Le mur d'Antonin, ensuite, permet de montrer le passage d'un fortlet à un fort, par son agrandissement, comme l'illustre, le cas de Duntocher (141). À l'est, un cordon côtier jouait un rôle spécial, qui, à notre avis, devait pouvoir être retrouvé dans la partie orientale du mur d'Hadrien. Enfin, le «limes» (!) germano-rétique est examiné. Il présentait une organisation originale: des tours avaient été placées sur le mur, des fortlets en arrière et les camps très importants encore plus en arrière. Il jouait un double rôle, de surveillance (157-159) et de barrière (162-167). Cette fonction complexe était renforcée par des avant-postes (167-171).
La troisième et dernière partie est consacrée au Bas-Empire (177-228). Matthew Symonds considère que ce fut un effondrement, un «collapse» (177). Il est difficile de lui donner tort quand on sait quel fut le destin de la frontière rhéno-danubienne et des provinces bretonnes. Toutefois, actuellement, beaucoup d'historiens considèrent le Bas-Empire, rebaptisé Antiquité Tardive, comme une belle époque. Nous ne partageons pas leur avis, et nous approuvons l'auteur qui cite des ostraka montrant que la vie militaire était très dangereuse dans la Bretagne du IVe siècle. Quoi qu'il en soit, il examine de nouveau les routes, les voies fluviales (Rhin et dans le Yorkshire) et il arrive à cette conclusion sur les aléas de la vie militaire à l'époque tardive. Il aurait pu nous donner son avis sur le Saxon Shore, absent de l'index et que nous n'avons pas vu dans le texte; cette organisation ne possédait peut-être pas de fortlets, mais, dans ce cas, nous aurions aimé l'entendre dire.
Le livre se termine sur une bibliographie et sur des index. C'est, au total, un ouvrage un peu déroutant. Quelques questions demeurent sans réponse, notamment celle-ci: mises à part les dimensions, quelle était l'originalité des fortlets par rapport aux autres camps? À l'opposé, il faut apprécier un ouvrage qui attire l'attention sur ces enceintes militaires de petite taille.
Yann Le Bohec