Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Offrir Le Monde

M6 en quête de nouvelles recettes

Dossier. A l'image d'"Ice Show", la chaîne cherche de nouveaux programmes pour se démarquer d'une concurrence qui s'inspire parfois de son modèle.

Par 

Publié le 22 novembre 2013 à 17h02, modifié le 29 novembre 2013 à 16h52

Temps de Lecture 7 min.

Philippe Candeloro dans « Ice Show ».

Chaque matin, c’est le même rituel. Journalistes, attachés de presse, vigiles, dirigeants, secrétaires, présentateurs ont un réflexe commun en arrivant dans le hall nacré du 89, avenue Charles-de-Gaulle à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) : un coup d’œil sur les audiences de la veille. Sur des écrans plats – incrustés un peu partout sur les murs jusque dans les ascenseurs –, les chiffres des parts de marché des chaînes du groupe M6 s’empilent et se comparent à ceux des concurrentes.

Comme ses rivales, M6 vit au rythme de ces pourcentages et de l’Audimat. Et de l’audience, la chaîne en espère beaucoup avec sa nouvelle émission « Ice Show », diffusée le mercredi 27 novembre. « C’est une énorme production, inventée en interne », se félicite Bibiane Godfroid, directrice générale des programmes de M6. Quatre personnalités du patinage artistique (dont Philippe Candeloro et Surya Bonaly) vont s’affronter sur la glace.

Des répétitions, des directs, des people… La chaîne déploie la grosse artillerie pour ce nouveau programme. Le montant de l’émission s’élève à près de 700 000 euros l’unité. Une somme importante lorsque l’on sait que le coût moyen de la grille de la chaîne est de un million d’euros par jour. « Elle fera partie des émissions les plus chères de M6 », concède Mme Godfroid. Du Top 3, même !

Mais dans cet univers où la concurrence est impitoyable, « il faut être le premier à innover », martèle le président du directoire, Nicolas de Tavernost. Alors, M6 ouvre le portefeuille dans un contexte où les recettes publicitaires des chaînes de télévision ont diminué de 6,6 % au premier semestre, soit une perte de plus de 120 millions d’euros. Cette remarque a son importance, car dans ce groupe un sou est un sou.

Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir

« Il y a une culture de l’économie », atteste Bernard de La Villardière, le présentateur de « Enquête exclusive ». « Si une émission marche bien, la direction se dit qu’elle peut tout aussi bien fonctionner avec un peu moins d’argent », raconte un producteur qui souhaite rester anonyme. Et cet argent va être investi dans un autre programme. « Il y a cinq ans, tout le monde rigolait de la Six parce qu’elle faisait des économies, répond M. de Tavernost. Aujourd’hui, tout le monde fait comme nous. Ça prouve qu’on a anticipé en adoptant une gestion rigoureuse. »

Nicolas de Tavernost est le gardien de ce portefeuille depuis plus de deux décennies. Il tranche, décide ; les autres exécutent. Il délègue mais garde le contrôle sur les comptes du groupe. Le grand patron semble être encore marqué par les débuts de M6, en 1987, quand elle perdait un million de francs par jour et que ses concurrents disaient qu’elle était « la chaîne de trop ». « On se moquait de nous, on voulait notre peau, se souvient M. de Tavernost. Cette période nous a donné des gènes forts. » Alors, lorsqu’il dit non, c’est non. Même quand ses équipes ont insisté pour racheter les droits de « The Voice », le télé-crochet qui fait la joie de TF1, jugé beaucoup trop cher. « Une des spécificités de M6, c’est d’avoir toujours payé les émissions à leur juste prix », explique Mme Godefroid.

Aujourd’hui, M6 pointe à 10,6 % d’audience, en baisse par rapport à 2012 (11,2 %) ; le groupe – avec W9 et 6ter – fait 15 %. Attaquée par les petites chaînes de la TNT qui copient son modèle, M6 cherche à consolider ses fondamentaux avec des nouveautés et des recettes qui ont fait leurs preuves (NT1 diffuse « Super Nanny », tandis que la Six propose « Les Nannies »).

Autre exemple en date, la diffusion réussie cet été sur France 2 de « Qui sera le prochain grand pâtissier ? », qui, pour la Six, est un étrange croisement entre « Le Meilleur Pâtissier » et « Top Chef ». « Je suis prêt à leur donner d’autres idées », ironise M. de Tavernost.

« La chaîne ne cherche pas à grossir mais à se maintenir », souligne Pascal Josèphe, spécialiste des médias au cabinet IMCA. D’ailleurs, depuis 1992, le chiffre d’audience de la Six oscille entre 10 % et 12 %. « Cette stabilité exceptionnelle est due à l’équipe dirigeante qui n’a pas varié depuis la création de la chaîne », note M. Josèphe. « J’ai connu sept ou huit présidents de France Télévisions, sourit Nicolas de Tavernost. J’ai dit, pour rire, à Rémy Pflimlin que je serai encore là quand il quittera son poste. » Et Jérôme Bureau, le directeur de l’information, d’assurer : « C’est aussi une entreprise où il n’y a pas de clan, de guerre de succession, personne ne cherche à prendre la place de l’autre. On sait qui sont les patrons. »

Et, forcément, l’actionnaire majoritaire (RTL groupe) trouve ses intérêts dans une entreprise qui a, en 2012, réalisé 1 387 millions d’euros de chiffres d’affaires pour un résultat net de 140 millions d’euros. En 2011, « la chaîne de trop » est devenue la troisième chaîne du PAF, derrière France 2 (14 %) et TF1 (22,8 %). La deuxième, même, sur la fameuse cible de la ménagère de moins de 50 ans. Toutefois, depuis l’arrivée de la TNT, en 2005, M6 a perdu deux points d’audience. « TF1 est passée de 32 % à 22,8 %, souligne Thomas Valentin, chargé des antennes et des contenus. Si on a si peu baissé, ce n’est pas un hasard. »

En 2005, la chaîne a changé d’identité. M6 a restructuré son access primetime, devenant l’emblème de la « feel good TV » à la française : cuisine, décoration, consommation… Et chez M6, ce positionnement commence dès 16 h 25 avec « La Reine du shopping » (près de un million de téléspectateurs ; suivent « Un dîner presque parfait » (en perte de vitesse), « 100 % Mag » (près de 2 millions de téléspectateurs, avant le « 19.45 » (4 millions de fidèles) et le programme court « Scène de ménages » (5 millions).

« On a anticipé la mode », raconte Bibiane Godfroid, même si un cadre du groupe déplore que la chaîne ait « raté Cyril Hanouna et une série très identifiante comme “Game of Thrones” ». Pour détecter les prochaines tendances, la chaîne s’est dotée d’une cellule de veille (cinq, six personnes), chargée de repérer les émissions qui marchent ailleurs. Avec un regard particulier vers Israël. M6 va ainsi adapter « Rising Star », une sorte de télé-crochet 2.0 qui fait un tabac dans ce pays. « Il y a de l’intuition, mais on regarde beaucoup ce qui se fait à l’étranger, souligne M. Valentin. Tous les jours, on reçoit une petite feuille sur laquelle sont indiqués les faits marquants de la veille en Allemagne, en Espagne, en Belgique,aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. » Et ces programmes « mode de vie », très féminins et assez fédérateurs, ont aussi un autre avantage : un rapport coût-efficacité très favorable. « C’est un moyen de développer des audiences, bien meilleur que le cinéma ou les séries, reconnaît M. de Tavernost. Et nos annonceurs aiment nos programmes. »

Les téléspectateurs, eux, ne suivent pas toujours cette ligne éditoriale parfois trop attendue. La chaîne a connu de cinglants échecs avec « Un air de star » ou encore « J’ai décidé d’être heureux ». Quand un programme ne marche pas, il a très peu d’espoir d’avoir une seconde chance. Et Mme Godfroid de préciser : « Je travaille pour le téléspectateur. C’est le téléspectateur qui a raison. »

Au fur et à mesure des années, M6 est devenue très « marketée », et l’écriture de ses magazines comme « Capital » ou « Zone interdite » a été largement adoptée par d’autres chaînes. « Du coup, ça a banalisé la nôtre, lance Vincent Régnier, directeur des magazines. Mais on ne change pas vingt ans habitudes », ajoute-t-il. La chaîne réfléchit donc à de nouvelles écritures pour ses magazines, plus modernes, avec moins de commentaires, et souhaite explorer d’autres domaines « où il faut gagner en légitimité », note M. Régnier, comme le patrimoine. Une émission racontant la vie quotidienne dans les siècles passés et présentée par Mac Lesggy est ainsi en préparation. A l’horizon 2015, M6 proposera également « Premier homme », un documentaire d’un nouveau genre produit par Patricia Boutinard-Rouelle, ancienne directrice de l’unité documentaire de France Télévisions.

Contrairement à la plupart de ses rivales, la chaîne manque également d’un talk-show. Consciente de cette « faiblesse », M6 assure travailler sur des pilotes. « Le challenge n’est pas de débaucher Cyril Hanouna, mais de trouver quelqu’un capable de le concurrencer, notamment sur W9, assure M. de Tavernos. Son émission n’est pas au niveau de M6, elle fait moins d’audience que “100 % Mag”. C’est à nous de trouver le nouveau Laurent Ruquier. »

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.