Un jeune dans sa chambre, seul ©Getty
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Michel Barnier a annoncé faire de la Santé mentale serait la grande cause nationale 2025. Quelle est la situation aujourd’hui ? Pourquoi les mesures prises se sont-elles révélées insuffisantes ? Que faire pour inverser cette tendance et protéger les personnes en souffrance ?

Avec
  • Antoine Pelissolo Médecin psychiatre, chef du service de psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil

« Nous ferons de la santé mentale la Grande Cause Nationale 2025 », c’est l’engagement pris par Michel Barnier, Premier Ministre, le 1ᵉʳ octobre dernier dans l’hémicycle, un engagement salué par les experts tant l’urgence est là.

La santé mentale, grande cause nationale : ça change quoi ?

Selon le Professeur Pelissolo, c’est une mesure qui a son importance puisque : « on met ce sujet sur la place publique, dans le débat public, alors que c'est un sujet par définition qui est souvent tabou, sous le tapis... » « J'espère que ça pourra libérer la parole et surtout augmenter le niveau de connaissance de tout le monde. » Car "il faut une volonté et une priorisation."

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Rappelons quand même que des choses ont été mises en place sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : la création d'un numéro national de prévention du suicide, le 3114 et la création d'un dispositif baptisé MonPsy, qui remboursait des consultations de psychologues sur prescription médicale. Des mesures que le psychiatre juge insuffisantes : « ce qu'on attend, c'est un plan vraiment général qui ne soit pas que des objectifs ponctuels qui ont leur intérêt, mais de réarmer l'ensemble du système. "

L'urgence d'investir dans la santé mentale

13 millions : c’est le nombre de personnes qui souffrent d’un trouble psychique chaque année en France.

Les troubles mentaux ont certes toujours existé, mais la situation s’est dégradée… Une aggravation de la situation chez les jeunes notamment que le Professeur explique parfaitement : « il y a eu la pandémie avec ses vraies fractures et la rupture du lien social, il y a un contexte anxiogène, le climat qui est un sujet de plus pour les jeunes générations qui se rajoute au poids de l'environnement. Et le fait que l’on ait moins de défense communautaire, familiale qu'il y a quelques décennies, parce que la société a changé. Et c'est ça qu'il faut compenser autrement. Et ce qui fait souffrir le plus, c'est l'isolement. »

Pour le Professeur : « Dès la petite enfance, le fait de ne pas pouvoir donner des conditions de croissance affectives notamment, ça crée des fragilités qui vont s'exprimer ensuite. » Une situation que l’on va surtout retrouver dans « les quartiers précaires » et dans « des régions rurales ».

La psychiatrie, le parent pauvre de la santé ?

150 milliards : c’est le coût direct et indirect de la santé mentale. ET pourtant notre système de santé est à bout de souffle et ne peut répondre à cette détérioration de l’état de santé mentale de la population.

Et pourtant, selon le psychiatre : « Dès les années 60-70, on avait une très belle psychiatrie en France et on avait une culture de la transmission, de la psychopathologie, de la réflexion, de l’accompagnement" mais ça "s’est perdue. Et malheureusement, la psychiatrie s'est un peu enfermée sur elle-même et on s'est éloigné du reste de la santé pendant des décennies. »

En cause également, le manque d’attractivité de la profession et pourtant : « c'est un métier passionnant dans lequel il y a énormément de satisfaction personnelle, humaine. La solution, c'est de donner accès et de former les plus jeunes, de montrer ce que c'est que la psy. »

Dans le secteur de la psychiatrie, il y a aussi un manque de professionnels comme le reconnait le Professeur Pelissolo : « dès les consultations, dès l'hospitalisation, c'est saturé. » : « à l'époque, on pouvait accompagner les personnes dans leur vie extérieure quand c'était nécessaire, prendre soin correctement, éviter les mesures un peu trop coercitives. Mais aujourd’hui, on ne peut pas le faire quand on est en tension en permanente, notamment sur les soignants »

Mais alors comment faire pour inverser la tendance et protéger les personnes en souffrance ?

S'appuyer sur d'autres disciplines

Pour le psychiatre Pelissolo, il faudrait s’appuyer sur d’autres disciplines : « les médiateurs qui sont des anciens patients vont pouvoir servir un petit peu d'intermédiaire entre les soignants et les patients pour tout ce qu'on appelle notamment l'éducation thérapeutique. » ... « Je crois beaucoup aussi à la formation des non-professionnels spécialisés, c'est-à-dire tous les intervenants psychosociaux, notamment sociaux, qui interviennent en amont dès l'éducation, dans le secteur éducatif, et dans une activité sociale, une activité associative, dans lequel il y a de l'entraide possible. Pour le professeur Pelissolo : « il faut qu'il y ait des réseaux qui ne soient pas que les professionnels, parce que ça ne suffira pas. »

La santé mentale, « un sujet de la cité »

Le professeur en est convaincu : « il faudrait qu'il y ait des cours de psy dès l'école ». Car « on ne peut pas dissocier la santé mentale des individus de l'état de fonctionnement de la communauté… Il faut impliquer tous les acteurs et tous les intervenants pour qu'il y ait du dépistage précoce, il faut faire de la prévention."

Déstigmatiser las maladies mentales

Pour le Professeur Pelissolo, "un des objets principaux de la formation, c'est la déstigmatisation car parfois les personnes qui ont des troubles ressentent de la honte parce qu'elles ont l'impression qu'elles sont les seules, et surtout, elles ont l'impression d'être responsables de leur état". Or "les maladies mentales, ce sont des maladies". Et même si « beaucoup de progrès ont été faits, il faut continuer pour qu'il n'y ait pas ce rejet des personnes en souffrance et au contraire de l'entraide, de la reconnaissance et que chacun se sente en droit, par exemple, de consulter quand il pense qu'il en a besoin pour éviter que ça aille de pire en pire. Car oui : « on sait plutôt bien soigner maintenant beaucoup de troubles psychiques. Pas toujours de manière miraculeuse et définitive, mais en tout cas, on obtient des très bons résultats. »

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