Dans un rapport très fouillé, le service de prospection de Matignon, décortique la perte d'attractivité des fonctions publiques. Car après l'Éducation nationale, elle fragilise les hôpitaux publics et les administrations territoriales. Pour France Stratégie, il faut donc en urgence améliorer les conditions de travail de leurs agents.
Le dernier rapport de France Stratégie, titré « Travailler dans la fonction publique : le défit de l’attractivité » n'est pas une révélation, tant s'en faut ! Marianne consacrait d'ailleurs la Une de son numéro du 28 novembre aux fonctionnaires. Cependant cette étude fouillée de 460 pages a le mérite de mettre les points sur les i…des ignorances de ceux qui s'adonnent trop facilement au « fonctionnaire bashing »
En 2022 en effet, alerte France Stratégies, 15 % des postes de la fonction publique d’État (FPE), n’ont pu être pourvus, faute de candidats au niveau et motivés. Or le recrutement de contractuels, ne peut pallier cette pénurie de titulaires !
Si ces problèmes d’embauches affectent depuis une décennie l’Éducation nationale, ballottée de réforme en réforme, ils dégradent désormais les conditions d’emploi des gendarmes, des gardiens de la paix, du ministère de la justice (surveillants pénitentiaires et greffiers), de l’armée et même du ministère des finances. Ces services de l’État peinant tout particulièrement à arracher au secteur privé, des personnels techniques, comme les informaticiens en cybersécurité.
Plus dérangeant encore, cette perte d’attractivité mine désormais la fonction hospitalière (FPH) et la fonction territoriale (FPT). Ainsi au sein des hôpitaux parisiens de l’AP-HP en 2022, 15 % des lits ont dû être fermés, faute de personnel ! En outre, deux tiers des collectivités locales rament pour étoffer leurs équipes d’agents, « singulièrement dans leurs métiers d’intervention et de soutien à la population. » pointe France Stratégie. Or ces mairies, ces départements, ces régions vont affronter des départs massifs de leurs agents en retraite…
Les raisons d'un désamour
France Stratégie liste d'ailleurs, sans langue de bois, les facteurs qui amplifient cette désaffection à l'endroit du secteur public. La faible progression du salaire net moyen des agents en équivalent temps plein – plus 2,1 % entre 2011 et 2021 –, y contribue naturellement, tout particulièrement parmi les fonctionnaires de la FPE dont les rentrées ont stagné (-0,2 %).
À LIRE AUSSI : Policiers, profs... Comment le pouvoir d'achat des fonctionnaires a dégringolé en 40 ans
Mais l’image, comme les valeurs de l’État et des collectivités, se sont également déplorablement brouillées. À tel point, que le bilan entre les avantages et les inconvénients de se dévouer au service de tous les citoyens, s'est dégradé. De peur d’être affectés dans des territoires peu attractifs, nombre de candidats potentiels aux concours les fuient, ou démissionnent en début de carrière. Symptomatique : des professeurs de collèges et de lycées qualifient désormais les académies de Créteil et Versailles, « d’académies prison », tant il leur est difficile, faute de successeurs, de quitter la région parisienne.
Urgence
Pour France Stratégie, redorer le blason des fonctions publiques relève donc de l’urgence. D'autant plus que leurs viviers universitaires se rétrécissent, notamment celui des femmes diplômées des classes populaires. Parmi les leviers à articuler, ces auteurs prônent l’amélioration des conditions de travail, la dynamisation des carrières des agents… comme le réclament depuis belle lurette les syndicats.
En revanche, ils ne développent guère leurs observations, sur les abandons en cours de formation. Or ce sujet particulier mérite d'être creusé. On n'en donnera qu'un exemple. Dans le secteur médical, les étudiants en formation d’infirmière sont par exemple trois fois plus nombreux à abandonner en première année en 2021 (10 %) qu’en 2011 (3 %). Globalement, leur désertion en cours d’étude a même bondi de 15 % à 25 % en dix ans. Ce cursus serait-il devenu ultra-pénible ? Moins intéressant ? On en doute.
À LIRE AUSSI : Marylise Léon (CFDT) : "Les salariés et les fonctionnaires vont encore passer après les joutes politiques !"
Mais ces mauvais résultats, sont pour une part, à relier… au lancement de Parcoursup ! Sur cette plate-forme d'orientation post-bac en effet, les formations d’infirmières, de kinésithérapeutes sont ultra-valorisées. Logiquement, elles attirent donc des lycéens affichant des notes scolaires très brillantes. Cependant, trop souvent, ces candidats sont insuffisamment alertés du caractère profondément humain des métiers du soin. Résultat ? Un quart, après un an ou deux, lâche la seringue, d'autant plus hardiment que leurs performances avant le baccalauréat leur permettent de rejoindre d’autres filières.