SCH, violence, vengeance et cannellonis

Album "Jvlivs Prequel : Giulio" de SCH. © DR

Dix-huit mois après Autobahn, c’est le grand retour du rappeur sudiste SCH avec la dernière partie de sa saga mafieuse, Jvlivs Prequel : Giulio. Analyse d’un album scélérat.

« Laisse le flingue, prends les cannellonis » : Une phrase devenue culte proférée par le hitman qui abat le chauffeur de Don Corleone dans Le Parrain, le film de gangsters classique de Francis Ford Coppola. C’est aussi une des sources d’inspiration du nouvel album de SCH, troisième partie de son triptyque rapologique : Après Jvlivs et Jvlivus II, voilà donc Jvlivs Prequel : Giulio, quinze titres et trois interludes qui déroulent un storytelling sombre où les fantômes de la mafia des années 70 côtoient des scélérats contemporains sur des sons signés par quelques grands noms du rap français 2K.

Pour le lancement du disque, Julien « SCH » Schwarzer avait installé un restaurant éphémère, le Giulio, place de la Bastille à Paris. Au menu, des cannellonis bien sûr, et sur la sono, l’écoute en avant-première de cette magistrale conclusion d’un projet qui démarra voilà six ans. Et en guise de dessert, un corner shop avec tee-shirts, casquettes, lunettes et vinyle/CD de Giulio.

C’était une opération marketing originale organisée par Cédrick Lohou de l’agence Ombres : « C’est un restaurant qui est transmis par le Don à Giulio. On est dans toutes ces références mafieuses, cinématographiques. Les cannellonis, c’est la recette de la maman de Giulio, Rosa », précise Cédrick pour France Info.

Les fondamentaux

Après l’accueil plutôt tiède réservé fin 2022 à Autobahn, SCH revient donc à ses fondamentaux, et il marque des points dès le premier titre, Prequel, qui sonne comme une renaissance. Voix brute sans effets sonores ni Auto-tune, diction claire et avalanche de phrases puissantes : « Des peines à deux numéros qui tombent du tribunal/ Pour ces foutus dineros, cent sacs au fond du dial » (Dial pour le cadran d’une montre de luxe à 100K) ou encore « J’vais pas sauver la terre, nique sa mère/ J’peux pas quitter mon gang, j’peux pas quitter l’affaire ».

Les trafics vocaux sont de retour sur Crois-moi, coproduit par Seezy et Mill Vibes, dont on retiendra cette formule plus haïku que punchline : « Ma faim a tué ma paresse ». Au fil de l’album, on croise « des politiques aux airs de nazis » (Les Hommes aux yeux noirs), une référence au western spaghetti de Sergio Leone Le Bon, la brute et le truand (« Il y a celui qui a l’arme et il y a celui qui creuse » dans Hell’s Kitchen) et « Garcimore avec un fusil » qui « attend le rap game avec un Uzi » (Garcimore).

SCH pousse le soin du détail jusqu’à offrir sur trois interludes (La Recette, La Renaissance, L’Opinel) un rôle vocal à Gérard Suruque, légende du doublage qui est la voix française de Bugs Bunny… Et a participé à la version française du grand film gangster de Martin Scorsese Les Affranchis, auquel le S fait un clin d’œil.

Le rappeur se permet quelques audaces stylistiques, comme faire rimer Sophie Marceau et Nicky Larson, et rend hommage à un rappeur hors du commun, Despo Rutti, dans Balafres (« Un peu comme Despo je les regarde, je m’inquiète, je me compare », comme un écho à la punchline de Despo dans Destination finale ? qui dit « Quand je me regarde je m’inquiète, quand je me compare je me rassure »). Le single Cannelloni est une vraie réussite, vocabulaire riche, images qui percent la rétine avec ces bandits qui « pèsent le fric à la poulie, meurent au placard comme Paulie » et tension musicale assurée par BBP, baron du son pour PNL, Damso, Youssoupha, Alkpote et bien d’autres pointures. Le résultat final est un album solide, bien plus cohérent que son prédécesseur, même s’il n’évite pas quelques facilités (« Elle pleure du sang comme une icône, elle est tombée love comme une conne »).

Pole position

« Dans mon environnement, on vieillit rarement » affirme SCH dans Cannelloni. Une formule qui s’applique aussi bien au sujet du morceau qu’au milieu du rap game, où les carrières se font et se défont en un claquement de doigt. Avec sa vendetta stéréophonique Jvlivs Prequel : Giulio, SCH s’inscrit dans la durée.

La trentaine à peine dépassée et déjà un statut d’OG (« Original Gangster ») chez les connaisseurs, ce rappeur sudiste affirme sa pole position dans sa profession, un premier rôle qu’il avait confirmé avec son passage sur la scène la plus importante de la cité de Phocée, celle du stade Vélodrome où il dévida son barillet de rimes le 22 juillet 2023. Il y sera une nouvelle fois le 28 juin prochain, car comme il l’a assuré avec un sourire narquois lors de la récente cérémonie des Flammes : « J’ai fait le meilleur stade de la terre, eh oui les gars ! N’en déplaise à nos amis parisiens ».

SCH Jvlivs Prequel : Giulio (Maison Baron Rouge/Warner Music France) 2024.
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