Le Deuxième Jour d’Interzone

Pour Serge Teyssot-Gay, guitariste d’un Noir Désir entre parenthèses, jouer relève du besoin le plus élémentaire. Il retrouve son compagnon syrien Khaled Aljaramani pour une nouvelle rencontre de la guitare et de l'oud. L’effet de surprise du premier album passé, le duo convainc plus avec une musique métissée, ni orientale, ni européenne. Une invitation au voyage, à la rêverie, qu’il serait dommage de décliner.

Teyssot-Gay et Aljaramani réitèrent

Pour Serge Teyssot-Gay, guitariste d’un Noir Désir entre parenthèses, jouer relève du besoin le plus élémentaire. Il retrouve son compagnon syrien Khaled Aljaramani pour une nouvelle rencontre de la guitare et de l'oud. L’effet de surprise du premier album passé, le duo convainc plus avec une musique métissée, ni orientale, ni européenne. Une invitation au voyage, à la rêverie, qu’il serait dommage de décliner.

RFI Musique : Sur le premier album d’Interzone, on avait l’impression d’entendre un bœuf bien enregistré. Ici, le son est bien plus ample…
Serge Teyssot-Gay : Je suis content que tu me dises ça, c’est très vrai. Avec notre ingénieur du son, Philippe Cabon, on s’est dit que se serait bien de mettre du relief et de l’espace. Lui, il fait des directs avec des grands orchestres. On a tout pris en stéréo, avec quatre micros censés représenter nos oreilles. Quand j’écoute Deuxième Jour, j’ai l’impression d’entendre un groupe qui a enregistré à l’air libre.

Il y a beaucoup d’invités sur ce deuxième album, comment les avez-vous contactés ?
On doit énormément à quelqu’un qui s’appelle Frédéric Deval, de la Fondation de l’abbaye de Royaumont [qui propose des programmes de création musicale aux artistes, ndlr]. Il a la même optique que nous : dresser des ponts entre les cultures. Il nous a proposé de venir à des sessions de travail où il y avait une vingtaine de musiciens de pays différents. Moi j’étais le seul instrumentiste électrique. Donc les mecs m’ont tous regardé bizarrement au début. Mais après, ça c’est fait très simplement. Ils ont vu qu j’étais très à l’écoute de l’acoustique. Tous les invités viennent de ces sessions. Notamment Tari Akhbari, un Iranien chanteur de musique sacrée persane qui avait envie de jouer avec nous parce que c’est une liberté qu’il n’a pas dans son registre habituel.

Toutes ces expériences musicales ont changé ton jeu de guitare ?
J’apprends beaucoup avec Khaled mais je ne cherche pas à connaître les règles et les gammes. Tous ces trucs là, je m’en fous, je ne les apprendrai jamais ! Comme pour le rock, je n’ai jamais appris les gammes de blues, les grilles d’accord. J’ai toujours fonctionné par rejet pour créer mon propre truc, sans prétention aucune mais pour conserver une vraie liberté. Des fois, lorsqu'on joue un morceau avec Khaled, il me dit : "Tiens, la gamme qu’on est en train d’utiliser là, c’est celle dont se servaient les Grecs dans les temps anciens, à telle période". Que des trucs comme ça. Moi, je m’en fous complètement, même si je trouve ça super intéressant de le savoir. Je n’approfondis jamais rien mais j’apprends, je digère et je recrache tout ça à ma façon. Il y a une raison à cela, j’ai peur de l’enfermement. Avec Khaled, j’ai appris par éponge à construire des univers très structurés, à les ouvrir et les fermer. Mais je ne veux pas en savoir plus. Faire quelque chose en l’envisageant avant, ça ne me plaît pas. J’aurais le sentiment de tricher.

Tu éprouves encore du plaisir à jouer du rock tout bête ?
Oui, énormément. Récemment, j’étais en studio avec le groupe de rap La Rumeur. Je suis arrivé à neuf heures du soir, je ne savais rien de ce que je devais faire. Deux heures après, j’avais pondu quelque chose de l’ordre du riff [phrase rythmique répétée plusieurs fois, ndlr]. pour mettre les voix en valeur, avec un refrain très rock’n’roll. Trouver les bons riffs, j’aimerais toujours ça. Hamé, de La Rumeur, et Casey, une rappeuse, m’ont proposé de faire un album avec eux. Avec mon autre groupe Zone libre, on a composé un truc complètement sauvage. Eux, ils vont poser leur voix dessus : ce sera du rap mais il n’y aura aucune machine. ça devrait sortir d’ici un an et demi. Comme Hamé part un an aux Etats-Unis, on va l’attendre pour faire les choses bien.

Avec toutes tes rencontres, tu n’as jamais eu envie de jouer d’autres instruments ?
Je n’en finis pas d’apprendre sur la guitare. Je pense que c’est sans fin. Très honnêtement, je n’ai pas le temps de faire autre chose, ça voudrait dire que je délaisse la guitare, et j’ai encore plein de trucs à apprendre. C’est un processus qui est très lent. J’ai l’impression de me bonifier.

Tu vas souvent en Syrie ?
C’est un pays qui me manque, les gens sont super accueillants. Au quotidien, c’est assez difficile car ils sont toujours en position de survie. Ils sont coincés, ils n’ont aucune marge de manœuvre pour accéder à un tout petit peu de liberté parce qu’ils sont toujours en train de courir pour subsister. Mais, en dehors de ça, ils sont comme n’importe qui, ils ont envie d’être peinards et d’avoir un minimum de confort.

Est-ce que tu crois qu’un jour Noir Désir reprendra du service ?
Ouais, en tout cas je le souhaite. Parce que ce sont mes potes tous les trois, Bertrand, Denis, Jean-Paul. On est resté super amis, on est toujours en contact de façon intime, on a toujours envie de jouer ensemble. Après, on verra si la vie fait que c’est faisable. Parce qu’il y aura aussi plein de choses en dehors du groupe qui vont être difficiles à supporter, des provocations, des trucs comme ça. Ceci dit, on a passé des moments tellement durs que je ne vois pas pourquoi ça ne redémarrerait pas. Il y a la volonté, l’envie, ça c’est sûr.

Interzone Deuxième jour (Barclay) 2006
En concert le 2 avril au Théâtre de l'Athénée Louis Jouvet, à Paris.