Pierre Garnier, exposition cathodique et grand succès public

Pierre Garnier, 2024. © Elisa Baudoin

Le lauréat de la dernière édition de la Star Academy, Pierre Garnier, phénomène francophone de l’année, poursuit sa divine idylle avec le grand public. Surfant sur le succès fracassant de son single Ceux qu’on était, le jeune garçon de vingt-deux ans vient de sortir son premier album Chaque seconde et remplit les dates de sa tournée à la vitesse de l’éclair. Décryptage.

Novembre 2023. Lorsque le château de Dammarie-les-Lys rouvre ses portes pour la seconde année consécutive, après fermeture d’une durée de plus d’une décennie, beaucoup s’interrogent sur le bien-fondé de cette insistance. En remettre une couche alors que le retour à l’antenne du programme Star Academy n’a pas mis le feu au lac ? Courbe d’audiences à l’encéphalogramme plat. Candidats aussi vite retournés aux oubliettes qu’ils sont apparus.

Participer à un jeu médiatico-commercial n’est plus synonyme de lancement de carrière pétaradante. Et il faut remonter à Slimane, lauréat du télécrochet cousin The Voice en 2016, pour trouver un artiste qui ait réellement transformé l’essai post-émission. Au mieux pour les uns, la voie de sortie de la comédie musicale (Abi Bernadoth, remarquable dans Molière, le spectacle musical). Au pire pour les autres, sentence d’ailleurs plutôt récurrente : un album qui se vautre dans l’anonymat et retour à la case départ.

Le cas Pierre Garnier explose, lui, tous les plafonds. Unique et inattendu, poussant le curseur encore plus loin que le période faste où les Jenifer, Nolwenn Leroy, Grégory Lemarchal ont bénéficié de cette exposition cathodique pour s’élever au-dessus de la meute. Étudier le phénomène de près. Se demander si c’est physique, vocal, générationnel. Peut-être les trois à la fois. Derrière leur écran, les téléspectateurs ont mis sur un piédestal cette promotion bon esprit de la Star Academy qui allait à contre-courant de notre époque du buzz malsain.

Ce natif de Villedieu-les-Poêles, ville normande située dans le département de la Manche, n’a pas joué la partition du mec décalé. Il fut simplement lui-même, sans aucune frasque ou saute d’humeur, dénué d’un esprit de compétition. Une sorte de force tranquille à la Vianney, bien dans ses baskets, décontracté, naturel. Attirant pour les adolescentes, rassurant pour les mamans.

C’est un autodidacte – il n’avait jamais pris de cours chant avant sa participation à l’émission – initié à la guitare par ses parents et qui a interrompu sa licence en Langues étrangères appliquées pour se consacrer à la musique. Bien sûr, son ascension n’aurait pas été si fulgurante si Dadju n’avait pas effectué ce coup de maître le soir de la finale. Plutôt que d’interpréter une chanson en duo de son répertoire, comme le veut la coutume, le demi-frère de Gims a fait fi des consignes de la production, interrompant le direct pour donner l’occasion à Pierre Garnier de chanter une de ses compositions. Du jamais-vu dans l’histoire du programme.

Ceux qu’on était, mega-succès

Le grand public adopte immédiatement la chanson Ceux qu’on était mise en boîte le lendemain de la fin de l’émission. Elle réussit le meilleur démarrage pour un single de pop française depuis la création de Spotify (près de soixante millions d’écoutes aujourd’hui, toutes plateformes confondues). Les complotistes diront que tout a été savamment orchestré, que l’artiste avait déjà un entourage professionnel.

Il n’empêche que c’est indéniablement un garçon de records. Record en collectif puisque la tournée de la Star Academy est celle au plus grand rayonnement francophone cette année. Record en solo puisque la sienne est partie sur les chapeaux de roue : les billets du premier volet intitulé Préambule se sont envolés en deux heures (l’Olympia s’est même rempli en deux minutes), le second volet s’arrêtera dans tous les Zénith. Record express, enfin, d’enregistrement d’un album, en l’occurrence en quatre mois. On y vient donc à ce premier disque intitulé Chaque seconde, loin d’être bâclé, calibré variété mainstream, homogène et aux mélodies claires.

Joseph Kamel et Daysy, à la co-composition et à la co-écriture de Ceux qu’on était, restent dans un équipage qui comporte aussi Mosimann (autre gagnant de Star Academy et complice de Grand Corps Malade) et Marso (réalisateur pour Suzane, Mika, Foé…). Voix rauque légèrement cassée, Pierre Garnier jette principalement son dévolu sur le sentimentalisme. Au milieu d’une incapacité à laisser parler son cœur (Comment faire, Les mots), d’une déclaration à destination de la figure maternelle (A mes côtés) et d’une variation autour de la rupture amoureuse (Chaque seconde, Sur pause), il s’offre une ballade de prestige en compagnie de Sofiane Pamart (Pas une larme). Ici et là, des chœurs gospel, un autre tube potentiel (Nous on sait, chanson évoquant la chanson mentale), des envolées pop-rock, d’autres plus folk. Et Ceux qu’on était décliné en trois versions, dont une acoustique et une au piano. Histoire d’enfoncer définitivement le clou.

Pierre Garnier Chaque seconde (Columbia) 2024

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