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Mort de Louis XIV

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La chambre du service funèbre de Louis XIV, avec la représentation erronée du corps, et non de l'effigie[Note 1] du roi sur un lit à la duchesse, dans le salon de Mercure de Versailles.

La mort de Louis XIV a lieu le aux alentours de h 15. Elle signe non seulement la mort et la fin d'un règne personnel de 54 ans du roi Louis XIV, mais surtout un changement de main, avec la lutte de succession qui s'ensuivit au Parlement de Paris, au profit de son neveu Philippe d'Orléans nommé régent du royaume. Le système de polysynodie émerge de l'alliance entre Philippe d'Orléans et les parlementaires.

Les derniers jours

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Le , au retour de Marly, le roi apparaît brusquement très abattu. Le 10, il se plaint d’une douleur à la jambe gauche que son premier médecin Fagon diagnostique deux jours plus tard : il attribue la douleur à une sciatique et préconise une médecine. Les jours passent, les nuits sont agitées, le roi se nourrit de moins en moins et il paraît à tous, de plus en plus affaibli. Le , il accepte la consultation collective de quatre docteurs de la faculté de médecine de Paris qui confirment la sciatique alors que la fièvre mine le malade et que la pourriture de la jambe devient apparente avec le développement de taches noires[1]. Fagon continue ainsi à prescrire des pansements à l'eau-de-vie camphrée et des bains de lait d'ânesse[2]. Le samedi 24, la situation s’aggrave : le premier chirurgien du roi Georges Mareschal annonce au souverain que la prétendue sciatique est en fait un sphacèle (gangrène sénile, ischémie aiguë probablement causée par un caillot venant boucher l'une des artères principales du membre) à la jambe contre laquelle les médecins sont impuissants[3].

Le roi souhaite l'amputation mais ses médecins, vu son âge et la progression de la maladie, lui font comprendre qu'elle ne servirait à rien. Dès lors, le monarque met en scène sa mort[4] en trois phases : la première phase correspond à la mort chrétienne (confession et pardon). Le , il réclame à se confesser au père Le Tellier ; le , il demande à recevoir le viatique et l'extrême-onction administrée par le grand aumônier de France, le cardinal de Rohan, ce qui prépare la mort du roi en bon chrétien[5]. La deuxième phase est la mort curiale : toute la cour défile devant son lit. Enfin la mort politique se traduit par les dernières recommandations à son arrière-petit-fils, le petit dauphin, le futur roi Louis XV, alors âgé de 5 ans et demi : le 26, après avoir pris son dîner au lit, qu’il ne quitte plus, il fait entrer le dauphin. Il lui adresse un discours dont les termes diffèrent selon que l’on se rapporte au marquis de Dangeau ou à Saint-Simon. Ses derniers conseils sont de ne pas l'imiter dans son goût pour les bâtiments, de soulager la misère de ses peuples, « ce que j'ai le regret de ne pas avoir fait » et de vivre en paix avec ses voisins. Il avoue même : « J'ai trop aimé la guerre » et « C’est la ruine des peuples ». Sur son lit de mort, il déclare aussi : « Je m'en vais mais l'État demeurera toujours ». Malgré une dernière tentative de sauver le roi grâce à un prétendu remède miracle proposé par un certain médecin provençal appelé Brun[6],[7], il tombe finalement dans un semi-coma, les 30 et 31[8].

Le samedi 31, la nuit et la journée sont détestables. Il n’a que de rares instants de connaissance. La gangrène gagne le genou et toute la cuisse. On lui donne du remède que sa belle-fille, la duchesse du Maine, a apporté et qui est excellent pour la petite vérole. Mais le lendemain, , Louis XIV meurt d'une ischémie aiguë du membre inférieur, causée par une embolie liée à une arythmie complète, compliquée de gangrène aux alentours de h 15 du matin, entouré de ses courtisans, après cette agonie de plusieurs jours. Son règne a duré soixante-douze années et cent jours (cinquante-quatre années de règne effectif si on retire la période de la régence de 1643 à 1661).

On trouve dans l’éphéméride du mois d’août de l'Almanach royal de 1715[9], une mention manuscrite qui relate les circonstances des derniers jours du roi :

Mort de Louis XIV.

« On crut le Roy mort dez le Lundy 25[Note 2]. Il se porta
mieux un jour ou deux quoyque sans esperance. Il
est mort après avoir beaucoup souffert et avec une grande
patience le Dimanche 1r sept a h. du matin
M. le Duc d’Orléans alla au Parlt [Parlement] et fut declaré
Regent le 2. septe »

Convoi funéraire de Louis XIV (eau-forte de Jacques Chiquet, BnF).
L'armoire des cœurs royaux du caveau des Bourbon.

Au lendemain du décès, dans la chambre du roi, le corps est transporté dans l’antichambre de l’Œil-de-bœuf du château de Versailles pour être autopsié[Note 3], triparti (séparation du corps, du cœur et des entrailles) puis embaumé avant d’être enfermé dans un double cercueil, de plomb et de chêne[10]. Le troisième jour, le cercueil est exposé pour une semaine dans une pièce plus grande, le salon de Mercure du Grand Appartement pour y recevoir les honneurs[10].

Le convoi funèbre quitte Versailles le à 19 h pour arriver le lendemain à la basilique Saint-Denis[10]. Le rituel veut qu'il se déroule la nuit mais, selon une légende tenace, ce cortège funèbre se serait fait en catimini afin d'éviter qu'il ne soit l'objet de railleries de la part de la population. En réalité, le cortège est formé de plus de mille personnes, dont huit cents à cheval et portant un flambeau de cire blanche[Note 4]. Rapidement, des libelles clandestins se diffusent, rappelant que Louis XIV est avant tout « le grand roi des impôts », tel « Le grand Louis est trépassé / Et les médecins ont trouvé / De sang qu'il n'avait qu'une livre. / Hélas, que j'en suis étonné, / Car il nous avait bien sucés »[11].

La messe de funérailles y est prononcée le par le cardinal de Rohan. Des cérémonies sont aussi organisées ailleurs en France et à l’étranger.

Le cercueil est placé dans le caveau d'attente (remplaçant celui de Louis XIII, il attend celui de son successeur), à l'entrée du caveau des Bourbon de la basilique Saint-Denis. À la Révolution, les reliques royales sont vandalisées et leurs restes dispersés[10].

Le , les entrailles de Louis XIV, conservées dans une urne, sont transportées à la cathédrale Notre-Dame de Paris. L'urne est placée sous les marches par lesquelles on accédait au maître autel, dans le caveau qui renfermait déjà celles de son père, le roi Louis XIII[12].

Le reliquaire contenant son cœur est transféré dans l'église Saint-Louis-des-Jésuites où il est profané en 1793. Louis François Petit-Radel s'en empare et le vend à ses amis peintres Saint-Martin et Michel Martin Drolling qui s'en servent en partie pour faire de la « mummie » (substance très rare et hors de prix donnant un glacis superbe aux tableaux et qui résultait d'un mélange de cœur embaumé, macéré dans de l'alcool, et d'aromates). À la Restauration, Saint-Martin restitue le reste du cœur non utilisé qui est alors déposé dans un coffret de vermeil et placé dans une armoire aux cœurs dans le caveau des Bourbon de la nécropole de Saint-Denis[13].

Testament de Louis XIV

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Le lendemain de la mort de Louis XIV, il est fait lecture de son testament (rédigé le [Note 5]) en séance solennelle devant la grand chambre du Parlement de Paris en présence de toutes les Cours souveraines, les princes du sang et les ducs et pairs. Les prétendants à la Régence, princes du sang et fils légitimés vont savoir quelles étaient les volontés du roi pour sa succession au pouvoir, le nouveau roi n'ayant que cinq ans[14],[15].

Le roi Louis XIV pose son héritage ainsi :

  • À son arrière-petit-fils : le trône, suivant les lois du royaume. Celui-ci devient Louis XV.
  • Au duc du Maine, son fils, bâtard légitimé : l'éducation et la garde de l'enfant royal, ce qui signifie dans les faits la possibilité d'imposer la volonté du duc du Maine aux parlements par le biais du lit de justice.
  • Au duc d'Orléans, son neveu : la charge de « président du conseil de régence », conseil statuant collégialement.

Une lutte d'influence débute alors entre le duc du Maine et le duc d'Orléans pour obtenir le titre de Régent de la part des parlementaires.

Le , le testament est partiellement cassé à la suite d'une alliance nouée, avant la mort du roi, entre les parlementaires de Paris et Philippe d'Orléans, celui-ci promettant tout simplement de réintroduire les parlementaires dans les sphères du pouvoir royal s'ils le soutiennent face au duc du Maine[14],[15].

C'est donc Philippe d'Orléans qui est proclamé régent du royaume et détenteur effectif du pouvoir durant la minorité du jeune Louis XV, au détriment du duc du Maine qui ne peut rien faire face à cette alliance.

La seconde étape de l'alliance prend forme le  : Philippe d'Orléans restitue au Parlement de Paris son droit de remontrance. De plus, le , un système de polysynodie est accepté, les ministres du roi étant remplacés par plusieurs Conseils (« synodie ») auxquels haute noblesse, parlementaires et hauts notables ont accès.

Notes et références

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  1. Les funérailles d'Henri IV en 1610 sont les dernières où est employée cette effigie (théorie des deux corps physique et politique du roi, cf. Les Deux Corps du roi d'Ernst Kantorowicz), mais la tenue d'un lit de justice, le lendemain de la mort du souverain, par le jeune Louis XIII, annule la fiction politique que cette image est censée incarner. Louis XIII juge en effet cette tradition païenne et le duc d'Orléans confirme cet abandon avec le corps de Louis XIV : le défunt est présenté pendant une journée, corps sans tête, car exécuté , puis le lendemain, son cercueil est exposé pendant huit jours dans le salon de Mercure, transformé en chapelle ardente. cf. Thomas- W. Gaehtgens et Nicole Hochner, L'Image du roi de François Ier à Louis XIV, Les Editions de la MSH, (lire en ligne), p. 173.
  2. Il y a ici une erreur sur la date : il s’agit soit du dimanche 25 août, soit du lundi 26 août.
  3. L'autopsie montre que la gangrène sénile a atteint tout le corps.
  4. « En tête viennent des pauvres, à pied. Ils sont suivis par les pages, les officiers de la Maison du roi, les carrosses des principaux de ces derniers, les mousquetaires et les chevaulégers. À la suite viennent deux carrosses du roi : le premier pour les aumôniers du roi, le confesseur et le curé de la paroisse, le second pour le duc de Bourbon, grand maître de la Maison du roi, le cardinal de Rohan, grand aumônier, le duc de Tresmes, premier gentilhomme de la Chambre, et le duc de La Rochefoucauld, grand maître de la Garde Robe. Entre ces carrosses et le char funèbre ont pris place les trompettes de la Chambre, le roi d'armes et les hérauts d'armes, tous à cheval. Le char funèbre est entouré de quatre aumôniers à cheval tenant les coins du poêle ou drap mortuaire, en velours noir croisé de moire d'argent. Il est suivi du grand écuyer de France, également à cheval, du duc de Villeroy, capitaine des gardes du corps, des gendarmes. Le cortège est clos par les carrosses du cardinal de Rohan et des premiers gentilshommes de la Chambre ».cf. Maral 2014, p. 207.
  5. Un premier codicille date du et un second du 23 août.

Références

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  1. François Bluche, Le grand règne, Fayard, , p. 842.
  2. Perez 2007, p. 128.
  3. Maral 2014, p. 47.
  4. Jean-Marie Le Gall, Le Mythe de Saint Denis, Champ Vallon, , p. 2007.
  5. Lucien Bély, Louis XIV : le plus grand roi du monde, Éditions Jean-Paul Gisserot, , p. 263.
  6. « La mort de Louis XIV », sur Château de Versailles, (consulté le )
  7. biniasz, « Et la gangrène sénile dévora le roi Soleil… », sur Les Généralistes-CSMF, (consulté le )
  8. François Bluche, Le grand règne, Fayard, , p. 844.
  9. exemplaire de la BnF.
  10. a b c et d « L'exposition », leroiestmort.com, (consulté le ).
  11. Cornette 2015, p. 353.
  12. Juliusz A. Chrościcki, Mark Hengerer, Gérard Sabatier, Les funérailles princières en Europe, XVIe – XVIIIe siècle, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, , p. 63.
  13. André Castelot, L'Histoire insolite, Paris, Perrin, , 427 p. (ISBN 2-262-00248-7), p. 171.
  14. a et b « 1715 La mort de Louis XIV » sur le site du château de Versailles.
  15. a et b Jules Flammermont, « Procès-verbal de la séance tenue pour la régence, Remontrances du Parlement de Paris au XVIIIe siècle », sur flora.univ-cezanne.fr, Bibliothèque de l’université Aix-Marseille III (consulté le ). Voir également sur Wikisource le procès-verbal de l'arrêt du parlement de Paris, extrait du Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, 1821.

Sources primaires

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Bibliographie

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