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« Arc de Campanus » : différence entre les versions

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| image = Aix-Les-Bains Place Mollard Arc Campanus - panoramio.jpg
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| légende = Façade occidentale de l'arc de Campanus.
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L''''arc romain de Campanus''' est un monument antique situé sur la [[Commune (France)|commune française]] d'[[Aix-les-Bains]] dans le [[Département français|département]] de la [[Savoie (département)|Savoie]] en [[Région française|région]] [[Auvergne-Rhône-Alpes]].
L''''arc romain de Campanus''' est un monument antique situé dans la [[Commune (France)|commune française]] d'[[Aix-les-Bains]] dans le [[Département français|département]] de la [[Savoie (département)|Savoie]] en [[Région française|région]] [[Auvergne-Rhône-Alpes]]. Dans la géographie antique, {{latin|Aquae}} (Aix-les-Bains) se trouve dans le cité de Vienne, en territoire [[Allobroges|allobroge]].


Ses dimensions, et notamment sa très faible épaisseur ({{unité|0.75|m}}), en font un édifice particulier. Monument funéraire ou arc monumental dédié à la mémoire d'une famille de notables (les {{latin|Pompeii}}) et faisant office de porte, il est construit sous le [[Haut-Empire romain]] au {{s mini-|I}} ou au {{sap-|II}}. Le dédicant de cet arc porte le [[nom romain]] de Lucius Pompeius Campanus, et c'est son {{latin|[[cognomen]]}} qui est à l'origine du nom traditionnellement attribué au monument.
Ses dimensions, et notamment sa très faible épaisseur ({{unité|0.75|m}}), en font un édifice particulier. Monument funéraire ou arc monumental dédié à la mémoire d'une famille de notables, et faisant office de porte, il est construit sous le [[Haut-Empire romain]] au {{s mini-|I}} ou au {{sap-|II}}. Le dédicant de cet arc porte le [[nom romain]] de Lucius Pompeius Campanus, et c'est son {{latin|[[cognomen]]}} qui est à l'origine du nom traditionnellement attribué au monument. L'arc porte également quatorze [[cartouche (architecture)|cartouches]] de dédicaces à des membres de la famille des {{latin|Pompeii}}, dont une partie seulement a pu être déchiffrée avec certitude.


L'arc de Campanus est situé dans le centre historique de la ville moderne d'Aix-les-Bains, à proximité de deux autres monuments antiques, le [[temple de Diane d'Aix-les-Bains|temple de Diane]] et les [[thermes nationaux d'Aix-les-Bains|thermes]]. Son intégration à d'autres constructions, dès le Moyen Âge, a sans doute contribué à le préserver et il fait l’objet d’un classement au titre des [[Monument historique (France)|monuments historiques]] depuis le {{date-|7|août|1890|en France}}.
L'arc de Campanus est situé dans le centre historique de la ville moderne d'Aix-les-Bains, à proximité de deux autres monuments antiques, le [[temple de Diane d'Aix-les-Bains|temple de Diane]] et les [[thermes nationaux d'Aix-les-Bains|thermes]]. Son intégration à d'autres constructions, dès le Moyen Âge, a sans doute contribué à le préserver et il fait l’objet d’un classement au titre des [[Monument historique (France)|monuments historiques]] depuis le {{date-|7|août|1890|en France}}.
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== Contexte historique et archéologique ==
== Contexte historique et archéologique ==
{{article détaillé|Histoire d'Aix-les-Bains}}
{{article détaillé|Histoire d'Aix-les-Bains}}
[[Fichier:Aix place Maurice-Mollard.svg|vignette|gauche|Plan schématique de la [[place Maurice-Mollard]] en 2015.]]
[[Fichier:Aix place Maurice-Mollard.svg|vignette|gauche|alt=Plan en couleurs d'une place de ville avec ses principaux bâtiments.|Plan schématique de la [[place Maurice-Mollard]] en 2015.]]
Les premières occupations romaines à [[Aix-les-Bains]] ({{latin|Aquae}}) semblent remonter à la seconde moitié du {{s-|I}} de l'ère chrétienne, avec un aménagement sommaire des [[thermes|sources thermales]] chaudes{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=90|gr=L}}. Elle est rattachée administrativement à la cité de [[Vienne (Isère)|Vienne]].
Les premières occupations romaines à [[Aix-les-Bains]] ({{latin|Aquae}}) semblent remonter à la seconde moitié du {{s-|I}} de l'ère chrétienne, avec un aménagement sommaire de deux [[thermes|sources thermales]] chaudes{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=90|gr=L}}. Elle est rattachée administrativement à la [[civitas|cité]] de [[Vienna (ville romaine)|Vienne]]. La proximité du [[lac du Bourget]] lui procure un [[microclimat]] clément favorable à une implantation humaine durable{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=85|gr=L}}.


Il apparaît difficile de voir dans {{Latin|Aquae}} une agglomération antique urbaine, pourvue d'un centre monumental comprenant les thermes, le [[Temple de Diane d'Aix-les-Bains|temple de Diane]] et l'arc de Campanus. La topographie du site en dévers important (près de dix mètres entre la base du podium du temple et le niveau de circulation autour des bassins des thermes antiques partiellement intégrés aux bâtiments des thermes nationaux modernes{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}) s'y prête mal et l'interprétation de l'arc comme monument funéraire en centre ville est difficilement compatible avec ce statut{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=94-96|gr=L}}.
Plusieurs documents [[épigraphie|épigraphiques]] mentionnent les {{latin|vicani}} (habitants du {{latin|vicus}}) d'{{Latin|Aquae}}. La réalité géographique et administrative que recouvre ce terme est difficile à appréhender. À la lumière des plus récents travaux, il apparaît douteux de voir dans {{Latin|Aquae}} une agglomération antique urbaine, pourvue d'un centre monumental comprenant les thermes, le [[Temple de Diane d'Aix-les-Bains|temple de Diane]] et l'arc de Campanus. La topographie du site en dévers important (près de dix mètres entre la base du podium du temple et le niveau de circulation autour des bassins des thermes antiques partiellement intégrés aux bâtiments des thermes nationaux modernes{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}) s'y prête mal et l'interprétation de l'arc comme monument funéraire en centre ville est difficilement compatible avec ce statut{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=94-96|gr=L}}.
[[Fichier:Thermes romains d'Aix-les-Bains (2018) 1.JPG|vignette|alt=Photographie en couleurs de vestiges de constructions romaines sous lumière artificielle.|Vestiges des thermes.]]
Plus vraisemblablement, et à l'image d'[[Aix-en-Provence]], le site d'Aix-les-Bains se compose d'abord d'une agglomération rurale assez peu structurée géographiquement, habitée par des paysans-propriétaires ({{latin|possessores}}) élisant un conseil de {{latin|decemlicti}} chargé d'administrer la ville. L'[[épigraphie]] suggère que l'activité de ces paysans est essentiellement tournée vers l'[[agropastoralisme]]{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=99-100|gr=L}}.


À côté de ce bourg agricole, dont l'implantation demeure encore inconnue{{Sfn|Rémy|Ballet|Ferber|1996|p=103|gr=C}}, et sans lien clairement établi avec lui, s'est développé un ensemble composé de thermes fréquentés par l'aristocratie locale qui y vient en cure et dont certaines familles investissent dans la construction et le financement des travaux d'entretien et qui, en retour, perçoivent peut-être des revenus sur l'exploitation des thermes. Ce sont également ces familles qui font construire à proximité des thermes des monuments funéraires, le mausolée-temple de Diane et l'arc de Campanus{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=100-101|gr=L}}.
Plus vraisemblablement, et à l'image d'[[Aix-en-Provence]], le site d'Aix-les-Bains se compose d'abord d'une agglomération rurale assez peu structurée géographiquement, habitée par des paysans-propriétaires ({{latin|possessores}}) élisant un conseil de {{latin|decemlicti}} chargé d'administrer la ville. L'[[épigraphie]] suggère que l'activité de ces paysans est essentiellement tournée vers l'agropastoralisme{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=99-100|gr=L}}.
[[Fichier:Thermes romains d'Aix-les-Bains (2018) 1.JPG|vignette|Vestiges des thermes.]]
À côté de ce bourg agricole, dont l'implantation demeure encore inconnue, et sans lien clairement établi avec lui, s'est développé un ensemble composé de thermes fréquentés par l'aristocratie locale qui y vient en cure et dont certaines familles participent aux travaux d'entretien et peut-être même perçoivent des revenus sur la clientèle des thermes. Ce sont également ces familles qui font construire à proximité des thermes des monuments funéraires, le mausolée-temple de Diane et l'arc de Campanus{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=100-101|gr=L}}.


Dans la géographie moderne d'Aix-les-Bains, l'arc de Campanus est situé devant les thermes Pellegrini, entre la place des Thermes et la [[place Maurice-Mollard]]. Il se dresse depuis la destruction en 1867 d'un hôtel qui l'entourait au milieu de l'actuelle place Maurice-Mollard.
Dans la géographie moderne d'Aix-les-Bains, l'arc de Campanus est situé devant les thermes Pellegrini, entre la place des Thermes et la [[place Maurice-Mollard]], dans l'angle nord-est de laquelle il se dresse{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=1}}.
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== Chronologie, mentions historiques et études ==
== Chronologie, mentions historiques et études ==
Cet arc est probablement dressé à la fin du {{s mini-|I}} ou dans le courant du {{sap-|II}} (dynastie des [[Antonins (Rome)|Antonins]]) par Lucius Pompeius Campanus, sans doute un riche notable [[Allobroges|allobroge]] de la cité de [[Vienne (Isère)|Vienne]] (dont dépendait alors {{latin|Aquae}}). À la même époque le temple de Diane est construit et les thermes réaménagés{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}. La sobriété du décor de ces édifices les rapproche des monuments construits dans la même période sur le [[Forum Romain (Rome)|forum de Rome]]{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=282}}.
Cet arc est probablement érigé sous la dynastie des [[Antonins (Rome)|Antonins]], à la fin du {{s mini-|I}} ou dans le courant du {{sap-|II}}, par Lucius Pompeius Campanus, sans doute un riche notable [[Allobroges|allobroge]] romanisé{{Sfn|Rémy|Ballet|Ferber|1996|p=60|gr=C}} de la cité de [[Vienne (Isère)|Vienne]] (dont dépendait alors {{latin|Aquae}}). À la même époque le temple de Diane est construit et les thermes réaménagés{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}. La sobriété du décor de ces édifices les rapproche des monuments construits dans la même période sur le [[Forum Romain (Rome)|forum de Rome]]{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=282}}. Toutefois, et en se basant sur l'interprétation des dédicaces de l'arc, l'historien [[Jean Prieur (historien)|Jean Prieur]] en envisageait la construction dans le dernier quart du {{-s-|I}}{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=281}}.


À l'issue d'un voyage fait à Aix vers 1535, [[Aymar du Rivail]] semble être le premier à livrer une description de ce qu'il pense être un [[arc de triomphe]] célébrant une victoire militaire romaine{{Sfn|Mouxy de Loche|1899|p=255}}.
L'arc est oublié pendant tout le [[Moyen Âge]]. À l'issue d'un voyage fait à Aix vers 1535, [[Aymar du Rivail]] semble être le premier à livrer une description de ce qu'il pense être un [[arc de triomphe]] célébrant une victoire militaire romaine{{Sfn|Mouxy de Loche|1899|p=255}}. Dans le courant du même siècle, l'arc devient au l'entrée de la salle de justice de la ville, puis aux siècles suivants il est intégré dans le mur d'une écurie, s'enterre peu à peu, et il est sauvé de la destruction en 1822 lors de la démolition de ce bâtiment{{Sfn|Rémy|Ballet|Ferber|1996|p=104|gr=C}}.
[[Fichier:Saint-Chamas Pont Flavien (2007) SE arch from S.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en couleurs de la partie supérieure d'un arc romain.|Un arc du [[pont Flavien]] de [[Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)|Saint-Chamas]].]]

En 1867, l'hôtel dans la cour duquel il se trouve est abattu ; les abords du monument sont ainsi entièrement dégagés. Il est acheté par l'État un an plus tard{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=1}} ; il est classé [[Monument historique (France)|monument historique]] par arrêté du {{date-|7 août 1890}}<ref name="PA">{{Base Mérimée|PA00118163|Arc de Campanus}}.</ref>. Son architecture et son épigraphie font l'objet de plusieurs études, dont celle réalisée par [[François de Mouxy de Loche]] à la fin du {{s-|XIX}} est la première à être aussi complète{{Sfn|Mouxy de Loche|1899}}.
Oublié, l'arc devient au {{s-|XVI|e}} l'entrée de la salle de justice, puis aux siècles suivants il est intégré dans le mur d'une écurie, s'enterre peu à peu, et est sauvé de la destruction en 1867 lorsque l'hôtel dans la cours duquel il se trouve est démoli. Il est acheté par l'État un an plus tard{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=1}}.
[[Fichier:Saint-Chamas Pont Flavien (2007) SE arch from S.jpg|vignette|gauche|Un arc du [[pont Flavien]] de [[Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)|Saint-Chamas]].]]
Il est classé [[Monument historique (France)|monument historique]] par arrêté du {{date-|7 août 1890}}<ref name="PA">{{Base Mérimée|PA00118163|Arc de Campanus}}.</ref>.

Son architecture et son épigraphie font l'objet de plusieurs études, donc celle réalisée par [[François de Mouxy de Loche]] à la fin du {{s-|XIX}} est la première à être aussi complète{{Sfn|Mouxy de Loche|1899}}.


En 1996, l'archéologue allemande Annette Küpper-Böhm conclut à l'absence de rôle funéraire pour l'arc ; elle en fait une porte monumentale comparable à d'autres monuments de la [[Gaule narbonnaise]], comme les arches édifiées aux deux extrémités du [[pont Flavien]] à [[Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)|Saint-Chamas]]<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=Annette Küpper-Böhm|titre=Die römischen Bogenmonumente der Gallia Narbonensis in ihrem urbanen Kontext|éditeur=VML Vlg Marie Leidorf|année=1996|pages totales=238|isbn=978-3-8964-6131-5}}.</ref>.
En 1996, l'archéologue allemande Annette Küpper-Böhm conclut à l'absence de rôle funéraire pour l'arc ; elle en fait une porte monumentale comparable à d'autres monuments de la [[Gaule narbonnaise]], comme les arches édifiées aux deux extrémités du [[pont Flavien]] à [[Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)|Saint-Chamas]]<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=Annette Küpper-Böhm|titre=Die römischen Bogenmonumente der Gallia Narbonensis in ihrem urbanen Kontext|éditeur=VML Vlg Marie Leidorf|année=1996|pages totales=238|isbn=978-3-8964-6131-5}}.</ref>.


Au début des années 2000, [[Philippe Leveau]] ré-examine, à la lumière des résultats des fouilles du parking de l'hôtel de ville au milieu des années 1980<ref>{{Ouvrage|auteur = Alain Canal|titre = Rapport sur la fouille de sauvetage du parking souterrain de la place Maurice-Mollard |lieu =Lyon |éditeur = DRAC Rhône Alpes |année = 1988-1989 |pages totales = |isbn = |lire en ligne = |passage = }}.</ref>, l'ensemble des données relatives aux monuments antiques d'Aix-les-Bains, ce qui le conduit à formuler de nouvelles hypothèses sur la structure et la vocation de l'agglomération antique d'Aix-les-Bains, ainsi que sur la destination de ses monuments, dont l'arc de Campanus{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|gr=L}}{{,}}{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007}}.
Au début des années 2000, [[Philippe Leveau]] ré-examine, à la lumière des résultats des fouilles du parking de l'hôtel de ville réalisées à la fin des années 1980<ref>{{Ouvrage|auteur = Alain Canal|titre = Rapport sur la fouille de sauvetage du parking souterrain de la place Maurice-Mollard |lieu =Lyon |éditeur = DRAC Rhône Alpes |année = 1988-1989 |isbn = |lire en ligne = }}.</ref>, l'ensemble des données relatives aux monuments antiques d'Aix-les-Bains. Il est alors amené à formuler de nouvelles hypothèses sur la structure et la vocation de l'agglomération antique d'Aix-les-Bains, ainsi que sur la destination de ses monuments, dont l'arc de Campanus{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|gr=L}}{{,}}{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007}}.


== Description ==
== Description ==
=== Architectonique ===
=== Architecture ===
L'arc mesure {{unité|9.15|m}} de haut et {{unité|7.10|m}} de large, mais seulement {{unité|0.75|m}} d'épaisseur{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=1}}. L'unique ouverture est une arcade en [[cintre (architecture)|plein cintre]] de {{dunité|6|3.50|m}}, sous laquelle est aménagé un passage dallé creusé d'ornières laissées par les roues{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}}. L'arcade est encadrée par deux [[pilastre]]s{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=87|gr=L}}. La base de l'arc se situe à l'altitude de {{unité|265|m}}{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}.
L'arc mesure {{unité|9.15|m}} de haut et {{unité|7.10|m}} de large, mais seulement {{unité|0.75|m}} d'épaisseur{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=1}}. L'unique ouverture est une arcade en [[cintre (architecture)|plein cintre]] de {{dunité|6|3.50|m}}, sous laquelle est aménagé un passage dallé creusé d'ornières laissées par les roues des véhicules qui le franchissaient{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}}. L'arcade est encadrée par deux [[pilastre]]s{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=87|gr=L}}. La base de l'arc se situe à l'altitude de {{unité|265|m}}{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}.


Au-dessus des deux piliers prend place un [[entablement]] avec [[architrave]] et, côté occidental, une frise de huit niches alternativement à fond plat et en [[cul-de-four]], disposées symétriquement par rapport à l'axe du monument. Elles sont très peu profondes ({{unité|6|à=7|cm}}) et leur base est inclinée ce qui ne permet pas, contrairement aux hypothèses les plus anciennes, d'y loger en équilibre des statuettes ou des urnes funéraires ; il est plus vraisemblable d'y voir l'équivalent des fenêtres éclairant la galerie supérieure dans les portes des grandes enceintes urbaines{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=88|gr=L}}.
Au-dessus des deux piliers prend place un [[entablement]] avec [[architrave]] et, côté occidental, une frise de huit niches alternativement à fond plat et en [[cul-de-four]], disposées symétriquement par rapport à l'axe du monument. Elles sont très peu profondes ({{unité|6|à=7|cm}}) et leur base est inclinée ce qui ne permet pas, contrairement aux hypothèses les plus anciennement formulées, d'y loger en équilibre des statuettes représentant les morts que l'on veut honorer ou les urnes funéraires contenant leurs cendres ; il est plus vraisemblable d'y voir l'équivalent des fenêtres éclairant la galerie supérieure dans les portes des grandes enceintes urbaines{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=88|gr=L}}.


Un troisième niveau est constitué d'une [[corniche]] rappelant celle de la façade occidentale du temple de Diane{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=88|gr=L}}.
Un troisième niveau est constitué d'une [[corniche]] rappelant celle de la façade occidentale du temple de Diane et d'un [[attique (architecture)|attique]], mais l'ensemble est assez détérioré{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=88|gr=L}}. Les plus anciennes représentations de l'arc montrent que les piliers ancadrant l'ouverture de l'arc s'élevaient jusqu'au niveau de l'attique.


L'arc est construit en blocs de calcaire en grand appareil, assemblés à joints vifs sans mortier{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=281}}. La pierre utilisée pour sa construction semble provenir de carrières situées à [[Franclens]] ([[Haute-Savoie]]) et à [[Surjoux]] ([[Ain (département)|Ain]]). Dite « pierre de Seyssel », elle est blanche, fine et réservée à des utilisations nobles{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=89|gr=L}}.
L'arc est construit en blocs de calcaire en grand [[appareil (architecture)|appareil]], assemblés à joints vifs sans mortier{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=281}}. La pierre utilisée pour sa construction semble provenir de carrières situées à [[Franclens]] ([[Haute-Savoie]]) et à [[Surjoux]] ([[Ain (département)|Ain]]). Dite « pierre de Seyssel », elle est blanche, fine et réservée à des utilisations nobles{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=89|gr=L}}.


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Arc de campanus.jpg|L'arc par [[Giovanni Tommaso Borgonio|Borgonio]] en 1674{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=5}}.
Arc de campanus.jpg|alt=Dessin enoir en blanc d'un arc antique.|{{centrer|L'arc par [[Giovanni Tommaso Borgonio|Borgonio]] en 1674{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=5}}.}}
Aix les Bains Arc de Campanus par Deroy c1850.jpg|L'arc par [[Auguste Victor Deroy]], vers 1850.
Aix les Bains Arc de Campanus par Deroy c1850.jpg|{{centrer|alt=Peinture en couleurs d'un arc antique sur une place.|L'arc par [[Auguste Victor Deroy]], vers 1850.}}
Campanus.JPG|Face orientale.
Campanus.JPG|alt=Photographie en couleurs d'un arc antique vu de face.|{{centrer|Face orientale.}}
Arc-romain-aix-les-bains.jpg|Face occidentale.
Arc-romain-aix-les-bains.jpg|alt=Photographie en couleurs d'un arc antique vu de face.|{{centrer|Face occidentale.}}
Arc de Campanus 2015.JPG|Vue de trois-quarts.
Arc de Campanus 2015.JPG|alt=Photographie en couleurs d'un arc antique vu de trois quarts.|{{centrer|Vue de trois-quarts.}}
Arc de Campanus Aix-les-Bains 2024.jpg|alt=Photographie en couleurs d'un arc antique vu de profil, mettant en évidence sa faible épaisseur.|{{centrer|Vue de profil.}}
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=== Épigraphie ===
=== Épigraphie ===
Sur la façade ouest sont gravés les noms de Lucius Pompeius Campanus, dédicant de l'arc, et de ses ascendants sur deux générations, mais tous ne sont pas généalogiquement identifiés. Six de ces inscriptions sont gravées sur l'[[attique (architecture)|attique]], mais seules quatre sont totalement ou partiellement déchiffrables. L'architrave porte huit cartouches, en dessous des huit niches. Plus bas, la dédicace de l'arc est gravée en plus gros caractères de part et d'autre de l'ouverture du monument{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=1-2}}.
Sur la façade ouest sont gravés les noms de Lucius Pompeius Campanus, dédicant de l'arc, et de ses ascendants sur deux générations, mais tous ne sont pas généalogiquement identifiés. Six de ces inscriptions sont gravées sur l'[[attique (architecture)|attique]], mais seules quatre sont totalement ou partiellement déchiffrables. L'architrave porte huit cartouches, au-dessous des huit niches, mais sans lien direct avec elles. Plus bas, la dédicace de l'arc est gravée en plus gros caractères de part et d'autre de l'ouverture du monument{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=1-2}}. L'état de conservation des inscriptions gravées sur les deux registres supérieurs fait que leur interprétation est périodiquement revue et que les liens entre tous les personnages mentionnés ne peuvent être établis avec certitud{{Sfn|Rémy|Ballet|Ferber|1996|p=104|gr=C}}.


Aucune source ne permet d'en apprendre davantage sur Lucius Pompeius Campanus (dates précises de vie et/ou de mort, rang social, fonction...).
Aucune source ne permet d'en apprendre davantage sur Lucius Pompeius Campanus (dates précises de vie et/ou de mort, rang social, fonction...) dont le {{latin|cognomen}} a donné son nom au monument{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}}.


[[Fichier:Aix-les-Bains - inscriptions Arc.svg|vignette|centré|redresse=3|Traduction des inscriptions relevées sur l'arc{{Sfn|Mouxy de Loche|1899|p=254-255}}.
[[Fichier:Aix-les-Bains - inscriptions Arc.svg|vignette|centré|redresse=3.2|alt=Reproduction et traduction d'inscriptions latines relevées sur des pierres.|Traduction des inscriptions relevées sur l'arc{{Sfn|Rémy|Ballet|Ferber|1996|p=104|gr=C}}.
{{Légende/Début}}
{{Légende/Début}}
{{Légende|texte=Sur l'attique|À Pompeius Campanus, grand-père paternel - À Caia secundina, grand-mère paternelle - À Pompeia Maxima, la sœur - À Pompeius Campanus, le frère - ? - ?}}
{{Légende|texte=Sur l'attique|À Lucius Pompeius Campanus, fils de Caius, son grand-père paternel - À Catia Secundina, sa grand-mère paternelle - À Pompeia Maxima, sa sœur - À Pompeius Campanus, le frère - ? - ?}}
{{Légende|texte=Sur l'architrave| À Decius Valerius Gratus - À Caius Agricola - À Lucia F. secundina, tante du côté paternel - À Pompeius, père direct et aux parents - À Caia F. Sentia Voluntilla, aïeule chérie - À Caius Sentius, aïeul direct chéri - À Titus Cannutius [dit] l'athénien, qui a beaucoup souffert - À Lucius Pompeius Campanus, fils de Campanus et de Sentia.}}
{{Légende|texte=Sur l'architrave| À Decimus Valerius Gratus - À Caius Sentius Agricola [son oncle ?] - À Pompeia Secundina, fille de Lucius, sa tante paternelle - À Caius Pompeius Justus, son frère et à leurs parents - À Voluntilia Censa, fille de Caius, grand-mère maternelle - À Caius Sentius lustus, grand-père maternel - À Titus Cannutius Atticus Perpessus - À Lucius Pompeius Campanus, fils de Campanus et de Sentia.}}
{{Légende|texte=Sous l'architrave|Lucius Pompeius Campanus a fait [ce monument] de son vivant.}}
{{Légende|texte=Sous l'architrave|Lucius Pompeius Campanus a fait [ce monument] de son vivant.}}
{{Légende/Fin}}
{{Légende/Fin}}
]]
]]
La plus ancienne génération, mentionnée sur l'attique, est celle des grands-parents paternels du dédicant, d'un frère et d'une sœur du grand-père et dont la dédicace est incomplète ; deux cartouches ne sont plus lisibles{{Sfn|Mouxy de Loche|1899|p=254}}.
La plus ancienne génération mentionnée sur l'attique est celle des grands-parents paternels du dédicant, d'un frère et d'une sœur du grand-père et dont la dédicace est incomplète. Deux cartouches ne sont plus lisibles{{Sfn|Mouxy de Loche|1899|p=254}} ; ils pourraient être consacrés aux parents du dédicant{{Sfn|Rémy|Ballet|Ferber|1996|p=104|gr=C}}.


Sur l'architrave, Decius Valerius Gratus et Caius Agricola pourraient avoir été les époux successifs de Lucia F. secundina et Titus Cannutius le second mari de Caia F. Sentia Voluntilla{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=97|gr=L}}. Si le père du dédicant possède son propre cartouche (Caius Pompeius), sa mère n'est mentionnée que par son {{latin|[[Gens (Rome antique)|gentilice]]}} dans l'inscription consacrée à Lucius Pompeius Campanus lui-même{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=96|gr=L}}.
Sur l'architrave, Decius Valerius Gratus et Caius Agricola pourraient avoir été les époux successifs de Lucia F. secundina et Titus Cannutius le second mari de Caia F. Sentia Voluntilla{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=97|gr=L}}. Les parents du dédicant ne semblent cités qu'indirectement par leur {{latin|[[Gens (Rome antique)|gentilice]]}} dans l'inscription consacrée à Lucius Pompeius Campanus lui-même{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=96|gr=L}}.


Le surnom « {{latin|Atticus}} » attribué à Titius Cannutius évoque d'éventuels ancêtres hellénophones de la famille {{latin|Pompeii}}, peut-être des [[Affranchissement|affranchis]]{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=96|gr=L}}.
Le surnom « {{latin|Atticus}} » attribué à Titus Cannutius évoque d'éventuels ancêtres hellénophones de la famille {{latin|Pompeii}}, peut-être des [[Affranchissement|affranchis]]{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=96|gr=L}}.


== Fonction ==
== Fonction ==
Bien que cet arc comporte des inscriptions en l'honneur de la famille {{latin|Pompeii}} {{incise|la glorification monumentale des élites et de leur famille est une nouveauté à cette époque{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}}}}, la fonction du monument, comme celle du temple de Diane, reste incertaine ; les différentes propositions qui en sont faites sont directement liées au statut qu'archéologues et historiens envisagent pour l’établissement antique d'Aix-les-Bains{{Sfn|Segard|2009|p=54-56}}.
Bien que cet arc comporte des inscriptions en l'honneur de la famille {{latin|Pompeii}} {{incise|la glorification monumentale des élites et de leur famille est une nouveauté à cette époque{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}}}}, la fonction du monument, comme celle du temple de Diane, reste incertaine ; les différentes propositions qui en sont faites sont directement liées au statut qu'archéologues et historiens envisagent pour l’établissement antique d'Aix-les-Bains dans son ensemble{{Sfn|Segard|2009|p=54-56}}.


=== Au sein d'une agglomération secondaire « urbaine » ===
=== Au sein d'une agglomération secondaire « urbaine » ===
[[Fichier:Autun porte Saint-André.JPG|vignette|La [[porte Saint-André (Autun)]] et sa galerie supérieure.]]
[[Fichier:Autun porte Saint-André.JPG|vignette|alt=Photographie en couleurs d'une porte de ville antique.|La [[porte Saint-André (Autun)]] et sa galerie supérieure.]]
Envisagé comme arc funéraire au début des années 1980, le monument est éloigné de la [[nécropole]] romaine situé à {{unité|300|m}} plus au nord{{Sfn|Segard|2009|p=54}} et un interdit religieux romain ne permet pas les sépultures dans l'enceinte des villes : les nécropoles sont reléguées à l'extérieur du {{latin|[[pomerium]]}}. Si Aix-les-Bains est considéré comme une [[vicus|agglomération secondaire]] dont l'arc et le temple constituent tout ou partie du centre monumental, l'hypothèse d'un monument funéraire perd beaucoup de sa vraisemblance puisqu'il ne peut se situer dans le périmètre de la ville{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=281}}.
Envisagé comme arc funéraire au début des années 1980, le monument est pourtant éloigné de la [[nécropole]] romaine située à {{unité|300|m}} plus au nord{{Sfn|Segard|2009|p=54}} ; d'autre part, un interdit religieux romain ne permet pas les sépultures dans l'enceinte des villes : les nécropoles sont reléguées à l'extérieur du {{latin|[[pomerium]]}}<ref>{{Lien web |titre=Traitement des morts pendant l'Antiquité gallo-romaine |url=https://www.inrap.fr/traitement-des-morts-pendant-l-antiquite-gallo-romaine-10250 |site=le site de l'[[institut national de recherches archéologiques préventives|INRAP]] |consulté le=14/09/2024}}.</ref>. Si Aix-les-Bains est considérée comme une [[vicus|agglomération secondaire]] dont l'arc et le temple constituent tout ou partie du centre monumental, l'hypothèse d'un monument funéraire perd beaucoup de sa vraisemblance puisqu'il ne peut se situer dans le périmètre de la ville{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=281}}.


En revanche, l'arc est disposé de manière à offrir une perspective en direction des thermes, et une voie dallée passait sous son arche{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}} : l'hypothèse d'une porte urbaine matérialisant le passage du secteur des thermes à celui du temple est plus probable{{Sfn|Segard|2009|p=55}} ; cette proposition tient en outre compte de la présence des niches au niveau de l'architrave, figurant les baies de la galerie supérieure d'une porte{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=281}}. De plus, les thermes à l'issue de leur réaménagement, le temple et l'arc sont contemporains ce qui confère une unité à l'ensemble{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}. Enfin, les inscriptions, compte tenu de l'orientation de l'arc, sont destinées à être vues lorsque quelqu'un se dirige vers les thermes en venant du temple{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}}.
En revanche, l'arc est disposé de manière à offrir une perspective en direction des thermes, et une voie dallée passait sous son arche{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}} : l'hypothèse d'une porte urbaine matérialisant le passage du secteur des thermes (hors la ville) à celui du temple (dans la ville) est plus probable{{Sfn|Segard|2009|p=55}}{{,}}{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=88|gr=L}} ; cette proposition tient en outre compte de la présence des niches au niveau de l'architrave, figurant les baies de la galerie supérieure d'une porte{{Sfn|Leveau|Odenhardt-Donvez|Fauduet|2007|p=281}}. De plus, les thermes à l'issue de leur réaménagement, le temple et l'arc sont contemporains ce qui confère une unité à l'ensemble{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=91|gr=L}}. Enfin, les inscriptions, compte tenu de l'orientation de l'arc, sont destinées à être vues lorsque quelqu'un se dirige vers les thermes en venant du temple{{Sfn|Jazé-Charvolin|Lagrange|2005|p=2}}.
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=== Dans le cadre d'un bourg « rural » ===
=== Dans le cadre d'un bourg « rural » ===
[[Fichier:Mausoleu de Favara 1.jpg|vignette|gauche|Le [[mausolée de Fabara]].]]
[[Fichier:Mausoleu de Favara 1.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en couleurs d'un monument antique parallélépipédique.|Le [[mausolée de Fabara]].]]
Plus récemment, la relecture de l'épigraphie du site, le réexamen de ses vestiges et les avancées consécutives aux fouilles du parking de l'hôtel de ville permettent d'échafauder une nouvelle théorie. Aix-les-Bains serait avant tout un bourg rural sans trame de circulation bien structurée, lié à des activités agropastorales et près duquel se serait développé un sanctuaire de cures ; l'emplacement de ce bourg reste à trouver{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=99-100|gr=L}}.
Plus récemment, la relecture de l'épigraphie du site, le réexamen de ses vestiges et les avancées consécutives aux fouilles du parking de l'hôtel de ville permettent d'échafauder une nouvelle théorie. Aix-les-Bains serait avant tout un bourg rural sans trame de circulation bien structurée, lié à des activités agropastorales et près duquel se serait développé un sanctuaire de cures. L'emplacement de ce bourg, qui ne se situerait sans doute pas sous le centre-ville actuel, n'est pas connu, sans doute en raison de l'insuffisance des fouilles{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=94-96|gr=L}} et reste à trouver{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=86|gr=L}} ; la nécropole de l'[[empire romain|époque impériale]] découverte quelques centaines de mètres plus au nord pourrait toutefois en marquer l'une des limites{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=86|gr=L}}.


Dans ce cas, l'interdit relatif aux sépultures au cœur des villes ne joue plus et l'arc reprend sa fonction de monument funéraire en-dehors des limites du bourg, à l'image des arcs qui marquent les extrémités du [[pont Flavien]] à [[Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)|Saint-Chamas]] ([[Bouches-du-Rhône]]){{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=101|gr=L}}.
Dans ce cas, l'interdit relatif aux sépultures au cœur des villes ne joue plus et l'arc reprend sa fonction de monument funéraire en-dehors des limites du bourg, à l'image des arcs qui marquent les extrémités du [[pont Flavien]] à [[Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)|Saint-Chamas]] ([[Bouches-du-Rhône]]){{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=101|gr=L}}.


Dans le même temps, le temple de Diane est interprété comme un mausolée-temple (à l'image du [[mausolée de Lanuéjols]] en [[Lozère (département)|Lozère]]<ref>{{chapitre|auteur1=Jean-Charles Moretti|auteur2=Dominique Tardy|titre=Inventaire des monuments funéraires de la France gallo-romaine|auteur ouvrage=Christian Landes (dir.)|titre ouvrage=La mort des notables en Gaule romaine|éditeur=Musée archéologique Henri-Prades|année=2002|pages totales=256|isbn=978-2-9516-6790-7|passage=71}}.</ref> ou de [[mausolée de Fabara|celui de Fabara]] en Espagne<ref>{{Chapitre|auteur1=Maria-Luisa Cancela|auteur2=Manuel Martin-Bueno|traducteur=Pierre Sillières|titre chapitre=Hispanie romaine : architecture funéraire monumentale dans le monde rural|titre ouvrage=Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale, Actes du Colloque ARCHEA/AGER (Orléans, 7-9 février 1992)|auteurs ouvrage=Alain Ferdière (dir.)|lieu=Tours|éditeur=Fédération pour l'édition de la ''Revue archéologique du Centre de la France''|collection=Supplément|numéro dans collection=6|année=1993|isbn=2-9507320-1-1|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/sracf_1159-7151_1993_act_6_1_954|consulté le= 13 juin 2024|passage=403-404}}.</ref>) qui abrite les sépultures de notables. Les deux monuments aixois sont élevés en l'honneur de deux familles marquantes de l'aristocratie locale, les {{latin|Campanii}} (arc) et les {{latin|Titii}} (temple), fréquentant de manière régulière les thermes ou participant à leur exploitation{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=93|gr=L}}.
Dans le même temps, le temple de Diane est interprété comme un mausolée-temple (à l'image du [[mausolée de Lanuéjols]] en [[Lozère (département)|Lozère]]<ref>{{chapitre|auteur1=Jean-Charles Moretti|auteur2=Dominique Tardy|titre=Inventaire des monuments funéraires de la France gallo-romaine|auteur ouvrage=Christian Landes (dir.)|titre ouvrage=La mort des notables en Gaule romaine|éditeur=Musée archéologique Henri-Prades|année=2002|pages totales=256|isbn=978-2-9516-6790-7|passage=71}}.</ref> ou de [[mausolée de Fabara|celui de Fabara]] en Espagne<ref>{{Chapitre|auteur1=Maria-Luisa Cancela|auteur2=Manuel Martin-Bueno|traducteur=Pierre Sillières|titre chapitre=Hispanie romaine : architecture funéraire monumentale dans le monde rural|titre ouvrage=Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale, Actes du Colloque ARCHEA/AGER (Orléans, 7-9 février 1992)|auteurs ouvrage=Alain Ferdière (dir.)|lieu=Tours|éditeur=Fédération pour l'édition de la ''Revue archéologique du Centre de la France''|collection=Supplément|numéro dans collection=6|année=1993|isbn=2-9507320-1-1|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/sracf_1159-7151_1993_act_6_1_954|consulté le= 13 juin 2024|passage=403-404}}.</ref>) qui abrite les sépultures de notables. Les deux monuments aixois sont élevés en l'honneur de deux familles marquantes de l'aristocratie locale, les {{latin|Campanii}} (arc) et les {{latin|Titii}} (temple), fréquentant de manière régulière les thermes ou étant impliqués dans leur exploitation{{Sfn|Leveau|Rémy|Canal|Segard|2005|p=93|gr=L}}.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
* ''Carte archéologique de la Gaule {{n°|73}} (La Savoie)'', Maison des Sciences de l'Homme, 1996 :
{{Références|groupe=C}}

* « Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural », ''[[Revue archéologique de Narbonnaise]]'', 2005 :
* « Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural », ''[[Revue archéologique de Narbonnaise]]'', 2005 :
{{Références|groupe=L}}
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{{Autres projets| commons = Category:Arc de Campanus (Aix-les-Bains)}}
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=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}
* {{Lien web|auteur1=Marie-Reine Jazé-Charvolin|auteur2=Joël Lagrange|titre=Arc monumental, dit Arc de Campanus|site=Inventaire général du patrimoine culturel - région Auvergne-Rhône-Alpes|url=https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/recherche/globale?texte=IA73001281|date=2005|format=pdf|consulté le=12/06/2024}}.
* {{Lien web|auteur1=Marie-Reine Jazé-Charvolin|auteur2=Joël Lagrange|titre=Arc monumental, dit Arc de Campanus|site=Inventaire général du patrimoine culturel - région Auvergne-Rhône-Alpes|url=https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/recherche/globale?texte=IA73001281|date=2005|format=pdf|consulté le=12/06/2024| plume=oui}}
* {{Article|auteur1=[[Philippe Leveau]]|auteur2=Bernard Rémy|auteur3=Alain Canal|auteur4=Maxence Segard|titre=Aix-les-Bains, vicus thermal et bourg rural|périodique=[[Revue archéologique de Narbonnaise]]|tome=XXXVIII-XXXIX|année=2005|pages=85-103|doi=10.3406/ran.2005.1152}}.
* {{Article|auteur1=[[Philippe Leveau]]|auteur2=Isa Odenhardt-Donvez|auteur3=Isabelle Fauduet|titre=Aix-les-Bains et son tombeau-temple : « ruralité » et « urbanité » d’un ''vicus'' allobroge|périodique=[[Gallia (revue)|Gallia]]|tome=LXIV|année=2007|pages=279-287|doi=10.3406/galia.2007.3313}}.
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* {{Article|prénom=François de|nom=Mouxy de Loche|lien auteur=François de Mouxy de Loche|titre=Monuments et objets antiques d'Aix-les- Bains. Voies romaines|périodique=Mémoires de l'[[Académie des sciences, belles-lettres et arts de Savoie]]|année=1899|tome=VII, s. 4|titre numéro=Histoire d'Aix-les-Bains|pages=253-338|url=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k486851z/f272}}.
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* {{Chapitre|auteur=Maxence Segard|titre=Chapitre II. Les villes alpines : centres des changements socio-économiques des populations alpines|titre ouvrage=Les Alpes occidentales romaines|éditeur=Publications du Centre Camille Jullian|lieu=[[Aix-en-Provence]]|date=2009|pages totales=288|isbn=978-2-8777-2387-9|isbn2=978-2-9571-5570-5|passage=35-91|doi=10.4000/books.pccj.120}}.
* {{Ouvrage
| auteur1= Bernard Rémy
| auteur2= Françoise Ballet
| auteur3= Emmanuel Ferber
| titre= La Savoie
| éditeur= Les éditions de la MSH
| collection= [[Carte archéologique de la Gaule]]
| numéro dans la collection= 73
| lieu= Paris
| année= 1996
| pages totales= 247
| isbn= 2-8775-4046-4
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* {{Chapitre|auteur=Maxence Segard|titre=Chapitre II. Les villes alpines : centres des changements socio-économiques des populations alpines|titre ouvrage=Les Alpes occidentales romaines|éditeur=Publications du Centre Camille Jullian|lieu=[[Aix-en-Provence]]|date=2009|pages totales=288|isbn=978-2-8777-2387-9|isbn2=978-2-9571-5570-5|passage=35-91|doi=10.4000/books.pccj.120| plume=oui}}


=== Articles connexes ===
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{{Palette|Arcs de triomphe romains}}
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Version du 20 septembre 2024 à 21:42

Arc de Campanus
Façade occidentale.
Présentation
Type
Civilisation
Propriétaire
État
Patrimonialité
Localisation
Pays
Département
Commune
Coordonnées
Carte

L'arc romain de Campanus est un monument antique situé dans la commune française d'Aix-les-Bains dans le département de la Savoie en région Auvergne-Rhône-Alpes. Dans la géographie antique, Aquae (Aix-les-Bains) se trouve dans le cité de Vienne, en territoire allobroge.

Ses dimensions, et notamment sa très faible épaisseur (0,75 m), en font un édifice particulier. Monument funéraire ou arc monumental dédié à la mémoire d'une famille de notables, et faisant office de porte, il est construit sous le Haut-Empire romain au Ier ou au IIe siècle apr. J.-C.. Le dédicant de cet arc porte le nom romain de Lucius Pompeius Campanus, et c'est son cognomen qui est à l'origine du nom traditionnellement attribué au monument. L'arc porte également quatorze cartouches de dédicaces à des membres de la famille des Pompeii, dont une partie seulement a pu être déchiffrée avec certitude.

L'arc de Campanus est situé dans le centre historique de la ville moderne d'Aix-les-Bains, à proximité de deux autres monuments antiques, le temple de Diane et les thermes. Son intégration à d'autres constructions, dès le Moyen Âge, a sans doute contribué à le préserver et il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le .

Contexte historique et archéologique

Plan en couleurs d'une place de ville avec ses principaux bâtiments.
Plan schématique de la place Maurice-Mollard en 2015.

Les premières occupations romaines à Aix-les-Bains (Aquae) semblent remonter à la seconde moitié du Ier siècle de l'ère chrétienne, avec un aménagement sommaire de deux sources thermales chaudes[L 1]. Elle est rattachée administrativement à la cité de Vienne. La proximité du lac du Bourget lui procure un microclimat clément favorable à une implantation humaine durable[L 2].

Plusieurs documents épigraphiques mentionnent les vicani (habitants du vicus) d'Aquae. La réalité géographique et administrative que recouvre ce terme est difficile à appréhender. À la lumière des plus récents travaux, il apparaît douteux de voir dans Aquae une agglomération antique urbaine, pourvue d'un centre monumental comprenant les thermes, le temple de Diane et l'arc de Campanus. La topographie du site en dévers important (près de dix mètres entre la base du podium du temple et le niveau de circulation autour des bassins des thermes antiques partiellement intégrés aux bâtiments des thermes nationaux modernes[L 3]) s'y prête mal et l'interprétation de l'arc comme monument funéraire en centre ville est difficilement compatible avec ce statut[L 4].

Photographie en couleurs de vestiges de constructions romaines sous lumière artificielle.
Vestiges des thermes.

Plus vraisemblablement, et à l'image d'Aix-en-Provence, le site d'Aix-les-Bains se compose d'abord d'une agglomération rurale assez peu structurée géographiquement, habitée par des paysans-propriétaires (possessores) élisant un conseil de decemlicti chargé d'administrer la ville. L'épigraphie suggère que l'activité de ces paysans est essentiellement tournée vers l'agropastoralisme[L 5].

À côté de ce bourg agricole, dont l'implantation demeure encore inconnue[C 1], et sans lien clairement établi avec lui, s'est développé un ensemble composé de thermes fréquentés par l'aristocratie locale qui y vient en cure et dont certaines familles investissent dans la construction et le financement des travaux d'entretien et qui, en retour, perçoivent peut-être des revenus sur l'exploitation des thermes. Ce sont également ces familles qui font construire à proximité des thermes des monuments funéraires, le mausolée-temple de Diane et l'arc de Campanus[L 6].

Dans la géographie moderne d'Aix-les-Bains, l'arc de Campanus est situé devant les thermes Pellegrini, entre la place des Thermes et la place Maurice-Mollard, dans l'angle nord-est de laquelle il se dresse[1].

Chronologie, mentions historiques et études

Cet arc est probablement érigé sous la dynastie des Antonins, à la fin du Ier ou dans le courant du IIe siècle apr. J.-C., par Lucius Pompeius Campanus, sans doute un riche notable allobroge romanisé[C 2] de la cité de Vienne (dont dépendait alors Aquae). À la même époque le temple de Diane est construit et les thermes réaménagés[L 3]. La sobriété du décor de ces édifices les rapproche des monuments construits dans la même période sur le forum de Rome[2]. Toutefois, et en se basant sur l'interprétation des dédicaces de l'arc, l'historien Jean Prieur en envisageait la construction dans le dernier quart du Ier siècle av. J.-C.[3].

L'arc est oublié pendant tout le Moyen Âge. À l'issue d'un voyage fait à Aix vers 1535, Aymar du Rivail semble être le premier à livrer une description de ce qu'il pense être un arc de triomphe célébrant une victoire militaire romaine[4]. Dans le courant du même siècle, l'arc devient au l'entrée de la salle de justice de la ville, puis aux siècles suivants il est intégré dans le mur d'une écurie, s'enterre peu à peu, et il est sauvé de la destruction en 1822 lors de la démolition de ce bâtiment[C 3].

Photographie en couleurs de la partie supérieure d'un arc romain.
Un arc du pont Flavien de Saint-Chamas.

En 1867, l'hôtel dans la cour duquel il se trouve est abattu ; les abords du monument sont ainsi entièrement dégagés. Il est acheté par l'État un an plus tard[1] ; il est classé monument historique par arrêté du [5]. Son architecture et son épigraphie font l'objet de plusieurs études, dont celle réalisée par François de Mouxy de Loche à la fin du XIXe siècle est la première à être aussi complète[6].

En 1996, l'archéologue allemande Annette Küpper-Böhm conclut à l'absence de rôle funéraire pour l'arc ; elle en fait une porte monumentale comparable à d'autres monuments de la Gaule narbonnaise, comme les arches édifiées aux deux extrémités du pont Flavien à Saint-Chamas[7].

Au début des années 2000, Philippe Leveau ré-examine, à la lumière des résultats des fouilles du parking de l'hôtel de ville réalisées à la fin des années 1980[8], l'ensemble des données relatives aux monuments antiques d'Aix-les-Bains. Il est alors amené à formuler de nouvelles hypothèses sur la structure et la vocation de l'agglomération antique d'Aix-les-Bains, ainsi que sur la destination de ses monuments, dont l'arc de Campanus[L 7],[9].

Description

Architecture

L'arc mesure 9,15 m de haut et 7,10 m de large, mais seulement 0,75 m d'épaisseur[1]. L'unique ouverture est une arcade en plein cintre de 6 × 3,50 m, sous laquelle est aménagé un passage dallé creusé d'ornières laissées par les roues des véhicules qui le franchissaient[10]. L'arcade est encadrée par deux pilastres[L 8]. La base de l'arc se situe à l'altitude de 265 m[L 3].

Au-dessus des deux piliers prend place un entablement avec architrave et, côté occidental, une frise de huit niches alternativement à fond plat et en cul-de-four, disposées symétriquement par rapport à l'axe du monument. Elles sont très peu profondes (6 à 7 cm) et leur base est inclinée ce qui ne permet pas, contrairement aux hypothèses les plus anciennement formulées, d'y loger en équilibre des statuettes représentant les morts que l'on veut honorer ou les urnes funéraires contenant leurs cendres ; il est plus vraisemblable d'y voir l'équivalent des fenêtres éclairant la galerie supérieure dans les portes des grandes enceintes urbaines[L 9].

Un troisième niveau est constitué d'une corniche rappelant celle de la façade occidentale du temple de Diane et d'un attique, mais l'ensemble est assez détérioré[L 9]. Les plus anciennes représentations de l'arc montrent que les piliers ancadrant l'ouverture de l'arc s'élevaient jusqu'au niveau de l'attique.

L'arc est construit en blocs de calcaire en grand appareil, assemblés à joints vifs sans mortier[3]. La pierre utilisée pour sa construction semble provenir de carrières situées à Franclens (Haute-Savoie) et à Surjoux (Ain). Dite « pierre de Seyssel », elle est blanche, fine et réservée à des utilisations nobles[L 10].

Épigraphie

Sur la façade ouest sont gravés les noms de Lucius Pompeius Campanus, dédicant de l'arc, et de ses ascendants sur deux générations, mais tous ne sont pas généalogiquement identifiés. Six de ces inscriptions sont gravées sur l'attique, mais seules quatre sont totalement ou partiellement déchiffrables. L'architrave porte huit cartouches, au-dessous des huit niches, mais sans lien direct avec elles. Plus bas, la dédicace de l'arc est gravée en plus gros caractères de part et d'autre de l'ouverture du monument[12]. L'état de conservation des inscriptions gravées sur les deux registres supérieurs fait que leur interprétation est périodiquement revue et que les liens entre tous les personnages mentionnés ne peuvent être établis avec certitud[C 3].

Aucune source ne permet d'en apprendre davantage sur Lucius Pompeius Campanus (dates précises de vie et/ou de mort, rang social, fonction...) dont le cognomen a donné son nom au monument[10].

Reproduction et traduction d'inscriptions latines relevées sur des pierres.
Traduction des inscriptions relevées sur l'arc[C 3].
  • Sur l'attique : À Lucius Pompeius Campanus, fils de Caius, son grand-père paternel - À Catia Secundina, sa grand-mère paternelle - À Pompeia Maxima, sa sœur - À Pompeius Campanus, le frère - ? - ?
  • Sur l'architrave : À Decimus Valerius Gratus - À Caius Sentius Agricola [son oncle ?] - À Pompeia Secundina, fille de Lucius, sa tante paternelle - À Caius Pompeius Justus, son frère et à leurs parents - À Voluntilia Censa, fille de Caius, grand-mère maternelle - À Caius Sentius lustus, grand-père maternel - À Titus Cannutius Atticus Perpessus - À Lucius Pompeius Campanus, fils de Campanus et de Sentia.
  • Sous l'architrave : Lucius Pompeius Campanus a fait [ce monument] de son vivant.

La plus ancienne génération mentionnée sur l'attique est celle des grands-parents paternels du dédicant, d'un frère et d'une sœur du grand-père et dont la dédicace est incomplète. Deux cartouches ne sont plus lisibles[13] ; ils pourraient être consacrés aux parents du dédicant[C 3].

Sur l'architrave, Decius Valerius Gratus et Caius Agricola pourraient avoir été les époux successifs de Lucia F. secundina et Titus Cannutius le second mari de Caia F. Sentia Voluntilla[L 11]. Les parents du dédicant ne semblent cités qu'indirectement par leur gentilice dans l'inscription consacrée à Lucius Pompeius Campanus lui-même[L 12].

Le surnom « Atticus » attribué à Titus Cannutius évoque d'éventuels ancêtres hellénophones de la famille Pompeii, peut-être des affranchis[L 12].

Fonction

Bien que cet arc comporte des inscriptions en l'honneur de la famille Pompeii — la glorification monumentale des élites et de leur famille est une nouveauté à cette époque[10] —, la fonction du monument, comme celle du temple de Diane, reste incertaine ; les différentes propositions qui en sont faites sont directement liées au statut qu'archéologues et historiens envisagent pour l’établissement antique d'Aix-les-Bains dans son ensemble[14].

Au sein d'une agglomération secondaire « urbaine »

Photographie en couleurs d'une porte de ville antique.
La porte Saint-André (Autun) et sa galerie supérieure.

Envisagé comme arc funéraire au début des années 1980, le monument est pourtant éloigné de la nécropole romaine située à 300 m plus au nord[15] ; d'autre part, un interdit religieux romain ne permet pas les sépultures dans l'enceinte des villes : les nécropoles sont reléguées à l'extérieur du pomerium[16]. Si Aix-les-Bains est considérée comme une agglomération secondaire dont l'arc et le temple constituent tout ou partie du centre monumental, l'hypothèse d'un monument funéraire perd beaucoup de sa vraisemblance puisqu'il ne peut se situer dans le périmètre de la ville[3].

En revanche, l'arc est disposé de manière à offrir une perspective en direction des thermes, et une voie dallée passait sous son arche[10] : l'hypothèse d'une porte urbaine matérialisant le passage du secteur des thermes (hors la ville) à celui du temple (dans la ville) est plus probable[17],[L 9] ; cette proposition tient en outre compte de la présence des niches au niveau de l'architrave, figurant les baies de la galerie supérieure d'une porte[3]. De plus, les thermes à l'issue de leur réaménagement, le temple et l'arc sont contemporains ce qui confère une unité à l'ensemble[L 3]. Enfin, les inscriptions, compte tenu de l'orientation de l'arc, sont destinées à être vues lorsque quelqu'un se dirige vers les thermes en venant du temple[10].

Dans le cadre d'un bourg « rural »

Photographie en couleurs d'un monument antique parallélépipédique.
Le mausolée de Fabara.

Plus récemment, la relecture de l'épigraphie du site, le réexamen de ses vestiges et les avancées consécutives aux fouilles du parking de l'hôtel de ville permettent d'échafauder une nouvelle théorie. Aix-les-Bains serait avant tout un bourg rural sans trame de circulation bien structurée, lié à des activités agropastorales et près duquel se serait développé un sanctuaire de cures. L'emplacement de ce bourg, qui ne se situerait sans doute pas sous le centre-ville actuel, n'est pas connu, sans doute en raison de l'insuffisance des fouilles[L 4] et reste à trouver[L 13] ; la nécropole de l'époque impériale découverte quelques centaines de mètres plus au nord pourrait toutefois en marquer l'une des limites[L 13].

Dans ce cas, l'interdit relatif aux sépultures au cœur des villes ne joue plus et l'arc reprend sa fonction de monument funéraire en-dehors des limites du bourg, à l'image des arcs qui marquent les extrémités du pont Flavien à Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône)[L 14].

Dans le même temps, le temple de Diane est interprété comme un mausolée-temple (à l'image du mausolée de Lanuéjols en Lozère[18] ou de celui de Fabara en Espagne[19]) qui abrite les sépultures de notables. Les deux monuments aixois sont élevés en l'honneur de deux familles marquantes de l'aristocratie locale, les Campanii (arc) et les Titii (temple), fréquentant de manière régulière les thermes ou étant impliqués dans leur exploitation[L 15].

Notes et références

  • Carte archéologique de la Gaule no 73 (La Savoie), Maison des Sciences de l'Homme, 1996 :
  1. Leveau et al. 2005, p. 90.
  2. Leveau et al. 2005, p. 85.
  3. a b c et d Leveau et al. 2005, p. 91.
  4. a et b Leveau et al. 2005, p. 94-96.
  5. Leveau et al. 2005, p. 99-100.
  6. Leveau et al. 2005, p. 100-101.
  7. Leveau et al. 2005.
  8. Leveau et al. 2005, p. 87.
  9. a b et c Leveau et al. 2005, p. 88.
  10. Leveau et al. 2005, p. 89.
  11. Leveau et al. 2005, p. 97.
  12. a et b Leveau et al. 2005, p. 96.
  13. a et b Leveau et al. 2005, p. 86.
  14. Leveau et al. 2005, p. 101.
  15. Leveau et al. 2005, p. 93.
  • Autres références :
  1. a b et c Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 1.
  2. Leveau, Odenhardt-Donvez et Fauduet 2007, p. 282.
  3. a b c et d Leveau, Odenhardt-Donvez et Fauduet 2007, p. 281.
  4. Mouxy de Loche 1899, p. 255.
  5. « Arc de Campanus », notice no PA00118163, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  6. Mouxy de Loche 1899.
  7. (de) Annette Küpper-Böhm, Die römischen Bogenmonumente der Gallia Narbonensis in ihrem urbanen Kontext, VML Vlg Marie Leidorf, , 238 p. (ISBN 978-3-8964-6131-5).
  8. Alain Canal, Rapport sur la fouille de sauvetage du parking souterrain de la place Maurice-Mollard, Lyon, DRAC Rhône Alpes, 1988-1989.
  9. Leveau, Odenhardt-Donvez et Fauduet 2007.
  10. a b c d et e Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 2.
  11. Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 5.
  12. Jazé-Charvolin et Lagrange 2005, p. 1-2.
  13. Mouxy de Loche 1899, p. 254.
  14. Segard 2009, p. 54-56.
  15. Segard 2009, p. 54.
  16. « Traitement des morts pendant l'Antiquité gallo-romaine », sur le site de l'INRAP (consulté le ).
  17. Segard 2009, p. 55.
  18. Jean-Charles Moretti et Dominique Tardy, « Inventaire des monuments funéraires de la France gallo-romaine », dans Christian Landes (dir.), La mort des notables en Gaule romaine, Musée archéologique Henri-Prades, , 256 p. (ISBN 978-2-9516-6790-7), p. 71.
  19. Maria-Luisa Cancela et Manuel Martin-Bueno (trad. Pierre Sillières), « Hispanie romaine : architecture funéraire monumentale dans le monde rural », dans Alain Ferdière (dir.), Monde des morts, monde des vivants en Gaule rurale, Actes du Colloque ARCHEA/AGER (Orléans, 7-9 février 1992), Tours, Fédération pour l'édition de la Revue archéologique du Centre de la France, coll. « Supplément » (no 6), (ISBN 2-9507320-1-1, lire en ligne), p. 403-404.

Voir aussi

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Bibliographie

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Articles connexes

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